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9752 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par contrat – Financement

Nature : Synthèse
Titre : 9752 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par contrat – Financement
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 9752 (15 décembre 2025)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE CIVIL ET EN DROIT COMMUN

SANCTION DIRECTE DES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS - DROIT POSTÉRIEUR À L’ORDONNANCE DU 10 FÉVRIER 2016 – LOI DE RATIFICATION DU 20 AVRIL 2018 : ARTICLE 1171 DU CODE CIVIL

PRÉSENTATION PAR CONTRAT – BANQUE ET FINANCEMENT

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2025)

 

1° CONVENTION DE COMPTE

Virements bancaires : responsabilité de la banque. Les clauses des conditions générales de banque en ligne stipulant notamment que « toute consultation, instruction ou ordre émis dans le cadre du service est réputé de façon irréfragable émaner du client lui-même ou de l'un des utilisateurs ou administrateurs », il convient de considérer que cette présomption établie au profit du prestataire de services de payement est une présomption simple ; ces clauses ne sont pas réputées non écrites sur le fondement de l’art. 1170 C. civ. et n’ont ni pour objet ni pour effet d'exclure toute responsabilité de la banque mais, dans les limites posées par la loi, régissent la responsabilité de l'utilisateur du service de payement et aménagent la preuve entre les parties sans pouvoir instituer néanmoins de présomption irréfragable. CA Paris (pôle 5 ch. 6), 21 février 2024 : RG n° 21/19887 ; Cerclab n° 10729 (clause sur la preuve dans une convention de compte d’une Sci ; N.B. 1 le gérant de la Sci invoquait les art. L. 132-1 C. consom., 1171 C. civ. et L. 442-6 C. com., ce dernier étant clairement inapplicable ; N.B. 2 le gérant visait aussi l’art. 1356 C. civ. selon lequel les parties « ne peuvent davantage établir au profit de l'une des parties une présomption irréfragable »), sur appel de TJ Paris (ch. 9-1), 26 octobre 2021 : RG n° 19/08293 ; Dnd.

En présence d'une opération de paiement autorisée, l'art. L. 133-21 al. 1er CMF prévoit qu'un ordre de paiement exécuté conformément à l'identifiant unique fourni par l'utilisateur du service de paiement est réputé dûment exécuté pour ce qui concerne le bénéficiaire désigné par l'identifiant unique ; il en résulte un régime de non-responsabilité du prestataire de service de paiement pour les ordres exécutés conformément à l'identifiant unique (c'est-à-dire l'IBAN) fourni par l'utilisateur du service de paiement ; en l’espèce, le prestataire de services financiers n’engage pas sa responsabilité dans l’exécution des virements litigieux, dès lors que, conformément à l’art. L. 133-23 CMF, il rapporte la preuve que l'opération a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée, qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre et qu’en conséquence la preuve n’était pas rapportée qu’il s’agissait d’opérations non autorisées. CA Paris (pôle 5 ch. 6), 11 juin 2025 : RG n° 24/04060 ; Cerclab n° 24049 (contestation de plusieurs virements effectués sur un compte professionnel ; conséquence implicite : la contestation de la clause sur les paiements non autorisés est sans intérêt), infirmant TJ Créteil (3e ch.) 8 décembre 2023 : RG n° 22/05776 ; Dnd (jugement estimant que la clause exonère le prestataire de toute responsabilité en cas paiement non autorisé, ce qui constituerait une dérogation prohibée aux dispositions de l'art. L. 133-18 CMF).

Carte bancaire de société : clause de solidarité du dirigeant. Ne saurait s’analyser en un cautionnement la clause, dénuée d’ambiguïté, d’un contrat de carte bancaire professionnelle, qui ne fait pas naître une obligation en paiement, accessoire, à la charge du signataire de la demande de carte, pour le cas où l’entreprise ne satisferait pas à ses propres obligations, mais institue la personne physique signataire de la demande de carte comme co-obligé solidaire avec la société titulaire de la carte, conformément aux dispositions des art. 1310 et 1313 C. civ. TJ Paris (9e ch. 1re sect.), 10 juin 2025 : RG n° 23/08302 ; Cerclab n° 24423.

Absence de preuve que la clause d’un contrat de carte bancaire conclu avec une société et prévoyant l’engagement solidaire de son utilisateur dirigeant, crée un déséquilibre significatif, ce dernier se contentant de soutenir que la clause « est de nature à engendrer une obligation totalement disproportionnée à la charge de son représentant, personne physique », le jugement comme la cour semblant considérer que le dirigeant identifie le déséquilibre à la somme finalement réclamée, alors que ce dernier avait déclaré des revenus écartant une telle disproportion et qu’il pouvait, en sa qualité de mandataire, surveiller l’évolution des dépenses effectuées au titre de cette carte accréditive. CA Paris (pôle 5 ch. 6), 13 septembre 2023 : RG n° 22/06425 ; Cerclab n° 10414 (banque demandant le paiement de 207.000 euros pour des transports aériens, pour un revenu annuel brut déclaré dans le contrat de 130.000 euros), sur appel de TJ Paris, 25 mars 2022 : RG n° 20/10057 ; Dnd. § Ne crée pas de déséquilibre significatif l’engagement solidaire, nullement équivoque, d'un dirigeant d'entreprise aux côtés de la société qu'il représente à régler les dépenses, faites par lui à titre professionnel dans l'intérêt de la société - par le moyen de paiement mis à sa disposition, qui ne constitue pas un concours financier. CA Paris (pôle 5 ch. 6), 31 janvier 2024 : RG n° 21/10766 ; Cerclab n° 10717 (argument surabondant, l’arrêt jugeant l’art. L. 212-1 inapplicable ; N.B. la carte ayant été délivrée en 2019, l’art. 1171 aurait pu être invoqué), sur appel de TJ Paris, 4 mai 2021 : RG n° 19/10327 ; Dnd§ Absence de preuve du déséquilibre significatif de la clause d’un contrat de carte bancaire professionnelle stipulant l’engagement solidaire du dirigeant d’entreprise, aux côtés de la société qu’il représente, à régler les dépenses professionnelles faites par lui avec la carte, dans l’intérêt de sa société. TJ Paris (9e ch. 1re sect.), 10 juin 2025 : RG n° 23/08302 ; Cerclab n° 24423 (clause n’offrant pas à la banque une maîtrise unilatérale et discrétionnaire de l’évolution du contrat, le gérant de la société titulaire de la carte étant, vu ses fonctions, à même de mesurer et de prévoir la portée de son propre engagement). § Dans le même sens : TJ Meaux (1re ch. 3e sect.), 23 mai 2024 : RG n° 23/01178 ; jugt n° 24/430 ; Cerclab n° 23120 (carte de paiement à débit différé mise à disposition du gérant d’une Sarl ; même motif que l’arrêt du 31 janvier 2024).

2° PRÊTS

Clause pénale. Caractère abusif, sans justification précise, de la clause de déchéance du terme prévoyant le paiement d’une indemnité pour préjudice technique et financier égale à 5 % de l’ensemble des sommes dues au jour de la déchéance du terme. T. com. Chartres, 28 mai 2025 : RG n° 2024J00056 ; Cerclab n° 23752 ; JurisData n° 2025-008251 (contrat de prêt à une société avec caution).

L’art. 1171 dont ils se prévalent ne tend pas à sanctionner la lésion ou à corriger un déséquilibre entre la prestation du contrat et son prix mais à annihiler les clauses accessoires non négociables susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. CA Versailles (ch. civ. 1-6), 7 mars 2024 : RG n° 22/06240 ; Cerclab n° 10840 (prêt personnel de restructuration accordé à un couple de gardiens d’immeubles ; arrêt estimant que les emprunteurs avait la liberté de conclure un prêt à un taux plus favorable et que la clause stipulant les intérêts de retard ressortait de la libre négociation des parties ; N.B. la clause stipulait en cas de retard un intérêt égal au taux d’intérêt contractuel de 6,9 %, majoré de quatre points), confirmant TJ Versailles, 9 septembre 2022 : RG n° 20/06370 ; Dnd (prêt non soumis aux règles du crédit à la consommation). § N.B. L’arrêt semble doublement discutable, faute de justifier l’absence d’application du droit de la consommation sur les clauses abusives et de rattacher à l’objet principal une clause qui ne concerne qu’une pénalité de retard.

Clause de déchéance : renseignements inexacts. Il est de droit que ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur la clause qui permet au prêteur de prononcer, en l'absence même de préavis ou de défaillance dans le remboursement du prêt, la déchéance du terme en raison de la fourniture de renseignements inexacts lors de la souscription du contrat, dès lors que ceux-ci portent sur des éléments déterminants du consentement du prêteur dans l'octroi du concours financier et que l'emprunteur conserve la faculté de recourir à un juge pour contester l'application de la clause à son égard. CA Versailles (16e ch.), 19 octobre 2023 : RG n° 23/01016 ; Cerclab n° 10518 (prêt à une SCI ; arg. : 1/ la clause ne laisse pas croire à l'emprunteur que l'établissement de crédit dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l'importance de l'inexactitude des renseignements communiqués ; 2/ un contrôle du juge reste possible ; 3/ elle sanctionne un manquement de l’emprunteur à son obligation de loyauté lors de la formation du contrat), sur appel de TJ Pontoise (Jex), 24 janvier 2023 : RG n° 21/00233 ; Dnd - CA Versailles (16e ch.), 19 octobre 2023 : RG n° 23/01016 ; Dnd (idem), sur appel de TJ Pontoise (Jex), 24 janvier 2023 : RG n° 21/00232 ; Dnd.

En application de la jurisprudence de la Cour de Cassation, la clause de déchéance d’un contrat de prêt qui vise à résilier le contrat non souscrit de bonne foi, ne crée pas de déséquilibre significatif entre les parties en ce qu'elle permet au prêteur de résilier le contrat sans préavis et sans défaillance de l'emprunteur dans le remboursement des échéances du prêt, dès lors que les renseignements inexacts portent sur des éléments déterminants du consentement du prêteur qui doivent être de nature à compromettre le remboursement du crédit sans priver pour autant l'emprunteur de son droit d'accès au juge pour contester l'application de cette clause à son égard, ce qu'a précisément fait la demanderesse à l'initiative du présent litige. TJ Strasbourg (1re ch. civ.), 11 septembre 2025 : RG n° 21/03966 ; Cerclab n° 24431 (prêt professionnel à une Sci ; N.B. jugement excluant à tort l’art. 1171 aux motifs que le contrat aurait été conclu entre partenaires commerciaux, qu’il relèverait de l’art. L. 442-1, alors que le texte n’est pas applicable aux contrats de crédit, et que ce texte en tout état de cause ne prévoirait qu’une action en responsabilité et non l’éviction de la clause comme réputée non écrite, alors qu’il est possible depuis l’ordonnance de demander la nullité de la clause).

Clauses de déchéance : clause n’exigeant pas de mise en demeure. Est manifestement abusive et doit être déclarée non écrite la clause qui prévoit la déchéance du terme sans mise en demeure de s'acquitter des impayés dans un délai raisonnable, exposant ainsi la société emprunteuse à une aggravation soudaine de sa situation financière. CA Douai (ch. 8 sect. 1), 25 septembre 2025 : RG n° 24/01725 ; Cerclab n° 25/658 ; Cerclab n° 24385 (prêt finançant l'acquisition d'une maison destinée à la location meublée ; arrêt ajoutant : « étant précisé en l'occurrence que les courriers qui lui ont été adressés ne précisent pas la date de réception »), confirmant TJ Lille, 13 février 2024 : RG n° 23/05976 ; Dnd. § La clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées, sans préavis d'une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif, en ce qu’elle expose la société emprunteuse à une aggravation soudaine de sa situation financière et elle doit être réputée non écrite. TJ Lille (2e ch.), 13 février 2024 : RG n° 23/05976 ; Cerclab n° 10689 (absence au surplus en l’espèce de la date de réception des courriers). § Dans le même sens : TJ Évreux, 6 janvier 2025 : RG n° 24/00045 ; Cerclab n° 24391 (sont abusives et réputées non écrites les clauses d’exigibilité anticipée des contrats de prêts qui permettent au créancier poursuivant de prononcer les déchéances du terme par simple lettre recommandée avec accusé de réception sans mise en demeure préalable).

En sens contraire : absence de preuve d’un déséquilibre, dès lors « en ce qui concerne l'envoi d'une mise en demeure préalable, ni la loi, ni la jurisprudence ne sanctionnent par la nullité ou le non-écrit, une clause de déchéance du terme qui ne prévoirait pas l'envoi d'une mise en demeure préalable, la jurisprudence citée par les appelants [concernant] un particulier pouvant se prévaloir des dispositions protectrices du code de la consommation, et non une société commerciale ». CA Paris (pôle 5 ch. 6), 15 janvier 2025 : RG n° 22/20588 ; Cerclab n° 23710 (N.B. : le motif entre guillemets est en réalité celui des conclusions, repris par la Cour - « l'intimé répond utilement à chacun des points de l'argumentation développée par les appelants » - procédé de motivation très contestable, d’autant plus que l’affirmation se discute et que le refus d’analogie avec le droit de la consommation aurait mérité d’être justifié davantage), sur appel de T. com. Paris (6e ch.), 17 novembre 2022 : RG n° 2022015066 ; Dnd. § N'est pas abusive la clause de déchéance qui ne confère pas au prêteur le pouvoir de rompre le contrat de façon discrétionnaire, mais seulement en cas de manquement de l'emprunteur à son obligation essentielle de paiement des échéances de remboursement à bonne date, persistant en dépit d'une mise en demeure de régulariser la situation sous quinzaine, dès lors qu’une telle clause n'est ni obscure, ni ambiguë relativement à son effet, puisqu'elle est énoncée sous le titre « déchéance du terme » et prévoit explicitement l'exigibilité immédiate de la totalité des sommes dues en capital, intérêts et accessoires, qu’elle est donc parfaitement claire et, s'agissant de faire respecter une obligation essentielle du contrat, à savoir le paiement des échéances à bonne date, qu’un délai de 15 jours pour s'acquitter des sommes dues n'apparaît pas déraisonnable. CA Rennes (1re ch.), 25 novembre 2025 : RG n° 24/06276 ; Cerclab n° 24701 (prêt immobilier ; visa des art. 1171 C. civ. et L. 212-1 C. consom.), sur appel de TJ Nantes, 18 octobre 2024 : RG n° 24/00023 ; Dnd. § Dans le même sens : TJ Paris (Jex), 3 juillet 2025 : RG n° 24/00300 ; Cerclab n° 24156 (prêt à une SCI ; la clause d'exigibilité immédiate, en cas de défaillance de l'emprunteuse, ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment de cette dernière, celle-ci sanctionnant une inexécution contractuelle grave et se trouve justifiée par la nature même des obligations auxquelles la débitrice est tenue ; clause mise en œuvre de bonne foi après deux mises en demeure infructueuses avec un délai de deux mois pour régulariser ; N.B. le jugement ne reproduit pas la clause).

Clauses de déchéance : clause exigeant une mise en demeure avec un préavis d’une durée indéterminée. Absence de déséquilibre significatif de la clause stipulant que « le présent contrat sera résilié de plein droit après mise en demeure restée infructueuse durant un délai raisonnable indiqué dans la lettre de mise en demeure ». CA Montpellier (ch. com.), 24 septembre 2024 : RG n° 23/01537 ; Cerclab n° 23256 (N.B. le moyen fondé sur l’art. 1171 était assez mal étayé, puisque la caution prétendait qu’elle n’avait pas été éclairée sur la clause et que le déséquilibre était également dû au fait que la banque ne l'avait pas correctement mis en œuvre), confirmant T. com. Montpellier, 23 janvier 2023 : RG n° 2022 006291 ; Dnd. § Absence de caractère abusif de la clause de déchéance d’un prêt applicable après une mise en demeure restée infructueuse « après un délai raisonnable ». T. com. Paris (ch. 1-10), 14 mars 2025 : RG n° 2024041746 ; Cerclab n° 24181 (motivation minimale – « les arguments de X. sur le caractère abusif et le déséquilibre des obligations entre les parties sont infondés » -, le tribunal ayant au préalable estimé que l’activation de la clause de déchéance avait été faite conformément au contrat et de bonne foi, puisque la banque a attendu 90 jours d’inexécution du contrat pour adresser une première mise en demeure par LRAR, que l’emprunteur n’avait pas, fautivement, récupérée et un mois supplémentaire avant la seconde).

Clauses de déchéance : clause exigeant une mise en demeure avec un préavis d’une durée déterminée. Une clause permettant au prêteur de prononcer la déchéance du terme pour cause d’impayés à la suite d’une mise en demeure restée infructueuse, ne peut être considérée à elle seule comme créant un déséquilibre significatif entre les parties, le défaut de paiement constituant une violation par l’emprunteur de sa principale obligation contractuelle ; seul le délai trop court imparti à l’emprunteur pour régulariser la situation crée en l’espèce le déséquilibre ; en l’espèce, la SCI ne rapporte pas la preuve, ni même ne soutient, que la durée de ce délai, 15 jours, lui ait été imposée sans négociation possible par la banque. TJ Valence, 17 juillet 2025 : RG n° 25/00010 ; Cerclab n° 24262 (clause de déchéance d’un prêt immobilier à une SCI). § N.B. Selon le tribunal, « pour voir qualifier une clause d’abusive, il appartient donc au débiteur de rapporter la preuve que le contrat signé est un contrat d’adhésion, que la clause crée un déséquilibre significatif entre les parties et que ladite clause n’était pas négociable », ce qui explique l’insertion du caractère négociable au sein de l’appréciation du déséquilibre. Par ailleurs, le jugement essaie de conforter son analyse en notant que le prêteur « a amiablement accepté de renoncer à la déchéance du terme en 2022/2023 ce qui établit qu’une marge de négociation était possible après défaillance de l’emprunteur et donc a fortiori au moment de la formation du contrat ». Il est possible de soutenir exactement l’inverse : un des objectifs des clauses de déchéance sans mise en demeure ou avec un délai court est de placer la banque en position de force lors d’une négociation après la défaillance, ce qui condamne le raisonnement a fortiori proposé par le tribunal.

V. aussi écartant le caractère abusif : ne crée pas de déséquilibre significatif au profit de la banque la clause qui stipule que le crédit sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles sans qu'il soit besoin d'autre formalité qu'une simple notification faite à l'emprunteur en cas de défaut de paiement des sommes exigibles en capital, intérêts et accessoires quinze jours après mise en demeure, en ce qu'un délai de 15 jours apparait comme suffisant pour régler des échéances impayées s'agissant d'un crédit à la consommation - en l'espèce 25.000 euros remboursable par mensualités de 262 euros. TJ Paris (Jcp), 2 septembre 2025 : RG n° 25/02116 ; Cerclab n° 24491 (application des art. R. 632-1 et L. 212-1 C. consom. et 1171 C. civ. ; « cette clause de déchéance du terme ne déroge ni à la jurisprudence de la CJUE ni au droit commun des contrats »).

Pour des décisions plus exigeantes : TJ Toulouse (Jex), 19 juin 2025 : RG n° 24/00199 ; Cerclab n° 24070 (en matière de clause résolutoire entraînant la déchéance du terme, et suivant la jurisprudence de la CJUE, il est désormais établi qu’une clause de déchéance du terme prévoyant un délai de huit jours, porté à quinze jours pour régulariser la situation d’impayé crée un déséquilibre significatif ; le délai raisonnable en la matière est fixé à un minimum de 31 jours ; caractère abusif d’une clause stipulant un délai de 15 jours).

Clauses de déchéance : suites de l’élimination. Conformément à l’art. 1226 C. civ., la régularité de la résiliation unilatérale suppose qu’il soit justifié de la gravité de l’inexécution, d’une mise en demeure préalable contenant un délai raisonnable de préavis et d’une notification de ladite résiliation contenant les raisons qui la motivent. TJ Évreux, 6 janvier 2025 : RG n° 24/00045 ; Cerclab n° 24391 (n’est pas raisonnable un délai de régularisation en pratique de 5 jours, le courrier recommandé du 1er septembre indiquant comme date limite le 11 septembre alors qu’il a été distribué le 6 septembre ; conséquence : déchéance irrégulière et rejet de la demande de vente amiable, en l’absence de titre exécutoire). § Pour d’autres illustrations : TJ Toulouse (Jex), 19 juin 2025 : RG n° 24/00199 ; Cerclab n° 24070 (dès lors que la clause est déclarée abusive, elle ne saurait fonder la déchéance du terme, et ce même dans le cas où l’établissement de crédit aurait envoyé une mise en demeure régulière aux emprunteurs).

Clause de défaut croisé (ou de déchéance par contagion). La clause de contrats de prêts, dite de défaut croisé, qui permet au banquier de prononcer la déchéance du terme de tous les prêts régulièrement payés, en invoquant une défaillance de l'emprunteur extérieure à ces contrats, envisagée en termes généraux et afférente à l'exécution d'une convention distincte, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment de l'emprunteur exposé, par une décision unilatérale de l'organisme prêteur, en dehors du mécanisme de la clause résolutoire, à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification majeure de l'économie des contrats de prêt. CA Colmar (1re ch. A), 16 juillet 2025 : RG n° 23/04272 ; arrêt n° 320/25 ; Cerclab n° 24140 (prêts ; conséquences : la déchéance du terme n'ayant pas été valablement prononcée, les contrats de crédit sont toujours en cours), sur appel de TJ Strasbourg (comp. com.), 27 octobre 2023 : Dnd.

Prêt structuré : maintien des garanties. La faculté donnée à la banque d'ajuster la valeur de financement des garanties, et le délai de trois jours ouvrés imparti à l'emprunteur pour rétablir cette valeur au niveau du montant des engagements, ne créent pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, car ils répondent à la nécessité de maintenir ce niveau à tout moment. CA Paris (pôle 5 ch. 6), 22 janvier 2025 : RG n° 24/00369 ; Cerclab n° 23712 (octroi d’une ligne de crédit par un contrat de 2015 modifié par avenant du 30 janvier 2018, la déchéance par la banque ayant été suivie d’une transaction en 2021 ; examen du caractère abusif examiné de façon indirecte au travers de la validité de la transaction ; arrêt estimant, conformément à une clause du contrat, que cette contrainte était compensée par la grande liberté laissée à l’emprunteur de choisir les titres inscrits en nantissement), sur appel de TJ Paris (ch. 9-2), 6 décembre 2023 : RG n° 22/06439 ; Dnd.

3° CRÉDIT AFFECTÉ

Subrogation dans le bénéficie d’une clause de réserve de propriété. * Clauses abusives. Un paiement fait par le débiteur ne peut emporter subrogation, et ce même si la quittance énonce que ce paiement est fait au moyen de deniers empruntés à un tiers ; le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d’une tierce personne, ce qui n’est pas lorsque l’auteur du paiement est l’acquéreur-emprunteur devenu, dès la conclusion du contrat, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur par le prêteur ; une telle clause est donc une clause de « laisser croire » qui donne l’impression à l’acquéreur que la réserve de propriété a été régulièrement transférée et qui est abusive. TJ Nîmes (Jcp), 7 janvier 2025 : RG n° 24/01230 ; Cerclab n° 23776 (prêt affecté à l’acquisition d’un véhicule ; N.B. ce jugement et d’autres ultérieurs de la même juridiction visent de façon atypique l’art. 1171 C. civ. et l’art. R. 632-1 C. consom., ce qui est a priori incompatible) - TJ Nîmes, 7 janvier 2025 : RG n° 24/00505 ; Cerclab n° 24411 (idem) - TJ Nîmes, 11 février 2025 : RG n° 24/01435 ; Cerclab n° 24413 (idem) - TJ Nîmes, 18 mars 2025 : RG n° 24/01725 ; Cerclab n° 24415 (idem) - ­TJ Nîmes (Jcp), 13 mai 2025 : RG n° 24/00993 ; Cerclab n° 24246 (crédit affecté à l’achat d’un véhicule ; idem) - TJ Nîmes (Jcp), 13 mai 2025 : RG n° 25/00206 ; Cerclab n° 24244 (même hypothèse et même solution) - TJ Nîmes (Jcp), 13 mai 2025 : RG n° 25/00194 ; Cerclab n° 24242 (idem) - TJ Nîmes, 1er juillet 2025 : RG n° 25/00346 ; Cerclab n° 24417 (idem) - TJ Nîmes, 15 juillet 2025 : RG n° 25/00402 ; Cerclab n° 24419 (idem).

* Clauses non abusives. Comp. : application stricte des conditions particulières de l’offre de prêt qui stipulent que « l’emprunteur reconnaît que la vente faite à son profit est assortie d’une clause de réserve de propriété », avec la production d’un procès-verbal de livraison mentionnant cette subrogation au profit du prêteur. TJ Nîmes (Jcp), 3 juin 2025 : RG n° 25/00281 ; Cerclab n° 24248.

Suites de l’élimination de la clause. Sur les suites du caractère non écrit d’une clause de subrogation dans un contrat de prêt affecté : TJ Nîmes (Jcp), 7 janvier 2025 : RG n° 24/01230 ; Cerclab n° 23776 (prêt affecté à l’acquisition d’un véhicule ; refus de restitution) ; TJ Nîmes (Jcp), 13 mai 2025 : RG n° 25/00194 ; Cerclab n° 24242 (idem) - TJ Nîmes (Jcp), 13 mai 2025 : RG n° 25/00206 ; Cerclab n° 24244 (idem).

Pour le cas où le véhicule a déjà été revendu : TJ Nîmes (Jcp), 13 mai 2025 : RG n° 24/00993 ; Cerclab n° 24246 (indemnisation du préjudice de jouissance de l’emprunteur ayant dû louer un véhicule pendant six mois ; refus d’indemnisation d’un préjudice moral et compensation ordonnée entre les deux sommes ; N.B. le prêteur avait défalqué le prix de revente des sommes demandées).

4° AUTRES OPÉRATIONS

Clause de conversion des obligations en actions. La clause de conversion des obligations en actions, qui ne figure pas dans un contrat d'adhésion et a été signée par deux sociétés commerciales, ne peut être envisagée sous l'angle du déséquilibre significatif qu'elle entraînerait entre les droits et les obligations des parties, puisqu'elle porte sur l'objet principal du contrat. CA Paris (pôle 5 ch. 8), 6 janvier 2021 : RG n° 17/21664 ; Cerclab n° 8722 (émission financée par une centrale d’achat pour aider au redressement de l’approvisionné, lequel estimait que la clause portait atteinte à son indépendance ; N.B. l’arrêt estime que l’art. 1171 est inapplicable rationae temporis, tout en affirmant de façon discutable qu’il n’a fait que codifier la jurisprudence antérieure), sur appel de T. com. Paris, 27 octobre 2017 : RG n° 2017033739 ; Dnd.