CA PARIS (pôle 4 ch. 6), 18 novembre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9962
CA PARIS (pôle 4 ch. 6), 18 novembre 2022 : RG n° 20/04924
Publication : Judilibre
Extrait : « Aux termes de l'article L.231-2 du code de la construction et de l'habitation, « Le contrat visé à l'article L. 231-1 doit comporter les énonciations suivantes : k) Les justifications des garanties de remboursement et de livraison apportées par le constructeur, les attestations de ces garanties étant établies par le garant et annexées au contrat. »
Selon l'article L.231-4 e) du code de la construction et de l'habitation, le contrat défini à l'article L.231-1 peut être conclu sous la condition suspensive de l'obtention de la garantie de livraison.
En l'espèce, M. et Mme X. ont signé un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan le 9 juin 2010.
La cour constate que l'identité du garant de livraison n'est pas mentionnée dans les conditions particulières du contrat, l'article 7 relatif aux « garantie et assurances » prévoyant la garantie de livraison n'étant pas complété sur ce point.
L'article 23 des conditions générales du contrat prévoit que « Le constructeur a passé avec l'établissement désigné par l'article 7 du présent contrat, un contrat par lequel la garantie de livraison couvre le maître de l'ouvrage contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat à prix et délais convenus, à compter de l'ouverture du chantier...une attestation de cette garantie sera annexée au présent contrat dans le délai de réalisation des conditions suspensives mentionné à l'article 6. »
Le 10 août 2010, la CGI Bâtiment a établi une « attestation générale » aux termes de laquelle la société Duro home a conclu avec elle une convention de cautionnement comportant garantie de livraison au prix convenu, renouvelable tous les six mois, par tacite reconduction, et portant « à ce jour sur un encours de 60 maisons en garantie de livraison seule. »
L'attestation mentionne en caractère gras que « Seule une attestation nominative délivrée au nom du Maître d'ouvrage, par la Caisse de Garantie, justifiera de la mise en place de cette Garantie et la rendra effective. » (pièce n°4 de M. et Mme X.)
La garantie de livraison de l'ouvrage à prix et délai convenus à laquelle s'engage le garant en application de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation s'analyse en un cautionnement de caractère particulier stipulé en faveur du maître de l'ouvrage en cas de défaillance du constructeur et en une garantie légale d'ordre public et autonome. (Civ. 3e, 15 janvier 2003, pourvoi n° 01-14.697, Bull. 2003, III, n° 1 ; Civ. 3e, 22 septembre 2010, pourvoi n° 09-15.318, Bull. 2010, III, n° 164).
Dès lors, M. et Mme X., qui n'ont pas conclu de contrat avec la CGI Bâtiment, mais entendent bénéficier de la garantie prévue par l'article L.231-6 du code de la construction et de l'habitation souscrite par le constructeur, ne peuvent se prévaloir du caractère potestatif ou abusif au sens du code de la consommation, selon eux, de la clause mentionnée dans l'attestation, étant observé que celle-ci n'avait pas besoin de faire l'objet de leur acceptation.
Il résulte des termes clairs et précis de l'attestation générale que la CGI Bâtiment a informé M. et Mme X. qu'une attestation nominative était nécessaire pour la mise en place de sa garantie.
Le fait que l'attestation générale précise qu'elle « porte à ce jour sur un encours de 60 maisons » ne saurait suffire à démontrer que celle de M. et Mme X. faisait bien l'objet d'une garantie par la CGI Bâtiment.
M. et Mme X. ne justifient pas de la délivrance de cette attestation nominative, étant observé que celle-ci aurait dû, conformément aux dispositions légales, être annexée au contrat de construction de maison individuelle.
La clause litigieuse ne peut s'analyser, comme il est soutenu, en une « exclusion de garantie », aucun « contrat d'assurance » n'ayant été conclu, comme rappelé précédemment, entre M. et Mme X. et le garant de livraison.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la garantie de la CGI Bâtiment ne pouvait être mobilisée et que les demandes de M. et Mme X. dirigées contre elle devaient être rejetées. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 6
ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/04924 (11 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CBURQ. Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 novembre 2019 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/09062.
APPELANTS :
Monsieur X.
[Adresse 1], [Localité 2]
et
Madame Y. épouse X.
[Adresse 1], [Localité 2]
Représentée par Maître Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0322, Assistée de Maître Lionel VEST, avocat au barreau de STRASBOURG, toque 164
INTIMÉES :
SA SMA
SA prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés, en cette qualité audit siège, [Adresse 6], [Localité 5], Représentée par Maître Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, Assistée de Maître Delphine ABERLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : P325, substituée à l'audience par Maître Stéphane LAGET, avocat au barreau de PARIS, toque : P025
SA CGI BAT - CAISSE DE GARANTIE IMMOBILIERE DU BATIMENT
Prise en la personne de son directeur général y domicilié en cette qualité. [Adresse 3], [Localité 4], Représentée par Maître Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, Assistée de Maître Jacques CHEVALIER, de la SELAS CHEVALIER MARTY PRUVOST, avocat au barreau de PARIS, toque : R85
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président chargée du rapport et Valérie GEORGET, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président, Valérie GEORGET, Conseillère, Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre.
Greffière lors des débats : Mme Suzanne HAKOUN
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu au 21 octobre 2022 puis prorogé au 4 novembre 2022 et au 18 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président et par Suzanne HAKOUN, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Par acte authentique du 13 avril 2010, M. et Mme X. ont acquis un terrain à bâtir situé [Adresse 7]) pour y faire construire une maison d'habitation.
Le 9 juin 2010, ils ont conclu avec la société Duro home un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan pour un montant total de 243.614 euros TTC.
Le dossier de permis de construire a été réalisé par M. Z., architecte, sur proposition de la société Duro home.
Le 10 août 2010, la société Duro home a conclu avec la Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment (la CGI Bâtiment) une convention de cautionnement comportant garantie de livraison au prix convenu, l'attestation générale précisant que seule une attestation nominative délivrée au nom du maître d'ouvrage justifiera la mise en place de la garantie et la rendra effective.
La société Duro home a également souscrit le 11 mars 2010 auprès de la société Sagena, aux droits de laquelle vient la SMA, un contrat d'assurance « multirisques des constructeurs de maisons individuelles », celle-ci ayant délivré le 4 avril 2011 une attestation d'assurance dommages-ouvrage à M. et Mme X.
La société Duro home ayant cessé ses travaux, ils ont été repris par la société DC Rénovation dans le cadre d'une convention signée le 1er mars 2012 avec M. et Mme X.
Ayant constaté l'abandon du chantier par la société DC Rénovation ainsi que de nombreux désordres dans les travaux réalisés, M. et Mme X. ont sollicité la CGI Bâtiment qui a refusé sa garantie.
M. et Mme X. ont fait une déclaration de sinistre le 26 février 2014 à la société Sagena qui a diligenté une expertise amiable.
Le 25 avril 2014, la société Sagena a informé M. et Mme X. que la garantie dommages ouvrage n'était pas applicable car les désordres n'étaient pas cachés, ne portaient pas atteintes à la solidité de l'ouvrage et ne le rendaient pas impropre à sa destination.
A la demande de M. et Mme X., une expertise judiciaire a été ordonnée par ordonnance en date du 7 mai 2014.
L'expert a déposé son rapport le 11 mai 2015.
Par actes des 11 et 15 avril 2016, M. et Mme X. ont assigné la société Duro home, la SMA, la CGI Bâtiment et M. Z. en réparation de leurs préjudices.
Par jugement en date du 22 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a statué en ces termes :
- Constate que la société Duro home n'a pas été valablement assignée ;
- Rejette les exceptions de procédure formées par M. Z. ;
- Dit que le rapport d'expertise judiciaire est inopposable à M. Z. ;
- Dit que la Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment n'a pas pris la direction du procès ;
- Annule le contrat d'assurance souscrit par M. X. et Mme Y. auprès de la SMA ;
- Déboute M. X. et Mme Y. épouse X. de leurs demandes dirigées contre M. Z., la Caisse de garantie immobilière du bâtiment et la SMA ;
- Déboute la Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment de sa demande d'indemnité pour procédure abusive ;
- Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres frais non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens de la présente instance, en ceux compris les frais liés à l'expertise ;
- Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires ;
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement ;
- Admet les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le 9 mars 2020, M. et Mme X. ont interjeté appel du jugement, intimant devant la cour la SMA et la CGI Bâtiment ;
[*]
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 30 mai 2022, M. et Mme X. demandent à la cour de :
Déclarer l'appel recevable,
Déclarer l'appel bien fondé,
Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 22 novembre 2019 en ce qu'il :
- Dit que la Caisse de garantie immobilière du bâtiment n'a pas pris la direction du procès ;
- Annule le contrat d'assurance souscrit par M. X. et Mme Y. auprès de la SMA ;
- Déboute M. X. et Mme Y. épouse X. de leurs demandes dirigées contre la Caisse de garantie immobilière du bâtiment et la SMA ;
- Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres frais non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens de la présente instance, en ceux compris les frais liés à l'expertise ;
- Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires ;
Et statuant à nouveau,
Homologuer le rapport d'expertise de M. [X],
Constater que les désordres subis par l'ouvrage, propriété des époux X., affectent sa solidité et le rendent impropre à sa destination,
Dire et juger que les conditions d'application des garanties de la Caisse de garantie immobilière du bâtiment sont réunies,
Condamner la Caisse de garantie immobilière du bâtiment à garantir l'achèvement et la livraison de l'ouvrage en application de la garantie de livraison souscrite par la société Duro home,
Condamner la Caisse de garantie immobilière du bâtiment à verser aux époux X. la somme de 276 000 € TTC,
Condamner la Caisse de garantie immobilière du bâtiment à verser aux époux X. la somme de 79,21 € par jour de retard à compter du 18 mars 2012 et jusqu'à livraison de l'ouvrage, au titre des pénalités de retard prévues par le contrat de construction de maison individuelle,
Dire et juger que les conditions d'application des garanties SMA sont réunies,
Condamner la SA SMA à verser aux époux X. la somme de 276 000 € TTC, assortie des intérêts au taux du double de l'intérêt légal, à compter du 24 avril 2014,
A défaut, condamner la SA SMA à rembourser aux époux X. la cotisation d'assurance de 9897, 23 euros versée à la SA SMA au titre de la garantie dommages ouvrage,
Débouter la Caisse de garantie immobilière du bâtiment et la SA SMA de l'ensemble de leurs moyens, fins et prétentions, et appels incidents,
Condamner in solidum les défenderesses à verser aux époux X. la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner in solidum les défenderesses aux entiers frais et dépens de la présente procédure, en ce compris les frais et dépens de première instance, les frais et dépens d'appel et les frais d'expertise judiciaire.
[*]
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 mai 2022, la CGI Bâtiment demande à la cour de :
Dire mal fondé l'appel de M. et Mme X. en tant que dirigé contre la CGI Bâtiment,
Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Débouter M. et Mme X. de l'intégralité de leurs demandes dirigées contre la CGI Bâtiment,
Condamner M. et Mme X. au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner M. et Mme X. en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Vignes.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 24 septembre 2020, la SMA demande à la cour de :
Accueillir la SMA SA en l'ensemble de ses moyens de débouté,
Rejeter les demandes au titre du doublement des intérêts, tant irrecevables que mal fondées,
Juger nul et de nul effet le contrat d'assurance et la garantie dommages- ouvrage souscrits par la société Duro home auprès de la SMA SA du fait de la violation des dispositions d'ordre public de la loi du 19 décembre 1990 sur la construction de maisons individuelles lui faisant obligation d'avoir souscrit au préalable de la signature du contrat une garantie d'achèvement après les délais convenus,
Juger nul et de nul effet le contrat d'assurance dommages ouvrage souscrit auprès de la SMA SA du fait de la violation par la société Duro home de son obligation de justifier d'une attestation nominative de chantier dans le respect des dispositions de l'article L. 231-6 du code des assurances,
Juger que les époux X. avaient parfaite connaissance de l'absence de garantie financière, condition substantielle de la police souscrite,
Juger en conséquence qu'ils ont omis de porter à la connaissance de l'assureur un élément indispensable à l'appréciation du risque,
Prononcer la nullité intégrale du contrat d'assurance,
Prononcer en conséquence la mise hors de cause de la SMA SA,
Confirmer le jugement entrepris,
A défaut,
Juger que la fausse déclaration de l'existence de cette garantie financière conforme aux dispositions de l'article L231-6 du code de la construction et de l'habitation, de l'absence de déclaration de l'abandon du chantier par la société Duro home et de la poursuite de l'opération immobilière en dehors d'un contrat de construction maisons individuelles par une entreprise tierce constitutifs des omissions de déclarations faites à la SMA SA lui permettant d'opposer une règle proportionnelle sur le montant d'indemnité sollicité, règle proportionnelle intégrale réduisant à néant toute demande indemnitaire, le contrat d'assurance n'aurait jamais été souscrit si l'ensemble de ces éléments avaient été déclarés en temps utile à la SMA SA,
Juger que les époux X. avaient parfaite connaissance de l'absence de garantie financière, condition substantielle de la police souscrite,
Juger en conséquence qu'ils ont omis de porter à la connaissance de l'assureur un élément indispensable à l'appréciation du risque,
Rejeter en conséquence l'intégralité des demandes d'indemnisations dirigées à l'encontre de la SMA SA et prononcer sa mise hors de cause,
Confirmer le jugement entrepris,
Sur le fond,
Juger que le préjudice et l'état actuel de la construction dont se prévalent les époux X. est lié à l'intervention, à la suite de l'abandon du chantier par la société Duro home, d'une entreprise tierce au contrat d'assurances dommages ouvrage, la société DC Rénovation,
Juger que l'objet du contrat d'assurance s'est ainsi trouvé modifié,
En conséquence,
Juger qu'aucune garantie ne pourra être sollicitée à l'encontre de l'assureur dommages ouvrage du fait de cette modification,
Prononcer la mise hors de cause de la SMA SA,
Confirmer le jugement entrepris,
Sur le quantum,
Juger que les demandes au titre de la démolition et de la reconstruction dépourvues de toute justification sont mal fondées,
Juger que ces frais sont consécutifs à la poursuite de l'opération avec une entreprise tierce, et sont donc exclus de l'application du contrat d'assurance dommages ouvrage qui s'est trouvé modifié de ce fait,
Par voie de conséquence,
Rejeter les demandes et prononcer la mise hors de cause de la SMA SA,
Confirmer le jugement entrepris,
Condamner tout succombant à payer à la SMA SA la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction, pour ceux la concernant, au profit de Maître Patricia Hardouin et la SELARL 2H avocats et ce, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
* * *
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 juin 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la nature des désordres :
Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
En l'espèce, il résulte de l'expertise judiciaire que l'absence de chaînage dans les maçonneries porteuses, les trumeaux inférieurs à 0,80 m, les saignées dans les blocs à une seule alvéole, le supportage des linteaux mal conçus, le manque d'enrobage des aciers des poutres, le sectionnement des aciers des planchers alvéolaires ne permettent pas de considérer que la construction est apte à reprendre les charges pour lesquelles elle a été conçue, que la mauvaise réalisation des parements extérieurs remet en cause leur solidité, leur stabilité et leur étanchéité et que la mauvaise exécution des ouvrages de toiture terrasse remettra en cause à long terme la stabilité de l'ouvrage et à moyen terme son étanchéité.
Selon l'expert judiciaire, l'ouvrage réalisé est impropre à sa destination et il n'y a pas de solution alternative au dérasement total de l'ouvrage et à sa reconstruction.
En conséquence, les désordres constatés compromettent la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination.
M. et Mme X. versent aux débats un procès-verbal de réception de l'ouvrage en date du 7 mars 2012 (pièce n°19), signé par la société Duro home, qui n'est pas contesté par les parties, étant observé qu'il n'est pas soutenu que les désordres avaient un caractère apparent.
En conséquence, les désordres constatés, non apparents lors de la réception de l'ouvrage, ont un caractère décennal.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur la garantie de la CGI Bâtiment :
Moyens des parties :
M. et Mme X. soutiennent que la CGI Bâtiment a délivré une attestation qui leur a été fournie postérieurement à la signature du CCMI mais dans le délai imparti au constructeur pour justifier de la garantie de livraison, que la clause subordonnant la garantie de la CGI Bâtiment à la délivrance d'une attestation nominative est potestative, que la condition figure sur un document qui n'a aucune valeur contractuelle et qu'elle n'est pas contresignée. A titre subsidiaire, ils font valoir qu'il s'agit d'une clause abusive et non écrite au sens des articles L. 212-1 et R. 212-1 du code de la consommation et à titre infiniment subsidiaire que la construction de leur maison fait partie de l'encours de 60 maisons figurant dans l'attestation générale.
Selon la CGI Bâtiment, la clause est insérée dans le contrat entre elle et le constructeur et le moyen selon lequel elle aurait un caractère potestatif est donc inopérant, le code de la consommation n'est pas applicable dans les relations entre elle et le constructeur de maison individuelle qui n'est pas un consommateur, les époux X. inversent la charge de la preuve lorsqu'ils réclament de produire les 60 attestations des maisons garanties et les maîtres de l'ouvrage étaient informés de la nécessité d'une attestation de garantie annexée au contrat.
Réponse de la cour :
Aux termes de l'article L.231-2 du code de la construction et de l'habitation, « Le contrat visé à l'article L. 231-1 doit comporter les énonciations suivantes :
k) Les justifications des garanties de remboursement et de livraison apportées par le constructeur, les attestations de ces garanties étant établies par le garant et annexées au contrat. »
Selon l'article L.231-4 e) du code de la construction et de l'habitation, le contrat défini à l'article L.231-1 peut être conclu sous la condition suspensive de l'obtention de la garantie de livraison.
En l'espèce, M. et Mme X. ont signé un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan le 9 juin 2010.
La cour constate que l'identité du garant de livraison n'est pas mentionnée dans les conditions particulières du contrat, l'article 7 relatif aux « garantie et assurances » prévoyant la garantie de livraison n'étant pas complété sur ce point.
L'article 23 des conditions générales du contrat prévoit que « Le constructeur a passé avec l'établissement désigné par l'article 7 du présent contrat, un contrat par lequel la garantie de livraison couvre le maître de l'ouvrage contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat à prix et délais convenus, à compter de l'ouverture du chantier...une attestation de cette garantie sera annexée au présent contrat dans le délai de réalisation des conditions suspensives mentionné à l'article 6. »
Le 10 août 2010, la CGI Bâtiment a établi une « attestation générale » aux termes de laquelle la société Duro home a conclu avec elle une convention de cautionnement comportant garantie de livraison au prix convenu, renouvelable tous les six mois, par tacite reconduction, et portant « à ce jour sur un encours de 60 maisons en garantie de livraison seule. »
L'attestation mentionne en caractère gras que « Seule une attestation nominative délivrée au nom du Maître d'ouvrage, par la Caisse de Garantie, justifiera de la mise en place de cette Garantie et la rendra effective. » (pièce n°4 de M. et Mme X.)
La garantie de livraison de l'ouvrage à prix et délai convenus à laquelle s'engage le garant en application de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation s'analyse en un cautionnement de caractère particulier stipulé en faveur du maître de l'ouvrage en cas de défaillance du constructeur et en une garantie légale d'ordre public et autonome. (Civ. 3e, 15 janvier 2003, pourvoi n° 01-14.697, Bull. 2003, III, n° 1 ; Civ. 3e, 22 septembre 2010, pourvoi n° 09-15.318, Bull. 2010, III, n° 164).
Dès lors, M. et Mme X., qui n'ont pas conclu de contrat avec la CGI Bâtiment, mais entendent bénéficier de la garantie prévue par l'article L.231-6 du code de la construction et de l'habitation souscrite par le constructeur, ne peuvent se prévaloir du caractère potestatif ou abusif au sens du code de la consommation, selon eux, de la clause mentionnée dans l'attestation, étant observé que celle-ci n'avait pas besoin de faire l'objet de leur acceptation.
Il résulte des termes clairs et précis de l'attestation générale que la CGI Bâtiment a informé M. et Mme X. qu'une attestation nominative était nécessaire pour la mise en place de sa garantie.
Le fait que l'attestation générale précise qu'elle « porte à ce jour sur un encours de 60 maisons » ne saurait suffire à démontrer que celle de M. et Mme X. faisait bien l'objet d'une garantie par la CGI Bâtiment.
M. et Mme X. ne justifient pas de la délivrance de cette attestation nominative, étant observé que celle-ci aurait dû, conformément aux dispositions légales, être annexée au contrat de construction de maison individuelle.
La clause litigieuse ne peut s'analyser, comme il est soutenu, en une « exclusion de garantie », aucun « contrat d'assurance » n'ayant été conclu, comme rappelé précédemment, entre M. et Mme X. et le garant de livraison.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la garantie de la CGI Bâtiment ne pouvait être mobilisée et que les demandes de M. et Mme X. dirigées contre elle devaient être rejetées.
Sur la garantie de la SMA :
Moyens des parties :
M. et Mme X. soutiennent que l'absence d'attestation de garantie de livraison nominative leur est inopposable, que la SMA a délivré une attestation d'assurance dommages-ouvrage en toute connaissance de cause, qu'il lui appartenait, en qualité de professionnel, de s'assurer de disposer de l'attestation de garantie de livraison nominative dans les formes requises par elle avant de les informer qu'ils bénéficiaient d'une garantie dommages-ouvrage, que la SMA n'a jamais opposé cet argument avant la présente procédure et a conservé à son profit la cotisation versée, que la nullité du contrat de construction de maison individuelle, faute de caution, est relative et ne peut être invoquée que par les maîtres de l'ouvrage, que la fausse déclaration alléguée n'émane pas d'eux, de sorte que l'article L. 113-8 du code des assurances ne leur est pas applicable, qu'ils n'ont pas été informés par la SMA qu'elle entendait faire valoir la nullité du contrat. A titre subsidiaire, ils font valoir que si l'article L.113-8 du code des assurances est applicable, il conviendra de faire application de la règle de la réduction proportionnelle prévue à l'article L.113-9 du même code, aucune mauvaise foi n'étant démontrée. A titre subsidiaire, ils soutiennent que les conditions d'application de la garantie responsabilité civile décennale de la société Duro home sont réunies puisqu'ils ont réceptionné les travaux de gros-oeuvre.
Selon la SMA, il y a eu une fausse déclaration intentionnelle de l'existence d'une caution, toutes les exceptions opposables au souscripteur le sont dans les mêmes conditions aux bénéficiaires successifs, M. et Mme X. avaient connaissance avant de déclarer le sinistre que la garantie d'achèvement auprès de la CGI Bâtiment n'existait pas, l'absence de souscription de cette garantie est une cause de nullité du contrat d'assurance, en l'absence de souscription préalable de cette garantie financière, le contrat de construction de maison individuelle est nul, et partant le contrat d'assurance l'est également et il y a eu modification de l'objet de l'assurance dommages-ouvrage.
Réponse de la cour :
Aux termes de l'article L. 113-8 du code des assurances, « Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L. 132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.
Les primes payées demeurent alors acquises à l'assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts. »
Aux termes de l'article L.113-9 du code des assurances, « L'omission ou la déclaration inexacte de la part de l'assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie n'entraîne pas la nullité de l'assurance.
Si elle est constatée avant tout sinistre, l'assureur a le droit soit de maintenir le contrat, moyennant une augmentation de prime acceptée par l'assuré, soit de résilier le contrat dix jours après notification adressée à l'assuré par lettre recommandée, en restituant la portion de la prime payée pour le temps où l'assurance ne court plus.
Dans le cas où la constatation n'a lieu qu'après un sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés. »
En l'espèce, la société Duro home a souscrit le 11 mars 2010 un contrat d'assurance 'multirisques des constructeurs de maisons individuelles' auprès de la société Sagena.
La société Sagena a délivré le 4 avril 2011 une attestation d'assurance dommages-ouvrage au bénéfice de M. et Mme X. pour la construction de leur maison individuelle au prix convenu de 247 431 euros TTC précisant que « la construction fait l'objet d'une garantie de livraison apportée par CGI Bâtiment qui a délivré une attestation de chantier n° à communiquer. », étant observé que M. et Mme X. ont réglé la somme de 9 897, 23 euros (pièce n°5).
Or, selon l'article 3 des conditions particulières du contrat d'assurance de la société Sagena, les garanties dommages-ouvrage sont délivrées par chantier sous réserve que soient adressés à l'assureur un certain nombre de justificatifs, notamment « l'attestation nominative de la garantie caution... ».
En l'espèce, la société Sagena a délivré une attestation d'assurance dommages-ouvrage pour le chantier de construction de M. et Mme X. sans s'assurer de ce qu'ils bénéficiaient effectivement d'une attestation nominative établie par le garant de livraison, se contentant des déclarations du souscripteur, contrairement aux stipulations du contrat susvisé, étant observé que l'attestation d'assurance délivrée ne subordonne pas sa garantie à la production de l'attestation nominative du garant de livraison.
Il s'ensuit que l'assureur ne saurait se prévaloir des dispositions des articles L. 113-8 et L.113-9 du code des assurances, alors qu'en sa qualité de professionnel et eu égard aux stipulations du contrat d'assurance, il devait exiger la communication de l'attestation nominative qui lui aurait permis de révéler immédiatement le caractère erroné des déclarations faites par le constructeur.
La cour constate qu'au surplus, elle n'a contesté sa garantie qu'à l'occasion de la présente procédure, soutenant uniquement, dans un premiers temps, que les désordres étaient apparents et n'avaient pas un caractère décennal. (pièce n°14 de M. et Mme X.)
Le fait que M. et Mme X. aient déclaré leur sinistre le 26 février 2014 à la société Sagena, alors qu'ils avaient été informés le 25 novembre 2013 par la CGI Bâtiment qu'elle ne pouvait les garantir en l'absence d'attestation nominative (pièces n°12 et 13 de M. et Mme X.) est inopérant et ne saurait s'analyser en une déclaration mensongère de leur part, étant observé qu'ils sont des non professionnels.
Enfin, si l'absence de garantie de livraison, dispositif d'ordre public, est susceptible d'entraîner la nullité du contrat de construction de maison individuelle, force est de constater que M. et Mme X. n'ont pas formé cette demande et que l'assureur dommages ouvrage ne peut donc s'en prévaloir pour échapper à sa garantie.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a annulé le contrat d'assurance souscrit par M. et Mme X. auprès de la société Sagena.
Le rapport d'expertise n'est pas utilement contesté en ce qu'il a fixé le montant des travaux de démolition et de reconstruction de l'ouvrage à la somme totale de 276.000 euros.
Cependant, il ressort de l'expertise judiciaire que la société DC rénovation a réalisé dans le cadre de la convention signée avec M. et Mme X. le 1er mars 2012 une partie des travaux affectés des désordres et notamment la maçonnerie à partir du plancher haut du rez-de-chaussée, étant observé que ces travaux « directs » ont été limités puisque la société DC Rénovation a été en faillite dès le mois d'août 2012. (pièce n° 10 de M. et Mme X.)
En conséquence, la cour estime que 20 % des travaux de rénovation ne sauraient être mis à la charge de la société Sagena qui n'avait pas vocation à garantir directement la société DC rénovation dans le cadre de son activité.
La société Sagena sera condamnée à payer à M. et Mme X. la somme de 220.800 euros.
La demande de M. et Mme X. de majoration des intérêts en application de l'article L. 242-1 du code des assurances, formée pour la première fois en cause d'appel, sera déclarée irrecevable, en application des articles 564 et 565 du code de procédure civile, dès lors qu'elle ne tend pas aux mêmes fins que celle soumise au premier juge.
Sur les frais du procès :
Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. et Mme X. aux dépens, en ce compris les frais d'expertise.
Statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la SMA aux dépens de première instance, y compris les frais d'expertise judiciaire.
En cause d'appel, la SMA sera condamnée aux dépens et à payer à M. et Mme X. la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les autres demandes de ce chef seront rejetées.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il :
- annule le contrat d'assurance souscrit par M. X. et Mme Y. auprès de la SMA ;
- déboute M. X. et Mme Y. épouse X. de leurs demandes dirigées contre la SMA ;
- Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens de la première instance, en ceux compris les frais liés à l'expertise ;
Statuant à nouveau de ces chefs :
Dit que les désordres ont un caractère décennal ;
Rejette la demande de la SMA d'annulation du contrat d'assurance dommages ouvrage ;
Condamne la SMA à payer à M. et Mme X. la somme de 220.800 euros ;
Condamne la SMA aux dépens de première instance, en ceux compris les frais liés à l'expertise ;
Y ajoutant :
Déclare irrecevable la demande de M. et Mme X. de majoration des intérêts en application de l'article L.242-1 du code des assurances ;
Condamne la SMA aux dépens d'appel avec distraction au profit des avocats en ayant fait la demande en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la SMA à payer à M. et Mme X. la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Conseillère faisant fonction de Président