CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 1er décembre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9965
CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 1er décembre 2022 : RG n° 20/13403
Publication : Judilibre
Extrait : « Contrairement à ce qu'elle prétend, l'intimée ne démontre pas que la table vendue serait conforme aux tables exposées. Les photos qu'elle produit ne montrent aucun problème d'alignement, qui est incontestablement un défaut de conformité.
Ainsi les pièces produites suffisent à démontrer l'existence d'un défaut de conformité, dénoncé le jour de la livraison, soit dans le délai légal. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 9-A
ARRÊT DU 1er DECEMBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/13403 (7 pages). - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCL6D - Jonction avec le dossier RG R.G. n° 20/13476. Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 août 2020 - Tribunal de proximité de LAGNY SUR MARNE - RG n° 11-19-000711.
APPELANTS :
Madame X.
née le [date] à [Localité 5], [Adresse 2], [Localité 3], représentée par Maître Anne-Claire CHAMBAS de la SAS INLO, avocat au barreau de PARIS
Monsieur X.
né le [date] à [Localité 6], [Adresse 2], [Localité 3], représenté par Maître Anne-Claire CHAMBAS de la SAS INLO, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
La société PADIVAL
SARL prise en la personne de son représentant légal, N° SIRET : XXX, [Adresse 1], [Localité 4], représentée par Maître Nathalie OUAKI SITBON, avocat au barreau de PARIS, toque : G0483
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère.
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant bon de commande en date du 28 juillet 2014, M. X. et Mme X. ont acquis auprès de la société Padival une table de repas en verre trempé avec un plateau central, deux rallonges et des bras mécaniques en acier chromé, pour un montant total de 1.690 euros. La table a été livrée à leur domicile le 29 novembre 2014. Par courriel du 29 mars 2016, Mme X. a informé la société Padival que le bras articulé de la table ne pouvait pas l'étendre correctement.
La société Padival a livré une nouvelle table à M. et Mme X. La nouvelle table présentant à son tour un défaut, la société Padival a, le 28 juin 2018, repris la table et accordé à ses clients un avoir utilisable sur l'ensemble du magasin.
M. et Mme X. ont ainsi acquis une troisième table d'une valeur de 2.670 euros, pour laquelle ils devaient verser la somme supplémentaire de 980 euros par chèque. Mme X. a reçu livraison de la troisième table le 2 février 2019 puis s'est opposée à l'encaissement du chèque remis. Se plaignant d'un nouveau défaut de produit, ils ont par l'intermédiaire de leur conseil, mis en demeure la société Padival de reprendre la table et de procéder à son remboursement, par courrier recommandé du 15 février 2019.
Saisi le 20 mars 2019 d'une demande tendant principalement à l'annulation du contrat de vente avec octroi de dommages-intérêts, le tribunal de proximité de Lagny-sur-Marne, par un jugement contradictoire rendu le 25 août 2020 auquel il convient de se reporter, a :
- débouté Mme X. de ses demandes de reprise de la table, remboursement du prix et destruction du chèque donné en paiement,
- débouté Mme X. de sa demande d'octroi de dommages et intérêts,
- condamné Mme X. à payer à la société Padival la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
Le tribunal a principalement constaté que la demanderesse ne démontrait pas l'existence du défaut dont elle se plaignait et qu'aucun manquement à l'obligation de délivrance conforme du vendeur n'était caractérisé.
[*]
Par une déclaration en date du 23 septembre 2020, Mme X. et M. X. ont relevé appel de cette décision.
Aux termes de conclusions remises le 14 septembre 2022, les appelants demandent à la cour :
- de réformer le jugement sur les irrégularités de forme,
- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de condamner la société Padival à reprendre la table à leur domicile à ses frais, à leur rembourser la somme de 1.690 euros, à détruire le chèque d'un montant de 980 euros,
- de condamner la société Padival à leur payer la somme de 2.574 euros à titre de dommages et intérêts,
- de condamner la société Padival à leur payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les appelants dénoncent la présence d'irrégularités figurant dans le jugement dont appel en précisant que l'audience était publique et que M. X. était également demandeur en première instance.
Sur le fond, ils visent l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce pour soutenir que la société Padival a manqué à ses engagements.
Visant les articles L. 217-4 et suivants relatifs à la garantie légale de conformité, ils font état d'un décalage anormal des trous pour fixer les pieds de la table entraînant un défaut esthétique, un défaut de stabilité et une fragilité de la table. Ils indiquent avoir cherché une solution amiable avec la venderesse qui ne leur a jamais répondu avant de soutenir que les photographies produites sont bien datées. Ils produisent en cause d'appel un constat d'huissier réalisé à leurs frais attestant des défectuosités de la table et demandent la reprise de la table ainsi que leur remboursement conformément à l'article L. 217-10 du code de la consommation.
Ils visent en outre les articles 1217, 1231 et 1231-2 du code civil pour obtenir la réparation de leur préjudice en indiquant que cette défectuosité leur a causé divers préjudices dont ils produisent un détail. Ils dénoncent les agissements de la venderesse, qu'ils qualifient de pratiques commerciales trompeuses au sens de l'article L. 212-2 du code de la consommation, en expliquant qu'ils ont acheté cette table en solde alors que son prix avait été artificiellement gonflé pour faire croire à une promotion.
[*]
Par des conclusions remises le 23 février 2021, la société Padival forme appel incident et demande à la cour :
- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Mme X. de ses demandes et l'a condamnée au paiement des frais irrépétibles de première instance et aux dépens,
- de réformer le jugement dont appel sur l'irrégularité de forme concernant Mme X. comme seul demandeur en première instance et en conséquence de débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes et le condamner solidairement avec son épouse au paiement des sommes de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- de la recevoir en son appel incident,
- de condamner M. et Mme X. à lui payer la somme de 980 euros correspondant à la somme restant à régler pour la table Bridge, le chèque étant périmé,
- de condamner M. et Mme X. à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Après avoir confirmé que M. X. était également demandeur en première instance, l'intimée vise les articles L. 217-4 du code de la consommation et 9 du code de procédure civile pour indiquer que la preuve de la non-conformité de la table n'est pas rapportée. Elle précise que les photos produites ne sont que partielles et non datées, que le constat d'huissier réalisé par les appelants le 18 septembre 2020 n'est pas davantage probant et explique que le non-alignement des pieds de la table fait partie intégrante du design du modèle « Table Bridge ».
Elle relève que l'instabilité de la table alléguée par les appelants n'est pas établie et que l'éventuel aspect inesthétique de la table doit être différencié d'un défaut de non-conformité. Subsidiairement si un défaut de conformité était caractérisé, elle précise que ce défaut est apparent, que les acquéreurs auraient dû le constater dès la livraison de la table et que la réception sans réserve a couvert les défauts apparents de conformité conformément à l'article 6 « Réclamation et Garantie » du contrat de vente. Elle se défend enfin de toute pratique commerciale trompeuse et relève que les appelants ne démontrent aucune perte justifiant l'octroi de dommages et intérêts.
[*]
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 18 octobre 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'irrégularité formelle du jugement :
Les parties s'entendent pour dire que M. X. était demandeur à l'assignation signifiée le 20 mars 2019. C'est par conséquent nécessairement par erreur que le jugement a omis de préciser le nom de ce dernier dans le jugement. Il convient donc de rectifier le jugement en ce sens.
En revanche, contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'audience du 29 juin 2020 s'est bien tenue publiquement, seule la mise à disposition du jugement, le 25 août 2020, s'est faite non publiquement, après débats tenus en audience publique. Par conséquent, le jugement n'appelle pas de remarque particulière sur ce point.
Sur l'existence d'un défaut de conformité :
Aux termes de l'article L. 217-4 du code de la consommation, le vendeur doit livrer un bien conforme au contrat et répondre des défauts de conformité existant lors de la délivrance.
L'article L. 217-5 précise que le bien vendu doit être propre à l'usage habituellement attendu d'un bien de même type et posséder les qualités que le vendeur a présentées au consommateur sous forme d'échantillon ou de modèle, avant la conclusion du contrat.
L'article L. 217-7 précise que les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.
En application de ces textes, pour mettre en œuvre la garantie légale de conformité, le consommateur doit prouver un défaut de conformité et son existence au jour de la livraison.
Il convient de préciser que la présomption d'antériorité porte uniquement sur la date de survenance du défaut de conformité et non sur l'existence du défaut lui-même.
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Il ressort des pièces produites et des débats que la table litigieuse a été livrée le 2 février 2019 et que le jour de livraison, Mme X. a signé la facture en précisant à gauche de sa signature : « SAV conforme et résolu ».
Pour autant, le même jour à 13h51 elle a adressé un mel exposant l'existence d'un problème d'alignement des pieds et du plateau et a refusé de payer les 980 euros supplémentaires et fait opposition à l'encaissement du chèque remis. Ce mel, qui ne fait l'objet d'aucune contestation, est accompagné de quatre photos présentant les défauts allégués, ce qui leur donne date certaine.
En l'absence de réponse écrite à ce mel, un second mel est adressé le 5 février 2019 dont il ressort que les parties ont été en pourparlers sur ce problème et que les époux X. réclament un geste commercial et une remise exceptionnelle pour régler ce litige qui dure depuis quatre années.
Enfin, un troisième mel du 11 février 2019 relate une visite des acheteurs sur le point de vente et réclame, à l'amiable, la reprise de la table, le remboursement des sommes versées et la restitution du chèque remis à défaut de quoi une procédure contentieuse serait engagée.
En l'absence de toute réponse écrite, une mise en demeure par avocat a été adressée le 15 février 2019.
Le premier juge ayant considéré que le défaut de conformité n'était pas démontré, les époux X. ont, le 18 septembre 2020, fait procéder à un constat par huissier qui a permis d'établir que les deux pieds en forme de trapèze n'étaient pas perpendiculaires au plateau avec une différence de 3,5 cm d'un côté et de 2 cm du côté opposé, caractérisant une position de biais.
L'huissier de justice a également constaté, en sous-face du plateau, que les trous de fixation des pieds n'étaient pas dans l'axe de celui de la platine et que la quatrième vis était manquante.
Il convient en premier lieu de souligner que les photos adressées par mel du 2 février leur donne date certaine et que ces photos sont confirmées par les constatations de l'huissier.
Pour s'opposer à ce constat, l'intimée soutient que le plateau est un modèle adaptable avec différentes versions de piétements.
Pour autant, elle ne produit pas la fiche technique des trois modèles de tables annoncée en pièce 10 et les deux attestations du fournisseur italien n'établissent nullement que le positionnement en biais des deux pieds serait conforme au bien présenté sur photo.
Rien ne permet de confirmer que le plateau serait un modèle adaptable, en l'absence des fiches techniques des trois produits invoqués et encore moins que le « non parfait alignement des pieds et donc la forme « douce » des pieds fait partie intégrante de la conception de la table de repas en comparaison avec les autres modèles de tables de repas au design différent avec une conception orientée vers des formes plus linéaires et plus rigides ».
Contrairement à ce qu'elle prétend, l'intimée ne démontre pas que la table vendue serait conforme aux tables exposées. Les photos qu'elle produit ne montrent aucun problème d'alignement, qui est incontestablement un défaut de conformité.
Ainsi les pièces produites suffisent à démontrer l'existence d'un défaut de conformité, dénoncé le jour de la livraison, soit dans le délai légal.
Au demeurant, les pièces établissent que l'intimée, qui n'a jamais contesté les défauts dénoncés dès le jour de la livraison, a ouvert un nouveau dossier SAV et a cherché à obtenir un remplacement des pieds de la table.
L'absence de réserve émise sur la facture remise le jour de la livraison ne couvre nullement le défaut de conformité, dont le caractère apparent n'était pas si évident puisque le décalage a dû être constaté par mesurage effectué par huissier, les photos prises ayant été contestées. De la même façon, au regard de la contestation émise dès le jour de la livraison et de la demande de reprise au vu des précédents manquements subis, l'intimée ne saurait invoquer l'utilisation de la table durant le litige dont elle a eu toute possibilité d'y mettre un terme amiable.
Partant, le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.
Il y a donc lieu de faire droit à la demande des époux X. de reprise de la table aux frais de l'intimée, de destruction du chèque remis et de remboursement des sommes versées. Il n'est pas contesté que le chèque n'a pas été encaissé.
Sur la demande de dommages intérêts :
Les appelants invoquent aux visas non contestés des articles 1217, 1231 et 1231-2 du code civil, la réparation des préjudices résultant de l'inexécution du contrat.
Ils justifient avoir été contraints de se déplacer à quatre reprises (360 km), d'être présents à leur domicile pour les trois livraisons successives, de supporter un préjudice esthétique, de subir l'inaction d'une société incapable de livrer une table à manger conforme pendant six années et d'accepter des demandes de report d'audience dilatoires au motif d'une proposition mensongère de transaction.
Il leur sera alloué une somme de 600 euros en réparation de leurs préjudices.
Ils n'établissent pas pour autant l'existence de pratiques commerciales trompeuses, contestées par la partie adverse.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant de nouveau,
Condamne la société Padival à venir reprendre la table de repas modèle Bridge d'une valeur de 2.670 euros au domicile de M. et Mme X. à ses frais ;
Condamne la société Padival à rembourser à M. X. et Mme X. la somme de 1.690 euros ;
Dit que la société Padival devra procéder à la destruction du chèque de la Bred Banque populaire n° XXXd'un montant de 980 euros daté du 2 février 2019 ;
Condamne la société Padival à payer à M. X. et Mme X. la somme de 600 euros à titre de dommages intérêts ;
Y ajoutant,
Condamne la société Padival aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à M. X. et Mme X. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.
La greffière La présidente