CA COLMAR (3e ch. civ. A), 30 janvier 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10044
CA COLMAR (3e ch. civ. A), 30 janvier 2023 : RG n° 22/01405 ; arrêt n° 23/92
Publication : Judilibre
Extrait : « En vertu des dispositions de l'article 1346-1 du code civil, la subrogation conventionnelle s'opère à l'initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d'une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur.
La Sa BNP Paribas Personal Finance se prévaut d'une clause par laquelle le vendeur constitue une réserve de propriété et subroge le prêteur dans tous ses droits et actions nés de cette clause, dès réception du prix, et par laquelle : « en cas de manquement à l'une de ses obligations, notamment en cas de défaillance, l'acheteur s'engage à restituer le bien au prêteur à première demande. Le prêteur sera valablement fondé à engager toute poursuite lui permettant de récupérer son bien. En outre, pour compenser l'usage du bien financé et la dépréciation en résultant, le prêteur conservera le montant des échéances du prêt déjà perçu ».
L'article L. 132-1 ancien, devenu L. 212-1 du code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Il résulte par ailleurs d'un avis de la Cour de cassation du 28 novembre 2016 que doit être réputée non écrite comme abusive, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, la clause, telle qu'interprétée par le juge, prévoyant la subrogation du prêteur dans la réserve de propriété du vendeur en application des dispositions de l'article 1250, 1°, du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
Il convient d'ordonner sur ce point la réouverture des débats et d'inviter l'appelante à présenter ses observations sur le caractère éventuellement abusif de la clause dont elle se prévaut pour solliciter restitution du véhicule financé. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 30 JANVIER 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 3 A 22/01405. Arrêt n° 23/92. N° Portalis DBVW-V-B7G-HZ5M. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 7 janvier 2022 par le Juge des contentieux de la protection de MULHOUSE.
APPELANTE :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Maître Grégoire FAURE, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMÉ :
Monsieur X.
[Adresse 2], [Localité 3]
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme FABREGUETTES, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme MARTINO, Présidente de chambre, Mme FABREGUETTES, Conseiller, Madame DAYRE, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme HOUSER
ARRÊT : - rendu par défaut - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE :
Selon offre préalable acceptée le 21 avril 2017, la Sa BNP Paribas Personal Finance a consenti à Monsieur X. un contrat de prêt affecté d'un montant de 29.700 €, destiné à financer l'acquisition d'un véhicule Mini modèle Clubman, remboursable en 72 échéances de 483,35 €, moyennant un taux d'intérêt débiteur de 4,68 % l'an.
Faisant valoir que Monsieur X. n'a plus réglé les échéances à compter du 25 septembre 2019 malgré mise en demeure, la société BNP Paribas s'est prévalue de la déchéance du terme à effet au 6 août 2020.
Par acte du 29 juillet 2021, la Sa BNP Paribas Personal Finance a assigné Monsieur X. devant le tribunal judiciaire de Mulhouse, aux fins de voir constater, subsidiairement prononcer la résiliation de l'offre de crédit et de voir condamner le défendeur à lui verser la somme de 22.451,18 € outre intérêts au taux de 5,49 % sur la somme de 21.185,66 € à compter du 7 août 2020 et intérêts au taux légal sur la somme de 1.265,52 € jusqu'au règlement effectif, avec capitalisation des intérêts, ainsi qu'à lui payer la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle a de même demandé restitution immédiate et sans délai du véhicule, sous astreinte de 200 € par jour de retard.
Interpellée à l'audience par le premier juge quant à une éventuelle forclusion et une éventuelle déchéance du droit aux intérêts, la demanderesse a maintenu ses prétentions.
Monsieur X. n'a pas comparu.
Par jugement du 7 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :
- déclaré irrecevable l'action de la Sa BNP Paribas Personal Finance,
- condamné la Sa BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a retenu que la première échéance non régularisée datait de février 2019, de sorte que l'assignation introduite à plus de deux ans après est tardive.
La Sa BNP Paribas Personal Finance a interjeté appel de cette décision le 6 avril 2022.
[*]
Par écritures notifiées le 9 mai 2022, elle conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de :
- condamner Monsieur X. à verser à la Sa BNP Paribas Personal Finance la somme de 21.185,66 € augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,68 % l'an à compter du 6 août 2020,
- le condamner à payer à la Sa BNP Paribas Personal Finance la somme de 1.265,52 € à titre d'indemnité contractuelle,
- le condamner sous astreinte de 200 € par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt, à restituer le véhicule automobile Mini Clubman type Cooper immatriculé [Immatriculation 5],
- le condamner aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel,
- le condamner à verser à la Sa BNP Paribas Personal Finance la somme de 1.500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la date du premier incident de paiement non régularisé est postérieure au 29 juin 2019, de sorte qu'elle n'est pas forclose en son action introduite par assignation du 29 juin 2021 ; que l'emprunteur a effectué 22 règlements entre le 3 août 2017 et le 30 décembre 2019 pour un montant total de 12.961,10 €, ce qui équivaut à 26,75 échéances, la 27e échéance étant le 25 septembre 2019 ; que le report de certaines échéances est sans incidence sur le mode de calcul du point de départ du délai de forclusion ; que compte tenu de la règle d'imputation des paiements énoncée par l'article 1342-10 du code civil et en l'absence de précision quant à l'affectation des paiements par le débiteur, les versements reçus avant déchéance du terme ont été imputés sur la dette la plus ancienne.
Au fond, elle fait valoir qu'elle a rempli ses obligations au regard des dispositions du code de la consommation, relatives à la vérification de la solvabilité de l'emprunteur et à son information précontractuelle ; qu'elle est fondée à obtenir paiement du solde du prêt, ainsi que la restitution du véhicule, les conditions générales de vente comportant une clause de réserve de propriété à son bénéfice.
[*]
Monsieur X., à qui la déclaration d'appel et les conclusions d'appel ont été signifiées par acte d'huissier délivré le 13 mai 2022 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
En vertu des dispositions de l'article R. 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est notamment caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.
En l'espèce, l'examen de l'historique des règlements montre que Monsieur X. a acquitté, en 22 règlements, une somme totale de 12.961,09 €. Ce montant, rapporté à celui des échéances mensuelles de 484,40 €, établit que 26 échéances ont ainsi été réglées, la 27e échéance se situant, conformément au tableau d'amortissement, au mois de septembre 2019.
Il ressort de même du relevé des paiements que l'emprunteur a régularisé d'un coup plusieurs échéances en un versement, à deux reprises ; qu'en l'absence de toute précision quant aux échéances qu'il entendait ainsi acquitter, l'organisme prêteur a pu valablement imputer ces règlements sur la dette la plus ancienne, conformément aux dispositions de l'article 1342-10 alinéa 2 du code civil.
Il en résulte qu'à la date de signification de l'assignation le 29 juin 2021, l'appelante n'était pas forclose en son action.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a déclaré ses demandes irrecevables.
Sur la créance :
Selon décompte versé aux débats, la société BNP Paribas, qui justifie s'être acquittée de ses obligations légales au regard des dispositions du code de la consommation quant à la conclusion du contrat, est en droit d'obtenir paiement, du fait de la défaillance de l'emprunteur, d'une somme de 3.390,80 € au titre des mensualités échues impayées, d'une somme de 1.975,90 € au titre des échéances reportées et d'une somme de 15.818,96 € au titre du capital non échu, soit au total 21.185,66 € portant intérêt au taux contractuel de 4,68 % l'an à compter du 6 août 2020, date de la déchéance du terme.
L'intimé sera de même condamné au paiement d'une somme de 1.265,52 € au titre de l'indemnité de 8 % calculée sur le capital dû, portant intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur la restitution du véhicule :
En vertu des dispositions de l'article 1346-1 du code civil, la subrogation conventionnelle s'opère à l'initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d'une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur.
La Sa BNP Paribas Personal Finance se prévaut d'une clause par laquelle le vendeur constitue une réserve de propriété et subroge le prêteur dans tous ses droits et actions nés de cette clause, dès réception du prix, et par laquelle : « en cas de manquement à l'une de ses obligations, notamment en cas de défaillance, l'acheteur s'engage à restituer le bien au prêteur à première demande. Le prêteur sera valablement fondé à engager toute poursuite lui permettant de récupérer son bien. En outre, pour compenser l'usage du bien financé et la dépréciation en résultant, le prêteur conservera le montant des échéances du prêt déjà perçu ».
L'article L. 132-1 ancien, devenu L. 212-1 du code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Il résulte par ailleurs d'un avis de la Cour de cassation du 28 novembre 2016 que doit être réputée non écrite comme abusive, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, la clause, telle qu'interprétée par le juge, prévoyant la subrogation du prêteur dans la réserve de propriété du vendeur en application des dispositions de l'article 1250, 1°, du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Il convient d'ordonner sur ce point la réouverture des débats et d'inviter l'appelante à présenter ses observations sur le caractère éventuellement abusif de la clause dont elle se prévaut pour solliciter restitution du véhicule financé.
Les dépens de l'instance seront réservés.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt mixte, par défaut,
INFIRME le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
DÉCLARE recevable l'action de la Sa BNP Paribas Personal Finance,
CONDAMNE Monsieur X. à payer à la Sa BNP Paribas Personal Finance les sommes de :
- 21.185,66 € portant intérêts au taux conventionnel de 4,68 % l'an à compter du 6 août 2020,
- 1.265,52 € portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
ORDONNE pour le surplus la réouverture des débats,
INVITE la Sa BNP Paribas Personal Finance à présenter ses observations sur le caractère éventuellement abusif de la clause stipulant la constitution d'une réserve de propriété par subrogation dans les droits du vendeur,
RENVOIE l'affaire à l'audience du lundi 20 mars 2023 à 14 h,
RESERVE les dépens.
La Greffière La Présidente