CA METZ (3e ch. Jex), 5 juillet 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9718
CA METZ (3e ch. Jex), 5 juillet 2022 : RG n° 21/01709 ; arrêt n° 22/00272
Publication : Jurica
Extrait : « Il résulte des pièces produites que par deux jugements rendus le 13 septembre 2018, le tribunal d'instance de Strasbourg a débouté la SA Banque CIC Est de ses demandes de saisie des rémunérations de M. X., fondées respectivement sur l'acte notarié de 9 août 2005 et celui du 19 août 2008, ces jugements retenant que les créances alléguées n'étaient pas déterminées et que les actes notariés des 9 août 2005 et 19 août 2008 ne pouvaient valoir titres exécutoires au sens de l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution, lequel disposait, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, que dans les départements des Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle, constituent des titres exécutoires les actes établis par un notaire de ces trois départements lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée ou la prestation d'une quantité déterminée d'autres choses fongibles ou de valeurs mobilières et que le débiteur consent dans l'acte à l'exécution forcée immédiate.
Il est constant que les instances en cause opposent les mêmes parties, la SA Banque CIC Est en qualité d'organisme prêteur et M. X. en qualité de caution solidaire, que l'objet de la demande est identique s'agissant de saisie des rémunérations de la caution et que cette demande est fondée sur la même cause, l'exécution des actes authentiques des 9 août 2005 et 19 août 2008.
S'il découle de l'article 480 du code de procédure civile que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif, il est admis qu'elle s'étend à ce qui est implicitement compris dans le dispositif, le juge devant, en présence d'un dispositif implicite, s'attacher à ce que le juge a nécessairement et indiscutablement tranché, pour déterminer l'autorité de la chose jugée.
En l'espèce, même si elle ne figure pas expressément dans les dispositifs des jugements du 13 septembre 2018, la question que le juge a dû trancher pour rejeter la demande de saisie des rémunérations, à savoir déterminer si le titre allégué a valeur de titre exécutoire ce qui était contesté par M. X., bénéficie de l'autorité de chose jugée attachée à ces jugements.
Il est constant que la Cour de cassation, par arrêt du 22 octobre 2020, a opéré un revirement de jurisprudence en énonçant que constitue un titre exécutoire l'acte notarié de prêt établi par un notaire des départements d'Alsace et de Moselle qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteurs à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement, permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi.
Cependant, l'intervention d'une jurisprudence nouvelle relative à la valeur de titre exécutoire de l'acte notarié de prêt, postérieure à la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée, ne constitue pas un fait nouveau susceptible de porter atteinte à l'autorité de la chose jugée.
Il s'ensuit que la demande de saisie des rémunérations de M. X. formée le 18 mars 2020 est irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée aux jugements rendus par le juge de l'exécution de Strasbourg le 13 septembre 2018. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
TROISIÈME CHAMBRE - JEX
ARRÊT DU 5 JUILLET 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/01709. N° Portalis DBVS-V-B7F-FRF3. Arrêt n° 22/00272. Jugement, Au fond, origine, Juge de l'exécution de THIONVILLE, décision attaquée en date du 15 avril 2021, enregistrée sous le n° 2020/A177.
APPELANT :
Monsieur X.
[Adresse 1], [Localité 4], Représenté par Maître Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
SA BANQUE CIC EST
Prise en la personne de son représentant légal, [Adresse 2], [Localité 4], Représentée par Maître Gilles ROZENEK, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 3 mai 2022 tenue par Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Magistrat rapporteur qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 5 juillet 2022.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Madame Sophie GUIMARAES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame BASTIDE, Conseiller, Monsieur MICHEL, Conseiller
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ; Signé par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Mme GUIMARAES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant acte notarié du 9 août 2005, la SA Crédit Industriel d'Alsace et de Lorraine a consenti à la SCI Alico, en vue de l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 3], un prêt immobilier d'un montant de 162.744 euros au taux de 3,250 %, remboursable en 180 mensualités de 1.143,55 euros, garanti notamment par le cautionnement solidaire de M. X.
Par acte notarié du 19 août 2018, la SA Banque CIC Est a consenti à la SCI Alico un prêt d'un montant de 30.800 euros pour la réalisation de travaux et remise en état d'appartements dans l'immeuble acquis le 9 août 2005, avec intérêts au taux de 4,6 % et remboursable en 144 mensualités de 284,89 euros, également garanti par le cautionnement solidaire de M. X.
Par requête déposée le 18 mars 2020, la SA Banque CIC Est a attrait devant le juge de l'exécution de Thionville M. X. en sa qualité de caution aux fins de voir ordonner la saisie de ses rémunérations pour recouvrement de la somme de 170.081,05 euros restant due au titre des deux prêts consentis à la SCI Alico.
Par jugement réputé contradictoire du 15 avril 2021, le juge de l'exécution a fixé la créance de la SA Banque CIC Est à la somme de 161.103,34 euros, soit 158.705,33 euros en principal, 1.487,01 euros au titre des intérêts arrêtés au 18 mars 2020 et 911 euros au titre des frais, autorisé la banque à procéder à la saisie des rémunérations de M. X. à hauteur de la somme de 161.103,34 euros en principal, intérêts et frais et condamné le défendeur aux dépens.
Selon déclaration d'appel déposée au greffe de la cour le 6 juillet 2021, M. X. a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
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Aux termes de ses dernières écritures du 14 avril 2022, dont le dispositif doit être expurgé de toutes mentions qui ne constituent pas des demandes mais reprennent les moyens soutenus dans les motifs, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
- à titre principal déclarer la SA Banque CIC Est irrecevable en ses demandes en raison de l'autorité de la chose jugée et subsidiairement de la prescription
- subsidiairement, dire et juger que la clause figurant au contrat de prêt conclu le 9 août 2005 aux termes de laquelle « les sommes dues seront de plein droit immédiatement exigibles, si bon semble à la banque, sans formalité ni mise en demeure en cas de non paiement à son échéance d'une somme quelconque devenue exigible » constitue une clause abusive qui est non écrite
- débouter la banque de l'intégralité de ses demandes
- à titre très subsidiaire ordonner la déchéance de la banque du droit aux intérêts contractuels et dire qu'elle ne pourra pas prétendre aux intérêts au taux légal, à défaut à la majoration des intérêts prévue par l'article L. 313-3 du code monétaire et financier
- dire que les règlements s'imputeront sur le principal de la dette
- inviter la banque à préciser le montant des sommes à recouvrer auprès des autres débiteurs et cautions et à défaut de décompte actualisé la débouter de ses demandes
- lui accorder un délai de 24 mois pour apurer la dette qui resterait à sa charge
- en tout état de cause déclarer la banque irrecevable et subsidiairement mal fondée en ses demandes et la condamner aux dépens d'instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X. soutient que la demande est irrecevable par application des dispositions des articles 122 du code de procédure civile et 1355 du code civil, en ce qu'elle se heurte à l'autorité de chose jugée attachée aux jugements rendus le 13 septembre 2018 qui ont rejeté les demandes de saisie des rémunérations formées à son encontre par la banque et qu'en tout état de cause, la demande contrevient au principe de concentration des moyens. Il ajoute que la demande est prescrite en ce qui concerne les échéances impayées antérieures au 17 mars 2005, sans que la banque puisse se prévaloir d'une interruption de prescription du fait de la délivrance de deux commandements aux fins de saisie-vente en date du 14 septembre 2015 alors que le rejet de ses demandes par le juge de l'exécution suivant jugements des 13 septembre 2018 a rendu non avenu l'effet interruptif de la prescription.
Il prétend également que la demande de la banque par conclusions du 31 janvier 2022, en ce qu'elle tend au règlement de 10 échéances de l'année 2015 alors que précédemment elle ne réclamait que 5 échéances sur cette même année, est irrecevable comme nouvelle conformément aux dispositions des articles 566 et 910-4 du code de procédure civile.
Subsidiairement sur le fond, M. X. soutient que la banque a prononcé la déchéance du terme du premier prêt sans mise en demeure préalable adressée à la débitrice principale et aux cautions, que la clause du contrat qui stipule que les sommes dues seront de plein droit exigibles si bon semble à la banque sans formalité ni mise en demeure en cas de non-paiement à échéance d'une somme quelconque devenue exigible, est abusive au sens de l'article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation et doit être déclarée non écrite et subsidiairement nulle, la banque n'étant en droit de solliciter que le règlement des échéances impayées. Sur le prêt du 19 août 2008, il expose que les lettres recommandées avec accusés de réception produites en pièce n° 21 ne sont pas probantes dès lors qu'il n'est justifié ni de leur envoi ni de leur réception, que la clause du contrat selon lequel les sommes dues seront immédiatement exigibles si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts, frais ou accessoires et que le prêteur avertira l'emprunteur par simple courrier, ne prévoit pas la déchéance du terme en cas d'impayé puisqu'il est fait référence uniquement aux sommes dues qui seraient exigibles, de sorte que la banque ne peut se prévaloir de la déchéance du terme ni ajouter d'autres frais aux sommes dues au titre des échéances exigibles.
Rappelant que la caution est fondée à se prévaloir des exceptions qui lui sont personnelles, il soutient que les engagements souscrits à hauteur de 162.744 euros le 9 août 2015 et de 30.800 euros le 19 août 2008, étaient manifestement disproportionnés à ses biens et ses revenus, n'étant propriétaire que de sa maison d'habitation à l'exclusion des autres biens cités dans les « tableaux patrimoniaux », et devant faire face à des charges courantes que la banque connaissait parfaitement.
Il ajoute que l'intimée ne justifie pas lui avoir adressé l'information annuelle due à la caution prévue par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, de sorte qu'il est en droit de solliciter la déchéance de la banque de son droit aux intérêts contractuels ainsi que l'affectation prioritaire des paiements au principal de la dette, qu'au regard de la jurisprudence de la CJUE, la sanction de la déchéance n'est pas suffisamment dissuasive puisque la majoration de l'intérêt légal de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier aboutira à percevoir davantage d'intérêts qu'au taux contractuel et sollicite en conséquence le rejet de la demande d'intérêt au taux légal et la majoration de l'article L. 313-3.
M. X. conteste les décomptes de la banque en l'absence d'imputation des règlements de la débitrice sur le principal de la dette depuis la conclusion du prêt et de prise en compte des cotisations d'assurance et demande à la banque d'actualiser sa demande notamment au regard des montants acquittés par la SCI Alico et les autres cautions, concluant à défaut au rejet de la demande en paiement. Enfin, il sollicite des délais de paiement en précisant que le bien immobilier a été mis en vente et que le produit de la vente couvrira la dette.
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Par conclusions du 12 avril 2022, dont le dispositif doit être expurgé de toutes mentions qui ne constituent pas des demandes mais reprennent les moyens soutenus dans les motifs, la SA Banque CIC Est demande à la cour de :
- rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose juge et celle tirée de la prescription
- débouter M. X. de ses prétentions relatives à l'irrégularité de la déchéance du terme au caractère abusif de la clause contractuelle
- subsidiairement, dire et juger que les demandes en condamnation concernant des quatre échéances de 2015 ajoutées aux 6 initiales s'agissant des deux prêts sont recevables et que M. X. est redevable des échéances échues impayées, soit pour le prêt du 9 août 2015 la somme de 100.547,36 euros avec intérêts au taux conventionnel majoré de trois points de 7,20 % sur chaque échéance impayée jusqu'à complet paiement, et pour le prêt du 19 août 2008 la somme de 22.247,06 euros avec intérêts au taux conventionnel majoré de trois points de 7,6 % sur chaque échéance impayée jusqu'à complet paiement, et autoriser la saisie sur ces créances
- débouter M. X. de sa prétention relative à la disproportion de ses engagements
- sur le défaut d'information annuelle de la caution :
* si la déchéance du terme est jugée régulière, dire que M. X. est redevable pour le prêt du 9 août 2005 de la somme de 107.205,29 euros avec intérêts au taux légal sur chaque échéance impayée jusqu'à complet paiement et cotisation d'assurance de 0,50 % à compter du 22 avril 2022, et pour le prêt du 19 août 2008 de la somme de 18.447,52 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2022, en conséquence autoriser la saisie sur ces créances
* si la déchéance du terme est jugée irrégulière, dire que les demandes en condamnation concernant les 4 échéances de 2015 rajoutées aux 6 initiales s'agissant des deux prêts sont recevables, que M. X. reste redevable des échéances échues impayées, soit pour le prêt du 9 août 2015 la somme de 79.788,51 euros avec intérêts au taux légal sur chaque échéance impayée jusqu'à complet paiement et pour le prêt du 19 août 2008, la somme de 20.038,20 euros avec intérêts au taux légal sur chaque échéance impayée jusqu'à complet paiement et autoriser la saisie sur ces créances
- débouter M. X. de sa demande de rejet d'intérêt au taux légal et de majoration et de sa demande de délais de paiement
- pour le surplus confirmer les dispositions du jugement
- en toute hypothèses, condamner M. X. aux dépens et au paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur l'autorité de la chose jugée, l'intimée expose que la demande de saisie des rémunérations de M. X. a été rejetée par deux jugements rendus par le tribunal d'instance de Strasbourg le 13 septembre 2018 au motif que la créance n'était pas été suffisamment déterminée dans les actes notariés utilisés comme titres exécutoires, au visa de l'article L. 111-5 du code des procédures d'exécution. Elle soutient que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs ont modifié la situation initialement reconnue en justice ou lorsque la demande est fondée sur l'existence d'un droit né après la décision rendue à l'issue de l'instance initiale, qu'en application de l'article 108 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, l'acte de prêt établi par un notaire des départements d'Alsace et de Moselle constitue un titre exécutoire lorsqu'il mentionne au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement, permettant au jour des poursuites d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi, que tel est le cas en l'espèce, les actes notariés initiaux comme les avenants comportant de nouveaux tableaux d'amortissement mentionnant le montant emprunté, le taux nominal des intérêts ainsi que le nombre et le montant des échéances, l'ensemble permettant d'évaluer la créance, de sorte que ces actes notariés valent titres exécutoires et que la fin de non-recevoir soulevée doit être rejetée.
Sur la prescription des échéances impayées antérieures au 17 mars 2015, elle fait valoir que les commandements de payer aux fins de saisie-vente délivrés les 14 septembre 2015 et 5 avril 2017 ont interrompu la prescription, que s'agissant de deux prêts immobiliers à échéances successives, la prescription se divise comme la dette et court, pour chaque fraction du prêt, à compter de son échéance, chaque mensualité faisant courir un délai de prescription pour la somme due, que suite à l'application d'un taux fixé par avenant en septembre 2013, les échéances en retard au 1er juillet 2015 correspondent, pour le premier prêt, aux 7 échéances échues depuis le 20 décembre 2014, et pour le second prêt, aux 5 échéances échues depuis le 15 février 2015 et que l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme qui emporte son exigibilité.
Sur la déchéance du terme, la banque soutient avoir adressé à la SCI Alico des lettres recommandées de mise en demeure préalable lui demandant de régulariser sa situation d'arriérés et qu'en tout état de cause, s'agissant du premier prêt, le contrat comporte une clause claire, expresse et non équivoque dispensant le prêteur de mise en demeure préalable, tout en contestant le caractère abusif de cette clause en l'absence de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Elle ajoute que si la déchéance du terme était jugée irrégulière et la clause de déchéance du terme du premier prêt abusive et nulle, la caution reste tenue du remboursement des échéances échues et impayées jusqu'à celle la plus récente, déduction faite des remboursements contentieux, soit pour le premier prêt, un solde de 100.547,36 euros et pour le second prêt, un solde de 22.247,06 euros, avec intérêts au taux contractuel majoré de trois points sur chaque échéance impayée, étant précisé que les quatre échéances supplémentaires sur l'année 2015 ne constituent pas une demande nouvelle puisqu'elles étaient mentionnées dans la lettre de déchéance du terme du 1er juillet 2015 et font partie du montant total de créance réclamé en première instance.
L'intimée conteste le caractère disproportionné des cautionnements souscrits par la caution au vu de la fiche patrimoniale faisant état d'un salaire mensuel de 4.450 euros et d'un important patrimoine immobilier. Elle prétend avoir adressé les lettres d'information annuelle à la caution au titre de ses deux engagements conformément aux dispositions de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier et s'oppose à tout délai de paiement compte tenu de la durée des procédures, de l'absence d'exécution malgré les lettres de mise en demeure et les commandements de payer et à défaut de connaissance de la situation de l'appelant.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Vu les conclusions déposées le 14 avril 2022 par M. X. et le 12 avril 2022 par la SA Banque CIC Est, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 28 avril 2022 ;
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée :
Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel la chose jugée.
En vertu de l'article 1355 du code civil, anciennement 1351, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, qu'elle concerne les mêmes parties, prises en la même qualité, et que la demande soit fondée sur la même cause.
En l'espèce, la SA Banque CIC Est a sollicité, par requête du 18 mars 2020, la saisie des rémunérations de M. X. en vertu deux actes de prêt notariés des 9 août 2005 et 19 août 2008, consentis à la SCI Alico pour les montants respectivement de 162.744 euros et 30.800 euros, contenant l'engagement de caution solidaire souscrit par M. X.
Il résulte des pièces produites que par deux jugements rendus le 13 septembre 2018, le tribunal d'instance de Strasbourg a débouté la SA Banque CIC Est de ses demandes de saisie des rémunérations de M. X., fondées respectivement sur l'acte notarié de 9 août 2005 et celui du 19 août 2008, ces jugements retenant que les créances alléguées n'étaient pas déterminées et que les actes notariés des 9 août 2005 et 19 août 2008 ne pouvaient valoir titres exécutoires au sens de l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution, lequel disposait, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, que dans les départements des Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle, constituent des titres exécutoires les actes établis par un notaire de ces trois départements lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée ou la prestation d'une quantité déterminée d'autres choses fongibles ou de valeurs mobilières et que le débiteur consent dans l'acte à l'exécution forcée immédiate.
Il est constant que les instances en cause opposent les mêmes parties, la SA Banque CIC Est en qualité d'organisme prêteur et M. X. en qualité de caution solidaire, que l'objet de la demande est identique s'agissant de saisie des rémunérations de la caution et que cette demande est fondée sur la même cause, l'exécution des actes authentiques des 9 août 2005 et 19 août 2008.
S'il découle de l'article 480 du code de procédure civile que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif, il est admis qu'elle s'étend à ce qui est implicitement compris dans le dispositif, le juge devant, en présence d'un dispositif implicite, s'attacher à ce que le juge a nécessairement et indiscutablement tranché, pour déterminer l'autorité de la chose jugée.
En l'espèce, même si elle ne figure pas expressément dans les dispositifs des jugements du 13 septembre 2018, la question que le juge a dû trancher pour rejeter la demande de saisie des rémunérations, à savoir déterminer si le titre allégué a valeur de titre exécutoire ce qui était contesté par M. X., bénéficie de l'autorité de chose jugée attachée à ces jugements.
Il est constant que la Cour de cassation, par arrêt du 22 octobre 2020, a opéré un revirement de jurisprudence en énonçant que constitue un titre exécutoire l'acte notarié de prêt établi par un notaire des départements d'Alsace et de Moselle qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteurs à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement, permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi.
Cependant, l'intervention d'une jurisprudence nouvelle relative à la valeur de titre exécutoire de l'acte notarié de prêt, postérieure à la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée, ne constitue pas un fait nouveau susceptible de porter atteinte à l'autorité de la chose jugée.
Il s'ensuit que la demande de saisie des rémunérations de M. X. formée le 18 mars 2020 est irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée aux jugements rendus par le juge de l'exécution de Strasbourg le 13 septembre 2018.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Il y a lieu, en équité, d'allouer à M. X. une indemnité de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La SA Banque CIC Est, partie perdante, sera déboutée de sa demande sur ce même fondement et supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
INFIRME le jugement rendu le 15 avril 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Thionville en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
DECLARE irrecevable, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée aux jugements du 13 septembre 2018, la requête aux fins de saisie des rémunérations de M. X. déposée le 18 mars 2020 par la SA Banque CIC Est ;
CONDAMNE la SA Banque CIC Est à verser à M. X. une indemnité de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la SA Banque CIC Est de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SA Banque CIC Est aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT