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CA NÎMES (4e ch. com.), 7 septembre 2022

Nature : Décision
Titre : CA NÎMES (4e ch. com.), 7 septembre 2022
Pays : France
Juridiction : Nimes (CA), 4e ch. com.
Demande : 20/00986
Date : 7/09/2022
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 17/03/2020
Référence bibliographique : 5985 (logique des sanctions)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9774

CA NÎMES (4e ch. com.), 7 septembre 2022 : RG n° 20/00986

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Malgré l'arrêt avant dire droit rendu, la société appelante ne justifie pas de son lien juridique avec la marque CloudEco ni, en conséquence, de sa qualité de contractante au titre des contrats conclus au nom de CloudEco.

Ainsi son affirmation selon laquelle c'est elle qui a contracté sous cette marque n'est accréditée par aucun justificatif, elle ne démontre ainsi pas sa qualité à agir et elle est donc irrecevable à se prévaloir des contrats litigieux en l'instance.

Le jugement déféré doit en conséquence être infirmé en toutes ses dispositions et les demandes formulées par les parties en l'instance sur la base des contrats conclus entre « CloudEco » et l'intimée rejetées. »

 

COUR D’APPEL DE NÎMES

QUATRIÈME CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 7 SEPTEMBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/00986. N° Portalis DBVH-V-B7E-HV5R. TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES, 20 décembre 2019 : RG:2018J244.

 

APPELANTE :

La SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION (EXERCANT SOUS LA MARQUE CLOUD ECO), SAS SCT

SAS au capital de 7.500.000 €, immatriculée au R.C.S. de BOBIGNY sous le numéro XXX, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège. [Adresse 1], [Adresse 1], Représentée par Maître Valérie PONS-TOMASELLO de la SCP MESSAUD & PONS-TOMASELLO, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE, Représentée par Maître Christelle LEXTRAIT, Postulant, avocat au barreau de NIMES

 

INTIMÉE :

SARL MAS DE LA PRAIRIE

immatriculée au RCS de sous le n° YYY, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 2], [Adresse 2], Représentée par Maître Pascale COMTE de la SCP AKCIO BDCC AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Madame Claire OUGIER, Conseillère, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Christine CODOL, Présidente de chambre, Madame Corinne STRUNK, Conseillère, Madame Claire OUGIER, Conseillère.

GREFFIER : Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS : À l'audience publique du 20 juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 septembre 2022. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Christine CODOL, Présidente de chambre, le 7 septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ :

Vu les appels interjetés les 17 mars et 19 mars 2020 par la SAS Société Commerciale de Télécommunications dite SCT à l'encontre du jugement prononcé le 20 décembre 2019 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l'instance n° 2018J244 ;

Vu l'ordonnance du 14 mai 2020 ordonnant la jonction de ces deux procédures ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 10 décembre 2020 par l'appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 16 septembre 2020 par la SARL Mas de la prairie, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l'ordonnance du 18 octobre 2021 de clôture de la procédure à effet différé au 24 février 2022 ;

Vu l'arrêt avant dire droit rendu par la cour d'appel de Nîmes le 6 avril 2022 ;

Vu les conclusions remises par la voie électronique le 10 juin 2022 par l'appelante ;

Vu les conclusions remises par la voie électronique le 13 juin 2022 par l'intimée ;

* * *

Le 11 mai 2017, la société intimée a souscrit auprès de « Cloud Eco » un contrat de location et de service en téléphonie fixe, mobile et accès web pour les besoins de son activité professionnelle.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 31 juillet 2017, elle a demandé l'annulation de ce contrat de location pour non réception du matériel et a évoqué la facturation de frais non contractuels.

La société « Cloud Eco » a pris acte de la résiliation anticipée des contrats de téléphonie fixe au 4 août 2017 et de téléphonie mobile au 3 août 2017, et lui a réclamé les sommes de 8.890,71 € HT et 826 € HT respectivement dues au titre de l'indemnité de résiliation anticipée de ces contrats.

Plusieurs relances et mises en demeure ont encore été adressées par la société « Cloud eco » à son co-contractant pour obtenir paiement de ces sommes.

Par exploit du 22 juin 2018, l'appelante disant exercer sous la marque « Cloud eco » a fait assigner l'intimée devant le tribunal de commerce de Nîmes en résiliation du contrat de téléphonie mobile à ses torts exclusifs, et en condamnation au paiement des sommes de :

- 885,21 € TTC, en principal, au titre des factures de téléphonie fixe impayées,

- 76.52 € en principal au titre des factures de téléphonie mobile impayées,

1- 0.668,85 € au titre des frais de résiliation du contrat de téléphonie fixe,

- 991,20 € au titre des frais de résiliation du contrat de téléphonie mobile,

toutes sommes augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

outre 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

et avec exécution provisoire.

Par jugement du 20 décembre 2019, le tribunal de commerce de Nîmes a, au visa des articles 1130, 1131, 1137 et 1217 du code civil :

- prononcé la nullité des contrats,

- dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts,

- condamné la société SCT exerçant sous la marque Cloud eco à régler à la défenderesse la somme de 1.500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;

- condamné la même aux dépens de l'instance.

* * *

La société SCT a relevé appel de ce jugement pour le voir infirmer en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts.

Elle défend la validité des contrats conclus le 11 mai 2017 soutenant être le co-contractant de l'intimée, exerçant alors sous sa marque de service régulièrement enregistrée « Cloud Eco », laquelle est mentionnée au préambule des conditions générales de location du contrat.

Elle conteste tout dol, la typographie utilisée pour la rédaction des stipulations contractuelles permettant une lisibilité et une intelligibilité desdites clauses, lesquelles sont donc opposables à son signataire.

S'agissant de l'article 9 relatif à la durée du contrat, l'intimée ne prouve pas que le contrat remis est différent de l'original versé aux débats par ses soins, le bulletin de souscription contenant, à son verso, les conditions contractuelles dans lesquelles figure cette clause et le tout n'étant pas détachable.

L'appelante soutient que sa co-contractante n'a pas respecté ses obligations, ses factures de téléphonie fixe comme mobile restant impayées pour des montants respectifs de 885,21 euros et 76,52 euros.

Du fait de la résiliation anticipée des contrats, elle entend réclamer également paiement des indemnités prévues au contrat, contestant tout déséquilibre significatif entre les parties et contestant la qualification de clause pénale ou de clause de dédit à ces stipulations.

[*]

Aux termes de ses dernières écritures, l'appelante demande donc à la Cour, au visa des articles 1103 et 1104 du Code Civil, de :

« réformer le jugement du Tribunal de commerce de Nîmes du 20 décembre 2019 en ce qu'il a :

- prononcé la nullité des contrats ;

- (l'a) condamnée à régler (à la société intimée) la somme de 1.500 € par application - des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;

- (et l'a) condamnée aux dépens de l'instance ;

* déclarer bien fondée (sa) demande ;

* constater la validité des contrats du 11 mai 2017 ;

* constater la résiliation totale du contrat de téléphonie mobile aux torts exclusifs de (l'intimée)

* débouter (l'intimée) de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

- (la) condamner au paiement (') de la somme de 885,21 € TTC en principal au titre des factures de téléphonie fixe impayées, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation ;

- de la somme de 76,52 € TTC en principal au titre des factures de téléphonie mobile impayées, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation ;

- (la) condamner au paiement (...) de la somme de 10.668,85 € TTC au titre des frais de résiliation du contrat de téléphonie fixe, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation ;

- (la) condamner au paiement (...) de la somme de 991,20 € TTC au titre des frais de résiliation du contrat de téléphonie mobile, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation ;

- (la) condamner au paiement de la somme de 3.000 € par application de l'article 700 code de procédure civile ;

condamner aux entiers dépens ;

ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ».

* * *

L'intimée soulève à titre principal la nullité absolue des contrats conclus le 11 mai 2017 en faisant valoir que « Cloud eco » n'est pas inscrite au registre du commerce et des sociétés et ne possède donc pas la personnalité juridique. Elle n'a donc pas la capacité pour contracter, condition essentielle exigée par l'article 1128 du code civil, alors même que sur les courriers émis à ce nom il est mentionné qu'elle est une SAS.

Subsidiairement, elle fonde la nullité des contrats sur l'existence d'un dol, des informations déterminantes comme la durée du contrat et la clause de résiliation anticipée étant dissimulées par le jeu de carbones qui ne dupliquent que certaines parties du contrat signé.

A ce titre, elle sollicite reconventionnellement l'octroi d'une indemnisation en réparation du préjudice causé par ces manœuvres dolosives à hauteur de 5.000 euros.

A titre infiniment subsidiaire, l'intimée invoque un déséquilibre significatif entre les parties. Les clauses de durée et de résiliation stipulées sur les contrats n'ayant pas été négociées, elles sont donc non écrites en application de l'article 1171 du Code civil.

Enfin, elle indique qu'en l'espèce les clauses fixant les pénalités de résiliation s'analysent en clauses pénales et sont manifestement excessives.

Aux termes de ses dernières écritures, l'intimée demande donc à la Cour, au visa de l'article 1128 du code civil modifié par l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, des articles L.123-1, R.123-35, R.123-237 et R.123-238 du code de commerce, des articles 1130, 1131, 1137, 1171 et 1217 du Code civil, de :

« faisant droit à (son) appel incident,

A titre principal,

- déclarer nul et de nul effet les contrats souscrits entre (les parties),

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement déféré,

- prononcer la nullité des contrats,

- condamner (l'appelante) à (lui) payer la somme de 5.000 € à tire de dommages intérêts,

A titre infiniment subsidiaire,

- déclarer les clauses de durée et résiliation stipulées sur les contrats non écrites,

En conséquence,

- débouter (l'appelante) de l'ensemble de ses demandes

A titre très infiniment subsidiaire,

- dire et juger que les clauses relatives aux pénalités de résiliation s'analysent en une clause pénale

- rejeter la clause pénale manifestement excessive,

- la fixer à la somme de 1€.

En toutes hypothèses,

- condamner (l'appelante) à payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

- condamner (l'appelante) aux entiers dépens ».

* * *

Par arrêt avant dire droit du 6 avril 2022, la cour d'appel a :

- ordonné la réouverture des débats sans révocation de l'ordonnance de clôture ;

- enjoint à l'appelante de produire toutes pièces utiles pour justifier de l'existence effective du lien juridique entre « Cloud eco » et elle-même, et de sa qualité à agir ;

- enjoint aux parties de produire un extrait K-bis du registre du commerce et des sociétés de Bobigny au nom de « Cloud eco » à la date du 11 mai 2017,

- renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du lundi 20 juin 2022 à 9 heures pour retenue ;

- réservé l'examen des dépens.

* * *

L'appelante et l'intimée ont déposé de nouvelles conclusions respectivement les 10 et 13 juin 2022, et donc postérieurement à la clôture intervenue le 24 février 2022 - dont l'arrêt précisait qu'elle était maintenue - en reprenant intégralement leurs moyens et prétentions, y ajoutant des observations sur le point soulevé par la Cour dans l'arrêt avant dire droit, l'appelante certifiant qu'elle utilise la marque CloudEco et est la cocontractante de l'intimée tandis que l'intimée le conteste.

* * *

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

Sur la procédure :

Les conclusions récapitulatives déposées par les parties les 10 et 13 juin 2022, postérieurement à la clôture intervenue le 24 février 2022, et alors que l'arrêt avant dire droit du 6 avril 2022 précisait que les débats était réouverts « sans révocation de l'ordonnance de clôture », sont irrecevables, seules pouvant être prises en compte les pièces produites correspondant à ce qui était demandé par la Cour dans cet arrêt, et les observations des parties sur la question de la qualité à agir de l'appelante qui était soulevée par la Cour en vertu de l'article 125 du code de procédure civile.

 

Sur le fond :

L'appelante produit quatre nouvelles pièces en suite de l'arrêt avant dire droit :

- la première (33), intitulée « dépôt et publication de la marque déposée », mentionne la publication du dépôt le 31 octobre 2013 à l'INPI de la marque « CloudEco » dans la classe de produits ou services 38 (télécommunications...) par Monsieur X. ;

- la deuxième (34) est l'extrait Kbis de la SAS financière Itama (sans mention ni de « CloudEco » ni de l'appelante) ;

- la troisième (35) est l'extrait Kbis de la société Angels international invests dont le gérant est le nommé Monsieur X. (sans mention ni de « CloudEco » ni de l'appelante) ;

- la dernière (36) consiste en un acte déposé auprès du greffe du tribunal de commerce de Bobigny - dont il porte le sceau- relativement à la société appelante et qui indique que, par procès-verbal du 29 juin 2016, l'associé unique la SAS Itama prend acte de la démission de son président Monsieur X., auquel est substitué la société financière Itama elle-même représentée par son président Monsieur X.

De tous ces éléments, il ressort que Monsieur X. a fait déposer la marque « CloudEco » -sans qu'il soit dit à quel titre et pour le compte de qui il agissait - alors qu'il était le gérant de la société Angels international invests, le président de la société Itama, ainsi que celui de la société SCT - avant sa démission, sans pour autant qu'aucun lien juridique ne soit établi par ces pièces entre les différents protagonistes.

Malgré l'arrêt avant dire droit rendu, la société appelante ne justifie pas de son lien juridique avec la marque CloudEco ni, en conséquence, de sa qualité de contractante au titre des contrats conclus au nom de CloudEco.

Ainsi son affirmation selon laquelle c'est elle qui a contracté sous cette marque n'est accréditée par aucun justificatif, elle ne démontre ainsi pas sa qualité à agir et elle est donc irrecevable à se prévaloir des contrats litigieux en l'instance.

Le jugement déféré doit en conséquence être infirmé en toutes ses dispositions et les demandes formulées par les parties en l'instance sur la base des contrats conclus entre « CloudEco » et l'intimée rejetées.

S'agissant de la demande d'indemnisation formulée à titre reconventionnel par l'intimée, elle ne peut qu'également être rejetée dans la mesure où il n'est justifié d'aucun comportement fautif de l'appelante, autre que l'appréciation inexacte de ses droits, ni d'ailleurs d'un quelconque préjudice subi par l'intimée.

 

Sur les frais de l'instance :

L'appelante, qui succombe, devra supporter les dépens de la première instance et de l'instance d'appel et payer à l'intimée une somme équitablement arbitrée à 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau,

Déclare la SAS Société commerciale de télécommunication dite SCT irrecevable à agir au titre des contrats conclus entre « CloudEco » et la SARL Mas de la prairie pour défaut de qualité ;

Déboute la SARL Mas de la prairie de ses demandes reconventionnelles ;

Dit que la SAS Société commerciale de télécommunication dite SCT supportera les dépens de première instance et d'appel et payera à la SARL Mas de la prairie une somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Christine CODOL, Présidente de chambre et par Monsieur LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale.

LE GREFFIER,                               LA PRÉSIDENTE,