CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 17 novembre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9951
CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 17 novembre 2022 : RG n° 22/01946 ; arrêt n° 22/950
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « En cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou non-professionnel, le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité ou en déchéance du droit aux intérêts conventionnels en raison d'une erreur affectant le taux effectif global ne court qu'à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur ; il se situe donc à la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou à défaut, à la date à laquelle l'emprunteur normalement avisé et prudent a été en mesure de la déceler.
La recevabilité de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel ou de déchéance du droit aux intérêts s'apprécie au regard de chaque grief invoqué par l'emprunteur. »
2/ « A titre liminaire, la cour constate qu'aux termes de leurs exploit introductif d'instance, les époux X. ne demandent pas de voir déclarer abusive et non-écrite la clause selon laquelle « Le taux effectif global est calculé hors frais d'acte, dont le montant ne peut être connu avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat pour lequel le prêt est demandé ». Dès lors, le moyen relatif à l'imprescriptibilité de leur action tendant à voir déclarer cette clause comme étant abusive est inopérant. »
3/ « Le premier juge a à juste titre relevé qu'à la lecture de l'offre de prêt initiale et de l'avenant, il apparaît que ces documents ne comportent aucune clause relative au calcul des intérêts sur une base autre que l'année civile, dite « clause lombarde », et que l'utilisation alléguée de l'année bancaire de 360 jours ne ressort pas des documents contractuels et se déduit donc d'hypothèses et de calculs.
Si l'analyse financière que les emprunteurs invoquent a été établie à partir des données de l'offre et de l'avenant (mais également à partir du tableau d'amortissement définitif transmis le 7 décembre 2017), la cour constate qu'en l'absence de clause de calcul des intérêts insérée aux actes, notamment de clause dite 'lombarde', les emprunteurs, dont il n'est pas démontré qu'ils avaient des compétences particulières en matière bancaire et de calcul des intérêts, n'étaient pas en mesure de constater par eux-mêmes, à la simple lecture de l'offre et du tableau d'amortissement prévisionnel qui y était joint, que les intérêts étaient, comme il le prétendent, calculés sur la base d'une année bancaire de 360 au lieu de 365 jours ; qu'il ne peut leur être reproché de ne pas avoir vérifier le calcul des intérêts et leur impact sur le montant du TEG lors de la conclusion des actes ou du paiement de la première échéance,
Il s'observe donc que l'utilisation alléguée de l'année bancaire de 360 jours au lieu de l'année civile de 365 jours pour le calcul des intérêts n'a été révélée aux emprunteurs qu'au jour de dépôt du rapport d'analyse financière de Pôle expert Nord-Est le13 novembre 2019, date à laquelle doit être fixé le point de départ la prescription quinquennale. Au jour de leur exploit introductif d'instance du 26 octobre 2020, les époux X. étaient en conséquence recevables en leur action en nullité et en déchéance du droit aux intérêts de ce chef. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/01946. N° de MINUTE : 22/950. N° Portalis DBVT-V-B7G-UHMG. Ordonnance (R.G. n° 21/00051) rendu le 5 avril 2022 par le Juge de la mise en état de Dunkerque.
APPELANTE :
SA la Banque Postale
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 2], [Localité 5], Représentée par Maître Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, assisté de Maître Isabelle Simonneau, avocat au barreau de Paris
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [Date naissance 1] à [Pays] - de nationalité Française, [Adresse 3], [Localité 6]
Madame X.
née le [Date naissance 4] à [Pays] - de nationalité Française, [Adresse 3], [Localité 6]
Représentés par Maître Jérémie Boulaire, avocat au barreau de Douai
DÉBATS à l'audience publique du 21 septembre 2022 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Yves Benhamou, président de chambre, Catherine Ménegaire, conseiller, Catherine Convain, conseiller.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 septembre 2022
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant offre du 1er février 2002, acceptée le 16 février 2002, la Banque postale venant aux droits de La Poste a consenti à M. X. et Mme X. un prêt immobilier d'un montant total de 59.455,11 euros afin de financer l'acquisition d'un bien immobilier sis à [Localité 6], se décomposant en :
- un « prêt plan épargne logement » n° 1 d'un montant de 4.251,80 euros remboursable en 48 échéances de 99,52 euros au taux d'intérêt de 4,80 % et au taux effectif global (TEG) de 5,28 %,
- un « prêt conventionné à paliers » n° 2 d'un montant de 55.203,31 euros, remboursable sur une durée de 240 mois au taux d'intérêt proportionnel de 5,25 % et au TEG de 5,65 %.
Suivant avenant au prêt conventionné à paliers n° 2, proposé le 27 mai 2010 et accepté le 10 juin 2010 par les emprunteurs, les conditions particulières relatives aux taux mentionnées à l'offre initiale ont été modifiées, le taux d'intérêt originaire ayant été réduit de 5,25 % à 3,70 %, et le TEG de 5,65 % à 4,36 %.
Invoquant des irrégularités dans le calcul des intérêts conventionnels et des TEG indiqués à l'acte de prêt conventionné à paliers n° 2 et à l'avenant, les époux X., ont, par acte d'huissier en date du 26 octobre 2020, fait citer la Banque postale devant le tribunal judiciaire de Dunkerque, aux fins d'obtenir, à titre principal, la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel depuis la souscription du contrat et la condamnation de la Banque postale à leur verser le trop-perçu résultant de cette modification, à titre subsidiaire, la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels au titre du prêt conventionné à paliers n° 2 et de l'avenant, ainsi que la condamnation de la Banque postale à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté contractuelle, outre la somme de 3.600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Par conclusions d'incident communiquées par voie électronique le 3 juillet 2021, la Banque postale a demandé au juge de la mise en état de déclarer prescrite l'action en nullité de la stipulation des intérêts du prêt et de l'avenant, de déclarer prescrite l'action en déchéance des intérêts du prêt et de l'avenant, ainsi que l'action dommages-intérêts, et de déclarer par conséquent, irrecevables les demandes des époux X.
Par ordonnance en date du 5 avril 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Dunkerque a :
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la Banque postale tirée de la prescription de l'action de M. X. et Mme X.,
- débouté la Banque postale et M. X. et Mme X. de leurs demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- réservé les dépens,
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état électronique du 16 mai 2022, pour conclusions au fond de la Banque postale.
[*]
La Banque postale a relevé appel de cette décision par déclaration reçue par le greffe de la cour le 20 avril 2022.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 septembre 2022, elle demande à la cour de :
Vu les articles 122 du code de procédure civile, L. 110-4 du code de commerce, 1144 du code civil, L. 312-33 (anciens) (L. 341-34) du code de la consommation, R. 313-1(ancien) (R. 314-3) du code de la consommation, 1907 du code civil,
à titre principal,
- infirmer l'ordonnance rendue par Madame le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Dunkerque le 5 avril 2022 en ce qu'elle a :
« - rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la Banque postale tirée de la prescription de l'action de M. X. et Mme X.,
- débouté la Banque postale et M. X. et Mme X. de leurs demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- réservé les dépens,
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état électronique du 16 mai 2022, pour conclusions fond de la Banque postale. »
en conséquence,
- déclarer les demandes de M. X. et Mme X. irrecevables compte tenu de la prescription de leur action,
- juger prescrite l'action en nullité de la stipulation des intérêts du prêt 02 et de l'avenant 01,
- juger prescrite l'action en déchéance des intérêts du prêt 02 et de l'avenant 01,
- juger prescrite l'action en dommages et intérêts,
- déclarer irrecevables les demandes de M. X. et Mme X.,
- débouter M. X. et Mme X. de leurs moyens et prétentions,
à titre subsidiaire,
- infirmer l'ordonnance rendue par Madame le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Dunkerque le 5 avril 2022 en ce qu'elle a déclaré non prescrite l'action de M. X. et Mme X. à contester le calcul des TEG du prêt 02 en ce que n'était pas inclus le coût de la sûreté réelle et de l'avenant 01 en ce que n'était pas mentionné le taux de période,
- juger prescrite l'action en nullité de la stipulation des intérêts du prêt 02 et de l'avenant 01,
- juger prescrite l'action en déchéance des intérêts du prêt 02 et de l'avenant 01,
- juger prescrite l'action en dommages et intérêts,
- déclarer irrecevables les demandes de M. X. et Mme X.,
- débouter M. X. et Mme X. de leurs demandes,
à titre principal et subsidiaire,
- les condamner à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de la SCP Processuel en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 6 septembre 2022, les époux X. demandent à la cour de :
- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la Banque postale tirée de la prescription de leur action,
- débouté la Banque postale de ses demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la Banque postale de l'intégralité de ses prétentions fins et conclusions en appel,
- condamner la Banque postale à leur payer la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens d'instance.
[*]
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 septembre 2022, et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 21 septembre 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
La Banque postale fait valoir que les actions en nullité de la stipulation d'intérêts et en déchéance du droit aux intérêts sont prescrites, le point de départ de la prescription se situant au jour de l'acceptation de l'offre et de l'avenant dans la mesure où les emprunteurs pouvaient déceler, dès la lecture des actes, les irrégularités alléguées tenant à l'absence d'intégration dans le TEG du prêt n° 2 du coût du privilège de prêteur de deniers et à l'absence de mention du taux de période à l'avenant ; s'agissant de l'irrégularité tenant du calcul des intérêts sur la base de l'année bancaire de 360 jours au lieu de l'année civile de 365 jours, la banque soutient que l'analyse mathématique sur laquelle les emprunteurs se fondent a été réalisée à partir des seuls éléments et données financières contenus dans l'offre et du tableau d'amortissement qui y était annexé, de sorte que dès l'acceptation des actes, ils étaient en mesure de vérifier par eux-mêmes ou par des tiers l'exactitude des intérêts et des TEG, et auraient par conséquent du connaître, dès cette date, les erreurs alléguées.
Les époux X. affirment que la clause du contrat de prêt selon laquelle « (...) Le taux effectif global est calculé hors frais d'acte, dont le montant ne peut être connu avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat pour lequel le prêt est demandé » est une clause abusive, en sorte que l'action qui tend à faire échec à une telle clause n'est pas soumise à la prescription quinquennale. Ils ajoutent que le délai de prescription ne peut commencer à courir à compter de l'acte que si l'emprunteur est en mesure de déceler les anomalies par lui-même, à la seule lecture de cet acte, un consommateur normalement diligent ne pouvant être tenu de détecter les irrégularités des documents contractuels ; que les irrégularités affectant le calcul des intérêts et des TEG leur ont été révélées par le rapport d'analyse financière qu'ils ont fait établir, qui constitue le point de départ de la prescription.
* * *
En application de l'article 1304 du code civil, l'action en nullité de la stipulation d'intérêts se prescrit par cinq ans. L'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels relevant du code de la consommation se prescrivait dans le délai de dix ans prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce. Ce délai a été ramené à cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
En cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou non-professionnel, le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité ou en déchéance du droit aux intérêts conventionnels en raison d'une erreur affectant le taux effectif global ne court qu'à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur ; il se situe donc à la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou à défaut, à la date à laquelle l'emprunteur normalement avisé et prudent a été en mesure de la déceler.
La recevabilité de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel ou de déchéance du droit aux intérêts s'apprécie au regard de chaque grief invoqué par l'emprunteur.
En l'espèce, les emprunteurs font grief à la banque de n'avoir pas intégré dans le calcul du TEG du prêt conventionné à paliers n° 2 les frais de garantie, d'avoir calculé les intérêts conventionnels dudit prêt et de son avenant sur la base d'une année bancaire de 360 jours au lieu de l'année civile de 365 jours, et d'avoir omis le taux de période dans l'avenant.
Ils se fondent sur l'analyse financière établie par le cabinet Pôle Expert Nord Est le 13 novembre 2019 selon laquelle d'une part, les frais de garantie ont été omis dans le calcul du TEG, et qu'en les intégrant, le TEG mentionné à l'acte de prêt n° 2 de 5,65 % ressort à 5,77 %, et d'autre part l'année bancaire de 360 jours a été utilisée pour le calcul des intérêts au lieu de l'année civile de 365 jours. Ils ajoutent que l'absence de taux de période à l'avenant équivaut à une absence de TEG.
Sur l'omission des frais de garantie :
A titre liminaire, la cour constate qu'aux termes de leurs exploit introductif d'instance, les époux X. ne demandent pas de voir déclarer abusive et non-écrite la clause selon laquelle « Le taux effectif global est calculé hors frais d'acte, dont le montant ne peut être connu avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat pour lequel le prêt est demandé ».
Dès lors, le moyen relatif à l'imprescriptibilité de leur action tendant à voir déclarer cette clause comme étant abusive est inopérant.
Par ailleurs, le paragraphe « Coût du financement et Taux Effectif Global (TEG) » page 3 de l'offre acceptée le 16 février 2002 précise :
- pour le prêt conventionné à palier n° 2 : montant : 55 203,31 euros ; coût total du crédit : 44 705,10 euros ; taux de période : 0,47 % ; et TEG annuel : 5,65 %, suivi de la clause suivante :
« Le taux effectif global annuel est proportionnel au taux de période à terme échu exprimé pour cent unités monétaires ; La durée de la période est égale à un mois. Le taux effectif global est calculé hors frais d'acte, dont le montant ne peut être connu avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat pour lequel le prêt est demandé ».
Il résulte de la simple lecture de cette clause que les frais d'acte liés aux garanties (en l'espèce, les frais de privilège de prêteur de deniers de rang 1 prévue pour le prêt conventionné à paliers n° 2) ne sont pas intégrés dans le calcul du TEG.
Les époux X. pouvaient donc, dès la signature de l'offre, déceler l'anomalie alléguée tenant à l'omission de ces frais.
Il suit que le point de départ de la prescription se situe au jour de l'acceptation de l'offre de crédit, soit le 16 février 2002, en sorte qu'au jour de leur exploit introductif d'instance en date du 26 octobre 2020, leur action en nullité de la stipulation d'intérêts et en déchéance du droit aux intérêts conventionnels à raison de l'omission des frais de garantie dans le calcul du TEG est prescrite.
Sur l'absence de taux de période à l'avenant :
L'avenant accepté le 10 juin 2010 prévoit que les conditions particulières relatives aux conditions de taux mentionnés dans l'offre de prêt initiale sont modifiées comme suit :
« (...) Les nouvelles caractéristiques du prêt sont les suivantes (...) :
- taux proportionnel global : 3,70 %,
- taux effectif global : 4,36 %,
- frais : 150 euros,
- coût total : 14.212,74 euros. »
Le taux de période n'apparaît pas à l'avenant, ce dont il ne peut être fait grief à la banque dans la mesure où suivant l'article L. 312-14-1, devenu L. 313-39 du code de la consommation, en cas de renégociation de prêt, les modifications au contrat de prêt initial sont apportées sous la seule forme d'un avenant comprenant diverses informations, dont le TEG, sans que soit exigée la communication du taux et de la durée de la période.
Dès lors, les emprunteurs pouvaient dès la conclusion de l'avenant constater que le taux de période n'y figurait pas.
Il suit que le point de départ de la prescription se situe au jour de l'acceptation de l'acte, soit le 10 juin 2010. Dès lors, le délai pendant lequel les emprunteurs pouvaient utilement agir a expiré le 10 juin 2015, en sorte qu'au jour de leur exploit introductif d'instance en date du 26 octobre 2020, leur action en nullité de la stipulation d'intérêts et en déchéance du droit aux intérêts conventionnel à raison de l'omission du taux de période à l'avenant est prescrite.
Sur l'utilisation allégué de l'année bancaire de 360 jours pour le calcul des intérêts dans le prêt conventionné à paliers n° 2 et l'avenant :
Le premier juge a à juste titre relevé qu'à la lecture de l'offre de prêt initiale et de l'avenant, il apparaît que ces documents ne comportent aucune clause relative au calcul des intérêts sur une base autre que l'année civile, dite « clause lombarde », et que l'utilisation alléguée de l'année bancaire de 360 jours ne ressort pas des documents contractuels et se déduit donc d'hypothèses et de calculs.
Si l'analyse financière que les emprunteurs invoquent a été établie à partir des données de l'offre et de l'avenant (mais également à partir du tableau d'amortissement définitif transmis le 7 décembre 2017), la cour constate qu'en l'absence de clause de calcul des intérêts insérée aux actes, notamment de clause dite 'lombarde', les emprunteurs, dont il n'est pas démontré qu'ils avaient des compétences particulières en matière bancaire et de calcul des intérêts, n'étaient pas en mesure de constater par eux-mêmes, à la simple lecture de l'offre et du tableau d'amortissement prévisionnel qui y était joint, que les intérêts étaient, comme il le prétendent, calculés sur la base d'une année bancaire de 360 au lieu de 365 jours ; qu'il ne peut leur être reproché de ne pas avoir vérifier le calcul des intérêts et leur impact sur le montant du TEG lors de la conclusion des actes ou du paiement de la première échéance,
Il s'observe donc que l'utilisation alléguée de l'année bancaire de 360 jours au lieu de l'année civile de 365 jours pour le calcul des intérêts n'a été révélée aux emprunteurs qu'au jour de dépôt du rapport d'analyse financière de Pôle expert Nord-Est le13 novembre 2019, date à laquelle doit être fixé le point de départ la prescription quinquennale. Au jour de leur exploit introductif d'instance du 26 octobre 2020, les époux X. étaient en conséquence recevables en leur action en nullité et en déchéance du droit aux intérêts de ce chef.
Sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts pour manquement à la bonne foi contractuelle :
Aux termes de leur exploit introductif d'instance, M. X. et Mme X. demandent la condamnation de la banque au paiement de dommages et intérêts pour manquement à son obligation contractuelle de bonne foi, au motif qu'elle a utilisé l'année bancaire de 360 jours, de manière dissimulée, pour le calcul des intérêts.
L'action en responsabilité pour manquements de la banque à son obligation d'information et de loyauté est soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce tel que modifié par la loi du 17 juin 2018. Le délai de prescription court à compter de la réalisation du dommage, constitué par la perte de chance de ne pas contracter, qui se manifeste lors de la conclusion du contrat de prêt, sauf si l'emprunteur établit qu'il avait pu légitimement l'ignorer.
En l'espèce, à supposer que l'utilisation de l'année Lombarde soit établie et qu'elle constitue une manœuvre déloyale de la banque causant un dommage aux emprunteurs, le dommage allégué n'aurait été nécessairement révélé qu'à l'occasion du rapport d'analyse mathématique établi le 13 novembre 2019.
Il suit que la demande de dommage et intérêts, formée par exploit introductif d'instance en date du 26 octobre 2020 n'est pas prescrite.
Sur les demandes accessoires :
L'ordonnance entreprise sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
Les parties succombant partiellement, chacune gardera la charge de ses dépens d'appel, et leur demande respective au titre de l'article 700 seront rejetées.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Infirme partiellement l'ordonnance entreprise, sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;
Déclare irrecevable l'action en nullité de la stipulation d'intérêts et en déchéance du droit aux intérêts conventionnels formée par M. X. et Mme X. à raison de l'omission des frais de garantie dans le calcul du TEG du prêt conventionné à pallier n° 2 en date du 16 février 2002 ;
Déclare irrecevable l'action en nullité de la stipulation d'intérêts et en déchéance du droit aux intérêts conventionnels formée par M. X. et Mme X. à raison de l'omission du taux de période à l'avenant du 10 juin 2010 ;
Déclare recevable l'action en nullité de la stipulation d'intérêts et en déchéance du droit aux intérêts conventionnels à raison de l'utilisation de l'année de 360 jours au lieu de 365 jours dans le calcul des intérêts du prêt conventionné à pallier n° 2 du 16 février 2002 et de l'avenant du 10 juin 2010 ;
Déclare recevable l'action en dommages et intérêts formée par M. X. et Mme X. à l'encontre de la Banque postale ;
Laisse aux parties la charge de leur dépens d'appel ;
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le président
Gaëlle PRZEDLACKI Yves BENHAMOU