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CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 12 mai 2022

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 12 mai 2022
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 5
Demande : 18/05232
Décision : 22/100
Date : 12/05/2022
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 9/03/2022
Numéro de la décision : 100
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9628

CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 12 mai 2022 : RG n° 18/05232 ; arrêt n° 100 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Selon l'article D. 442-3 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige, le tribunal de commerce de Bordeaux est compétent pour connaître des litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, pour le ressort des cours d'appel d'Agen, Bordeaux, Limoges, Pau et Toulouse. L'inobservation de cette règle, édictant un pouvoir juridictionnel exclusif au profit de certaines juridictions, est sanctionnée par une fin de non-recevoir

Par ailleurs, il sera rappelé que le tribunal de commerce est une juridiction d'exception, qui ne peut connaître que des litiges commerciaux, au sens de l'article L. 721-3 du code de commerce. Cet article, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : « Les tribunaux de commerce connaissent : 1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ; 2° De celles relatives aux sociétés commerciales ; 3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes. Toutefois, les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l'arbitrage les contestations ci-dessus énumérées. »

L'article 42 du code de procédure civile dispose que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. L'article 46 du même code prévoit que le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction où demeure le défendeur, la juridiction du lieu de l'exécution de la prestation de service en matière contractuelle.

En vertu de l'article 51 du code de procédure civile, le tribunal judiciaire connaît de toutes les demandes incidentes qui ne relèvent pas de la compétence exclusive d'une autre juridiction.

Sauf disposition particulière, les autres juridictions ne connaissent que des demandes incidentes qui entrent dans leur compétence d'attribution.

Enfin, l'article 101 du code de procédure civile prévoit que : « S'il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu'il sera de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction ».

En application de ces dispositions, il apparaît que le tribunal de commerce de Bordeaux avait le pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur la demande en réparation formée par la société Studio P. en application de l'article L. 442-6 du code de commerce et que le tribunal de commerce de Toulouse était territorialement compétent pour statuer sur la demande en paiement opposant deux commerçants.

Toutefois l'article 101 du code de procédure civile instaure une prorogation légale de compétence en cas de connexité. La connexité suppose que soient réunies deux conditions : un lien entre deux affaires et, en raison de ce lien, qu'il apparaisse utile ou préférable de les instruire et juger ensemble. Cette prorogation légale de compétence ne peut cependant pas s'appliquer en présence d'une compétence exclusive d'une autre juridiction ou en cas de compétence territoriale d'ordre public d'une autre juridiction.

En l'espèce, il y a lieu de relever qu'il existe un lien de connexité entre la demande d'indemnisation formée par la société Studio P. à l'encontre de la société Everblue au titre de la rupture brutale des relations commerciales et la demande en paiement de la société Studio P. à l'encontre de la société Everblue au titre des prestations effectuées dès lors que ces demandes opposent les mêmes parties et que la demande en paiement porte sur les dernières prestations accomplies dans le cadre de la relation commerciale dont la rupture brutale est dénoncée.

Ainsi aucun excès de pouvoir ni aucune violation d'une règle de compétence ne peuvent être reprochés au tribunal de commerce de Bordeaux pour avoir statué sur la demande en paiement de la facture n° 201512198 dès lors que cette compétence ne méconnait ni la compétence exclusive ni la compétence territoriale d'ordre public d'une autre juridiction. Il sera à cet égard relevé que l'article 51 alinéa 2 du code de procédure civile n'est pas applicable au présent litige dans la mesure où il ne vise que la compétence d'attribution des juridictions d'exception à l'exclusion de leur compétence territoriale.

En conséquence, la demande d'annulation des chefs du jugement relatifs à la demande en paiement de la facture n° 201512198 sera rejetée. Le jugement entrepris sera en outre confirmé en ce qu'il a retenu sa compétence pour connaître de l'ensemble du litige et a débouté la société Everblue de sa demande de disjonction et de renvoi partiel devant le tribunal de commerce de Toulouse. »

2/ « L'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire dispose que : « Sauf disposition particulière, la cour d'appel connaît de l'appel des jugements des juridictions situées dans son ressort. »

Néanmoins l'article D. 442-3 du code de commerce instaure une dérogation à cet article en précisant que la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par les juridictions spécialement désignées dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019.

En l'espèce, dès lors qu'il est fait appel d'un jugement du tribunal de commerce de Bordeaux, juridiction spécialement désignée pour statuer sur l'article L. 442-6 du code de commerce, la cour d'appel de Paris dispose du pouvoir juridictionnel exclusif pour statuer sur cette décision, peu important le fait que ce jugement ait statué sur des chefs de demandes connexes.

L'appel du jugement entrepris formé par la société Studio P. sera déclaré recevable y compris concernant les chefs relatifs au paiement de la facture n° 201512198. »

3/ « L'article L. 442-6, I, 1° et 2° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, : 1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. (…) 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

En l'espèce, il est établi que la société Studio P. réalisait des prestations de conception et d'impression de documents publicitaires pour le compte de la société Everblue et qu'en l'absence de contrat-cadre, les prix étaient définis opération par opération en fonction de la nature de la tâche confiée, du nombre d'exemplaires... La société Everblue se prévaut de prix d'impression numérique bien inférieurs à ceux d'une impression en offset suivie de repiquage pour critiquer les prix pratiqués par la société Studio P.. Toutefois il convient de relever que les commandes litigieuses initiales portaient sur plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires, ce qui pouvait justifier le recours à une impression en offset.

Par ailleurs, il sera observé qu'il n'est aucunement établi que la société Studio P. aurait refusé toute négociation sur le prix. Au contraire, les échanges de courriels intervenus avec la nouvelle direction de la société Everblue démontrent que la société Studio P. n'était nullement opposée à une telle discussion. En outre, il apparaît qu'au moment de la rupture, la société Everblue réalisait un chiffre d'affaires annuel de plus de 18 millions alors que la société Studio P. ne réalisait qu'un chiffre d'affaires de l'ordre de 500.000 euros par an de sorte que le rapport de force n'était manifestement pas en faveur de la société Studio P.. Les factures produites aux débats par la société Everblue correspondent à des travaux d'impression à l'exclusion de travaux de conception et ne permettent pas de caractériser une pratique de prix excessifs de la part de la société Studio P. alors qu'il ne s'agit pas de travaux comparables. En ce qui concerne la facture de la société Alias Print, il sera relevé que le travail de conception graphique effectué n'est pas détaillé de sorte qu'aucune comparaison ne peut être effectuée avec le travail réalisé par la société Studio P. Enfin la seule attestation produite par un concurrent de la société Studio P. ne saurait établir que la marge habituellement pratiquée dans le secteur de la conception graphique serait de 20 %.

Dans ces conditions, la responsabilité de la société Studio P. ne peut être engagée et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 5

ARRÊT DU 12 MAI 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/05232. Arrêt n° 100 (16 pages). N° Portalis 35L7-V-B7C-B5H5Q. Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 octobre 2017 - Tribunal de Commerce de Bordeaux - RG n° 2016F00457.

 

APPELANTE :

SARL STUDIO P.

prise en la personne de son représentant légal, immatriculée au RCS de TOULOUSE sous le numéro XXX, [...], [...], Représentée par Maître Jean-Didier M. de la SCP B. - C. - M. - G. - MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240, avocat postulant, Assistée de Maître Laura S. de la SCP RSG AVOCATS, avocate au barreau de TOULOUSE, avocate plaidante,

 

INTIMÉE :

SASU EVERBLUE France

anciennement dénommée EVERBLUE PMA, prise en la personne de son représentant légal, immatriculée au RCS de TOULOUSE sous le numéro XXX, [...], [...], Représentée par Maître Ariane F.-V., avocate au barreau de PARIS, toque : P0041, avocate postulante, Assistée de Maître Fadi K. de la SCP K.-L., avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant,

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 18 novembre 2021, en audience publique, devant la cour, composée de : Madame Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre, Madame Nathalie RENARD, présidente de chambre, Madame Christine SOUDRY, conseillère, chargée du rapport, qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SOUDRY dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffiers, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

lors de la mise à disposition : Madame Claudia CHRISTOPHE

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre et par Claudia CHRISTOPHE, greffière à laquelle la minute de la présente décision a été remise par la magistrate signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Studio P. exerce une activité de conception graphique et d'édition publicitaire.

La société Everblue PMA, devenue société Everblue France (ci-après société Everblue) a comme activité l'achat et la vente directe ou à titre d'intermédiaire d'éléments nécessaires à l'installation de piscines.

La société Studio P. réalisait des travaux de conception graphique et d'édition publicitaire pour la société Everblue depuis 1985, date à laquelle les dirigeants des deux sociétés, MM. X. et Y., se sont rencontrés et ont décidé de collaborer.

Le 24 septembre 2015, M. Y. et sa famille ont cédé leurs parts sociales de la société Everblue à la société Mason and Sullivan, représentée par M. A. qui a pris ses fonctions de dirigeant le 4 novembre 2015.

A compter du mois de novembre 2015, les relations entre les parties se sont dégradées.

Par courriel du 18 novembre 2015, la société Studio P. a interrogé la société Everblue sur son souhait de poursuivre l'édition de la plaquette prestige 2016 et de la circulaire printemps 2016 en cours d'élaboration.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 novembre 2015, la société Studio P. a réitéré sa demande et indiqué qu'à défaut de réponse de la part de la société Everblue au plus tard le 3 décembre 2015, elle considérerait que cette dernière ne souhaitait pas poursuivre l'édition de ces deux documents.

Par courriel du 4 décembre 2015, la société Studio P. a, en l'absence de réponse à sa lettre du 23 novembre 2015, adressé à la société Everblue une facture n° 201512198 d'un montant de 3l.560 euros TTC correspondant à des prestations et des travaux de pré-presse pour une « plaquette de luxe » et une « circulaire de printemps 2016 ».

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 décembre 2015, reçue le 5 décembre 2015, la société Everblue a reproché à la société Studio P. de provoquer, par son attitude, la rupture des relations commerciales.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 décembre 2015, la société Everblue a répondu que compte tenu de la date de livraison à la mi-janvier 2016 à laquelle elle s'était engagée pour l'édition de la plaquette prestige 2016 et de la circulaire printemps 2016 et en l'absence de réponse à ses demandes de rendez-vous, elle avait été contrainte de l'interroger sur ses intentions quant à l'édition des deux documents sans avoir la volonté de provoquer une rupture des relations commerciales. Elle a ajouté qu'il était encore temps d'intégrer des corrections aux documents préparés et qu'elle réitérait son souhait de rencontre.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 février 2016, la société Studio Plastre s'est plainte auprès de la société Everblue de son silence quant à la poursuite des relations commerciales et de la réalisation par une entreprise concurrente de la circulaire de printemps 2016.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 février 2016, la société Everblue a, par l'intermédiaire de son conseil, imputé la rupture des relations commerciales à la société Studio Plastre.

Par acte du 13 avril 2016, la société Studio P. a assigné la société Everblue devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de la voir condamner à lui verser les sommes suivantes :

- 31.560,00 euros au titre de la facture n° 201512198 ;

- 234.866,00 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales.

Par jugement du 27 octobre 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux :

- S'est déclaré compétent pour l'ensemble du litige et a débouté en conséquence la société Everblue PMA SAS de sa demande de disjonction et de renvoi partiel devant le tribunal de commerce de Toulouse.

- A condamné la société Everblue PMA SAS à payer à la société Studio P. SARL la somme de 12.360 euros TTC assortie d'intérêts au taux légal, à compter du 13 avril 2016.

- A dit que les intérêts ci-dessus seront capitalisés dans les termes de l'article 1154 (ancien) du code civil.

- A ordonné l'exécution provisoire de cette décision.

- A condamné la société Everblue PMA SAS à payer à la société Studio P. SARL la somme indemnitaire de 49.34l,20 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales.

- A débouté la société Everblue PMA SAS de ses demandes reconventionnelles.

- A condamné la société Everblue PMA SAS à payer à la société Studio P. SARL la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- A condamné la société Everblue PMA SAS aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 9 mars 2018, la société Studio P. a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- Limité le montant des dommages et intérêts alloué à la société Studio P. en réparation du préjudice lié à la rupture brutale des relations commerciales imposée par la société Everblue, à 8 mois de marge brute pour 30 ans de relations commerciales établies (soit la somme de 49.341,20 euros) ;

- Limité les sommes dues au titre des travaux effectués par la société Studio P. pour la société Everblue à la somme de 12.360 euros TTC.

 

Prétentions et moyens des parties :

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 29 juillet 2021, la société Studio P. demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article 1134 ancien du code civil,

Vu les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 24 avril 2019,

- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :

Limité la condamnation de la société Everblue PMA SAS à la somme de 12.360 euros TTC, assortie d'intérêts au taux légal, à compter du 13 avril 2016, au titre du règlement des travaux en cours ;

Limité la condamnation de la société Everblue PMA SAS à la somme indemnitaire de 49.341,20 euros, au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies.

- Le confirmer pour le surplus.

Statuant à nouveau,

- Condamner la société Everblue PMA au paiement des sommes de :

12.360 euros en paiement du travail de pré presse et marge attendue sur impression au titre de la circulaire luxe catalogue Riviera ;

19.200 euros correspondant au travail de prépresse sur le catalogue circulaire de printemps ;

Soit une somme totale de 31.560 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2016, avec capitalisation des intérêts.

- Condamner la société Everblue PMA au paiement de la somme de 234.866 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de la rupture des relations commerciales établies.

- Débouter la société Everblue PMA de son appel incident.

Ajoutant au jugement entrepris,

- Condamner la société Everblue PMA au paiement d'une somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente procédure.

[*]

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 7 décembre 2020, la société Everblue demande à la cour de :

- Sur les moyens de procédure invoqués par les parties

1. Sur la recevabilité de l'appel incident de la société Everblue France,

Vu l'article 409 du code de procédure civile, les moyens qui précédent et les pièces visées à leur appui,

- Dire et juger que le prétendu acquiescement de la société Everblue France au jugement de première instance est nul et non avenu du seul fait de l'appel interjeté par la société Studio P. contre cette même décision,

En conséquence,

- Déclarer la société Everblue France recevable, tant dans les fins de non-recevoir et les moyens de défense qu'elle oppose à l'appel principal, que dans les moyens, fins et prétentions qu'elle invoque au soutien de son appel incident, y compris les moyens qu'elle dirige contre les chefs du jugement délaissés par l'appel principal ;

- Débouter la société Studio P. de ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.

2. Sur l'excès de pouvoir de la juridiction spécialisée de première instance et l'annulation du jugement,

Vu les articles 42, 46 et 51 du code de procédure civile, L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, les moyens qui précédent et les pièces visées à leur appui,

- Dire et juger qu'en se déclarant habile pour connaître et statuer sur des prétentions débordant le champ de sa compétence d'attribution spéciale et relevant du pouvoir juridictionnel exclusif d'une autre juridiction d'exception, les premiers juges ont commis un excès de pouvoir caractérisé ;

En conséquence,

- Annuler ou, à tout le moins, infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 27 octobre 2017, sinon dans sa totalité, du moins en ce qu'il a statué sur des prétentions ne relevant pas de son pouvoir juridictionnel ;

- Débouter la société Studio P. de ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.

3. Sur l'irrecevabilité partielle de l'appel principal

Vu les articles 125 du code de procédure civile, R. 311-3 du code de l'organisation judicaire, L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, les moyens qui précédent et les pièces visées à leur appui,

- Dire et juger que la Cour d'appel de Paris n'a pas plus de pouvoir que le tribunal de commerce de Bordeaux pour connaître en appel d'un litige de nature contractuelle opposant deux commerçants toulousains au sujet d'un banal règlement de factures contestées ;

En conséquence,

- Déclarer l'appel principal irrecevable en ce qu'il est dirigé contre les chefs du jugement de première instance débordant le champ de la compétence d'attribution spéciale de la Cour d'appel de Paris ;

- Rappeler au Studio P. son obligation de restituer l'intégralité des sommes indûment perçues en exécution du jugement de première instance au titre de sa prétendue créance contractuelle et la condamner, en tant que de besoin, à restituer cette somme à la société Everblue, augmentée des intérêts moratoires capitalisés depuis le 21 février 2018, date de remise des fonds ;

- Débouter la société Studio P. de ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.

- Au fond, sur le rejet des prétentions du Studio P. et l'infirmation du jugement

1. Sur le rejet des prétentions de nature contractuelle

Vu les articles 1134, 1147 et 1315 du code civil dans leur rédaction applicable à la présente espèce,

les moyens qui précédent et les pièces visées à leur appui,

- Dire et juger que le Studio P. ne rapporte pas la preuve de l'existence, de la consistance, de la conformité et de la délivrance des prestations objets de la facture en litige ;

- Dire et juger à tout le moins que le Studio P. ne peut se prévaloir de sa propre négligence pour réclamer le règlement du prix d'une prestation hasardeuse qui a été engagée dans la précipitation sans attendre la prise de fonctions annoncée et connue du repreneur de la société Everblue ;

En conséquence,

- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société Everblue au paiement de la somme de 12.360 euros, outre les intérêts moratoires capitalisés depuis le jour de l'assignation, au titre de la facture litigieuse ;

- Débouter la société Studio P. de ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.

Subsidiairement,

- Ordonner avant dire droit une expertise confiée à tel expert en communication graphique aux frais avancés par le Studio P. pour notamment apprécier le degré d'achèvement et d'utilité des travaux allégués et leur juste prix.

2. Sur le rejet des prétentions fondées sur la brutalité de la rupture

Vu l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, les moyens qui précédent et les pièces visées à leur appui,

A titre principal,

- Dire et juger que la rupture de la relation d'affaires litigieuse a été amorcée progressivement sur plusieurs années et ne revêtait dès lors aucun caractère soudain ou imprévisible pour la société Studio P. ;

- Dire et juger à tout le moins que la rupture de cette relation est imputable aux agissements du Studio P., à sa déloyauté vis-à-vis de son partenaire et à la perte de confiance réciproque entre les parties ;

- Dire et juger que le Studio P. ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice indemnisable ayant une relation de causalité avec l'absence de préavis de rupture ;

- Infirmer en conséquence le jugement du 27 octobre 2017 en ce qu'il a fixé à huit mois la durée du préavis raisonnable et en ce qu'il a condamné la société Everblue au paiement de la somme de 49.341,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- Débouter la société Studio P. de ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.

Subsidiairement,

- Dire et juger que le Studio P. ne peut revendiquer une durée de préavis supérieure à celle prévue par le code des usages et les conditions générales des professionnels de l'imprimerie et de la communication graphique, laquelle durée ne saurait excéder en l'espèce 14 semaines ;

- Infirmer en conséquence le jugement du 27 octobre 2017 en ce qu'il a fixé à huit mois la durée du préavis raisonnable et en ce qu'il a condamné la société Everblue au paiement de la somme de 49.341,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis;

- Débouter la société Studio P. de ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.

- Sur les demandes reconventionnelles de la société Everblue

Vu les articles L. 442-6-I-1°, L. 442-6-I-2° et D. 442-3 du code de commerce, les moyens qui précédent et les pièces visées à leur appui,

- Dire et juger que le Studio P. a instauré un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment de la société Everblue ;

- Dire et juger que le Studio P. s'est procuré des avantages financiers disproportionnés par rapport aux services effectivement rendus à la société Everblue ;

En conséquence,

- Infirmer le jugement du 27 octobre 2017 en ce qu'il a débouté la société Everblue de ses demandes reconventionnelles ;

- Ordonner une expertise confiée à tel expert judiciaire en comptabilité avec notamment pour mission de réunir et entendre les parties, de se faire communiquer par le Studio P. tous ses éléments comptables et financiers sur les exercices 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 à fin de déterminer les différents taux de marge appliqués à ses différents clients sur toute la période considérée ;

- Condamner le Studio P. au paiement d'une provision de 170.000 euros à parfaire, à valoir sur le préjudice économique de la société Everblue ;

- Condamner le Studio P. au paiement de la somme de 30.000 euros à titre de justes dommages-intérêts en indemnisation du préjudice moral de la société Everblue du fait des pratiques et tentatives de pratiques restrictives subies ;

- Débouter la société Studio P. de ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.

- Sur la charge des dépens et des frais irrépétibles

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

- Infirmer le jugement du 27 octobre 2017 en ce qu'il a condamné la société Everblue à une indemnité de procédure de 2.000 euros et aux dépens de première instance ;

Statuant à nouveau,

- Condamner le Studio P. au paiement de la somme de 25.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de l'avocat soussigné sur affirmation de son droit.

[*]

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 octobre 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur le champ de l'appel :

La société Studio P. fait observer que la société Everblue a exécuté la totalité du jugement entrepris le 21 février 2018 alors même que l'exécution provisoire n'avait été ordonnée que partiellement, pour la somme de 13.600 euros, et que ce faisant, elle a acquiescé au jugement. Elle observe que si la recevabilité de l'appel incident de la société Everblue n'est pas contestable eu égard à son appel principal, il n'en demeure pas moins que « le débat ne se noue qu'autour du quantum » du préavis.

La société Everblue fait valoir que l'effet de l'acquiescement résultant de l'exécution d'un jugement non exécutoire est anéanti lorsque, postérieurement, l'autre partie exerce une voie de recours et qu'elle est ainsi recevable à former un appel incident.

L'article 409 du code de procédure civile prévoit que l'acquiescement au jugement emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours sauf si, postérieurement, une autre partie forme régulièrement un recours.

L'article 410 du même code précise que l'acquiescement peut être exprès ou implicite et que l'exécution sans réserve d'un jugement non exécutoire vaut acquiescement.

Il résulte de ces dispositions que la partie qui, en exécutant une condamnation, avait acquiescé au jugement retrouve la possibilité de se défendre ainsi que de former un appel incident et n'est plus tenue de se soumettre à cette décision en cas d'appel principal de l'autre partie.

Il sera relevé que la société Studio P., qui invoque l'acquiescement de l'intimée au jugement déféré, n'en tire aucune conséquence quant à la recevabilité de l'appel incident de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer de ce chef.

En conséquence, la cour est saisie, par l'effet de l'appel principal de la société Studio P. et de l'appel incident de la société Everblue, de l'ensemble des chefs du jugement déféré.

 

Sur l'annulation du jugement :

La société Everblue prétend que la juridiction consulaire bordelaise a commis un excès de pouvoir en statuant sur la demande en paiement de la facture n° 201512198 qui relevait de la compétence exclusive de la juridiction consulaire toulousaine en vertu des articles 42 et 46 du code de procédure civile. Elle souligne que l'article D. 442-3 du code de commerce ne prévoit aucune prorogation de compétence au profit des juridictions qu'il désigne pour connaître, outre du contentieux spécial qui leur est dévolu, de questions connexes à la différence de l'article L. 522-2 du code de la propriété intellectuelle. Elle fait valoir l'article 51 du code de procédure civile qui prohiberait toute prorogation de compétence au profit des juridictions d'exceptions sauf en cas d'indivisibilité du litige.

La société Studio P. soutient que la juridiction consulaire bordelaise était compétente pour connaître, en plus de la demande formulée au titre de la rupture brutale des relations commerciales, relevant de sa compétence spéciale, de la demande formulée au titre du paiement de la facture n° 201512198 en raison de la connexité de ces deux litiges et dans la mesure où la demande en paiement de la facture ne relevait pas de la compétence exclusive d'une autre juridiction. Elle affirme que la connexité des deux litiges résulte du fait que la facture litigieuse correspond aux dernières prestations qu'elle a accomplies au profit de la société Everblue avant que cette dernière interrompe brutalement leur relation commerciale.

[*]

Selon l'article D. 442-3 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige, le tribunal de commerce de Bordeaux est compétent pour connaître des litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, pour le ressort des cours d'appel d'Agen, Bordeaux, Limoges, Pau et Toulouse. L'inobservation de cette règle, édictant un pouvoir juridictionnel exclusif au profit de certaines juridictions, est sanctionnée par une fin de non-recevoir

Par ailleurs, il sera rappelé que le tribunal de commerce est une juridiction d'exception, qui ne peut connaître que des litiges commerciaux, au sens de l'article L. 721-3 du code de commerce.

Cet article, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que :

« Les tribunaux de commerce connaissent :

1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;

2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;

3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.

Toutefois, les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l'arbitrage les contestations ci-dessus énumérées. »

L'article 42 du code de procédure civile dispose que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. L'article 46 du même code prévoit que le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction où demeure le défendeur, la juridiction du lieu de l'exécution de la prestation de service en matière contractuelle.

En vertu de l'article 51 du code de procédure civile, le tribunal judiciaire connaît de toutes les demandes incidentes qui ne relèvent pas de la compétence exclusive d'une autre juridiction.

Sauf disposition particulière, les autres juridictions ne connaissent que des demandes incidentes qui entrent dans leur compétence d'attribution.

Enfin, l'article 101 du code de procédure civile prévoit que : « S'il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu'il sera de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction ».

En application de ces dispositions, il apparaît que le tribunal de commerce de Bordeaux avait le pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur la demande en réparation formée par la société Studio P. en application de l'article L. 442-6 du code de commerce et que le tribunal de commerce de Toulouse était territorialement compétent pour statuer sur la demande en paiement opposant deux commerçants.

Toutefois l'article 101 du code de procédure civile instaure une prorogation légale de compétence en cas de connexité. La connexité suppose que soient réunies deux conditions : un lien entre deux affaires et, en raison de ce lien, qu'il apparaisse utile ou préférable de les instruire et juger ensemble.

Cette prorogation légale de compétence ne peut cependant pas s'appliquer en présence d'une compétence exclusive d'une autre juridiction ou en cas de compétence territoriale d'ordre public d'une autre juridiction.

En l'espèce, il y a lieu de relever qu'il existe un lien de connexité entre la demande d'indemnisation formée par la société Studio P. à l'encontre de la société Everblue au titre de la rupture brutale des relations commerciales et la demande en paiement de la société Studio P. à l'encontre de la société Everblue au titre des prestations effectuées dès lors que ces demandes opposent les mêmes parties et que la demande en paiement porte sur les dernières prestations accomplies dans le cadre de la relation commerciale dont la rupture brutale est dénoncée.

Ainsi aucun excès de pouvoir ni aucune violation d'une règle de compétence ne peuvent être reprochés au tribunal de commerce de Bordeaux pour avoir statué sur la demande en paiement de la facture n° 201512198 dès lors que cette compétence ne méconnait ni la compétence exclusive ni la compétence territoriale d'ordre public d'une autre juridiction. Il sera à cet égard relevé que l'article 51 alinéa 2 du code de procédure civile n'est pas applicable au présent litige dans la mesure où il ne vise que la compétence d'attribution des juridictions d'exception à l'exclusion de leur compétence territoriale.

En conséquence, la demande d'annulation des chefs du jugement relatifs à la demande en paiement de la facture n° 201512198 sera rejetée. Le jugement entrepris sera en outre confirmé en ce qu'il a retenu sa compétence pour connaître de l'ensemble du litige et a débouté la société Everblue de sa demande de disjonction et de renvoi partiel devant le tribunal de commerce de Toulouse.

 

Sur la recevabilité de l'appel principal :

La société Everblue prétend que l'appel de la société Studio P. devant la cour d'appel de Paris en ce qu'il critique des chefs du jugement débordant le champ d'application de l'article 442-6 du code de commerce est irrecevable. Elle invoque à cet égard les dispositions de l'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire et prétend que les dispositions de l'article D. 442-3 du code de commerce ne permettent aucune extension du ressort de la cour d'appel de Paris au-delà du périmètre de la compétence spéciale qui lui est attribuée au titre de l'article L. 442-6 du code de commerce.

La société Studio P. réplique que l'article D. 442-3 du code de commerce attribue à la seule cour d'appel de Paris le pouvoir de statuer sur les décisions rendues par les juridictions commerciales spécialement désignées pour connaître des litiges relatifs à l'article L. 442-6 du code de commerce et qu'elle ne pouvait pas saisir concomitamment la cour d'appel de Paris et la cour d'appel de Bordeaux de l'appel de la même décision.

[*]

L'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire dispose que : « Sauf disposition particulière, la cour d'appel connaît de l'appel des jugements des juridictions situées dans son ressort. »

Néanmoins l'article D. 442-3 du code de commerce instaure une dérogation à cet article en précisant que la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par les juridictions spécialement désignées dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019.

En l'espèce, dès lors qu'il est fait appel d'un jugement du tribunal de commerce de Bordeaux, juridiction spécialement désignée pour statuer sur l'article L. 442-6 du code de commerce, la cour d'appel de Paris dispose du pouvoir juridictionnel exclusif pour statuer sur cette décision, peu important le fait que ce jugement ait statué sur des chefs de demandes connexes.

L'appel du jugement entrepris formé par la société Studio P. sera déclaré recevable y compris concernant les chefs relatifs au paiement de la facture n° 201512198.

 

Sur la demande en paiement de facture :

La société Studio P. revendique le paiement d'une facture n° 201512198 en date du 4 décembre 2015 d'un montant de 31.560 euros TTC correspondant d'une part, à des prestations et travaux de pré-presse pour une plaquette de luxe pour un montant de 10.300 euros HT et d'autre part, à des prestations et travaux de pré-presse pour une circulaire de printemps 2016 pour un montant de 16.000 euros HT.

En ce qui concerne la plaquette de luxe, elle se prévaut d'un devis signé le 12 octobre 2015. Elle explique qu'à la suite de cette commande de la société Everblue, elle a exécuté l'ensemble du travail de pré-presse. Elle évalue la perte subie à 10.300 euros HT correspondant à la marge qu'elle aurait dû obtenir à la suite de cette commande.

En ce qui concerne la circulaire de printemps, elle précise que bien qu'elle ne dispose d'aucun devis signé de la part de la société Everblue, les travaux ne lui en ont pas moins été commandés par cette dernière par courriel du 8 octobre 2015. Elle explique que dans le cadre de la relation d'affaires entretenue avec la société Everblue, il était d'usage que la commande soit passée par courriel et que le devis ne soit régularisé que postérieurement. Elle ajoute qu'elle a appliqué les instructions de la société Everblue quant à cette commande et qu'elle a adressé à sa cliente la dernière version le 4 novembre 2015. Elle estime ainsi la perte subie à 16.000 euros correspondant aux travaux de pré-presse réalisés.

La société Everblue conteste les sommes réclamées.

En ce qui concerne la plaquette de luxe, elle prétend que la société Studio P. ne fournit aucune preuve du travail accompli et que le document produit aux débats manifeste l'absence de toute valeur ajoutée artistique apportée par cette dernière.

Concernant la circulaire de printemps, la société Everblue fait valoir qu'aucun devis n'a été signé, qu'il n'y a pas eu d'accord sur la chose et sur le prix et qu'aucun bon à tirer n'a été émis. Par ailleurs, elle soutient que lors d'une réunion du 27 octobre 2015, il avait été convenu que la société Studio P. devrait attendre les directives du repreneur. Elle ajoute qu'il n'y a eu aucun accord sur le volume d'impression de sorte qu'aucune perte de marge ne peut être alléguée. En tout état de cause, elle conteste la qualité du travail effectué.

Enfin la société Everblue considère que la société Studio P. a commis une faute en engageant des travaux quelques jours avant le changement d'actionnaires et de direction.

 

Sur les travaux au titre du catalogue de luxe :

La société Studio P. justifie d'un devis du 12 octobre 2015 concernant la réalisation d'un catalogue Riviera 2015 en format A4 de 24 pages (comprenant la conception graphique, la mise en page, la photogravure quadri, la recherche iconographique et l'achat photo libre de droit, l'impression quadri-recto verso sur papier demi-mat 170 g intérieur et 250 g pour couverture, le pelliculage brillant recto couverture, page intérieure recto verso de couverture vernis acrylique satin, le façonnage 2 ponts métal, la mise sous film par 25 exemplaires + carton et palette, la livraison dans un point Haute-Garonne) pour un montant de 21.040 euros HT correspondant à une quantité de 30.000 exemplaires. Elle établit que ce devis a été accepté le 14 octobre 2015 par M. Y. qui a sollicité une livraison au 12 janvier 2016.

Elle produit encore une plaquette correspondant à la commande étant précisé qu'il n'appartient pas à la cour de juger de la plus-value artistique apportée par la société Studio P. d'autant plus qu'il n'est justifié d'aucun comparatif pour une commande similaire.

Il ne peut pas être reproché à la société Studio P. d'avoir exécuté les travaux commandés par le dirigeant de la société Everblue à l'époque de la commande, d'autant plus qu'elle s'était engagée à un court délai de livraison. Il sera encore observé que contrairement à ce que soutient la société Everblue, aucune preuve n'est rapportée d'instructions qui auraient été données par le dirigeant en place de différer la réalisation des travaux.

Il est constant que les travaux d'impression n'ont pas été réalisés en l'absence de bon à tirer donné par la société Everblue. Ainsi la société Studio P. n'a pas eu à exposer des frais d'impression. Toutefois, s'agissant d'une commande ferme, son préjudice correspond à la fois à la valeur du travail de pré-presse réalisé ainsi qu'à la perte de marge qu'elle pouvait escompter de ce travail.

La société Studio P. justifie par les documents qu'elle produit d'une perte de marge de 10.300 euros HT, soit 12.360 euros TTC, résultant de l'inexécution par la société Everblue de son engagement contractuel. Dans ces conditions, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

 

Sur les travaux au titre de la circulaire de printemps 2016 :

La société Studio P. produit aux débats un courriel qui lui a été adressé par Madame O., assistante de direction de la société Everblue le 8 octobre 2015 intitulé « Circulaire de printemps » et indiquant : « Voici le plan de la circulaire de printemps. Je vous envoie le reste. » suivi d'un courriel du même jour précisant : « Je vous envoie toutes les pages à faire et ensuite je vous fais passer les textes tapés... ».

La société Studio P. verse par ailleurs aux débats plusieurs pièces relatives à la commande des circulaires des années précédentes démontrant qu'il était habituel entre les parties que la commande soit passée par Mme Z. par courriel quelques semaines avant que le devis correspondant ne soit émis et signé. Il sera encore relevé que certains des devis ont été signés par Mme Z. et non par M. Y.

Dans ces conditions, la commande ferme par la société Everblue de prestations et travaux de prépresse pour la circulaire de printemps 2016 est établie étant précisé que les commandes précédentes portaient sur un « format fermé 210 x 97 » format ouvert 420 x 297, 32/34 pages couverture comprise - mise en page et photogravure quadri, impression quadri recto verso sur 90 g couché brillant ou demi-mat, 1 changement au noir en cours de tirage (version sans prix), façonnage 2 piqures métal » et que seuls restaient à définir le nombre exact de pages et le nombre d'exemplaires à imprimer.

Il sera relevé que s'agissant d'une prestation de services, l'accord sur le prix n'est pas une condition de formation du contrat.

Il ressort encore des pièces produites aux débats que la société Everblue était parfaitement avisée de l'exécution des travaux de pré-presse et a donné des directives en ce sens, que la société Everblue a donné des instructions en vue de la modification des projets adressés par la société Studio P. et que celle-ci a livré une version définitive le 4 novembre 2015.

La société Studio P. verse aux débats une maquette correspondant à la commande étant précisé qu'il n'appartient pas à la cour de juger de la plus-value artistique apportée d'autant plus qu'il n'est justifié d'aucun comparatif pour une commande similaire.

Il ne saurait être reproché à la société Studio P. d'avoir exécuté les travaux commandés par le dirigeant de la société Everblue à l'époque de la commande alors que cela lui a été expressément demandé et que la circulaire de printemps était habituellement présentée pour un congrès ayant lieu la dernière semaine de janvier. Il sera également observé que contrairement à ce que soutient la société Everblue, aucune preuve n'est rapportée d'instructions qui auraient été données par le dirigeant en place de différer la réalisation des travaux.

Il est constant que les travaux d'impression n'ont pas été réalisés en l'absence de bon à tirer donné par la société Everblue. Ainsi la société Studio P. n'a pas eu à exposer des frais d'impression. En outre, en l'absence de détermination du nombre d'exemplaires à tirer, elle ne peut pas se prévaloir d'une perte de marge sur les travaux d'impression. En revanche, son préjudice correspond à la valeur du travail de pré-presse réalisé.

La société Studio P. justifie, par les documents qu'elle produit, de travaux de pré-presse effectués pour un montant de 15.200 euros HT. En revanche, en l'absence de toute preuve concernant les travaux relatifs au courrier devant accompagner la circulaire dont l'indemnisation est sollicitée à concurrence d'un montant de 300 euros HT, la demande de ce chef sera rejetée.

En conséquence, il convient de condamner la société Everblue à payer ce montant à la société Studio P. avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2016 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

 

Sur la rupture brutale des relations commerciales :

Sur la responsabilité :

La société Studio P. revendique l'engagement de la responsabilite' de la société Everblue en lui reprochant d'avoir rompu brutalement la relation commerciale qu'elles entretenaient depuis 30 ans. Elle dément toute prévisibilité de la rupture et explique la réduction du chiffre d'affaires réalisé avec la société Everblue par la baisse des travaux d'impression qui lui étaient confiés en raison de la dématérialisation des supports de communication. Elle fait valoir que le chiffre d'affaires lié aux travaux de conception graphique n'a pas diminué et que la société Everblue a toujours besoin de supports publicitaires de sorte qu'aucune mutation technologique ne rendait inévitable la rupture. Elle conteste encore être responsable de la rupture des relations commerciales. Elle explique ainsi que la rupture résulte du refus du nouveau dirigeant de la société Everblue de répondre à ses demandes de rendez-vous ainsi qu'à ses interrogations quant à la poursuite des travaux en cours (catalogue de luxe et circulaire de printemps) et de la cessation de toute nouvelle commande. Elle ajoute qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée au titre du courriel du 18 novembre 2015 qu'elle a adressé à la société Everblue alors que ce courriel faisait suite au comportement fuyant et inquiétant de sa partenaire quant à la poursuite de leurs relations. Elle prétend encore que les prix pratiqués ont toujours été négociés avec la société Everblue et souligne que M. d'A. n'a jamais donné suite à ses demandes de propositions concurrentes afin qu'une discussion tarifaire puisse être engagée.

La société Everblue dénie toute responsabilité au titre d'une rupture brutale des relations commerciales. Elle affirme que la rupture était amorcée depuis plusieurs années et ne revêtait pas un caractère imprévisible. Elle fait ainsi valoir que bien avant le changement d'actionnariat, les relations entre les partenaires étaient tendues et que la dégradation des relations s'est traduite par une réduction corrélative et continue des commandes et du chiffre d'affaires réalisé. Elle ajoute que le refus de la société Studio P. de s'adapter aux mutations technologiques a rendu inévitable la rupture. A titre subsidiaire, elle impute la rupture à la société Studio P. qui avait recours à des techniques d'impression obsolètes, onéreuses et injustifiées et qui pratiquait des tarifs prohibitifs. Elle affirme en outre que la société Studio P. a, par un courriel du 18 novembre 2015, exercé un chantage en revendiquant des droits sur la marque Everblue. Elle explique ainsi que la perte de confiance résultant de l'attitude de la société Studio P. a justifié la rupture des relations.

[*]

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (') Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. (...)

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la société Studio P. entretenait une relation d'affaires avec la société Everblue depuis 1985, soit depuis 30 ans au moment de la rupture. Il résulte des nombreuses factures versées aux débats ainsi que des attestations produites par la société Studio P. que les prestations confiées par la société Everblue consistaient en la réalisation (conception et impression) de tous ses documents de communication internes au réseau et à destination des clients finaux (catalogues, circulaires printemps et hiver, cartes de visites, papier à lettre, affiches, notices...). Il ressort encore des pièces comptables produites par la société Studio P. que le chiffre d'affaires réalisé avec la société Everblue s'est élévé à 243.299,43 euros HT en 2010, 365.160,55 euros HT en 2011, 199.032,55 euros HT en 2012, 235.342,61 euros HT en 2013, 183.350,93 euros HT en 2014 et à 166.917,43 euros HT en 2015 (sans tenir compte des travaux de pré-presse liés au catalogue Riviera et à la circulaire printemps). Contrairement à ce que prétend la société Everblue, ces chiffres ne témoignent pas d'une baisse continue et régulière du chiffre d'affaires dans les années précédant la rupture mais plutôt d'une irrégularité du flux d'affaires entre les parties selon la nature des travaux confiés. Il est également établi que jusqu'au changement d'actionnariat au sein de la société Everblue, cette dernière a systématiquement confié à la société Studio P. la réalisation de ses documents de communication sans avoir recours à la concurrence bien qu'aucune clause d'exclusivité n'ait été consentie. Si des dissensions, parfois marquées, entre les parties ont pu exister en 2011 puis en 2013, il n'a jamais été réellement question d'interrompre les relations. Il sera à cet égard relevé que la société Everblue reconnaît elle-même dans ses conclusions que lors d'un entretien qui a eu lieu le 27 octobre 2015 entre M. Y., M. d'A. et M. P., M. Y. a été très élogieux à l'égard de M. P. Il sera encore observé qu'aucune mutation technologique ne rendait inéluctable la rupture des relations au mois de décembre 2015 dès lors qu'il n'est pas discuté que malgré une évolution vers une dématérialisation des supports de communication, la société Everblue a continué postérieurement à confier à une société de communication tierce la conception et l'impression de ses supports de communication. Ainsi aucune prévisibilité de la rupture des relations ne peut être alléguée.

Pourtant il est établi qu'au mois de décembre 2015, alors qu'aucun préavis écrit n'avait été adressé à la société Studio P. l'informant de la cessation des relations, la société Everblue a refusé d'honorer la facture correspondant aux travaux commandés relatifs au catalogue de luxe et à la circulaire de printemps et a cessé toute commande, manifestant de ce fait sa volonté de cesser toute relation avec ce partenaire historique.

Contrairement à ce que soutient la société Everblue, l'imputabilité de la rupture ne peut pas être reportée sur la société Studio P. alors qu'il apparaît, au vu des pièces produites aux débats, que c'est elle qui, à compter de son changement de direction, a refusé de répondre aux demandes répétées de rendez-vous de sa partenaire historique, a exigé de recevoir sine die l'ensemble des visuels produits jusqu'alors et des fichiers natifs en se gardant d'expliquer, dans un premier temps, l'usage qu'elle souhaitait en faire puis en annonçant que cette demande avait lieu « dans le cadre de la refonte de l'image et du site internet de (la) société (Everblue) » sans davantage de précision et enfin en n'apportant aucune réponse aux interrogations formulées sur la poursuite ou non des travaux en cours de réalisation. Dans ces conditions, le courriel du 18 novembre 2015 de la société Studio P., qui soulève une discussion quant à la propriété des droits d'auteurs sur le logo de la société Everblue, ne saurait être considéré comme étant à l'origine de la rupture. Enfin la société Everblue, qui n'établit pas avoir adressé à sa partenaire de demande sérieuse en vue de la voir réviser ses tarifs ou encore de la voir s'orienter vers davantage d'impression numérique, ne saurait prétexter de tels motifs pour justifier une rupture qu'elle avait déjà décidée.

En conséquence, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, la responsabilité de la société Everblue pour avoir rompu brutalement les relations commerciales établies entretenues avec la société Studio P. doit être retenue.

 

Sur le préjudice :

La société Studio P. considère qu'au vu de l'ancienneté des relations, de l'exclusivité de fait dont elle bénéficiait et de sa dépendance économique à l'égard de sa partenaire, le préavis qui aurait dû lui être accordé doit être fixé à 30 mois. Elle conteste l'application des usages dont se prévaut la société Everblue. Elle fait valoir que la convention invoquée ne s'applique pas à son activité de conception graphique et qu'elle n'était pas chargée de l'édition de périodiques. En toute hypothèse, elle considère que l'existence d'usages ne dispense pas d'examiner le délai minimal fixé au regard des circonstances de l'espèce. Elle revendique une indemnisation sur la base d'un taux de marge brute de plus de 40 %.

La société Everblue soutient que la société appelante ne justifie pas du préjudice financier qu'elle allègue. Elle se prévaut d'un accord professionnel signé en janvier 1997 par l'ensemble des professionnels de l'imprimerie et de la communication graphique selon lequel la société Studio P. ne pourrait revendiquer qu'un délai de préavis de 14 semaines.

[*]

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

Le préavis est suffisant s'il tient compte notamment de la durée de la relation et respecte une durée minimale déterminée par référence aux usages commerciaux applicables. Néanmoins l'existence d'un accord interprofessionnel ne dispense pas la juridiction d'examiner si le préavis, qui respecte le délai minimal fixé par cet accord, tient compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances de l'espèce.

La société Everblue se prévaut des usages professionnels et conditions générales de vente élaborés par la fédération de l'imprimerie et de la communication graphique en date du mois de janvier 1997 applicables, selon le préambule, « à toutes les ventes et prestations effectuées par les entreprises appartenant aux industries graphiques, sauf dérogation résultant d'accords particuliers contraires ». Or l'industrie graphique recouvre tous les acteurs qui constituent la chaîne de production d'un produit graphique de la conception et la préparation du travail jusqu'à la production en grande série par un procédé d'impression. Les usages invoqués sont donc applicables aux prestations effectuées par la société Studio P. Lesdits usages édictent des « conditions complémentaires concernant les périodiques » et notamment fixent un préavis réciproque en cas de dénonciation du contrat en raison de l'organisation particulière que nécessitent les travaux de réalisation d'un périodique. L'article 201 précise que : « Sont qualifiées de « périodiques », les publications ayant une date de parution certaine et paraissant au moins quatre fois par an, que ces publications soient ou non vendues au public. » Ces conditions n'étant pas réunies s'agissant des travaux confiés à la société Studio P., il n'y a pas lieu d'appliquer le délai de préavis prévu par ces usages en matière de périodiques.

En l'absence d'usages, le délai de préavis applicable doit être déterminé au regard du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

Contrairement à ce que soutient la société Studio P., elle ne peut se prévaloir d'aucune exclusivité de la part de la société Everblue faute d'accord acté en ce sens. En outre, il apparaît que la part du chiffre d'affaires réalisé par la société Studio P. avec la société Everblue s'est élevé à 33% sur les trois années précédant la rupture de sorte qu'aucune dépendance économique ne peut être retenue. En revanche, au regard de l'ancienneté de 30 années de la relation, du volume d'affaires et du marché hautement concurrentiel concerné, il convient d'estimer à 18 mois la durée du préavis qui aurait dû être laissé à la société Studio P. pour se réorganiser.

Le préjudice consécutif à la brutalité de la rupture est constitué du gain manqué pendant la période d'insuffisance du préavis et s'évalue donc en considération de la marge brute escomptée durant cette période.

Contrairement à ce que soutient la société Everblue, la société Studio P. a produit de nombreux documents comptables de nature à attester du préjudice financier subi à la suite de la rupture et qui consiste en une perte de marge brute. Au regard de ces documents, il convient de fixer la marge brute réalisée sur les années 2012 à 2014 à 40,31% étant précisé qu'il ne peut pas être tenu compte de l'année 2015 qui n'est pas complète. Or la moyenne annuelle du chiffre d'affaires réalisé sur les mêmes années s'est élevée à 205.908 euros, soit 17.159 euros par mois. Dès lors, le préjudice financier résultant de la perte de marge brute pendant la période de préavis qui aurait dû être observée doit être estimé à 124.502 euros (17.159 euros x 0,4031 x 18 mois).

En conséquence, la société Everblue sera condamnée à payer à la société Studio P. une somme de 124.502 euros de dommages et intérêts et le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

 

Sur les demandes reconventionnelles :

La société Everblue se prévaut des dispositions de l'article L. 442-6, I, 1° et 2° du code de commerce pour réclamer l'engagement de la responsabilité de la société Studio P. Elle lui reproche d'avoir eu recours à des techniques de reproductions obsolètes et onéreuses en délaissant l'impression numérique, d'avoir refusé toute négociation des prix, d'avoir exigé un paiement comptant avant impression en contravention aux usages professionnels et d'avoir pratiqué des tarifs excédant ceux du marché.

La société Studio P. conteste les griefs qui lui sont faits. Elle soutient que le choix du mode d'impression a été guidé par les exigences de M. Y. et le volume d'impressions à réaliser. Elle précise que la marge pratiquée était conforme aux travaux de conception graphiques confiés. Elle ajoute que M. Y. lorsqu'il était dirigeant était parfaitement avisé des tarifs du secteur et négociait les prix.

[*]

L'article L. 442-6, I, 1° et 2° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, :

1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. (')

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

En l'espèce, il est établi que la société Studio P. réalisait des prestations de conception et d'impression de documents publicitaires pour le compte de la société Everblue et qu'en l'absence de contrat-cadre, les prix étaient définis opération par opération en fonction de la nature de la tâche confiée, du nombre d'exemplaires... La société Everblue se prévaut de prix d'impression numérique bien inférieurs à ceux d'une impression en offset suivie de repiquage pour critiquer les prix pratiqués par la société Studio P.. Toutefois il convient de relever que les commandes litigieuses initiales portaient sur plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires, ce qui pouvait justifier le recours à une impression en offset.

Par ailleurs, il sera observé qu'il n'est aucunement établi que la société Studio P. aurait refusé toute négociation sur le prix. Au contraire, les échanges de courriels intervenus avec la nouvelle direction de la société Everblue démontrent que la société Studio P. n'était nullement opposée à une telle discussion. En outre, il apparaît qu'au moment de la rupture, la société Everblue réalisait un chiffre d'affaires annuel de plus de 18 millions alors que la société Studio P. ne réalisait qu'un chiffre d'affaires de l'ordre de 500.000 euros par an de sorte que le rapport de force n'était manifestement pas en faveur de la société Studio P.. Les factures produites aux débats par la société Everblue correspondent à des travaux d'impression à l'exclusion de travaux de conception et ne permettent pas de caractériser une pratique de prix excessifs de la part de la société Studio P. alors qu'il ne s'agit pas de travaux comparables. En ce qui concerne la facture de la société Alias Print, il sera relevé que le travail de conception graphique effectué n'est pas détaillé de sorte qu'aucune comparaison ne peut être effectuée avec le travail réalisé par la société Studio P. Enfin la seule attestation produite par un concurrent de la société Studio P. ne saurait établir que la marge habituellement pratiquée dans le secteur de la conception graphique serait de 20 %.

Dans ces conditions, la responsabilité de la société Studio P. ne peut être engagée et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La société Everblue succombe à l'instance d'appel. Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées. La société Everblue sera condamnée à supporter les dépens d'appel ainsi qu'à verser à la société Studio P. une somme supplémentaire de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La demande qu'elle a formulée de ce chef sera rejetée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Rejette la demande d'annulation des chefs du jugement relatifs à la demande en paiement de la facture n° 201512198 ;

Déclare recevable l'appel de la société Studio P. concernant les chefs du jugement relatifs au paiement de la facture n° 201512198 ;

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société Studio P. au titre de la circulaire de printemps et a condamné la société Everblue PMA SAS à payer à la société Studio P. SARL la somme indemnitaire de 49.341,20 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Everblue France à payer à la société Studio P. la somme de 15.200 euros HT, soit 18.240 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2016 ;

Dit que les interêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société Everblue France à payer à la société Studio P. une somme de 124.502 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la rupture brutale des relations commerciales ;

Condamne la société Everblue France à payer à la société Studio P. une somme supplémentaire de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Everblue France aux dépens d'appel ;

Rejette les autres demandes.

LA GREFFIERE                                         LA PRÉSIDENTE