9764 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par clause – Clauses relatives à la responsabilité
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 9764 (15 décembre 2025)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE CIVIL ET EN DROIT COMMUN
SANCTION DIRECTE DES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS - DROIT POSTÉRIEUR À L’ORDONNANCE DU 10 FÉVRIER 2016 – LOI DE RATIFICATION DU 20 AVRIL 2018 : ARTICLE 1171 DU CODE CIVIL
PRÉSENTATION PAR CLAUSE
CLAUSES RELATIVES À LA RESPONSABILITÉ (CLAUSES EXONÉRATOIRES OU LIMITATIVES, CLAUSES PÉNALES)
Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2025)
A. CLAUSES AFFECTANT INDIRECTEMENT LA RESPONSABILITÉ
Clause d’allégement : obligations de moyens. Le caractère équilibré ou non de conditions de vente s'apprécie au regard de l'ensemble du contrat ; en l’espèce, compte tenu de la nature du service de téléphonie et d'accès au web et de la particularité de son rôle liée à son activité de courtage, la société a pu inclure dans ses conditions générales de vente une limitation de sa garantie concernant seulement les éléments qu'elle pouvait maîtriser, sans être responsable des défaillances imputables à ses fournisseurs, ne se trouvant ainsi liée que par une obligation de moyens. CA Grenoble (ch. com.), 14 octobre 2021 : RG n° 20/01515 ; Cerclab n° 9168 (contrat d'installation/accès web et de téléphonie fixe et mobile pour une société de chaudronnerie ; arrêt précisant aussi que le courtier utilise les infrastructures développées et fournies par des tiers et sur lesquelles il n'a ainsi aucune maîtrise, qu’il ne peut dès lors garantir que son service soit totalement ininterrompu et sans incident et qu’il s’engage seulement à prendre toutes mesures raisonnables, conformes à l'état de la technique, pour remédier le plus rapidement possible à toute défaillance pouvant lui être imputable), sur appel de T. com. Romans-sur-Isère, 19 février 2020 : RG n° 2019J00063 ; Dnd.
Comp. : est abusive la clause d’un prestataire de téléphonie en ce qu'elle exonère celui-ci de toute responsabilité en cas de perturbations ou d'interruptions qui ne lui seraient pas directement imputables, sans correspondre aux conditions d'imprévisibilité et d'irrésistibilité dans l'exécution du contrat exigées par la Cour de cassation pour l'appréciation de la force majeure, et dans la mesure où le fait d'un tiers ne peut exonérer le prestataire de services à distance que s'il est imprévisible et insurmontable. CA Montpellier (ch. com.), 25 octobre 2022 : RG n° 20/04222 ; Cerclab n° 9914 (prestataire soutenant qu’il n’était tenu que d’une obligation de moyens), sur appel de T. com. Montpellier, 8 juillet 2020 : RG n° 2019005807 ; Dnd.
Clauses relatives à la force majeure. Pour une décision semblant implicitement admettre, a contrario de l’interprétation retenue, que, si la clause définissant les événements de force majeure était comprise comme exonérant automatiquement le prestataire d’hébergement de toute responsabilité par la seule existence d'un incendie, quelles qu'en soient l'origine ou l'étendue, elle conduirait à réduire de manière notable et sans contrepartie les obligations du prestataire et pourrait être considérée comme créant un déséquilibre significatif. CA Douai (ch. 2 sect. 2), 24 avril 2025 : RG n° 23/00858 ; Cerclab n° 23694 (contrat d’hébergement et de sauvegarde pour une entreprise gérant un réseau de franchises dans le bâtiment, avec une activité essentiellement réalisée sur Internet), sur appel de T. com. Lille Métropole, 26 janvier 2023 : RG n° 21013526 ; Dnd.
B. CLAUSES LIMITATIVES DE RESPONSABILITÉ
N’est pas abusive la clause limitative de responsabilité contenue dans les conditions générales, dénuée de toute ambiguïté et parfaitement compréhensible par les parties au contrat, qui ne crée pas un déséquilibre significatif dès lors qu’elle représente le montant total du marché portant sur les prestations informatiques. T. com. Tours (4e sect.), 24 janvier 2025 : RG n° 2022006331 ; Cerclab n° 24173 (mise en place de nouveaux serveurs informatiques, physiques et virtuels, et d’un système de gestion des sauvegardes ; jugement invalidant par ailleurs la clause exonératoire). § Pour d’autres décisions validant une clause limitative de responsabilité : CA Douai (ch. 2 sect. 2), 24 avril 2025 : RG n° 23/00858 ; Cerclab n° 23694 (contrat d’hébergement et de sauvegarde pour une entreprise gérant un réseau de franchises dans le bâtiment, avec une activité essentiellement réalisée sur Internet ; l'existence d'une limitation de responsabilité n'implique aucunement de facto l'existence d'un déséquilibre significatif), sur appel de T. com. Lille Métropole, 26 janvier 2023 : RG n° 21013526 ; Dnd.
Pour une décision erronée validant une clause d’un contrat de fourniture de gaz à un non-professionnel, un syndicat de copropriété, plafonnant la responsabilité en cas de manquement de l’une des parties à 500.000 euros et excluant la réparation des manques à gagner, pertes de revenus ou de profits, pertes de change, pertes de production, d’usage ou d’exploitation subis par l’autre partie, alors que l’art. R. 212-1-6° C. consom. ne laisse aucun pouvoir d’appréciation au juge, et que l’application de ce texte prive de toute portée l’affirmation laquelle cette clause ne ferait que « rappeler le principe général de responsabilité en y insérant une limitation de la réparation ». TJ Versailles (2e ch.), 28 mars 2025 : RG n° 24/00204 ; Cerclab n° 23792 (N.B. 1 le jugement se fonde à la fois sur les art. L. 212-1 et 1171 C. civ., alors qu’en l’espèce les textes sont incompatibles ; N.B. 2 le jugement invoque aussi le fait que la clause s’applique de manière réciproque).
C. CLAUSES EXONÉRATOIRES DE RESPONSABILITÉ
Clauses asymétriques. La clause qui dresse une liste particulièrement consistante des cas permettant au bailleur d’échapper à sa responsabilité, avec le souci d’élargir autant que possible le périmètre des actes en jeu en y incluant, par exemple, de façon générale les « troubles apportés par des tiers » et en précisant in fine que sont également compris tous les cas fortuits ou imprévus, qui fait donc peser sur le seul preneur la charge d’un éventuel dommage pour un nombre d’hypothèses tellement élevé qu’elle drée un déséquilibre significatif et doit donc être réputée non-écrite. TJ Lyon (4e ch.), 11 juin 2024 : RG n° 20/04415 ; Cerclab n° 23118 (locaux du preneur endommagés par un incendie déclaré chez un autre locataire ; jugement citant Civ. 3e, 12 juillet 2018). § Est abusive la clause stipulant que la responsabilité du prestataire informatique ne saurait être engagée en cas de perte ou de détérioration des documents remis par le client, quel que soit le mode de transmission, de stockage ou de transport, dès lors qu’en excluant toute responsabilité elle crée un déséquilibre significatif entre les parties et vide de sa substance le contrat conclu qui porte notamment sur la mise en place d’un système de sauvegarde des données. T. com. Tours (4e sect.), 24 janvier 2025 : RG n° 2022006331 ; Cerclab n° 24173 (mise en place de nouveaux serveurs informatiques, physiques et virtuels, et d’un système de gestion des sauvegardes ; jugement validant par ailleurs la clause limitative).
Illustrations de clauses abusives. Sont abusives les clauses d’un contrat de location dérogeant expressément aux articles 1722 et 1724 C. civ., en permettant au loueur de continuer à percevoir l'intégralité des loyers sans diminution ni dommages et intérêts au profit du preneur et sans encourir aucune résiliation, alors même que les remorques se trouveraient immobilisées par sa faute ou pour des réparations relevant de sa responsabilité. CA Orléans (ch. com.), 27 novembre 2025 : RG n° 23/02509 ; arrêt n° 251-25 ; Cerclab n° 24731 (location d’une flotte de 71 semi-remorques par un commissionnaire de transport ; motivation surabondante, l’arrêt ayant estimé au préalable que l’acception de ces conditions générales n’était pas établie), sur appel de T. com. Orléans, 22 septembre 2023 : Dnd.
D. CLAUSES PÉNALES
Validité de principe. La mise en place d’une clause pénale en cas de résiliation du contrat pour violation de ses termes par l’une des parties ne constitue pas en soi une clause constituant un déséquilibre significatif. T. com. Nanterre (5e ch.), 8 juillet 2025 : RG n° 2023F02019 ; Cerclab n° 24169 (location financière et maintenance de photocopieur pour une durée ferme de cinq ans).
Influence du pouvoir de révision du juge. La stipulation d'une clause pénale ne présente, en soi, aucun caractère abusif, le juge disposant par ailleurs de la faculté, au visa de l'art. 1231-5 C. civ., de modérer la pénalité convenue si elle est manifestement excessive. CA Toulouse (2e ch.), 24 mai 2023 : RG n° 21/04172 ; arrêt n° 226 ; Cerclab n° 10328 (location financière, en décembre 2018, d’un logiciel de gestion par une société commerciale spécialisée dans la vente et la réparation d'engins, notamment agricoles ; clause classique visant les loyers échus et à échoir majorés de 10 %). § Pour d’autres décisions prenant en compte le caractère révisable de la clause pénale pour apprécier le déséquilibre significatif : CA Agen (1re ch. civ. sect. com.), 29 mars 2023 : RG n° 21/01099 ; Cerclab n° 10167. § Rappr. implicitement : TJ Caen (ch. proc. écr.), 17 juillet 2025 : RG n° 23/04264 ; Cerclab n° 24236 (crédit-bail de matériels agricoles pour un éleveur ; article 1171 reproduit, le jugement se contentant d’examiner le caractère excessif de la clause de majoration de 10 % au regard de l’anc. art. 1152 C. civ.).
Dans un contrat de location financière, l'indemnité constituée de la somme des mensualités à échoir majorée d'une pénalité de 10 % ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, dès lors que cette indemnité est justifiée par le fait que le bailleur s'est acquitté auprès du fournisseur de la totalité du prix du matériel en mobilisant sur demande du locataire un capital ayant normalement vocation à s'amortir sur la durée contractuellement prévue entre les parties et que cette indemnité est susceptible d'être modérée par le juge si elle apparaît manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi. CA Lyon (3e ch. A), 7 juillet 2022 : RG n° 19/01741 ; Cerclab n° 9711 ; précité. § Si la clause pénale d’un contrat de location est effectivement insérée dans un contrat d'adhésion rédigé par le bailleur, elle n'a pour objet que d'encadrer la réparation du préjudice causé au bailleur résultant de la résiliation anticipée du contrat, cette clause ne privant pas le locataire du droit de solliciter lui-même l'allocation de dommages-intérêts en cas de résiliation fautive imputable au bailleur, elle ne crée donc pas un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. TJ Paris (ch. 4-2), 3 octobre 2024 : RG n° 22/08887 ; Cerclab n° 23309 (location d'un photocopieur par une fédération nationale de mutuelles).
Indemnité de résiliation : contrat à durée déterminée. Il résulte de l’anc. art. 1134 C. civ. que dans l'hypothèse d'une résiliation anticipée d'un contrat à durée déterminée, le prix n'est dû qu'en cas d'exécution de la prestation convenue ; il appartient au juge du fond d'évaluer le préjudice résultant de cette résiliation. Cass. com., 7 septembre 2022 : pourvoi n° 21-13003 ; arrêt n° 467 ; Cerclab n° 9876 (point n° 12), cassant CA Metz (ch. com.), 8 décembre 2020 : RG n° 18/01135 ; arrêt n° 20/00224 ; Cerclab n° 8709 (arrêt allouant l'intégralité des sommes qui auraient été versées si le contrat avait été exécuté pendant toute la durée contractuelle, sans caractériser le préjudice subi par cette société du fait de la résiliation).
Clauses pénales jugées abusives. V. par exemple : T. com. Chartres, 28 mai 2025 : RG n° 2024J00056 ; Cerclab n° 23752 ; JurisData n° 2025-008251 (contrat de prêt ; caractère abusif, sans justification précise, de la clause de déchéance du terme prévoyant le paiement d’une indemnité pour préjudice technique et financier égale à 5 % de l’ensemble des sommes dues au jour de la déchéance du terme).