CASS. CIV. 3e, 21 septembre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9887
CASS. CIV. 3e, 21 septembre 2022 : pourvoi n° 21-20433 ; arrêt n° 652
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « En lui-même le risque avéré d'incendie de la couverture d'un bâtiment le rend impropre à sa destination ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU21 SEPTEMBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : U 21-20.433. Arrêt n° 652 FS-B.
DEMANDEUR à la cassation : Société BN Solaire
DÉFENDEUR à la cassation : Société Axa France IARD - Société Santerne Méditerranée - Société SMA
Président : Mme Teiller. Avocat(s) : Maître Bouthors, SCP Boutet et Hourdeaux.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
La société BN Solaire, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-20.433 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2021 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], assureur de la société TCE Solar en liquidation, 2°/ à la société Santerne Méditerranée, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à la société SMA, dont le siège est [Adresse 4], venant aux droits de la soiété Sagena assureur de la société Santerne Méditerranée, défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de la société BN Solaire, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 23 mars 2021, rectifié le 19 octobre 2021), la société BN solaire a confié à la société TCE Solar, désormais en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), l'installation, en toiture d'un bâtiment dont la couverture existante avait été préalablement déposée, d'une unité de production d'énergie solaire comportant des panneaux photovoltaïques fabriqués par la société Scheuten Holding, assurée auprès de la société AIG Europe Limited, aux droits de laquelle vient la société AIG Europe, équipés de boîtiers de connexion, fournis par une entreprise assurée auprès de la société Allianz Benelux NV (la société Allianz) et certifiés par la société Tüv Rheinland LGA Products GMBH (la société Tüv Rheinland), assurée auprès de la société HDI Global SE.
2. La société TCE Solar a sous-traité à la société Santerne Méditerranée, assurée auprès de la société Sagena, aux droits de laquelle vient la société SMA, le câblage de l'installation.
3. La réception des travaux est intervenue le 19 janvier 2011.
4. Divers incidents de production étant survenus avant la mise en arrêt total de l'installation, le 27 janvier 2012, provoqués par un défaut sériel affectant les boîtiers de connexion, la société BN solaire a, après expertise, assigné la société TCE Solar, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, et la société Axa en réparation.
5. La société Axa a assigné en garantie les sociétés Santerne Méditerranée, Sagena, la société Allianz France IARD, recherchée en sa qualité d'assureur de l'entreprise ayant fourni les boîtiers, et AIG Europe Limited, laquelle a appelé en garantie les sociétés Allianz,Tüv Rheinland et HDI Global SE.
6. Les assignations ont été jointes.
Examen du moyen :
Sur le moyen, pris en sa première branche :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé du moyen :
7. La société BN solaire fait grief à l'arrêt de dire que, par application de l'article 1792-7 du code civil, le dommage n'engage pas la responsabilité civile de la société TCE Solar sur le fondement des garanties légales des articles 1792 et 1792-3 du code civil et de rejeter, en conséquence, ses demandes à l'encontre de la société Axa, assureur décennal de l'entreprise, alors « qu'une installation photovoltaïque intégrée en toiture d'un immeuble constituant, dans son ensemble, un ouvrage de construction ayant pour fonction le clos et le couvert ainsi que la production d'électricité, la cour d'appel, en faisant application de l'article 1792-7 du code civil qui exclut de la garantie décennale les éléments d'équipement d'un ouvrage dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage, a violé ce texte par fausse application et l'article 1792 du même code par refus d'application. »
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Réponse de la Cour :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu les articles 1792 et 1792-7 du code civil :
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
8. Aux termes du premier de ces textes, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
9. Selon le second, ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage.
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
10. Pour faire application de l'article 1792-7 du code civil à l'installation de production électrique formant la toiture d'un bâtiment et rejeter, en conséquence, les demandes à l'encontre de l'assureur décennal du locateur d'ouvrage, l'arrêt retient que, si la mise en place d'une nouvelle couverture de l'immeuble composée de modules photovoltaïques fixés sur des bacs-aciers supportés par les pannes de la charpente participe de la réalisation de l'ouvrage global, dès lors que la nouvelle couverture supporte l'unité de production, les modules photovoltaïques constituent un élément d'équipement dont le vice n'a affecté que la production industrielle d'énergie, sans porter atteinte à la solidité et à la destination de l'ouvrage immobilier.
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
11. En statuant ainsi, après avoir constaté que les panneaux photovoltaïques participaient de la réalisation de l'ouvrage de couverture dans son ensemble, en assurant une fonction de clos, de couvert et d'étanchéité du bâtiment, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Enoncé du moyen :
12. La société BN solaire fait le même grief à l'arrêt, alors « que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, dissociables ou non, le rendent impropre à sa destination ; que, pour dire n'y avoir lieu d'engager la responsabilité décennale de la société TCE Solar, la cour d'appel a retenu que la combustion interne des boîtiers de connexion des modules photovoltaïques n'avait été suivie d'aucun début d'incendie portant atteinte à la couverture de l'ouvrage, mais que la réalisation d'un tel risque avait existé ; qu'en statuant ainsi, cependant que constitue un dommage couvert par la garantie décennale non seulement l'incendie mais également le risque d'incendie dans le délai décennal, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1792 et 1792-2 du code civil. »
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Réponse de la Cour :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'article 1792 du code civil :
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
13. Aux termes de ce texte, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
14. Pour rejeter les demandes formées sur le fondement de la garantie décennale, l'arrêt retient que la couverture remplit son office sans qu'il y ait la moindre atteinte à sa destination, dès lors que la combustion interne des boîtiers de connexion des panneaux photovoltaïques n'avait en l'espèce été suivie d'aucun début d'incendie portant atteinte à la toiture, même si la réalisation d'un tel risque a pu exister.
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
15. En statuant ainsi, alors qu'en lui-même le risque avéré d'incendie de la couverture d'un bâtiment le rend impropre à sa destination, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquence de la cassation :
16. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt selon lesquelles les dommages litigieux n'engagent pas la responsabilité de TCE Solar sur le fondement des garanties légales des articles 1792 et 1792-3 du code civil, et qui rejettent les demandes de la société BN solaire à l'encontre de la société Axa, entraînent la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen, pris en sa deuxième branche, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare les écritures recevables, met hors de cause la société AIG Europe, prise en la personne de ses succursales française et néerlandaise, et la société Allianz France IARD, déclare l'arrêt commun à la société SMA, assureur de la société Santerne Méditerranée, confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité de l'assignation introductive d'instance et le rapport d'expertise, et déclare irrecevables les demandes formées contre la société TCE Solar, l'arrêt rendu le 23 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Axa France IARD et la condamne à payer à la société BN Solar la somme de 3.000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux, signé par Mme Teiller, président et par Mme Besse, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par Maître Bouthors, avocat aux Conseils, pour la société BN Solaire
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que par application de l'article 1792-7 du code civil, le dommage n'engage pas la responsabilité civile de la société TCE Solar sur le fondement des garanties légales des articles 1792 et 1792-3 du code civil et d'avoir débouté en conséquence la société BN Solaire de son action directe exercée à l'encontre de la société Axa France Iard pour obtenir garantie de son préjudice ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) alors qu'une installation photovoltaïque intégrée en toiture d'un immeuble constituant, dans son ensemble, un ouvrage de construction ayant pour fonction le clos et le couvert ainsi que la production d'électricité, la cour d'appel, en faisant application de l'article 1792-7 du code civil qui exclut de la garantie décennale les éléments d'équipement d'un ouvrage dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage, a violé ce texte par fausse application et l'article 1792 du même code par refus d'application ;
2°) alors, à titre subsidiaire, que les panneaux photovoltaïques intégrés en toiture d'un immeuble constituant des éléments d'équipement indissociables de celui-ci ayant pour fonction le clos et le couvert ainsi que la production d'électricité, la cour d'appel, en jugeant que ces modules constituaient des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage et en faisant application de l'article 1792-7 du code civil qui exclut de la garantie décennale les éléments d'équipement d'un ouvrage dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage, a violé ce texte par fausse application et les articles 1792 et 1792-2 du même code par refus d'application ;
3°) alors, en tout état de cause, que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, dissociables ou non, le rendent impropre à sa destination ; que, pour dire n'y avoir lieu d'engager la responsabilité décennale de la société TCE Solar, la cour d'appel a retenu que la combustion interne des boîtiers de connexion des modules photovoltaïques n'avait été suivie d'aucun début d'incendie portant atteinte à la couverture de l'ouvrage, mais que la réalisation d'un tel risque avait existé ; qu'en statuant ainsi, cependant que constitue un dommage couvert par la garantie décennale non seulement l'incendie mais également le risque d'incendie dans le délai décennal, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1792 et 1792-2 du code civil.