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CA MONTPELLIER (2e ch. sect. B), 6 janvier 1998

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (2e ch. sect. B), 6 janvier 1998
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 2e ch. sect. B
Demande : 96/0006257
Date : 6/01/1998
Nature de la décision : Infirmation
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 954

CA MONTPELLIER (2e ch. sect. B), 6 janvier 1998 : RG n° 96/0006257

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

DEUXIÈME CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 6 JANVIER 1998

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 96/0006257. ARRÊT CONTRADICTOIRE.

 

APPELANTE :

SA SANPAN FRANCE

[...], ayant pour avoué constitué Maître ROUQUETTE, assisté de Maître PERIDIER, Avocat

 

INTIMÉE :

SARL ALEXANDRA

[...], ayant pour avoué constitué la SCP SALVIGNOL-GUILHEM, assisté de Maître ESCRIBA, Avocat

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : PLANTARD Annie, Conseiller, désignée par ordonnance du Premier Président pour assurer la présidence, BAUDOUIN Jean-Marie, Conseiller, PROUZAT Jean-Luc, Conseiller.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La SA SANPAN FRANCE a consenti à la SARL ALEXANDRA, par acte sous seing privé du 16 novembre 1994 modifié par un avenant du 31 juillet 1995, la location à usage commercial de divers locaux représentant une surface de 600 m2 environ, dont 260 m² de surface commerciale, situés dans un immeuble en copropriété [adresse] à MONTPELLIER, pour une durée de 9 années à compter du 10 novembre 1994.

Invoquant l'existence de clauses abusives tenant notamment le montant du loyer et du droit d'entrée, créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, ainsi que l'impropriété des locaux à leur exploitation commerciale du fait de la non obtention des autorisations administratives nécessaires, la société ALEXANDRA a assigné le 12 décembre 1995 la société SANPAN devant le Tribunal de Commerce de MONTPELLIER aux fins d'obtenir la résiliation du bail à ses torts exclusifs avec effet rétroactif au 16 novembre 1994, outre la restitution des loyers, droit d'entrée et dépôt de garantie ayant été réglés.

Une expertise confiée à Monsieur BERNARD a alors été ordonnée par jugement du 11 septembre 1996.

La société ALEXANDRA a été autorisée, par ordonnances du Président du Tribunal de Commerce de MONTPELLIER en date des 23 novembre 1995 et 16 avril 1996, à pratiquer successivement deux saisies conservatoires entre ses mains, pour le paiement :

- la première, de la somme de 308.000 F. correspondant, pour 100.000 F., au premier versement du droit d'entrée payé le 31 juillet 1995, et, pour 208.000 F., aux loyers réglés à compter du 1er mars 1995,

- la seconde, de la somme de 400.000 F., montant des quatre versements du droit d'entrée des 1er janvier, 1er juillet 1996, 1er janvier et 1er juillet 1997, et de la somme mensuelle de 50.000 F. pour les loyers dus à compter du 1er janvier 1996.

Ces deux saisies conservatoires ont été pratiquées par acte de la SCP NEKADI et PEYRACHE, huissiers de justice, des 6 décembre 1995 et 7 mai 1996, dénoncés à la société SANPAN, respectivement les 12 décembre 1995 et 10 mai 1996.

La société SANPAN a assigné le 18 juillet 1996 la société ALEXANDRA devant le juge des référés du Tribunal de Commerce de MONTPELLIER en vue d'obtenir la main levée de ces saisies ; par ordonnance du 19 septembre 1996, elle a été déboutée de sa demande.

Ayant régulièrement relevé appel de cette décision, la société SANPAN expose en substance que :

- en l'état des stipulations du bail commercial, la société ALEXANDRA ne peut se prévaloir à son encontre d'une créance fondée en son principe,

- les saisies conservatoires ont été autorisées et pratiquées pour des sommes supérieurs à celles qui sont réclamées par la société ALEXANDRA dans son assignation du 12 décembre 1995,

- la saisie du 7 mai 1996 n'a pas été suivie, dans le délai d'un mois, d'une procédure au fond, en violation de l'Article 215 du Décret du 31 juillet 1992.

Elle demande donc la rétractation des ordonnances d'autorisation et la main levée des saisies conservatoires pratiquées ; subsidiairement, elle sollicite le cantonnement de ces saisies à la somme de 360.000 F. et la consignation d'une telle somme ; enfin, elle réclame l'allocation de la somme de 10.000 F. sur le fondement de l'Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société ALEXANDRA conclut pour sa part à la confirmation de l'ordonnance et sollicite le paiement de la somme de 10.000 F. en remboursement de ses frais irrépétibles.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

ATTENDU que l'Article 210 du Décret du 31 juillet 1992 dispose que tout créancier peut, par requête, demander au juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire s'il se prévaut d'une créance qui paraît fondée en son principe et si les circonstances sont susceptibles d'en menacer le recouvrement ;

ATTENDU qu'en l'occurrence, la société ALEXANDRA qui a assigné la société SANPAN aux fins de résiliation du bail commercial liant les parties avec effet rétroactif au 16 novembre 1994, ne peut invoquer, à l'encontre de cette société, qu'une créance future de restitution relativement aux sommes versées en vertu du contrat, découlant de sa résiliation éventuelle par le Tribunal de Commerce devant lequel l'affaire est actuellement pendante ; qu'il est constant que la société ALEXANDRA a réglé, au titre des loyers dus de mars à octobre 1995, du dépôt de garantie, du droit d'entrée, des taxes, impôts et accessoires divers, une somme totale de 433.679 F. TTC ; qu'ayant cessé tout règlement à compter d'octobre 1995, elle ne peut prétendre obtenir la restitution des loyers et fractions du droit d'entrée exigibles postérieurement et non payés au bailleur ;

ATTENDU que la saisie conservatoire pratiquée le 10 mai 1996 en exécution d'une ordonnance d'autorisation du Président du Tribunal de Commerce en date du 16 avril, ne repose donc pas sur un droit de créance, même éventuel, détenu par la société ALEXANDRA ;

ATTENDU qu'à l'appui de sa demande tendant à la résiliation du bail, la société ALEXANDRA soutient que celui-ci contient des clauses abusives et ne permet pas une exploitation commerciale des locaux, conformément à leur destination, notamment pour l'exercice d'une activité de restaurant-pizzéria ;

ATTENDU que pour apprécier l'existence d'une créance de restitution des sommes versées en vertu du bail, paraissant fondée en son principe, il convient de vérifier si la preuve est rapportée d'une inexécution flagrante par la société SANPAN de ses obligations contractuelles, propre à justifier la mise en oeuvre de mesures conservatoires ;

ATTENDU que le montant des loyers et du pas de porte, dont la société ALEXANDRA dénonce le caractère excessif, a été défini contractuellement, au même titre que les obligations mises à la charge du locataire concernant le remboursement des charges, impôts et taxes ;

ATTENDU que l'Article 7 du bail signé le 16 novembre 1994 dispose par ailleurs que le preneur est autorisé à utiliser une cour, à charge pour lui d'obtenir toutes autorisations nécessaires et d'assurer, sous sa responsabilité exclusive, la couverture de cette cour par une verrière, le bailleur lui cédant, sans aucune garantie de sa part, un permis de construire délivré le 6 août 1992 par la Mairie de MONTPELLIER ; qu'il n'apparaît pas cependant, en l'état des pièces produites, que les difficultés rencontrées par la société ALEXANDRA pour obtenir, soit un permis modificatif au permis initialement accordé à la société SANPAN, soit un nouveau permis de construire, lui permettant de réaliser, en vue de l'ouverture de son restaurant-pizzéria les travaux d'aménagement projetés, soient exclusivement imputables au bailleur à raison d'une inexécution de ses obligations contractuelles ;

ATTENDU que la créance de la société ALEXANDRA apparaît dès lors en l'état comme hypothétique ; qu'il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance déférée et de prescrire en conséquence la main levée des deux saisies conservatoires pratiquées les 6 décembre 1995 et 7 mai 1996, les autres moyens développés étant surabondants ;

ATTENDU que les dépens de première instance et d'appel doivent être mis à la charge de la société ALEXANDRA qui succombe ; qu'il y a lieu également de condamner cette société à payer à son adversaire la somme de 5.000 F. en remboursement des frais non taxables que celui-ci a dû exposer dans cette procédure et qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge sur le fondement de l'Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

STATUANT publiquement et contradictoirement,

INFIRME l'ordonnance déférée et statuant à Nouveau,

PRESCRIT la main levée des deux saisies conservatoires pratiquées par la société ALEXANDRA au préjudice de la société SANPAN, par actes de la SCP NEKADI et PEYRACHE, Huissiers de justice, en date des 6 décembre 1995 et 7 mai 1996,

CONDAMNE la société ALEXANDRA aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la société SANPAN la somme accessoire de CINQ MILLE FRANCS (5.000 F.) sur le fondement de l'Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

DIT que les dépens d'appel seront recouvrés conformément à l'Article 699 du même Code.