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5710 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Obstacles au contrôle du juge - Autorité de la chose jugée

Nature : Synthèse
Titre : 5710 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Obstacles au contrôle du juge - Autorité de la chose jugée
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5710 (16 février 2024)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - RÉGIME

ACTION D’UN CONSOMMATEUR - PROCÉDURE

RECEVABILITÉ - OBSTACLES AU CONTRÔLE DU JUGE - AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2023)

 

Droit de l’Union européenne. Compte tenu de l’importance du principe de l’autorité de la chose jugée, tant dans l’ordre juridique communautaire que dans les ordres juridiques nationaux (point n° 35), le droit communautaire n’impose pas à une juridiction nationale d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant l’autorité de la chose jugée à une décision, même si cela permettrait de remédier à une violation d’une disposition, quelle qu’en soit la nature, du droit communautaire par la décision en cause (point n° 37). CJCE (1re ch.), 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones SL/Cristina Rodríguez Nogueira : Aff. C-40/08 ; Cerclab n° 4417 - CJUE (8e ch.), 16 novembre 2010, Pohotovosť s. r. o./Iveta Korčkovská. : Aff. C‑76/10 ; Cerclab n° 4418 (points n° 45-46). § En l’absence de réglementation communautaire en la matière, les modalités de mise en œuvre du principe de l’autorité de la chose jugée relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers, à condition, cependant, que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence), ni être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité). CJCE (1re ch.), 6 octobre 2009 : précité (point n° 38) - CJUE (8e ch.), 16 novembre 2010 : précité (points n° 47). § La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 doit être interprétée en ce sens qu’une juridiction nationale saisie d’un recours en exécution forcée d’une sentence arbitrale ayant acquis la force de chose jugée, rendue sans comparution du consommateur, est tenue, dès qu’elle dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, d’apprécier d’office le caractère abusif de la clause d’arbitrage contenue dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans la mesure où, selon les règles de procédure nationales, elle peut procéder à une telle appréciation dans le cadre de recours similaires de nature interne. Si tel est le cas, il incombe à cette juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par ladite clause. CJCE (1re ch.), 6 octobre 2009 : précité.

La directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une règle nationale qui interdit au juge national de réexaminer d’office le caractère abusif des clauses d’un contrat, lorsqu’il a déjà été statué sur la légalité de l’ensemble des clauses de ce contrat au regard de cette directive par une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée. CJUE (1re ch.), 26 janvier 2017, Banco Primus SA / Jesús Gutiérrez García : Aff. C‑421/14 ; Cerclab n° 6986 (points n° 46 à 53).

Mais, en présence d’une ou de plusieurs clauses contractuelles dont le caractère éventuellement abusif n’a pas été examiné lors d’un précédent contrôle juridictionnel du contrat litigieux clôturé par une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée, la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens que le juge national, régulièrement saisi par le consommateur par voie d’opposition incidente, est tenu d’apprécier, sur demande des parties ou d’office dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, le caractère éventuellement abusif de celles-ci. CJUE (1re ch.), 26 janvier 2017, Banco Primus SA / Jesús Gutiérrez García : Aff. C‑421/14 ; Cerclab n° 6986 (points n° 46 à 53 ; 1/ les conditions fixées par les droits nationaux, auxquelles se réfère l’art. 6 § 1 de la directive 93/13, ne sauraient porter atteinte à la substance du droit que les consommateurs tirent de cette disposition de ne pas être liés par une clause réputée abusive ; 2/ en l’absence d’un tel contrôle, la protection du consommateur se révélerait incomplète et insuffisante et ne constituerait un moyen ni adéquat, ni efficace, pour faire cesser l’utilisation de ce type de clauses, contrairement à ce que prévoit l’art. 7 § 1 de la directive 93/13). § L’art. 6 § 1 et l’art. 7 § 1 de la directive 93/13/CEE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui, en raison de l’effet de l’autorité de la chose jugée et de la forclusion, ne permet ni au juge d’examiner d’office le caractère abusif de clauses contractuelles dans le cadre d’une procédure d’exécution hypothécaire ni au consommateur, après l’expiration du délai pour former opposition, d’invoquer le caractère abusif de ces clauses dans cette procédure ou dans une procédure déclarative subséquente, lorsque lesdites clauses ont déjà fait l’objet, lors de l’ouverture de la procédure d’exécution hypothécaire, d’un examen d’office par le juge de leur caractère éventuellement abusif, mais que la décision juridictionnelle autorisant l’exécution hypothécaire ne comporte aucun motif, même sommaire, attestant de l’existence de cet examen ni n’indique que l’appréciation portée par ce juge à l’issue dudit examen ne pourra plus être remise en cause en l’absence d’opposition formée dans ledit délai. CJUE (gde ch.), 17 mai 2022, MA / Ibercaja Banco, SA : Aff. C-600/19 ; Cerclab n° 9639.

Principe de concentration des moyens. En droit interne, la Cour de cassation oblige les parties à présenter tous leurs moyens et leur refuse d’intenter une nouvelle action fondée sur des moyens non utilisés lors de la première demande. Pour une illustration : il incombe au défendeur de présenter, dès l’instance relative à la première demande, l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à justifier son rejet total ou partiel ; ayant relevé que l’autorité de chose jugée attachée à l’ordonnance portant injonction de payer faisait obstacle aux demandes relatives à la résolution de conventions conclues entre les parties pour inexécution par la société de ses obligations et à la restitution des sommes versées en exécution de l’ordonnance, faisant ainsi ressortir qu’il appartenait au locataire de former une opposition régulière à cette ordonnance afin de présenter à cette occasion l’ensemble de ses moyens de défense, la cour d’appel en a exactement déduit que les demandes de du locataire étaient irrecevables pour se heurter à la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée. Cass. civ. 2e, 1er février 2018 : pourvoi n° 17-10849 ; arrêt n° 103 ; Cerclab n° 7513, rejetant le pourvoi contre CA Paris (pôle 5 ch. 11), 7 octobre 2016 : RG n° 13/15170 ; Cerclab n° 6159. § V. aussi en droit alsacien-mosellan : ayant relevé que l’ordonnance du tribunal de l’exécution avait, dans son dispositif, admis l’intervention à la procédure de la banque pour les montants qu’elle avait indiqués dans sa requête et constaté que cette ordonnance n’avait pas fait l’objet d’un pourvoi immédiat et était revêtue de l’autorité de la chose jugée, c’est à bon droit que la cour d’appel, par ce seul motif, a décidé que les emprunteurs, à qui il incombait de présenter, dès la notification de la décision d’admission, l’ensemble des moyens qu’ils estimaient de nature à justifier son rejet total ou partiel, ne pouvaient plus contester l’exécution du titre exécutoire par la banque. Cass. civ. 2e, 5 septembre 2019 : pourvoi n° 18-16680 ; arrêt n° 1042 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8140 (droit local), rejetant le pourvoi contre CA Colmar, 15 mars 2018 : Dnd. § V. en ce sens pour les juges du fond : CA Colmar (1re ch. civ. sect. A), 27 février 2017 : RG n° 15/03400 ; Cerclab n° 6787 ; Juris-Data n° 2017-004210 (résumé ci-dessous) - CA Versailles (16e ch.), 3 décembre 2020 : RG n° 20/01525 ; Cerclab n° 8684 (résumé ci-dessous).

N.B. il n’est pas sûr qu’une telle solution soit conforme en droit de l’Union européenne en ce qu’elle fait obstacle à la règle fondamentale selon laquelle les clauses abusives ne doivent pas lier le consommateur. V. d’ailleurs CJUE (1re ch.), 26 janvier 2017, Banco Primus SA / Jesús Gutiérrez García : Aff. C‑421/14 ; Cerclab n° 6986 (points n° 46 à 53 ; résumé ci-dessus et semblant écarter cette solution). § V. d’ailleurs : CJCE devenue CJUE a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, 4 juin 2009, Pannon, C-243/08). 910-4 CPC) ; en outre, il appartient aux juridictions nationales, en tenant compte de l'ensemble des règles du droit national et en application des méthodes d'interprétation reconnues par celui-ci, de décider si et dans quelle mesure une disposition nationale est susceptible d'être interprétée en conformité avec la directive 93/13 sans procéder à une interprétation contra legem de cette disposition nationale. A défaut de pouvoir procéder à une interprétation et à une application de la réglementation nationale conformes aux exigences de cette directive, les juridictions nationales ont l'obligation d'examiner d'office si les stipulations convenues entre les parties présentent un caractère abusif et, à cette fin, de prendre les mesures d'instruction nécessaires, en laissant au besoin inappliquées toutes dispositions ou jurisprudence nationales qui s'opposent à un tel examen (CJUE, 4 juin 2020, Kancelaria Médius, C-495/19) ; il s'en déduit que le principe de concentration temporelle des prétentions posé par l’art. 910-4 CPC ne s'oppose pas à l'examen d'office du caractère abusif d'une clause contractuelle par le juge national, qui y est tenu dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (point n° 16). Cass. civ. 1re, 2 février 2022 : pourvoi n° 19-20640 ; arrêt n° 103 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 9428, cassant CA Chambéry (2e ch.), 11 avril 2019 : Dnd (arrêt déclarant irrecevables les prétentions en annulation de stipulations contractuelles abusives, aux motifs qu’elles auraient dû être présentées dans le premier jeu de conclusions d'appel).

Respect d’une décision antérieure ayant autorité de la chose jugée : JEX. Lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à la créance dont le recouvrement est poursuivi sur le fondement d'un titre exécutoire relatif à un contrat, le juge de l'exécution est tenu, même en présence d'une précédente décision revêtue de l'autorité de la chose jugée sur le montant de la créance, sauf lorsqu'il ressort de l'ensemble de la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que le juge s'est livré à cet examen, et pour autant qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, d'examiner d'office si les clauses insérées dans le contrat conclu entre le professionnel et le non-professionnel ou consommateur ne revêtent pas un caractère abusif. Cass. civ. 2e, 13 avril 2023 : pourvoi n° 21-14540 ; arrêt n° 385 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 10227 (point n° 23), pourvoi contre CA Versailles, 7 janvier 2021 : RG n° 19/07791 ; Dnd. § Dès lors, cassation de l’arrêt qui, après avoir rejeté l'exception de nullité de la saisie attribution et la fin de non-recevoir prise de la prescription de la créance, retient que la saisie attribution est justifiée dans son quantum sans examiner le caractère abusif des clauses du prêt libellé en devises étrangères, alors que, disposant des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, il lui appartenait d'examiner d'office si les clauses du prêt notarié libellé en devise étrangère, fondement de la saisie-attribution, revêtaient ou non un caractère abusif, au sens de l’anc. art. L. 132-1 C. consom. Même arrêt (points 26 et 27). § V. aussi Cerclab n° 5983.

Respect d’une décision antérieure ayant autorité de la chose jugée : juge-commissaire. L’autorité de la chose jugée d'une décision du juge-commissaire admettant des créances au passif d'une procédure collective, résultant de l'art. 1355 du code civil et de l'art. 480 CPC, ne doit pas être susceptible de vider de sa substance l'obligation incombant au juge national de procéder à un examen d'office du caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles. ; il en découle que le juge de l'exécution, statuant lors de l'audience d'orientation, à la demande d'une partie ou d'office, est tenu d'apprécier, y compris pour la première fois, le caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles qui servent de fondement aux poursuites, sauf lorsqu'il ressort de l'ensemble de la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que le juge s'est livré à cet examen ; il en résulte qu'un débiteur soumis à une procédure collective contre lequel a été rendue une décision, irrévocable, admettant à son passif une créance au titre d'un prêt immobilier, qu'il avait souscrit antérieurement en qualité de consommateur, peut, à l'occasion de la procédure de saisie immobilière d'un bien appartenant à ce débiteur, mise en œuvre par le créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité de l'immeuble constituant la résidence principale du débiteur est inopposable, nonobstant l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision, soulever, à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution, une contestation portant sur le caractère abusif d'une ou plusieurs clauses de l'acte de prêt notarié dès lors qu'il ressort de la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que le juge ne s'est pas livré à cet examen. Cass. com., 8 février 2023 : pourvoi n° 21-17763 ; arrêt n° 129 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 10037 (points n° 22 à 24), cassant sur ce point CA Versailles (16e ch.), 3 décembre 2020 : RG n° 20/01525 ; Cerclab n° 8684. § Pour le rappel de l’arrêt cassé : en vertu du principe de concentration des moyens, toutes les contestations doivent être élevées dans la première procédure donnant l'occasion de le faire contradictoirement ; dès lors, le débiteur saisi ne peut, devant le juge de l’exécution, remettre en cause la procédure de saisie immobilière en contestant la validité de certaines clauses des contrats de prêts (exigibilité anticipée, stipulation d'intérêts et TEG), alors que les décisions du juge-commissaire ont autorité de la chose jugée à l'égard du saisi relativement aux créances qu'elles fixent, la procédure de saisie immobilière ayant à cet égard le même objet de fixation de la créance du poursuivant. ». CA Versailles (16e ch.), 3 décembre 2020 : précité (arrêt notant que le débiteur saisi avait été convoqué à l'audience du juge commissaire, pour qu'il soit statué sur les contestations qu'il avait émises au vu de la proposition d'admission de créances du liquidateur, qu’il avait bien comparu devant le juge commissaire, qui mentionne que concernant la première créance, « le débiteur ne formule aucune observation particulière », et concernant la seconde, « le débiteur ne conteste plus la créance ; N.B. l’argument ne règle pas la question de l’obligation de relever d’office le caractère abusif qui pèse aussi sur le juge commissaire), sur appel de TJ Versailles (JEX), 31 janvier 2020 : RG n° 14/00218 ; Dnd. § En raison du caractère accessoire du cautionnement, le juge du cautionnement, saisi d'une action en paiement par le créancier contre la caution, est tenu de respecter la décision passée en force de chose jugée rendue par le juge compétent de la procédure collective dans les rapports entre le créancier et le débiteur principal, et concernant l'existence ainsi que le montant de la créance. CA Nancy (5e ch. com.), 18 mai 2016 : RG n° 15/01336 ; Cerclab n° 5617 (caution d’un prêt professionnel : impossibilité pour la caution de remettre en cause les modalités de calcul du TEG, alors qu’elle n’a exercé aucun recours contre l’état des créances), sur appel de T. com. Épinal, 31 mars 2015 : RG n° 2014/3279 ; Dnd (déséquilibre non significatif).

Respect d’une décision antérieure ayant autorité de la chose jugée : décision étrangère. Pour une illustration : CA Aix-en-Provence (ch. 1-9), 7 décembre 2023 : RG n° 23/05973 ; arrêt n° 2023/760 ; Cerclab n° 10618 (le contrat étant expressément soumis à la loi du Luxembourg et le caractère abusif des clauses ayant été examiné par les juridictions luxembourgeoises, les emprunteurs saisis ne sont pas recevables à invoquer devant les juridictions françaises, les même points de discussion qui ont été jugés au Luxembourg et à remettre en cause l'autorité de chose jugée), sur appel de TJ Draguignan (Jex), 31 mars 2023 : RG n° 11/00531 ; Dnd.

Respect d’une décision antérieure ayant autorité de la chose jugée : autres illustrations. Impossibilité de discuter à nouveau du caractère abusif d’une clause qui a été admis par un arrêt antérieur, la cour n’étant plus saisie que de la détermination des conséquences de la première décision. CA Metz (1re ch.), 7 mars 2013 : RG n° 09/01133 ; arrêt n° 13/00100 ; Cerclab n° 4326, suite de CA Metz (1re ch.), 12 janvier 2011 : RG n° 09/01133 ; Dnd (arrêt antérieur ayant « dit que la clause d'exigibilité immédiate […] est abusive, et en conséquence est réputée non écrite ; invité les parties à conclure en tirant les conséquences du caractère abusif de ladite clause »), sur appel de TGI Thionville, 27 février 2009 : Dnd. § La cour ayant par un arrêt antérieur débouté la société maître de l’ouvrage de son action en responsabilité contractuelle contre l’entrepreneur, au motif qu'elle n'apportait pas la preuve d’un manquement de celui-ci aux règles de l'art, le moyen tiré du caractère abusif de la clause limitative de responsabilité, en ce qu'il vient au soutien d'une demande tendant à faire juger que l'appelant a manqué à ses obligations contractuelles, se heurte au principe de la concentration des moyens et à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt d'appel précité rendu entre les mêmes parties. CA Colmar (1re ch. civ. sect. A), 27 février 2017 : RG n° 15/03400 ; Cerclab n° 6787 ; Juris-Data n° 2017-004210 (fourniture et installation d’un compresseur à la demande d’une société chargée de la maintenance des locaux d’une chambre de commerce ; arrêt exprimant aussi un doute sur la possibilité de l’application de la protection contre les clauses abusives dans un contrat conclu par un professionnel), sur appel de TGI Strasbourg, 24 avril 2015 : Dnd, suite de Cass. civ. 1re, 22 janvier 2014 : pourvoi n° 12-35086 ; Cerclab n° 4673 (la cour d’appel n’étant pas saisie de conclusions précises tendant à voir déclarer abusive au regard des dispositions de l'ancien art. L. 132-1 [212-1 nouveau] C. consom. la clause du contrat déchargeant l’installateur d’un compresseur d'une obligation de résultat, le moyen est nouveau et mélangé de fait, et partant irrecevable), rejet du pourvoi contre CA Colmar, 20 septembre 2012 : Dnd. § En vertu du principe de concentration des moyens, toutes les contestations doivent être élevées dans la première procédure donnant l'occasion de le faire contradictoirement ; dès lors, le débiteur saisi ne peut, devant le juge de l’exécution, remettre en cause la procédure de saisie immobilière en contestant la validité de certaines clauses des contrats de prêts (exigibilité anticipée, stipulation d'intérêts et TEG), alors que les décisions du juge-commissaire ont autorité de la chose jugée à l'égard du saisi relativement aux créances qu'elles fixent, la procédure de saisie immobilière ayant à cet égard le même objet de fixation de la créance du poursuivant. ». CA Versailles (16e ch.), 3 décembre 2020 : RG n° 20/01525 ; Cerclab n° 8684 (arrêt notant que le débiteur saisi avait été convoqué à l'audience du juge commissaire, pour qu'il soit statué sur les contestations qu'il avait émises au vu de la proposition d'admission de créances du liquidateur, qu’il avait bien comparu devant le juge commissaire, qui mentionne que concernant la première créance, « le débiteur ne formule aucune observation particulière », et concernant la seconde, « le débiteur ne conteste plus la créance ; N.B. l’argument ne règle pas la question de l’obligation de relever d’office le caractère abusif qui pèse aussi sur le juge commissaire), sur appel de TJ Versailles (JEX), 31 janvier 2020 : RG n° 14/00218 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 10), 7 février 2022 : RG n° 20/04064 ; Cerclab n° 9404 (qualification de garantie autonome couverte par l’autorité de la chose jugée, empêchant toute requalification en cautionnement ou examen de la validité des clauses sous l’angle de cette qualification), sur appel de TJ Melun, 21 janvier 2020 : RG n° 17/02605 ; Dnd.

Rappr. pour la déchéance des intérêts : refus de prononcer la déchéance des intérêts en raison de la présence d’une clause abusive non conforme aux modèle-type, dès lors que les droits du prêteur au paiement des intérêts du prêt ont été consacrés par une ordonnance d’injonction de payer régulièrement signifiée et non frappée d'opposition. CA Rennes (2e ch.), 12 octobre 2018 : RG n° 15/01634 ; arrêt n° 518 ; Cerclab n° 7659 (prêt personnel ; nécessité de respecter l’autorité de chose jugée de l’ordonnance : les droits reconnus au prêteur ne sauraient être remis en cause indépendamment de l'ordonnance elle-même et la demande formée lors de la présente instance en ce qu'elle tend à voir prononcer la déchéance du prêteur du droit aux intérêts pour s'opposer au paiement d'une partie de la réclamation sera déclarée irrecevable), sur appel de TI Saint-Malo, 25 novembre 2014 : Dnd.

Il est constant que la Cour de cassation, par arrêt du 22 octobre 2020, a opéré un revirement de jurisprudence en énonçant que constitue un titre exécutoire l'acte notarié de prêt établi par un notaire des départements d'Alsace et de Moselle qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteurs à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement, permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi ; cependant, l'intervention d'une jurisprudence nouvelle relative à la valeur de titre exécutoire de l'acte notarié de prêt, postérieure à la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée, ne constitue pas un fait nouveau susceptible de porter atteinte à l'autorité de la chose jugée. CA Metz (3e ch. Jex), 5 juillet 2022 : RG n° 21/01709 ; arrêt n° 22/00272 ; Cerclab n° 9718 (irrecevabilité d’une nouvelle demande de saisie des rémunérations entre les mêmes parties, fondée sur le même acte notarié alors qu’un jugement définitif a rejeté cette demande, en estimant implicitement mais nécessairement que l’acte notarié, sous l’empire de l’ancienne interprétation, ne valait pas titre exécutoire faute de porter sur une somme d'argent déterminée), sur appel de TGI Thionville (Jex), 15 avril 2021 : RG n° 2020/A177 ; Dnd.

* Identité d’objet. Une demande présentée devant le juge du fond et fondée sur les anciens art. L. 132-1 al. 1er [L. 212-1 nouveau] et R. 132-2-3° [R. 212-2-3° nouveau] C. consom., ne se heurte pas à l'autorité de chose jugée attachée à une décision antérieure de la cour d’appel, devant laquelle le consommateur n'a pas fait valoir cet argument, dès lors que cette instance devant le juge de l'exécution, puis en appel devant la cour d'appel, avait un objet différent. CA Paris (pôle 5 ch. 6), 5 juin 2014 : RG n° 13/06710 ; Cerclab n° 4808 ; Juris-Data n° 2014-013494, sur appel de TGI Paris, 26 février 2013 : RG n° 11/02431 ; Dnd. § V. aussi : CA Aix-en-Provence (ch. 3-3), 4 mars 2021 : RG n° 19/00094 ; arrêt n° 2021/72 ; Cerclab n° 8843 (assurance de groupe souscrite par un maçon en cas d’incapacité temporaire totale de travail ; décision écartant le précédent invoqué par l’assuré qui ne concerne pas le même contrat, en l’espèce l’arrêt de la Cour de cassation du 14 avril 2016), sur appel de TGI Draguignan, 18 décembre 2018 : RG n° 17/01602 ; Dnd.

* Identité de parties. Le moyen tiré de l’irrecevabilité de la demande, au motif de l’existence d’un précédent jugement concernant une association de consommateurs, est dépourvu de fondement juridique, l’autorité de la chose jugée s’attachant aux décisions rendues lorsque la cause et les parties sont identiques, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. TI Paris (11e arrond.), 24 février 2004 : RG n° 11-03-000440 ; Cerclab n° 1370 (litige entre un opérateur de téléphonie et un de ses abonnés, alors que le précédent concernait une association de consommateurs, sans doute TGI Nanterre (1re ch. A), 17 mars 1999 : RG n° 12004/98 ; Site CCA ; Cerclab n° 4013).

Lien entre une action individuelle et une action collective. L’art. 7 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui impose au juge national, saisi d’une action individuelle d’un consommateur tendant à faire constater le caractère abusif d’une clause d’un contrat le liant à un professionnel, de suspendre automatiquement une telle action dans l’attente d’un jugement définitif dans une action collective en cours, introduite par une association de consommateurs sur le fondement du deuxième paragraphe de cet article, afin de faire cesser l’usage, dans des contrats de même type, de clauses analogues à celle visée par ladite action individuelle, sans que la pertinence d’une telle suspension du point de vue de la protection du consommateur qui a saisi le juge à titre individuel puisse être prise en considération et sans que ce consommateur puisse décider de se désolidariser de l’action collective. CJUE (1re ch.), 14 avril 2016, Jorge Sales Sinués / Caixabank SA et Youssouf Drame Ba / Catalunya Caixa SA : Aff. n° C-381/14 et n° C-385/14 ; Cerclab n° 6595. § V. aussi : CJUE (5e ch.), 26 octobre 2016,Ismael Fernández Oliva / Caixabank SA - Jordi Carné Hidalgo // Anna Aracil Gracia / Catalunya Banc SA // Nuria Robirosa Carrera - César Romera Navales / Banco Popular Español SA: Aff. C‑568/14 à C‑570/14 ; Cerclab n° 6577 (condamnation de la procédure nationale qui ne permet pas au juge saisi d’une action individuelle d’un consommateur d’adopter d’office, aussi longtemps qu’il l’estime utile, des mesures provisoires dans l’attente d’un jugement définitif concernant une action collective en cours dont la solution est susceptible d’être retenue pour l’action individuelle, lorsque de telles mesures sont nécessaires pour garantir la pleine efficacité de la décision juridictionnelle à intervenir sur l’existence des droits invoqués par le consommateur sur le fondement de la directive 93/13).

Renonciation à l’autorité de chose jugée. Selon l’art. 480 CPC, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; la  décision ayant accueilli une fin de non-recevoir n'a d'autorité de chose jugée que de ce chef, mais ne s'étend pas au fond du litige ; enfin, il est constant que l'autorité de chose jugée, qui n'est pas d'ordre public et à laquelle les parties peuvent déroger ou renoncer en connaissance de cause, n'a lieu que sur ce qui a fait l'objet d'un jugement, qu'il faut que les parties et le litige soient identiques mais également que la situation soit la même, en sorte qu'il n'y a point autorité de chose jugée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice. CA Bordeaux (2e ch. civ.), 6 avril 2023 : RG n° 22/03544 ; Cerclab n° 10172 (contrat de groupement de maîtrise d'œuvre pour un centre équestre avec notamment une chambre d’agriculture), sur appel de TJ Angoulême (JME), 5 avril 2022 : RG n° 21/01583 ; Dnd. § En l’espèce, après le jugement ayant déclaré l'action irrecevable en raison du non-respect de la clause d’avis ordinal, les mêmes parties sont, en connaissance de cause de cette décision, entrées en recherche d'une médiation, le maître de l’ouvrage ayant saisi le conseil de l'ordre et la Chambre d'Agriculture ; le fait que celui-ci ait ensuite mis un terme à cette procédure préalable, avant que le conseil de l'ordre ait rendu son avis, et son éventuel manquement à cette occasion intéresse le débat de « fond » relatif au respect de la clause de conciliation préalable, mais est sans incidence sur le fait que la situation a été modifiée depuis le jugement et que l’autorité de chose jugée de ce dernier ne peut plus être invoquée. Même arrêt.

Transaction entre le professionnel et le consommateur. En vertu de l’ancien art. 1134 C. civ. et du principe de la force obligatoire du contrat, la transaction tient lieu de loi entre les parties ; elle matérialise l'accord des emprunteurs quant au remboursement intégral du prêt litigieux, pour une somme aisément déterminable, dont le montant est précisé en euros avec une contrevaleur en francs suisses ; en vertu de l’autorité de la chose jugée qui s’y attache, les emprunteurs ne peuvent plus remettre en cause la transaction en invoquant des clauses abusives ou laissées à l’appréciation unilatérale de la banque dans le prêt initial litigieux. CA Chambéry (2e ch.), 3 mai 2018 : RG n° 17/00211 ; Cerclab n° 7561, sur appel de TGI Annecy, 9 novembre 2016 : RG n° 14/01070 ; Dnd. § Respect de l’autorité de chose jugée découlant d’une transaction entre un assureur et des assurés, l’assureur acceptant de prendre partiellement en charge les honoraires de l’expert mandaté par les assurés, alors que ces derniers l’avaient engagé avant même que l’assureur ait fait une offre. CA Toulouse (3e ch.), 18 avril 2019 : RG n° 18/03832 et n° 18/3986 ; arrêt n° 364/2019 ; Cerclab n° 7815 ; Juris-Data n° 2019-006058 (concessions réciproques empêchant d’examiner le caractère abusif de la limitation de la prise en charge des frais d’expert de l’assuré en cas de désaccord avec l’évaluation de l’assureur, en l’espèce la limite prévue au contrat et au maximum 5 % de l’indemnité versée), sur appel de TGI Toulouse, 28 juin 2018 : RG n° 16/02620 ; Dnd.

Transaction entre le professionnel et une association de consommateurs. La transaction conclue entre une banque et une association de consommateurs, qui ne porte que sur la renonciation de cette association à agir en suppression de clauses abusives et illicites et à exercer tout recours futur, dès lors que le professionnel a accepté de modifier la clause litigieuse, ne peut faire obstacle au droit du consommateur d'agir en déchéance du droit de la banque aux intérêts concernant les emprunts par eux souscrits et comportant des clauses de déchéance du terme arguées d'illicéité, l'effet relatif des conventions ne permettant pas à l'association d'engager l'ensemble des consommateurs par cette transaction. CA Rennes (1re ch. B), 22 mai 2009 : RG n° 08/04167 ; Cerclab n° 2508 (transaction ne comportant d’ailleurs pas une telle clause générale ; peu importe que le professionnel en tire argument pour justifier le fait qu’il n’appliquera pas la clause au consommateur), sur appel de TI Rennes, 7 avril 2008 : Dnd.

Portée de la déclaration du caractère abusif d’une clause ; arrêt de règlement. Lorsque le juge déclare une clause abusive, sa décision concerne quasiment toujours une clause figurant dans les conditions générales d’un modèle proposé aux consommateurs. Une autre juridiction, compte tenu de la relativité de l’autorité de la chose jugée, ne peut être liée par cette précédente décision, d’autant que, sauf clause irréfragablement présumée abusive, son appréciation peut être différente. La décision antérieure peut être une source d’inspiration. § Pour des illustrations : une décision de justice, fût-elle de la présente cour ou même de la Cour de cassation, n'a pas d'effet normatif impératif sous peine de devenir un arrêt de règlement et, en second lieu, que les exigences de la sécurité juridique et de la protection des justiciables ne sauraient consacrer un droit acquis à une jurisprudence constante ; dès lors, la cour statuera [en] fonction des textes normatifs éclairés par la jurisprudence évolutive et non impérative. CA Besançon (1re ch. civ.), 6 janvier 2021 : RG n° 19/00454 ; Cerclab n° 8742, sur appel de TGI Besançon, 29 janvier 2019 : RG n° 17/02660 ; Dnd. § Refus d’annulation du jugement, qui n’a pas procédé par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui lui étaient soumises, mais qui n’a fait que dégager un principe d'un certain nombre de textes qu'il cite et qu'il applique au fait de l'espèce. CA Chambéry (2e ch.), 7 janvier 2021 : RG n° 19/01035 ; Cerclab n° 8718, sur appel de TGI Annecy, 29 mars 2019 : RG n° 15/01880 ; Dnd.

La situation se pose dans des termes différents lorsque la décision antérieure a été rendue dans le cadre de l’action des associations de consommateurs, a fortiori depuis la possibilité reconnue au juge d’étendre la portée des décisions aux contrats effectivement conclus (V. Cerclab n° 5776).

Pour un arrêt vérifiant au préalable l’identité des clauses : rejet de l’argument tiré d’un précédent arrêt de la même cour, contre le même assureur, dès lors que la clause a été invalidée dans le cas d’une souscription proche de la retraite de l’assuré, alors que la discussion porte en l’espèce sur l’appréciation de la capacité de travailler. CA Grenoble (2e ch. civ.), 7 novembre 2017 : RG n° 15/05377 ; Cerclab n° 7123 (arrêt s’étant au surplus fondé sur l’art. R. 132-1 dans une version postérieure au contrat ; contrat au surplus professionnel), sur appel de TGI Grenoble, 2 novembre 2015 : RG n° 13/00050 ; Dnd