CA MONTPELLIER (ch. com.), 29 mars 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9517
CA MONTPELLIER (ch. com.), 29 mars 2022 : RG n° 19/06122
Publication : Jurica
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 29 MARS 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/06122. N° Portalis DBVK-V-B7D-OKIY. Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 AVRIL 2019, TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER : R.G. n° 2017/017266.
APPELANTE :
Madame X. épouse Y.
[...], [...], Représentée par Maître Victor E., avocat au barreau de NARBONNE substitué par Maître Florent C., avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉS :
Maître Philippe P. ès qualités de liquidateur de la SARL IMPRESSIONS MULTIFONCTION & EQUIPEMENT
de nationalité Française [...], [...], Assigné le 8/11/2019 à domicile
SAS CM CIC LEASING SOLUTIONS anciennement GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE
prise en la personne de son représentant légal en exercice [...], [...], [...], Représentée par Maître Yann G. de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER G., G., L., avocat au barreau de MONTPELLIER
SARL IMPRESSIONS MULTIFONCTIONS & EQUIPEMENTS
[...], [...], Assigné le 8/11/2019 par procès-verbal de recherches infructueuses
Ordonnance de clôture du 13 janvier 2022
COMPOSITION DE LA COUR : En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 février 2022, en audience publique, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de : M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller, Mme Marianne ROCHETTE, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Hélène ALBESA
ARRÊT : - rendu par défaut - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS et PROCÉDURE - MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Mme X. épouse Y. exploitait à [ville L.] un fonds de commerce d'auto-école.
Elle a signé le 16 juin 2013 avec la SARL Chrome bureautique, devenue la SARL Impressions multifonctions & équipements (la société IME) un bon de commande portant sur une imprimante de marque Olivetti MF 2603 accompagné d'un contrat de maintenance et d'un contrat dit de partenariat prévoyant une participation commerciale de 3.300 euros payable après la livraison selon un échéancier et un « changement du matériel tous les 21 mois et solde du contrat en cours par nos soins au renouvellement de celui-ci (nouvelle participation identique) » ; elle a également, le 10 juillet 2013, signé avec la SAS GE Capital Equipement finance, devenue la SAS CM-CIC Leasing solutions un contrat de location sur une durée de 65 mois relatif au matériel fourni moyennant le paiement d'un loyer intercalaire de 38,34 euros TTC suivi de 21 loyers trimestriels de 711,90 euros.
Le matériel a été livré par la société Chrome bureautique le 10 juillet 2013.
La société IME a fait l'objet, le 4 septembre 2017, d'une procédure de redressement judiciaire convertie ultérieurement en liquidation judiciaire, M. P. étant désigné en qualité de liquidateur.
Par lettre recommandée du 19 janvier 2018, non distribuée, la société CM-CIC Leasing solutions a mis Mme Y. en demeure de lui régler la somme de 1.504,80 euros correspondant aux loyers impayés des 15 septembre et 15 décembre 2017 augmentés de l'indemnité due à titre de clause pénale ; par une nouvelle lettre recommandée du 14 février 2018, elle a notifié à Mme Y. la résiliation de plein droit du contrat de location conformément aux conditions générales dudit contrat, la mettant en demeure de lui régler la somme totale de 3.385,80 euros.
Entre-temps, Mme Y. a, par exploit du 6 novembre 2017, fait assigner devant le tribunal de commerce de Montpellier la société IME, MM. F. et P., respectivement administrateur et mandataire judiciaire à la procédure collective de la société, et la société CM-CIC Leasing en vue d'obtenir principalement l'annulation pour dol des contrats signés et le remboursement de la somme de 6.881 euros au titre des loyers versés, au motif du défaut de versement de la participation financière promise au terme des 21 mois, comme stipulé dans le contrat signé avec la société IME.
Le tribunal, par jugement du 17 avril 2019, a notamment :
- dit qu'aucune manœuvre dolosive n'a été mise en œuvre préalablement ou au moment de la conclusion des contrats litigieux tant par la société IME que par la société GE Capital,
- dit que les sociétés IME et GE capital ont respecté leurs engagements,
- débouté Mme Y. de l'ensemble de ses demandes,
- condamné Mme Y. à payer à GE Capital les sommes suivantes :
* 1.368 euros de loyers impayés,
* 1.710 euros de loyers à échoir,
- rejeté les demandes au titre des clauses pénales,
- ordonné la restitution du matériel auprès de GE Capital sous un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision et ce, sous astreinte de 20 euros par jour de retard,
- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire,
- condamné Mme Y. à payer la somme de 500 euros à la société IME et la somme de 500 euros à la société GE Capital au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
Mme Y. a régulièrement relevé appel de ce jugement par déclaration reçue le 6 septembre 2019 au greffe de la cour.
Dans ses dernières conclusions déposées le 10 janvier 2022 via le RPVA, elle demande à la cour, au visa des articles 1109 et suivants anciens du code civil et des articles L. 121-6, L. 111-1 et L. 212-1 du code de la consommation, de : (…)
- prononcer la nullité du contrat signé entre elle et la société IME,
- prononcer la nullité du contrat signé le même jour entre elle et la société CM-CIC Leasing solutions compte tenu du caractère lié des contrats,
- condamner la société CM-CIC Leasing solutions à lui payer, à titre de remboursement des mensualités prélevées, la somme totale de 6881 euros,
- condamner la société CM-CIC Leasing solutions à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux sentiers dépens.
Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :
- la clause du contrat signé avec Chrome bureautique relative à la participation commerciale est rédigée de manière ambiguë, dès lors que la portée de la clause dépend de l'interprétation du terme « celui-ci » désignant, selon elle, le matériel et non le contrat, que les termes « solde du contrat en cours » excluent que le renouvellement n'intervienne qu'au bout de 21 trimestres et que la clause se contente de faire référence au « contrat » sans préciser duquel il s'agit,
- elle n'aurait jamais contracté sans un renouvellement de la participation commerciale tous les 21 mois compte tenu du coût exorbitant de la location et de nombreuses attestations établissent le caractère mensonger du discours tenu par le commercial pour l'inciter à contracter,
- la rédaction volontairement ambiguë de cette clause, qui a été déterminante de son consentement, caractérise donc l'existence de man'uvres dolosives au sens de l'article 1116 du code civil,
- le contrat signé avec la société CM-CIC Leasing solutions doit être déclaré caduc compte tenu de la jurisprudence constante de la Cour de cassation.
[*]
Formant appel incident, la société CM-CIC Leasing solutions, dont les dernières conclusions ont été déposées le 4 janvier 2022 par le RPVA sollicite la condamnation de Mme Y. à lui payer la somme totale de 3.385 euros englobant les pénalités contractuelles sur les loyers impayés et les loyers à échoir, avec intérêts de droit à compter de la présentation de la mise en demeure, soit le 19 janvier 2018, outre celle de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
M. P., pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société IME (anciennement Chrome bureautique), n'a pas comparu, bien qu'ayant été assigné le 8 novembre 2019 à domicile.
[*]
La société IME n'a pas non plus comparu, la délivrance de l'assignation ayant fait l'objet d'un procès-verbal de recherches établi le 8 novembre 2019 en conformité des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile.
[*]
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 13 janvier 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS de la DÉCISION :
1 - La nullité pour dol du contrat conclu par Mme Y. avec la société Chrome bureautique, devenue la société IME, et la caducité subséquente du contrat de location financière conclu avec la société CM-CIC Leasing solutions :
Aux termes de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiqués par l'une des parties sont-elles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé ».
En l'occurrence, Mme Y. soutient que le contrat signé avec la société Chrome bureautique comporte une clause dite de participation commerciale, dont la rédaction « changement du matériel tous les 21 mois et solde du contrat en cours par nos soins au renouvellement de celui-ci (nouvelle participation identique) » participe d'une manœuvre dolosive compte tenu de son ambiguïté, son interprétation par le client étant confortée par le discours trompeur tenu par le commercial de la société Chrome bureautique.
Mme Y. ne communique pas cependant le contrat, qu'elle a conclu avec la société Chrome bureautique mais une simple proposition commerciale constituant sa pièce n° 1 ; elle communique le contrat dit de « partenariat client référent » conclu par une société SEPM avec une autre cliente, Mme Z., orthophoniste, comportant la clause litigieuse, dont il faudrait alors supposer qu'elle est identique à celle figurant dans son propre contrat, non produit aux débats.
L'engagement unilatéral, qu'aurait pris la société Chrome bureautique, de prendre en charge le solde du contrat précédent, ne peut, en toute hypothèse, désigner que le contrat de financement dont le matériel est l'objet, puisque cet engagement se trouve rattaché, dans un même corps de phrase, au rachat du contrat et au renouvellement de celui-ci ; en outre, la prise en charge d'un solde ne peut exister que pendant l'exécution du contrat de financement et non à son terme, ce dont il résulte que l'engagement de la société Chrome bureautique concernant le changement du matériel, la prise en charge du solde du contrat de financement et la nouvelle participation commerciale ne pouvait s'opérer qu'à l'issue de chaque période de 21 mois afin d'inciter le client à prolonger la relation contractuelle et dans le cadre d'un nouveau contrat de location financière.
D'ailleurs, le contrat de partenariat, qui prévoit l'octroi par la société SEPM à Mme Z., orthophoniste, d'une nouvelle participation de 3.300 euros, est expressément conclu sous réserve de l'acceptation du dossier de financement par notre partenaire financier, ce qui établit bien que la nouvelle participation financière au bout de 21 mois, en cours d'exécution du contrat de location initial, se trouvait nécessairement subordonnée, outre au chargement du matériel et au règlement du solde du contrat en cours, à la conclusion d'un nouveau contrat de location financière.
Mme Y., qui ne justifie même pas d'une demande particulière faite à son cocontractant au terme des 21 mois, n'aurait donc pas pu prétendre à un changement de matériel s'accompagnant d'une nouvelle participation financière sans qu'un nouveau contrat de location financière ait été signé ; si elle invoque le discours trompeur du commercial de la société Chrome bureautique à l'égard de clients démarchés, elle n'établit pas avoir été personnellement victime de propos mensongers qui lui auraient été tenus par ce commercial lors la conclusion du contrat, le 16 juin 2013, et qui l'auraient déterminée à contracter.
Le premier juge a donc considéré à bon escient que la preuve de manœuvres dolosives n'était pas rapportée de nature à justifier l'annulation du contrat conclu avec la société Chrome bureautique, devenue la société IME, et la caducité du contrat de location financière conclu avec la société CM-CIC Leasing solutions.
2 - Les demandes de la société CM-CIC Leasing solutions liées à la résiliation du contrat de location financière :
Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a constaté la résiliation du contrat de location financière, conformément aux dispositions de l'article 10 des conditions générales de location, à défaut de paiement par Mme Y. de la somme de 1.368 euros correspondant aux loyers impayés des 15 septembre 2017 et 15 décembre 2017, à l'expiration du délai de huit jours suivant la mise en demeure par lettre recommandée du 19 janvier 2018, rappelant la sanction, à défaut de paiement, de la résiliation de plein droit du contrat de location.
L'article 10 des conditions générales de location dispose qu'outre la restitution du matériel et le paiement des loyers impayés, le bailleur pourra exiger le paiement, en réparation du préjudice subi, d'une indemnité de résiliation hors-taxes égale au montant total des loyers hors-taxes postérieurs à la résiliation et, pour assurer la bonne exécution du contrat, d'une pénalité égale à 10 % de l'indemnité de résiliation ; Mme Y. doit en conséquence être condamnée au paiement de la somme de 3.248,20 euros égale au montant des loyers des 15 septembre 2017 et 15 décembre 2017, augmentés de la somme de 1.710 euros au titre des loyers à échoir à titre d'indemnité de résiliation et de celle de 171 euros au titre de la pénalité égale à 10 % de l'indemnité de résiliation, ladite somme de 3.248,20 euros devant être assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 février 2018, date de la mise en demeure ; le jugement entrepris doit ainsi être réformé quant au montant de la somme due.
3 - Les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Mme Y. et qui succombe, devra supporter les dépens d'appel et payer à la société CM-CIC Leasing solutions une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et par arrêt de défaut,
Réforme le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 17 janvier 2019, mais seulement quant au montant de la somme due par Mme Y. et statuant à nouveau de ce chef,
Condamne Mme X. épouse Y. à payer à la SAS CM-CIC Leasing solutions la somme de 3.248,20 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 février 2018,
Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,
Rejette toutes autres demandes,
Dit que Mme Y. supportera les dépens d'appel et paiera à la société CM-CIC Leasing solutions une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
le greffier, le président,
JLP