CA LYON (8e ch.), 7 septembre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9772
CA LYON (8e ch.), 7 septembre 2022 : RG n° 21/08579
Publication : Judilibre
Extrait : « L'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce statuant en référé « peut (…) dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ».
La société VLC SAS fournit les preuves de ses impayés et de sa mise en demeure restée vaine en date du 16 septembre 2021. La société Chaker Voyages n'a, à ce moment-là, pas contesté ni le principe ni le montant de sa dette. Elle a même versé partiellement une somme de 34.000 euros.
Le fait qu'il y ait une distinction entre le montant apparaissant sur la mise en demeure et celui figurant dans l'assignation n'est pas une erreur. Elle est due à d'autres impayés apparus postérieurement à la mise en demeure et dont l'intimée justifie.
En revanche, la société VLC TRAVEL n'a pas produit ses conditions générales, signées par la société Chaker Voyages, dans lesquelles seraient prévue l'application d'intérêts conventionnels égaux au triple de l'intérêt au taux légal. Sur les factures figure cette mention mais sans renvoyer aux conditions générales. Il est uniquement fait référence au décret 2009-138 du 9 février 2009 soit un décret fixant le taux d'intérêt légal pour l'année 2009. A défaut de preuve de l'obligation de payer des intérêts conventionnels égaux au triple de l'intérêt au taux légal, la contestation est sérieuse. Il n'y a pas lieu à référé sur ce point d'autant que l'application de ces intérêts majorés constitue, suivant la mention figurant sur les factures, une « pénalité » en cas de retard. Ainsi, il s'agirait d'une clause pénale relevant de l'appréciation du juge du fond et non du juge des référés puisqu'elle pourrait être considérée comme manifestement excessive. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
HUITIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 7 SEPTEMBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/08579. N° Portalis DBVX-V-B7F-N66T. Décision du Tribunal de Commerce de LYON, en référé, du 25 octobre 2021 : R.G. n° 2021r723.
APPELANTE :
La SAS CHAKER VOYAGES
immatriculée au RCS de LYON sous le numéro XXX, ayant son siège social au [Adresse 1], représentée par son représentant légal en exercice, ès-qualités. Représentée par Maître Abdelhakim DRINE de la SELEURL DRINE AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 2385
INTIMÉE :
La société VLC TRAVEL
SAS immatriculée sous le numéro YYY du registre du commerce et des sociétés de LYON, ayant son siège au [Adresse 2], agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège, Représentée par Maître Emilie RONCHARD, avocat au barreau de LYON, toque : 1739
Date de clôture de l'instruction : 7 juin 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 7 juin 2022
Date de mise à disposition : 7 septembre 2022
Audience tenue par Karen STELLA, président, et Véronique MASSON-BESSOU, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier. A l'audience, Karen STELLA a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré : - Christine SAUNIER-RUELLAN, président, - Karen STELLA, conseiller, - Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
Arrêt : Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Karen STELLA, conseiller, le président étant empêché en application de l'article 456 du code de procédure civile et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 17 septembre 2021, la société VLC Travel SAS exerçant sous l'enseigne RESANEO a assigné la société SAS Chaker Voyages devant le président du tribunal de commerce de LYON aux fins de sa condamnation à lui payer à titre provisionnel la somme de 48.835,58 euros outre intérêts conventionnels fixés à trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 16 septembre 2021, outre 4.040 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement et 2.500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens.
La société Chaker n'a pas comparu ni été représentée.
Par ordonnance du 25 octobre 2021, le juge des référés a :
- condamné la société Chaker Voyages à payer à la société VLC Travel SAS une provision de 48.835,58 euros à la société VLC Travel outre intérêts conventionnels fixés à trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 16 septembre 2021 ;
- condamné la société Chaker Voyages à payer à la société VLC Travel SAS la somme 4.040 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement outre 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens.
Appel a été interjeté par déclaration électronique du 1er décembre 2021 par le conseil de la société Chaker Voyages à l'encontre des entières dispositions de l'ordonnance.
La procédure a été orientée à bref délai selon les articles 905 à 905-2 du code de procédure civile et les plaidoiries fixées au 7 juin 2022 à 9 heures.
Par ordonnance du 4 avril 2022, le Premier Président de la Cour d'appel a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par la société Chaker Voyages qui n'a pas entendu comparaître et qui n'a pas fait parvenir son dossier.
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Suivant ses dernières conclusions, notifiées le 17 février 2022, la société Chaker Voyages demande à la Cour de :
Vu les articles 1103, 1104, 1231-5 du code civil, L. 442-6 du code de commerce,
- décider que son action est recevable ;
- infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
- décider que le montant de la dette est erroné ;
- décider l'existence d'une contestation sérieuse ;
- décider qu'il n'y a pas lieu à référé ;
- rejeter les demandes fins et conclusions de l'intimée ;
- la condamner à lui payer 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
L'appelante fait notamment valoir qu'elle vend des billets pour des voyages touristiques par voie aérienne et maritime. Elle a une agence à [Localité 4] et une agence à [Localité 3]. Elle a passé commande à VLC TRAVEL SAS pour 76.860,66 euros et non pour 82.835,58 euros. Elle n'a pas pu payer à cause de difficultés de trésorerie. Pour preuve de sa bonne foi, elle a payé une somme de 34.000 euros le 16 juillet 2021. Elle a été mise en demeure pour le règlement de la somme de 42.860,66 euros.
Or, dans l'assignation, il a été demandé la somme de 48.835,58 euros. L'assignation n'a pas pu être délivrée à son représentant et elle n'a pas pu se défendre. La clause pénale est excessive. Cela engendre un déséquilibre contractuel. Les frais de recouvrement ne sont pas justifiés. Il y a une somme de 10.014,92 euros qui est non justifiée.
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Suivant ses dernières conclusions notifiées le 1er mars 2022, la société VLC Travel demande à la Cour de :
Vu les articles 873 alinéa 2 du code de procédure civile et L. 441-6 du code de commerce ;
- confirmer l'ordonnance.
Y ajoutant,
- condamner la société Chaker Voyages à lui payer 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont « sic » distraction au profit de Maître RONCHARD sur son affirmation de droit.
L'intimée soutient en substance qu'elle est une centrale de réservation de transports. La société Chaker Voyages est en relation directe avec les clients pour organiser des voyages vers le Maghreb et pour les pèlerinages religieux.
Elle a passé commande au nom de ses clients de son agence à [Localité 3] et à [Localité 4] pour des billets d'avion pour un montant de 82.835,58 euros TTC. La société Chaker Voyages a été payée par les particuliers. Elle-même a émis les prélèvements correspondant aux 13, 23, 30 juillet 2021 puis au 2 août 2021 et enfin aux 7 et 10 septembre 2021. Ces prélèvements ont été au départ honorés puis rejetés. Il y a des impayés pour [Localité 3] à hauteur de 75.794,57 euros et pour [Localité 4] à hauteur de 7.041,01 euros. Chaker Voyages a payé une somme de 34.000 euros le 16 juillet 2021 à déduire.
La société Chaker Voyages lui a acheté les billets d'avion et les a revendus à ses clients. Elle commet une inexécution de ses obligations.
Ses conditions générales de vente indiquent qu'à défaut de paiement des factures à leur échéance, des intérêts de retard correspondant à trois fois le taux légal sont exigibles de même qu'une indemnité forfaitaire de 40 euros par facture impayée.
Son conseil a vainement mis en demeure la société Chaker Voyages de payer. La créance est liquide exigible et certaine.
Avec la signification de l'ordonnance, il a été procédé à deux saisies-attribution qui ont été fructueuses au CIC Iberblanco à hauteur de 6.000 euros et au CIC à hauteur de 2.070,11 euros.
Le premier président a été saisi en arrêt de l'exécution provisoire et le juge de l'exécution a été saisi pour obtenir la nullité des saisies et à défaut pour obtenir 36 mois de délais de paiement.
Le fait qu'elle n'était pas présente ni représentée en première instance est imputable à l'appelante. Elle ne s'est même pas présentée suite à la re-convocation du président du tribunal de commerce.
La différence entre le relevé du 8 septembre et le montant de l'assignation provient d'autres rejets de prélèvements entre-temps. Il n'y a pas de mauvaise foi.
Il n'y a pas de clause pénale dans le fait de demander des intérêts égaux au triple de l'intérêt au taux légal. La Cour de cassation a déjà dit qu'il ne s'agissait pas d'une clause pénale. Les intérêts de retard sont prévus par la loi à l'article L. 441-6 du code de commerce et ne sont pas d'origine contractuelle. Ils sont dus de plein droit.
Pour l'indemnité forfaitaire, elle est prévue par le même texte.
La société Chaker Voyages a interjeté appel avec légèreté et avec intention dilatoire.
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Pour l'exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l'article 455 du code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l'audience du 7 juin 2022 à 9 heures.
A l'audience, les conseils des parties ont pu faire leurs observations et/ou déposer ou adresser leurs dossiers respectifs. Puis, l'affaire a été mise en délibéré au 7 septembre 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour « constater » ou « dire et juger » ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31, et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Sur la demande de provision :
L'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce statuant en référé « peut (…) dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ».
La société VLC SAS fournit les preuves de ses impayés et de sa mise en demeure restée vaine en date du 16 septembre 2021. La société Chaker Voyages n'a, à ce moment-là, pas contesté ni le principe ni le montant de sa dette. Elle a même versé partiellement une somme de 34.000 euros.
Le fait qu'il y ait une distinction entre le montant apparaissant sur la mise en demeure et celui figurant dans l'assignation n'est pas une erreur. Elle est due à d'autres impayés apparus postérieurement à la mise en demeure et dont l'intimée justifie.
En revanche, la société VLC TRAVEL n'a pas produit ses conditions générales, signées par la société Chaker Voyages, dans lesquelles seraient prévue l'application d'intérêts conventionnels égaux au triple de l'intérêt au taux légal. Sur les factures figure cette mention mais sans renvoyer aux conditions générales. Il est uniquement fait référence au décret 2009-138 du 9 février 2009 soit un décret fixant le taux d'intérêt légal pour l'année 2009. A défaut de preuve de l'obligation de payer des intérêts conventionnels égaux au triple de l'intérêt au taux légal, la contestation est sérieuse. Il n'y a pas lieu à référé sur ce point d'autant que l'application de ces intérêts majorés constitue, suivant la mention figurant sur les factures, une « pénalité » en cas de retard. Ainsi, il s'agirait d'une clause pénale relevant de l'appréciation du juge du fond et non du juge des référés puisqu'elle pourrait être considérée comme manifestement excessive.
Si l'indemnité légale de recouvrement à raison de 40 euros par facture impayée n'est pas sérieusement contestable, il appartient à la société VLC TRAVEL de produire lesdites factures. Selon elle, la somme demandée correspond à 101 factures impayées. Or, dans son dossier de pièces, il est produit de très nombreuses factures soit plus de 101 factures de sorte que la Cour n'est pas en mesure de savoir quelle sont les factures litigieuses pouvant donner lieu à application de l'indemnité légale de recouvrement de l'article L. 441-9 alinéa 5 et de l'article D. 441-5 du code de commerce. La contestation est donc sérieuse. Il n'y a pas lieu à référé sur ce chef de demande.
En conséquence, la Cour confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la société Chaker Voyages à payer à la société VLC Travel SAS une provision de 48.835,58 euros à la société VLC Travel sauf à préciser que la condamnation est prononcée en deniers ou quittances pour tenir compte des règlements intervenus depuis la première instance.
En revanche, la Cour infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a fait droit à la demande d'intérêts conventionnels fixés à trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 16 septembre 2021 et en ce qu'elle a condamné la société Chaker Voyages à la société VLC Travel SAS la somme 4.040 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.
Statuant à nouveau sur ces deux points, la Cour dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'intérêts conventionnels correspondant au triple du taux légal et sur la demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.
Sur les demandes accessoires :
Compte tenu de la condamnation de la société Chaker Voyages, elle doit les entiers dépens de première instance et d'appel. La Cour confirme l'ordonnance déférée sur les dépens de première instance et y ajoute ceux d'appel.
La Cour autorise Maître RONCHARD qui en a fait la demande expresse, à non pas distraire, terme qui n'est plus en vigueur depuis des dizaines d'années, mais à recouvrer directement ceux des dépens dont il a été fait l'avance sans avoir reçu provision dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
En équité, la Cour confirme le juste sort de la condamnation de la société Chaker Voyages au titre de l'article 700 du code de procédure civile et y ajoute la somme de 1.500 euros à hauteur d'appel.
La Cour déboute la société Chaker Voyages de ses demandes accessoires.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme l'ordonnance déférée sur la condamnation provisionnelle de la société Chaker Voyages à payer à la société VLC TRAVEL la somme de 48.835,58 euros à valoir sur la somme due sur des factures impayées de juillet à septembre 2021, sur la condamnation aux dépens et au titre des frais irrépétibles ;
Précise que cette condamnation est prononcée en deniers ou quittances ;
Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a fait droit à la demande d'intérêts conventionnels fixés à trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 16 septembre 2021 et en ce qu'elle a condamné la société Chaker Voyages à la société VLC Travel SAS la somme 4.040 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;
Statuant à nouveau sur ces deux points,
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'intérêts conventionnels correspondant au triple du taux légal et sur la demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;
Y ajoutant,
Condamne la société Chaker Voyages aux entiers dépens d'appel ;
Autorise Maître RONCHARD à recouvrer directement ceux des dépens dont il a été fait l'avance sans avoir reçu provision dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la société Chaker Voyages à payer la somme supplémentaire de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;
Déboute la société Chaker Voyages de ses demandes accessoires.
LE GREFFIER LE CONSEILLER POUR LE PRÉSIDENT EMPÉCHÉ