CA ROUEN (ch. proxim.), 27 janvier 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9413
CA ROUEN (ch. proxim.), 27 janvier 2022 : RG n° 21/00775
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « M. X. invoque le caractère abusif de la clause relative aux intérêts conventionnels de chacun des 5 contrats de crédit conclus avec la CRCAM, qu'il prétend calculés sur la base de 360 jours, en se fondant sur une analyse mathématique qu'il a fait réaliser, et dont il résulterait que les tableaux d'amortissement n'ont pas été calculés sur la base d'une année civile.
Outre qu'une clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours n'est pas par principe abusive, mais ne le sera que si elle n'est ni claire, ni compréhensive et que ses effets sur le coût du crédit entraîne, au détriment de l'emprunteur un réel déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, en tout état de cause en l'espèce M. X. n'invoque pas l'existence d'une telle clause insérée aux contrats, mais se fonde uniquement sur les conclusions du rapport d'expertise qu'il a fait réaliser.
En l'absence d'une quelconque clause telle qu'invoquée par M. X. dans les contrats de prêt litigieux, il y a lieu rejeter la demande de M. X. tendant à prononcer la nullité de la clause d'intérêts conventionnels de ce chef. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. X. de sa demande tendant à la condamnation de la société CRCAM à lui restituer les intérêts perçus excédant l'intérêt légal au motif que les offres de prêts contiendraient une clause abusive. »
2/ « Pour déclarer recevable M. X. en ses contestations, le premier juge a considéré qu'en l'absence de stipulations dans les offres de prêts indiquant expressément que les intérêts « sont calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours », le grief allégué n'était pas décelable à la lecture des offres de prêts et qu'en outre, en l'absence de compétences particulières en matière de comptabilité ou de pratiques bancaires, l'erreur affectant le calcul des intérêts de la première mensualité n'était pas aisément décelable par l'emprunteur dès la réception du tableau d'amortissement par la simple lecture de ce document.
Conformément à l'article 2224 du code civil : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l'exercer ». S'agissant de l'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels, l'article L. 110-4 du code de commerce dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. Le point de départ de cette prescription se situe également au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le TEG.
En l'espèce M. X. invoque une erreur du taux d'intérêt dans chacun des cinq prêts contractés en 2009 et 2011 en se fondant sur un rapport d'expertise mathématique réalisé à sa demande le 9 octobre 2017 sur la base des offres de prêt des 31 janvier 2009, 4 février 2009, 10 mars 2009, 3 juin 2011 et 7 juin 2011 et les tableaux d'amortissement de chacun de ces cinq prêts. L'expert fonde donc ses conclusions uniquement sur des documents qui étaient en possession de M. X. dès la conclusion de chacun de ces contrats, de sorte que M. X. disposait dès leur conclusion, de tous les éléments lui permettant de faire réaliser une analyse du calcul des intérêts.
Reporter le point de départ du délai de prescription au résultat de l'analyse mathématique à laquelle M. X. a décidé d'avoir recours, plus de cinq ans après les offres de prêt, reviendrait à faire dépendre le point de départ de la prescription de sa seule volonté, alors qu'il disposait dès la remise des offres de prêt, des moyens pour déceler ou faire déceler l'erreur dont il se prévaut.
Il s'ensuit que le délai de prescription de l'action de la prétendue erreur de calcul du TEG a commencé à courir à compter de la conclusion des contrats de prêt soit le 31 janvier 2009 pour le plus ancien et le 7 juin 2011 pour le plus récent, de sorte que l'action en nullité ou déchéance du droit aux intérêts est prescrite pour la plus ancienne depuis le 31 janvier 2014 et pour la plus récente depuis le 7 juin 2016.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la nullité de la stipulation d'intérêts soulevée par la société CRCAM et M. X. sera en conséquence déclaré irrecevable en ses demandes tendant à prononcer la nullité de la clause d'intérêts figurant dans les prêts et de la déchéance du droit aux intérêts de la banque. »
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ
ARRÊT DU 27 JANVIER 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/00775. N° Portalis DBV2-V-B7F-IWEQ. DÉCISION DÉFÉRÉE : Jugement du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE ROUEN du 18 janvier 2021 : R.G. n° 17/01689.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], [adresse], [...], représenté et assisté par Maître Olivier B. de la SCP SILIE VERILHAC ET ASSOCIES SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN
INTIMÉE :
Société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE SEINE
société coopérative à capital et personnel variables agissant poursuites et diligences de son Directeur Général, domicilié en cette qualité audit siège [...], [...], [...], représentée et assistée par Maître Valérie G. de la SELARL G. S., avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 25 novembre 2021 sans opposition des avocats devant Madame GERMAIN, Conseillère, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame GOUARIN, Présidente, Madame TILLIEZ, Conseillère, Madame GERMAIN, Conseillère.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame DUPONT
DÉBATS : A l'audience publique du 25 novembre 2021, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 Janvier 2022
ARRÊT : Contradictoire ; Prononcé publiquement le 27 janvier 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame GOUARIN, Présidente et par Madame DUPONT, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuelle de Normandie Seine (CRCAM) a consenti à M. X. :
- selon offre de prêt du 31 janvier 2009, régulièrement acceptée le 2 mars 2009, un prêt immobilier n° 700XX390 d'un montant de 74.086 euros, remboursable en 300 mensualités, au taux d'intérêt fixe de 5 %, au taux de période de 0,4667 % et au taux effectif global (TEG) annuel de 5,5765 % ;
- selon offre de prêt du 4 février 2009, régulièrement acceptée le 2 mars 2009, un prêt immobilier n°700YYY731 d'un montant de 74.282 euros, remboursable en 300 mensualités, au taux d'intérêt fixe de 5 %, au taux de période de 0,4665 % et au taux effectif global (TEG) annuel de 5,5975 % ;
- selon offre de prêt du 10 mars 2009, régulièrement acceptée le 9 avril 2009, un prêt immobilier n°7000ZZZ204 d'un montant de 52.078 euros, remboursable en 300 mensualités, au taux d'intérêt fixe de 5 %, au taux de période de 0,4649 % et au taux effectif global (TEG) annuel de 5,5792 % ;
- selon offre de prêt du 3 juin 2011, régulièrement acceptée le 18 juin 2011, un prêt immobilier n°700WWW133 d'un montant de 61.305 euros, remboursable en 132 mensualités, au taux d'intérêt fixe de 4,25 %, au taux de période de 0,4341 % et au taux effectif global (TEG) annuel de 5,5,2091 % ;
- selon offre de prêt en date du 7 juin 2011, régulièrement acceptée le 23 juin 2011, un prêt immobilier n°700VVV483 d'un montant de 70.042 euros, remboursable en 156 mensualités, au taux d'intérêt fixe de 4,25 %, au taux de période de 0,4271 % et au taux effectif global (TEG) annuel de 5,1248 %.
M. X. a fait procéder par un expert en mathématiques financières à l'examen de ses contrats et en particulier à l'analyse mathématique du TEG.
Par acte d'huissier du 25 avril 2017, M. X. a fait assigner la CRCAM devant le tribunal de grande instance de Rouen aux fins de voir prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts de chacun des emprunts ainsi que la déchéance du droit aux intérêts de la Banque, sur le fondement des articles 1134 et 1907 alinéa 2 du code civil et des articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation.
Par jugement contradictoire du 18 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Rouen a :
- débouté M. X. de sa demande tendant à la condamnation de la CRCAM à lui restituer les intérêts perçus excédant l'intérêt légal au motif que les offres de prêts contiendraient une clause abusive ;
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts soulevée par la CRCAM ;
- déclaré irrecevable l'action en nullité de la stipulation d'intérêts des prêts souscrits par M. X. auprès de la CRCAM ;
- débouté M. X. de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné M. X. à payer à la CRCAM la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté le surplus des demandes ;
- condamné M. X. aux entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître C. en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue le 22 février 2021, M. X. a relevé appel de cette décision.
[*]
Par dernières conclusions reçues le 10 novembre 2021, M. X. demande à la cour de :
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 18 janvier 2021 en ce qu'il :
- l'a débouté de sa demande tendant à la condamnation de la CRCAM à lui restituer les intérêts perçus excédant l'intérêt légal au motif que les offres de prêts contiendraient une clause abusive,
- a déclaré irrecevable l'action en nullité de la stipulation d'intérêts des prêts souscrits auprès de la CRCAM,
- l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,
- l'a condamné à payer à la CRCAM la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Statuant de nouveau et réformant la décision entreprise en toutes ses dispositions :
- dire et juger M. X. recevable en ses demandes de nullité des intérêts conventionnels et en déchéance du droit aux intérêts ;
- débouter la CRCAM de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- juger que les intérêts conventionnels ont été calculés sur la base de l'année dite lombarde au titre des prêts suivants :
- contrat de crédit avec mise à disposition de fonds du 30 août 2009 pour un montant de 74.086 euros au taux nominal de 5 % sur une durée de 300 mois,
- contrat de crédit avec mise à disposition de fonds du 2 septembre 2009 pour un montant de 74.282 euros au taux nominal de 5 % sur une durée de 300 mois,
- contrat de crédit avec mise à disposition de fonds du 6 octobre 2009 pour un montant de 52.078 euros au taux nominal de 5 % sur une durée de 300 mois,
- contrat de crédit avec mise à disposition de fonds du 16 décembre 2011 pour un montant de 61.305 euros au taux nominal de 4,25 % sur une durée de 132 mois,
- contrat de crédit avec mise à disposition de fonds du 3 janvier 2012 pour un montant de 74.042 euros au taux nominal de 4,25 % sur une durée de 156 mois.
En conséquence :
- dire recevable et fondée l'action en nullité de la clause d'intérêt conventionnel en raison du recours au calcul sur la base de l'année dite lombarde ;
- juger qu'il s'agit d'une clause abusive ;
- prononcer la nullité de la clause d'intérêt conventionnel contenue dans les offres de prêts ;
- dire et juger que l'écart lombard est rapporté et que l'ensemble des prêts sont impactés de plus d'une décimale ;
- déclarer recevable et fondée la demande de nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel ayant trait à l'irrégularité affectant la stipulation d'intérêts conventionnels par la réalisation d'un calcul sur la base de l'année bancaire de 360 jours au vu de l'écart rapporté d'au moins une décimale entre le taux réel et le taux mentionné dans le contrat ;
- prononcer la nullité de la clause d'intérêt figurant dans les contrats de prêt, ainsi que la déchéance du droit aux intérêts de la banque à compter de la date de prélèvement de la première échéance sur chacune des offres de prêts ;
- substituer à ce taux le taux d'intérêt légal en vigueur au jour de chacune des offres de prêt ;
- condamner la CRCAM au paiement de la différence entre les intérêts payés et ceux résultant de l'application du taux légal en vigueur au jour des offres de prêt entre le 30 août 2009 et la décision à intervenir ;
- dire que ce remboursement sera directement affecté sur le capital de chacune des offres de prêt à supposer que les contrats soient toujours en cours ;
- condamner la CRCAM sous astreinte définitive de 1.000 euros par jour à compter du jugement à intervenir à éditer un nouvel échéancier, au titre des cinq offres de prêts, mentionnant ce taux et en faisant application pour toute la durée des prêts restant à courir ou soldés afin de déterminer et fixer la créance de remboursement ;
- condamner la CRCAM sous astreinte définitive de 1.000 euros par jour à compter du jugement à intervenir à éditer un nouvel échéancier, au titre des cinq offres de prêts, intégrant le remboursement des intérêts déjà réglés sur le capital restant dû afin de déterminer et fixer la créance de remboursement ;
- condamner la CRCAM au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la CRCAM en tous les dépens, et ce compris les frais du rapport Coudert pour un montant de 8.800 euros, dont distraction au profit de la SCP Silie Verilhac, avocats constitués aux offres de droit.
[*]
Par dernières conclusions reçues le 5 novembre 2021, la société CRCAM demande à la cour de :
- recevoir M. X. en son appel mais le dire mal fondé.
- déclarer M. X. irrecevable en ses demandes de nullité des intérêts conventionnels et en déchéance du droit aux intérêts.
En tout état de cause :
- débouter M. X. en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rouen en date du 18 janvier 2021 ;
- condamner M. X. à verser à la CRCAM la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. X. aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par la SELARL G. & S. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l'exposé des moyens de celles-ci.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 novembre 2021.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur le caractère abusif de la clause d'intérêts :
Comme l'a rappelé le premier juge, aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa version applicable en l'espèce, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Les clauses abusives sont réputées non écrites.
M. X. invoque le caractère abusif de la clause relative aux intérêts conventionnels de chacun des 5 contrats de crédit conclus avec la CRCAM, qu'il prétend calculés sur la base de 360 jours, en se fondant sur une analyse mathématique qu'il a fait réaliser, et dont il résulterait que les tableaux d'amortissement n'ont pas été calculés sur la base d'une année civile.
Outre qu'une clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours n'est pas par principe abusive, mais ne le sera que si elle n'est ni claire, ni compréhensive et que ses effets sur le coût du crédit entraîne, au détriment de l'emprunteur un réel déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, en tout état de cause en l'espèce M. X. n'invoque pas l'existence d'une telle clause insérée aux contrats, mais se fonde uniquement sur les conclusions du rapport d'expertise qu'il a fait réaliser.
En l'absence d'une quelconque clause telle qu'invoquée par M. X. dans les contrats de prêt litigieux, il y a lieu rejeter la demande de M. X. tendant à prononcer la nullité de la clause d'intérêts conventionnels de ce chef. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. X. de sa demande tendant à la condamnation de la société CRCAM à lui restituer les intérêts perçus excédant l'intérêt légal au motif que les offres de prêts contiendraient une clause abusive.
Sur la recevabilité des actions en nullité des intérêts conventionnels et en déchéance du droit aux intérêts :
La société CRCAM, après avoir rappelé que la sanction encourue en cas de mention dans l'offre de crédit immobilier d'un taux d'intérêt conventionnel reflétant des intérêts calculés sur la base d'une année autre qu'une année civile, est exclusivement la déchéance du droit aux intérêts, invoque en tout état de cause l'irrecevabilité des demandes de M. X. introduites plus de cinq ans après la conclusion des contrats, alors qu'il était en mesure, dès l'acceptation des offres, de vérifier par lui-même ou de faire vérifier par un tiers, les intérêts tels que stipulés, pour s'assurer de l'exactitude du calcul et connaître dès la conclusion des contrats, l'erreur aujourd'hui invoquée.
M. X., prétend que le délai d'action en justice ne commence à courir qu'au jour de la découverte de l'erreur du taux, c'est-à-dire au jour de l'analyse du taux effectif par l'expert, de sorte que son action n'est pas prescrite puisqu'il n'a pu se rendre compte de l'erreur du taux qu'à réception de l'analyse mathématique réalisée le 9 octobre 2017.
Pour déclarer recevable M. X. en ses contestations, le premier juge a considéré qu'en l'absence de stipulations dans les offres de prêts indiquant expressément que les intérêts « sont calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours », le grief allégué n'était pas décelable à la lecture des offres de prêts et qu'en outre, en l'absence de compétences particulières en matière de comptabilité ou de pratiques bancaires, l'erreur affectant le calcul des intérêts de la première mensualité n'était pas aisément décelable par l'emprunteur dès la réception du tableau d'amortissement par la simple lecture de ce document.
Conformément à l'article 2224 du code civil : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l'exercer ».
S'agissant de l'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels, l'article L. 110-4 du code de commerce dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. Le point de départ de cette prescription se situe également au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le TEG.
En l'espèce M. X. invoque une erreur du taux d'intérêt dans chacun des cinq prêts contractés en 2009 et 2011 en se fondant sur un rapport d'expertise mathématique réalisé à sa demande le 9 octobre 2017 sur la base des offres de prêt des 31 janvier 2009, 4 février 2009, 10 mars 2009, 3 juin 2011 et 7 juin 2011 et les tableaux d'amortissement de chacun de ces cinq prêts.
L'expert fonde donc ses conclusions uniquement sur des documents qui étaient en possession de M. X. dès la conclusion de chacun de ces contrats, de sorte que M. X. disposait dès leur conclusion, de tous les éléments lui permettant de faire réaliser une analyse du calcul des intérêts.
Reporter le point de départ du délai de prescription au résultat de l'analyse mathématique à laquelle M. X. a décidé d'avoir recours, plus de cinq ans après les offres de prêt, reviendrait à faire dépendre le point de départ de la prescription de sa seule volonté, alors qu'il disposait dès la remise des offres de prêt, des moyens pour déceler ou faire déceler l'erreur dont il se prévaut.
Il s'ensuit que le délai de prescription de l'action de la prétendue erreur de calcul du TEG a commencé à courir à compter de la conclusion des contrats de prêt soit le 31 janvier 2009 pour le plus ancien et le 7 juin 2011 pour le plus récent, de sorte que l'action en nullité ou déchéance du droit aux intérêts est préscrite pour la plus ancienne depuis le 31 janvier 2014 et pour la plus récente depuis le 7 juin 2016.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la nullité de la stipulation d'intérêts soulevée par la société CRCAM et M. X. sera en conséquence déclaré irrecevable en ses demandes tendant à prononcer la nullité de la clause d'intérêts figurant dans les prêts et de la déchéance du droit aux intérêts de la banque.
Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront confirmées.
La charge des dépens d'appel sera supportée par M. X. conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais irrépétibles exposés à l'occasion de l'instance d'appel.
Aussi M. X. sera-t-il condamné à lui verser la somme de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et débouté de sa demande à ce titre.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu le 18 janvier 2021 par le tribunal judiciaire Rouen en ce qu'il a débouté M. X. de sa demande tendant à la condamnation de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuelle de Normandie Seine à lui restituer les intérêts perçus excédant l'intérêt légal au motif que les offres de prêt contiendraient une clause abusive, condamné M. X. aux dépens et condamné M. X. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuelle de Normandie Seine la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmés et y ajoutant,
Déclare M. X. irrecevable en ses demandes de nullité des intérêts conventionnels et en déchéance du droit aux intérêts,
Condamne M. X. aux dépens d'appel et autorise la Selarl G. et S. à les recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne M. X. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuelle de Normandie Seine la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. X. de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente
C. Dupont E. Gouarin