CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 19 janvier 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10052
CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 19 janvier 2023 : RG n° 21/03656
Publication : Judilibre
Extrait : « Au regard de l'ensemble de ces éléments, étant d'ailleurs observé qu'elle n'a agi en résolution que postérieurement au prononcé de la résiliation des contrats litigieux par la société SCT, il convient de débouter la société E. et fils de sa demande principale en résolution, et de sa demande subsidiaire en résiliation aux torts exclusifs de la société SCT. Consécutivement, elle doit également être déboutée de ses demandes de remboursement des sommes versées en exécution des contrats, et de dommages et intérêts, ce qui rend inutile l'examen de son moyen relatif à la validité de la clause limitative de responsabilité prévue à l'article 8.2 des conditions générales de la société SCT. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 19 JANVIER 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/03656. N° Portalis DBVT-V-B7F-TXBY. Jugement (R.G. n° 2019/1040) rendu le 28 mai 2021 par le tribunal de commerce d'Arras.
APPELANTE :
SAS Société Commerciale de Télécommunication
prise en la personne de son représentant légal, président, domicilié en cette qualité audit siège ayant son siège social [Adresse 10], représentée par Maître Guilhem d'Humières, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉE :
SAS E. Fils
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, ayant son siège social [Adresse 9], représentée par Maître Arnaud Fasquelle, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 8 novembre 2022 tenue par Agnès Fallenot magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Samuel Vitse, président de chambre, Nadia Cordier, conseiller, Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 6 septembre 2022
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Par actes sous seings privés, la Société commerciale de télécommunication (la société SCT), spécialisée dans la commercialisation de services de télécommunications fixes et mobiles, a conclu avec la société Etablissements Albert E. et fils (la société E. et fils), sous le numéro unique 09653 :
- un « contrat de prestations Installation/accès Web » daté du 18 septembre 2015, prévoyant :
- une connexion internet ADSL, moyennant une mensualité de 20 euros HT ;
- l'installation d'un standard téléphonique comprenant un « PABX > 8 », un « 8039 », un « 8029 » et trois « Gigaset », avec maintenance, moyennant une « mensualité installation » de 1 099,90 euros HT et une « mensualité maintenance » de 11 euros HT ;
- l'installation d'équipements supplémentaires sous les intitulés « nom de domaine », moyennant une mensualité de 4,50 euros HT, et « modem wi-fi », moyennant une mensualité de 4,50 euros HT ;
soit un coût total de 1.139,90 euros HT par mois, outre 290 euros HT de frais de mise en service ;
- un « contrat de services téléphonie fixe » daté du 18 septembre 2015 portant sur les lignes 03 21 20 04 74 et 03 21 49 60 82, avec « forfait illimité 24/7 vers les fixes et les mobiles » et « création ligne support ADSL (19,80) », moyennant une mensualité de 69 euros HT ;
- un « contrat de services téléphonie mobile » daté du 18 septembre 2015, avec forfaits « full » pour les lignes [XXXXXXXX01], [XXXXXXXX07], [XXXXXXXX02] et [XXXXXXXX06], et forfaits « partagés » pour les lignes [XXXXXXXX05], [XXXXXXXX03], [XXXXXXXX08], [XXXXXXXX04], moyennant une mensualité de 226 euros HT.
Ces contrats ont été conclus pour une durée de 63 mois.
La société E. et fils a cessé de régler régulièrement ses factures et a été mise en demeure de régler la somme de 28.145,21 euros à la société SCT par courriel du 16 mai 2018.
Par un courrier recommandé daté du 29 juillet 2016, réceptionné le 5 août 2016, elle a résilié le contrat l'unissant à la société STC concernant les lignes mobiles XXX et XXX.
Le 10 août 2016, la société SCT a accusé réception de cette demande de résiliation immédiate et a indiqué à sa cocontractante qu'elle se rendait redevable de la somme de 5.075,20 euros HT, soit 6.090,24 euros TTC, au titre des frais de résiliation.
La facture afférente n'a pas été réglée par la société E. et fils.
Par courrier en date du 7 novembre 2016, établi selon un modèle fourni par la société STC, celle-ci a en effet confirmé son « annulation de résiliation » et son souhait de poursuivre le contrat jusqu'à son terme, la société STC devant quant à elle annuler les indemnités de résiliation et rétablir les lignes concernées.
Par courrier recommandé du 6 février 2017, le conseil de la société E. et fils a demandé à la société STC des explications sur les prestations fournies et les facturations émises, s'étonnant de leur absence de conformité avec les stipulations contractuelles, sans obtenir de réponse.
A la suite d'impayés persistants, des mises en demeure avant poursuites et coupure ont été adressées à la société E. et fils par la société STC les 16 mai et 11 juillet 2018.
Dans l'intervalle, le conseil de la société E. et fils a réitéré sa demande d'explications par lettre recommandée datée du 17 mai 2018, et fait valoir la prescription des demandes en paiement portant sur les factures de l'année 2016.
Par courriel du 25 juin 2018, il lui a été répondu, « s'agissant des hors-forfaits facturés », que « le Forfait Fixe Illimité n'a[vait] jamais été mis en place du fait du refus de Monsieur E. de mettre en place le nouveau contrat en 2015 ».
Par courriel du 19 juillet 2018, le conseil de la société E. et fils s'est étonné de ces allégations et opposé au règlement des factures réclamées, les estimant prescrites et non conformes au contrat.
Par courriel du 20 juillet 2018, la société STC a informé la société E. et fils que sans paiement de sa part, ses lignes téléphoniques seraient suspendues.
Par un premier courrier du 6 septembre 2018, la société STC a enregistré la résiliation par la société E. et fils de son contrat de téléphonie fixe sur les lignes « XXX, « XXX » et « XXX ».
Par un deuxième courrier du 6 septembre 2018, la société STC a résilié le service de téléphonie fixe de la société E. et fils, au motif que ses factures restaient impayées.
Par un troisième courrier du 6 septembre 2018, la société STC a enregistré la résiliation par la société E. et fils de son contrat de téléphonie mobile.
Les lignes de la société E. et fils ont été suspendues le 12 septembre 2018, et le 15 octobre 2018, la société STC a facturé à sa cocontractante :
- une indemnité de résiliation de son contrat de téléphonie fixe de 3.857,04 euros HT soit 4.628,45 euros TTC ;
- une indemnité de résiliation de son contrat de téléphonie mobile de 5.052 euros HT soit 6.062,40 euros TTC.
A la suite d'une mise en demeure restée vaine du 30 novembre 2018, lui réclamant le paiement d'une somme totale de 10.134,12 euros TTC mais lui proposant un règlement amiable du litige par le paiement d'une somme globale et forfaitaire de 25.000 euros TTC, la société STC a assigné la société E. et fils en paiement.
Par jugement rendu le 28 mai 2021, le tribunal de commerce d'Arras a statué en ces termes :
« - Déboute la SAS SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION de l'ensemble de ces demandes, fins et conclusions
- Constater la résiliation aux torts exclusifs de la SAS SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION
- Condamne la SAS SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION à réparer le préjudice commercial à hauteur de 10.000.00 €
- Condamne la SAS SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION à payer à la SAS ETS ALBERT BAUDIN ET FILS la somme de 3.000.00 € au titre des fondements de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.
- Condamne la SAS SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION aux entiers dépens prévus à l'article 696 du Code de Procédure Civile, ceux du greffe s'élevant à la somme de 63,36 Euros. »
Par déclaration du 5 juillet 2021, la société STC a relevé appel de l'ensemble des chefs de cette décision, à l'exception de celui ayant ordonné l'exécution provisoire.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par conclusions régularisées par le RPVA le 21 août 2022, la société STC demande à la cour :
« Vu les articles 1134 et suivants anciens du Code Civil,
Vu l'article L34-2 du Code des Postes et des Communications électroniques,
Vu les pièces versées aux débats,
(...)
D'INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce d'ARRAS en ce qu'il a :
- Débouté la SAS SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION de l'ensemble de ces demandes, fins et conclusions
- Constaté la résiliation aux torts exclusifs de la SAS SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION
- Condamné la SAS SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION à réparer le préjudice commercial à hauteur de 10.000,00 €
- Condamné la SAS SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION à payer à la SAS ETS ALBERT E. ET FILS la somme 3.000,00 € au titre des fondements de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- Ordonné l'exécution de la présente décision
- Condamné la SAS SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION aux entiers dépens prévus à l'article 696 du Code de Procédure Civile, ceux du greffe s'élevant à la somme de 63,36 €.
Statuant à nouveau :
- DÉCLARER bien fondée la demande introduite par la société SCT TELECOM à l'encontre de la société E. ET FILS ;
- CONSTATER la résiliation du contrat de téléphonie aux torts exclusifs de la société E. ET FILS,
- DÉBOUTER la société E. ET FILS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
En conséquence :
- CONDAMNER la société E. ET FILS au paiement à la société SCT TELECOM de la somme de 4.628,45 € TTC au titre de la résiliation du service de téléphonie fixe, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation ;
- CONDAMNER la société E. ET FILS au paiement à la société SCT TELECOM de la somme de 12.152,64 € TTC au titre de la résiliation du service de téléphonie mobile, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation ;
- CONDAMNER la société E. ET FILS au paiement à la société SCT TELECOM de la somme de 687,28 € TTC au titre des factures d'abonnements et de consommations impayées, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation ;
- CONDAMNER la société E. ET FILS au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 Code de Procédure Civile ;
- CONDAMNER la société E. ET FILS aux entiers frais de première instance et d'appel ».
La société STC affirme que sa facture de résiliation anticipée de téléphonie mobile du 30 septembre 2016, d'un montant de 6.090,24 euros TTC, n'est pas prescrite. L'article L. 34-2 alinéa 2 du code des postes et communications électroniques vise uniquement et expressément « les prestations de communications électroniques » définies comme « les émissions, transmissions ou réception des signes, de signaux d'écrits, d'images ou de sons, par voie électromagnétique ». La prescription visée audit article ne saurait s'appliquer à une indemnité de résiliation qui ne correspond en rien à des prestations de communications électroniques.
Sur le fond, elle plaide que c'est en raison de la violation par la société E. et fils de ses obligations contractuelles, à savoir le non règlement de ses factures et la rupture anticipée du contrat, qu'elle lui a facturé des frais de résiliation conformes à ceux prévus par les contrats souscrits. Elle ajoute que toutes les facturations ont été réalisées conformément aux conditions contractuelles, les explicitant tant pour la téléphonie fixe que mobile. Elle se prévaut en outre de l'article 5.7 des conditions générales de services pour soutenir que les contestations ne sont pas intervenues dans le délai contractuel. Elle conclut que l'ensemble des indemnités de résiliation sollicitées est justifié, les pièces versées aux débats, notamment pour établir l'installation du matériel de téléphonie fixe, étant parfaitement probantes.
La société SCT s'oppose à la demande de résolution du contrat, soulignant que les restitutions réciproques sont impossibles, la société E. et fils ne pouvant lui rendre les minutes de communication consommées. Elle réfute avoir coupé les lignes de téléphonie mobile et fixe sans préavis, se prévalant de ses mises en demeure restées vaines. Elle observe que le chiffrage du préjudice allégué par l'intimée n'est fondé sur aucun élément et oppose sa clause limitative de responsabilité, qui n'induit aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. La société E. et fils croit pouvoir se plaindre du service fourni par la société SCT, alors qu'elle est la seule responsable de son état. Elle a refusé l'installation du nouveau matériel et préféré conserver le matériel fourni par son précédent prestataire, avec lequel elle était d'ailleurs en procès. Au final, la société SCT est intervenue le 16 septembre 2016 et le 26 septembre 2016 pour l'installation du One 6 100.
[*]
Par conclusions régularisées par le RPVA le 31 août 2022, la société E. et fils demande à la cour de :
« Vu les dispositions de l'article 34-2 alinéa 2 du Codes des postes et des communications électroniques,
Vu les dispositions des articles 1134 et 1147, anciens, du Code civil,
Vu les dispositions de l'article 1231-1 du Code Civil,
Vu l'article L 442-1 du Code de commerce,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats,
(...)
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'ARRAS le 28 Mai 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société E. ET FILS de sa demande de remboursement des sommes indûment versées à hauteur de 15.043.22€ ;
- DÉBOUTER la société SCT TELECOM de l'ensemble de ses demandes ;
Par l'effet dévolutif de l'appel,
Statuant à nouveau :
- JUGER la société E. ET FILS recevable et bien fondée en toutes ses demandes fins et conclusions ;
- JUGER prescrite l'action en paiement de la facture antérieure au 4 juin 2018 ;
S'agissant des autres demandes,
- ENJOINDRE à la société SCT TELECOM d'avoir à produire les courriers sur lesquels elle se fonde pour acter de la résiliation des deux contrats, prétendument datés du 30 août 2018 ;
- JUGER que la société SCT TELECOM ne justifie pas d'une créance certaine liquide et exigible ;
- JUGER la société SCT TELECOM mal fondée en ses demandes, fins et conclusions ;
- DÉBOUTER purement et simplement la société SCT TELECOM de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre reconventionnel,
- JUGER que la société SCT TELECOM a gravement manqué à ses obligations contractuelles et a fait preuve d'une particulière mauvaise foi dans l'exécution des contrats, notamment s'agissant des surfacturations orchestrées ;
- JUGER que la rupture des contrats avec effet au 30 août 2018 est intervenue à l'initiative de la société SCT TELECOM, sans que celle-ci ne soit justifiée ;
- PRONONCER la résolution du contrat souscrit par la société E. ET FILS auprès de la société SCT TELECOM au titre de la fourniture et maintenance du matériel avec effet rétroactif au 18 septembre 2015, avec toutes conséquences de droit ;
- PRONONCER la résolution des contrats souscrits par la société E. ET FILS auprès de la société SCT TELECOM au titre de la téléphonie fixe et de la téléphonie mobile, avec effet rétroactif au 18 septembre 2015 ;
- En conséquence, CONDAMNER la société SCT TELECOM à restituer à la société E. ET FILS les sommes versées en exécution desdits contrats, à savoir 3 177.62€ au titre de la téléphonie fixe, et 11 865.60 € au titre de la téléphonie mobile, avec intérêts au taux légal courant à compter de la décision à intervenir ;
- CONDAMNER en outre la société SCT TELECOM à payer à la société E. ET FILS la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts compte tenu de la résiliation immédiate et sans préavis du contrat de téléphonie fixe avec coupure des lignes associées et 10.000 € au titre de la résiliation du contrat de téléphonie mobile et coupure des lignes associées, à titre de dommages et intérêts ;
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où les effets de la résiliation sont maintenus au 30 août 2018,
- JUGER que la résiliation des contrats de location téléphonie fixe et mobile est intervenue aux torts exclusifs de la société SCT TELECOM ;
- JUGER abusive la clause limitative de responsabilité prévue à l'article 8.2 des conditions générales imposé par la société SCT TELECOM ;
- En conséquence, JUGER non écrite la clause limitative de responsabilité prévue à l'article 8.2 des conditions générales imposé par la société SCT TELECOM ;
- CONDAMNER en outre la société SCT TELECOM à payer à la société E. ET FILS la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts compte tenu de la résiliation immédiate et sans préavis du contrat de téléphonie fixe avec coupure des lignes associées et 10.000 € au titre de la résiliation du contrat de téléphonie mobile et coupure des lignes associées, à titre de dommages et intérêts ;
A titre infiniment subsidiaire, si la Cour entrait en voie de condamnation à l'encontre de la société E. ET FILS,
- REDUIRE le montant de l'indemnité de résiliation dont il est sollicité paiement par la société SCT TELECOM à un montant de 1 € symbolique ;
En tout état de cause,
- CONDAMNER la société SCT TELECOM à payer à la société E. ET FILS la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
- ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir, dans l'hypothèse où la société E. & FILS est partie gagnante au procès. »
Elle soutient que la société SCT réclame le paiement d'une facture antérieure au 4 juin 2018 alors que la prescription est acquise sur le fondement de l'article L. 34-2 alinéa 2 du code des postes et des communications électroniques. La facture réclamée correspond bien au paiement de prestations de téléphonie visées au contrat, dues en conséquence de la résiliation par le client. Or il a été jugé que la prescription annale des demandes en restitution du prix des prestations de communications électroniques régit la restitution du règlement des frais de résiliation du contrat.
Sur le fond, la société E. et fils conteste le quantum des facturations dont la société SCT sollicite le paiement, observant que non seulement le forfait de base facturé ne correspond pas à ce qui a été contractuellement convenu entre les parties le 18 septembre 2015, mais aussi qu'elle se voit facturer des services qu'elle n'a pas souscrits. Des contestations sur la facturation et le respect du contrat par l'opérateur ont été soulevées dès le mois de juillet 2016, avec la demande de résiliation partielle, et au plus tard en février 2017, avec la première mise en demeure émanant de son conseil. L'article 5.7 des conditions générales de services invoqué par la société STC n'existe pas.
En définitive, la créance alléguée au titre de la téléphonie fixe et de la téléphonie mobile n'est ni certaine, ni liquide, ni exigible, et doit être rejetée.
A aucun moment la société E. et fils n'a résilié les contrats litigieux. Quant aux mises en demeure du 16 mai et du 11 juillet 2018, il y a été répondu en contestant fermement le contenu, et ce, dès le 17 mai et le 19 juillet 2018. La société SCT a mis un terme aux discussions en cours par la résiliation des lignes, sans préavis, fin août. La société E. et fils n'en a été informée que par le mail reçu le 12 septembre suivant. C'est donc bien la société SCT qui a résilié unilatéralement et par anticipation le contrat de téléphonie, au demeurant sans motif. En effet, à la date de la résiliation, pouvait éventuellement être exigible une somme modique de 383,54 euros HT, échue depuis tout au plus 2 mois.
Nonobstant le caractère infondé des demandes en leur principe, les indemnités réclamées sont également totalement infondées en leur quantum. La base de calcul est erronée. De plus, la société SCT n'a jamais procédé à l'installation du matériel objet du contrat de prestations « Installation/Accès web », que ce soit ab initio ou dans le cadre d'une intervention après-vente. Elle dispose en effet d'un contrat de fourniture de matériels avec la société AMP location depuis 2013. Elle n'a eu aucun litige avec cette société. Le matériel n'a jamais souffert de difficultés de fonctionnement. L'authenticité des procès-verbaux d'installation versés tardivement aux débats est contestée. La signature ne correspond pas à celle du représentant de la société E. et fils. Ces documents ne comprennent ni le lieu ni la date requis.
La procédure est manifestement abusive et la sanction s'impose. La société SCT a gravement manqué à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi, et ce, durant toute la relation contractuelle. La résolution s'impose, à titre rétroactif, aux torts exclusifs de la société SCT, avec toutes conséquences de droit. La société E. et fils a droit au remboursement de l'ensemble des sommes qu'elle a versées depuis lors, à titre indemnitaire, soit un total de 15.043,22 euros. Par ailleurs, les lignes ont été coupées sans préavis et sans information du jour au lendemain. Elle a été désorganisée, a dû activer une nouvelle ligne dans l'urgence, modifier son papier à en-tête, ainsi que ses cartes de visite, et retirer les numéros de téléphone de l'ensemble de sa flotte automobile, notamment de tous ses camions, dans l'urgence. Son préjudice commercial peut donc raisonnablement être évalué à 10.000 euros.
Dans l'hypothèse où la cour ne ferait pas droit à la demande de résolution à titre rétroactif, la société E. et fils demande, à tout le moins, à voir son préjudice indemnisé au titre de la résiliation anticipée sans motif.
La société SCT a l'audace de se cacher derrière sa clause limitative de responsabilité, reprise à l'article 8.2 de ses conditions générales de services. La lecture attentive de cette stipulation permet de s'assurer de son caractère abusif. En effet, cette clause est tellement limitative qu'elle s'analyse en une clause de renonciation à recours, ce qui est prohibé en droit des contrats. Elle doit être réputée non écrite. En principe, ces clauses sont valables lorsqu'elles sont insérées dans les contrats conclus entre professionnels. En revanche, elles redeviennent abusives si elles sont relatives au manquement à une obligation essentielle, lorsqu'elles créent un déséquilibre significatif, ou encore en cas de faute lourde. En l'occurrence, la société SCT engage sa responsabilité à ces trois niveaux.
[*]
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 septembre 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
A titre préliminaire, il sera observé que la société E. et fils énonce une demande relative à l'exécution provisoire au terme de son dispositif, sans aucun développement dans ses motifs. Cette demande est en tout état de cause sans objet, s'agissant d'une procédure d'appel. Il n'y sera donc pas répondu.
I - Sur la demande de production de pièces :
Aux termes des articles 132 et 133 du code de procédure civile, la partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer à toute autre partie à l'instance. La communication des pièces doit être spontanée. Si la communication des pièces n'est pas faite, il peut être demandé, sans forme, au juge d'enjoindre cette communication.
La société E. et fils demande qu'il soit enjoint à la société SCT de produire « les courriers sur lesquels elle se fonde pour acter de la résiliation des deux contrats, prétendument datés du 30 août 2018 », alors que la société SCT verse aux débats les courriers de résiliation des contrats litigieux, peu important qu'ils soient en réalité datés du 6 septembre 2018.
Cette demande, dénuée de toute utilité pour la résolution du présent litige, est purement dilatoire.
La société E. et fils en sera donc déboutée.
II - Sur les demandes de résiliation du contrat aux torts de la société SCT :
Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
En vertu de l'article 1184 ancien du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisferait point à son engagement.
Dans le prolongement de ce texte, il a été jugé que l'interdépendance des obligations réciproques résultant d'un contrat synallagmatique permet à l'une des parties de ne pas exécuter son obligation lorsque l'autre n'exécute pas la sienne. L'exception d'inexécution ne saurait être invoquée qu'à propos d'obligations nées d'une même convention.
Il convient toutefois de rappeler que la sanction comminatoire de l'exception d'inexécution suppose que le demandeur soit de bonne foi et que la menace demeure proportionnée à la gravité de l'inexécution.
En cas de manquement grave, une rupture unilatérale du contrat, conduisant à sa résolution, peut être prononcée. Elle emporte alors anéantissement du contrat résolu, sans que le débiteur ayant manqué à ses obligations ne puisse se prévaloir des dispositions contractuelles régissant les conditions et conséquentes de la résiliation unilatérale.
Cependant, le cocontractant qui sollicite la résolution judiciaire doit agir avant que le contrat ait pris fin pour une autre cause, notamment à raison d'une résiliation unilatérale, le cocontractant ne disposant alors plus que d'une action en responsabilité pour inexécution du contrat afin d'obtenir des dommages-intérêts.
Aux termes des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
En l'espèce, l'examen attentif des factures produites aux débats met en évidence que la société SCT a facturé à la société E. et fils, le dernier jour de chaque mois, les prestations suivantes :
- concernant la téléphonie mobile :
- aux mois d'octobre et novembre 2015 : un « forfait partagé initial », deux abonnements au « forfait partagé initial », un forfait « full illimité » et une « option facturation papier » ;
- aux mois de décembre 2015 et janvier 2016 : un « forfait partagé initial », deux abonnements au « forfait partagé initial », un forfait « full illimité », cinq « formules au compteur » et une « option facturation papier » ;
- de février 2016 à septembre 2016 (à l'exception du mois de mai 2016, dont la facture n'est pas versée) : un « forfait partagé initial », deux abonnements au « forfait partagé initial », cinq forfaits « full illimité », une « formule au compteur », et une « option facturation papier » ;
- aux mois d'octobre et de novembre 2016 : un « forfait partagé initial », deux abonnements au « forfait partagé initial », trois forfaits « full illimité », une « formule au compteur », et une « option facturation papier » ;
- de janvier 2017 à août 2018 (la facture du mois de décembre 2016 n'étant pas versée) : un « forfait partagé initial », trois abonnements au « forfait partagé initial », trois forfaits « full illimité » et une « option facturation papier » ;
- concernant la téléphonie fixe :
- de juillet 2016 à juillet 2018 (aucune facture antérieure au mois de juillet 2016 n'étant versée aux débats) :
- systématiquement : un abonnement « SDSL », un abonnement « ligne analogique » et une option « modem wifi adsl », outre des communications hors forfait ;
- de manière variable, d'autres options (« antivirus », « facturation papier », « solutions informatiques ») et frais divers (« indemnité de retard de paiement », « mesures conservatoires », « frais de rejet de prélèvement ») ;
- en août 2018 : un abonnement « ligne analogique », une option « modem wifi adsl », une option « facturation papier », des communications hors forfait, et des frais de rejet de prélèvement.
Si les prestations fournies ne correspondent effectivement pas à celles initialement convenues entre les parties, il s'impose de constater que la société E. et fils n'a jamais émis de protestations avant le début de l'année 2017, par la voie de son conseil, et ce de manière particulièrement opportuniste puisqu'elle avait laissé impayées neuf factures s'échelonnant entre juin 2016 et octobre 2016, représentant une somme totale de 28.145,21 euros, et qu'elle était menacée d'une suspension de ses lignes.
En effet, contrairement à ses allégations, ce n'était pas « une somme modique de 383,54 euros HT, échue depuis tout au plus 2 mois » qui était due, la société E. et fils s'étant simplement prévalue, par l'intermédiaire de son conseil, de la prescription de la plupart des factures qu'elle avait laissées impayées.
Par ailleurs, sa résiliation du contrat portant sur les lignes mobiles XXX et XXX, dont elle s'est au surplus rétractée, n'a été assortie d'aucun motif faisant apparaître un quelconque mécontentement quant au déroulement de la relation contractuelle.
En réalité, les modifications incessantes apportées aux prestations fournies démontrent l'existence d'échanges réguliers entre les parties, peu important qu'ils n'aient été formalisés qu'à l'occasion de l'émission des factures afférentes.
C'est sans légitimité que la société E. et fils critique le quantum desdites factures, les conditions générales de la société SCT, dont elle a eu connaissance comme en attestent le cachet commercial et la signature de son représentant légal sur les feuillets du contrat les reproduisant, indiquant :
- en ce qui concerne la téléphonie mobile :
- pour le forfait partagé :
- en clause 2, que : « Le Forfait permet au Client, sous réserve d'éligibilité technique, de bénéficier d'un crédit mensuel d'heures de communication mutualisé pour tous les appels voix (vers un téléphone fixe ou mobile) passé en France métropolitaine depuis les lignes téléphoniques mobiles du Client rattaché à ce forfait, hors Numéros courts, Numéros spéciaux et appel Data. » ;
- en clause 3, que : « Sont notamment exclus du Forfait : la Data, les SMS/MMS, la visiophonie, les appels au-delà de la durée prévue dans le Forfait, les numéros courts, les numéros spéciaux, les appels à l'international, les contenus et services payants. »;
- en clause 7, que : « Le Forfait fait l'objet : - d'une facturation du crédit mensuel d'heures de communication mutualisé ; -d'une facturation mensuelle d'abonnement pour chaque ligne. » ;
- pour le forfait Full illimité :
- en clause 2.1, que : « Le FORFAIT MOBILE SCT ILLIMITE permet au Client de bénéficier d'appels illimités en France métropolitaine (hors numéros spéciaux, surtaxés). Afin de maintenir une qualité de service optimal sur son réseau pour l'ensemble de ses Clients, SCT TELECOM pourra facturer le client au-delà d'un usage raisonnable de trois (3) heures par appel avec un maximum de quatre-vingt dix neuf (99) correspondants par mois. » ;
- en clause 2.1, que : « Sont notamment exclus du forfait et facturés au tarif en vigueur : les MMS, la visiophonie, les appels au-delà des usages raisonnables visés à l'article 2, les numéros courts, les numéros spéciaux, les appels à l'international, les contenus et services payants. » ;
- en ce qui concerne la téléphonie fixe :
- en clause 10.1, que : « En cas de souscription à une offre au compteur, le service fait l'objet : d'une facturation à la consommation établie mensuellement pour le trafic correspondant au mois précédent. SCT TELECOM pourra facturer, sur les factures suivantes, tout appel qui n'aurait pas été facturé à la date de facturation prévue ci-dessus. ».
- en clause 14.1, que : « Au cours de la période initiale : SCT TELECOM pourra résilier de plein droit le service en cas de manquement grave du client à l'une de ses obligations essentielles (retard de paiement'), auquel il ne serait pas remédié 15 jours ouvrés après réception d'une lettre recommandée de mise en demeure. » ;
- en clause 13.2, que : « En cas de manquement du Client, l'activation et la désactivation de la suspension du Service seront facturés 100 € HT par site et par action. Le client restera redevable vis-à-vis de SCT TELECOM des redevances mensuelles et minimum de facturation en vigueur. » ;
- en clause 13.3, que : « Le Client déclare expressément accepter les conséquences de l'application du présent article, en particulier en termes de continuité du Service et ne pourra en aucun cas se retourner contre SCT TELECOM pour quelque dommage que ce soit qu'il subirait du fait de cette application. » ;
- en ce qui concerne les conditions financières des services :
- en clause 5.7, que : « Pour les services faisant l'objet d'une facturation à la consommation, les factures sont établies à partir des données émanant du système de facturation de SCT TELECOM qui ont la valeur d'un écrit au sens donné à ce terme à l'article 1347 du code civil français jusqu'à preuve d'une fraude ou d'une erreur manifeste dudit système. Ces données sont conservées par SCT TELECOM pendant une durée d'un an à compter de leur enregistrement. » ;
- en clause 5.8, que : « Le client informera SCT TELECOM, par lettre recommandée avec avis de réception dûment motivée et dans un délai de quinze (15) jours à compter de la réception d'une facture relative à des redevances et/ou à des consommations, de toutes contestations qui les mettraient sur le contenu de cette facture. La non contestation d'une facture dans ledit délai de quinze (15) jours rendra la facture valide et exacte à tous égards. »
- en clause 5.9, que : « Les parties conviennent qu'en cas de litige portant sur le montant d'une facture, seules les informations relevées par les outils de taxation de SCT TELECOM feront foi entre les parties quant à l'existence, la date, la durée de la communication et la destination de chaque communication téléphonique émise à partir de l'identifiant d'un Client. » ;
- en clause 5.14, que : « Le client peut demander à recevoir le détail de sa facturation mensuelle. Ce service est facturé 3 € HT par détail et 10 € HT par détail antérieur à 6 mois. Le détail complet à dix (10) chiffres est facturé 10 euros HT. » ;
- en clause 5.4, que : « Les factures sont disponibles de manière dématérialisée sur le site extranet SCT TELECOM. Le client pourra néanmoins opter pour la facture papier moyennant le versement SCT télécom de la somme mensuelle de 5. 90 €HT. » ;
- en clause 5.2, que : « En cas de rejet injustifié à un prélèvement effectué par SCT TELECOM, ce dernier facturera au client des frais de rejet d'un montant unitaire de 10 € HT. ».
La contestation de la société E. et fils quant à l'existence de la clause 5.7 manque totalement en fait, même si la cour observe que la clause relative au délai de contestation imparti au client est en réalité la clause 5.8.
En tout état de cause, le société E. et fils n'a pas plus jugé nécessaire de solliciter le détail de ses facturations mensuelles que de les contester, et ce jusqu'en février 2017.
D'ailleurs, elle a en réalité profité des modifications qu'elle critique désormais, un examen objectif des factures litigieuses établissant par exemple que la non-application du forfait de téléphonie fixe illimité initialement convenu entre les parties lui a été favorable. En effet, au lieu de payer 69 euros au titre de ses communications, en plus de ses abonnements contractuels (connexion ADSL/SDSL, modem wi-fi, ligne support ADSL/analogique), elle a réglé, sur la base de sa consommation réelle, des sommes bien moindres, et ce pendant toute la durée de son abonnement. Elle a en outre bénéficié de divers gestes commerciaux de la part de la société SCT (option haut débit, forfaits partagés offerts...).
Ne s'étant pas acquittée des factures que lui a adressées la société SCT en violation des dispositions contractuelles faisant la loi des parties, et ce dès le mois de juin 2016, elle ne saurait critiquer la résiliation des contrats prononcée par la société STC, ni prétendre que celle-ci est intervenue sans préavis avec coupure des lignes associées, ni solliciter une quelconque indemnisation.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, étant d'ailleurs observé qu'elle n'a agi en résolution que postérieurement au prononcé de la résiliation des contrats litigieux par la société SCT, il convient de débouter la société E. et fils de sa demande principale en résolution, et de sa demande subsidiaire en résiliation aux torts exclusifs de la société SCT. Consécutivement, elle doit également être déboutée de ses demandes de remboursement des sommes versées en exécution des contrats, et de dommages et intérêts, ce qui rend inutile l'examen de son moyen relatif à la validité de la clause limitative de responsabilité prévue à l'article 8.2 des conditions générales de la société SCT.
La décision entreprise sera réformée en ce sens.
III - Sur les demandes en paiement :
A - Sur la prescription de la facture du 30 septembre 2016
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l'article L. 34-2 alinéa 2 du code des postes et des communications électroniques, la prescription est acquise, au profit des opérateurs mentionnés à l'article L. 33-1, pour toutes demandes en restitution du prix de leurs prestations de communications électroniques présentées après un délai d'un an à compter du jour du paiement.
La prescription est acquise, au profit de l'usager, pour les sommes dues en paiement des prestations de communications électroniques d'un opérateur appartenant aux catégories visées au précédent alinéa lorsque celui-ci ne les a pas réclamées dans un délai d'un an courant à compter de la date de leur exigibilité.
La société SCT ne conteste pas être un opérateur au sens de l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques.
En outre, si les courtes prescriptions sont d'interprétation stricte et ne peuvent être étendues à des cas qu'elles ne visent pas expressément, les demandes en paiement résultant d'un même contrat de téléphonie et portant sur le paiement de factures et l'indemnité de résiliation du contrat obéissent à un même régime et sont soumises à la prescription annale.
Il convient donc de déclarer irrecevable la demande en paiement présentée par la société SCT au titre de sa facture n° « RESILMVNO 2016-09-04000040 » du 30 septembre 2016 d'un montant de 6 090,24 euros TTC.
B - Sur les sommes dues :
Aux termes des dispositions de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Aux termes de l'article 1152 ancien du code civil, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre ; néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.
Aux termes de l'article 1162 ancien du code civil, dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.
1) Au titre des factures laissées impayées
Il est établi que la société E. et fils a laissé impayées :
- la facture n°« MVNO 2018-05-02000323 » en date du 31 mai 2018 d'un montant de 178,44 euros TTC ;
- la facture n°« MVNO 2018-06-02000318 » en date du 30 juin 2018 d'un montant de 178,44 euros TTC ;
- la facture n°« FIXE 2018-07-01005727 » en date du 31 juillet 2018 d'un montant de 103,37 euros TTC ;
- la facture n°« FIXE 2018-08-01000674 » en date du 31 août 2018 d'un montant de 48,59 euros TTC ;
- la facture n°« MVNO 2018-08-02000305 » en date du 31 août 2018 d'un montant de 178,44 euros TTC.
Les contestations qu'elle a élevées, au demeurant de manière tardive, ont été déclarées infondées.
Elle doit donc être condamnée à verser à la société STC la somme de 687,28 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation.
2) Au titre des indemnités de résiliation
La société SCT demande la condamnation de la société E. et fils à lui payer les sommes dues au titre de sa facture n° « RESILFIXE 2018-09-03000044 » du 30 septembre 2018, d'un montant de 4 628,45 euros TTC et de sa facture n° « RESILMVNO 2018-09-04000017 » du 30 septembre 2018 d'un montant de 6 062,40 euros TTC.
a - Concernant le contrat de téléphonie fixe
La société SCT fait valoir qu'elle a droit, au titre de l'indemnité de résiliation de téléphonie fixe, à la somme de 3 857,04 euros HT se décomposant comme suit : 59,18 euros (moyenne des 3 dernières factures HT) x 28 (nombre de mois restant à échoir) + 2 200 euros (indemnité d'installation matériel).
Elle invoque les conditions particulières de téléphonie fixe, qui stipulent :
- en leur clause 14.3.1, que : « Dans le cadre d'une offre assortie à la fourniture de matériel, toute résiliation du Client effectuée avant la date du premier rendez-vous technique rendra exigible immédiatement et de plein droit le versement par le Client à SCT TELECOM d'une indemnité forfaitaire d'un montant de deux mille deux cents euros (2200€) HT par site » ;
-e n leur clause 14.3.2, qu'en cas de résiliation à la suite d'un manquement grave du client, celui-ci sera redevable immédiatement d'une somme correspondant « au montant moyen des facturations (trois (3) derniers mois de consommation habituelle émises antérieurement à la notification de la résiliation multiplié par le nombre de mois restant à échoir jusqu'au terme du contrat, si ce montant devait être supérieur au minimum de facturation multiplié par le nombre de mois restant susvisé » ;
- en leur clause 14.7, qu'en cas de résiliation quelle qu'en soit la cause, le client sera redevable d'un montant forfaitaire de 2 200 euros au titre du matériel qui a été livré.
La clause 14.3.2, rédigée de manière particulièrement défaillante, doit s'interpréter en faveur de la société E. et fils, en ce qu'elle fait référence à la « consommation habituelle » du client sur les trois derniers mois de facturation.
Or les « consommations » relevées au cours des trois derniers mois se sont élevées à 10,31 euros, 0 euro et 0 euro, soit en moyenne 3,44 euros.
Il n'est pas contesté que le nombre de mois restant à échoir était de 28.
Par ailleurs, l'indemnité d'installation du matériel apparaît bien due sur le fondement de la clause 14.7 précitée, la clause 14.3.1 étant en revanche inapplicable puisque la résiliation n'émane pas du client et ne précède pas « la date du premier rendez-vous technique ».
C'est manifestement de parfaite mauvaise foi que la société E. et fils prétend à l'absence d'installation de matériel, alors que sont versés aux débats :
- un procès-verbal daté du 3 novembre 2015, faisant étant du refus du client de recevoir les nouveaux matériels tant que son litige avec son ancien prestataire ne serait pas résolu ;
- un procès-verbal d'installation d'un « ON6100 » en date du 16 septembre 2016, faisant état d'un problème de synchronisation avec ouverture d'un ticket chez SFR ;
- un procès-verbal d'installation d'un « ON6100 » en date du 26 septembre 2016.
Le cachet commercial de la société E. et fils est régulièrement apposé sur chacun de ces documents et revêtu d'une signature dont il est seulement allégué qu'elle n'est pas celle de son représentant légal, mais il n'est ni plaidé ni démontré qu'elle n'appartienne pas à un de ses préposés. Il est donc sans conséquence que la signature figurant sur ces trois procès-verbaux ne soit pas identique à celle apposée sur les contrats initiaux. Il est également indifférent que les procès-verbaux d'installation ne comportent ni date ni lieu au-dessus de la signature du client, le lieu et la date d'installation étant renseignés en en-tête desdits documents.
L'indemnité de résiliation due doit donc être fixée à 2 296,32 euros HT (3,44 x 28 + 2 200), soit 2 755,58 euros TTC.
La société E. et fils ne démontre pas en quoi elle serait manifestement excessive et doit en conséquence être déboutée de sa demande de réduction.
Elle sera condamnée à lui payer cette somme augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation.
b - Concernant le contrat de téléphonie mobile
La société SCT fait valoir qu'elle a droit, au titre de l'indemnité de résiliation de téléphonie mobile, à la somme de 132,95 euros (moyenne des 3 dernières factures HT) x 38 (nombre de mois restant à échoir) = 5 052 euros HT, sur le fondement de l'article 18.2 des conditions particulières de téléphonie mobile selon lesquelles : « Toute résiliation du fait du Client effectuée après le septième (7) jour avant la mise en service rendra immédiatement exigible de plein droit le versement par le Client à SCT TELECOM d'une indemnité égale, par Ligne résiliée, à la moyenne des facturations émises antérieurement à la notification de la résiliation (trois (3) derniers mois) multipliée par le nombre de mois restant à échoir jusqu'à la fin de la durée initiale ou renouvelée d'engagement ».
Il s'impose cependant de constater que les dispositions invoquées sont inapplicables, la résiliation n'étant pas intervenue avant la mise en service.
Seules apparaissent applicables au litige :
- la clause 18.7 des conditions particulières de téléphonie mobile, selon laquelle chaque partie sera libre de demander la résiliation du contrat et l'indemnisation de son préjudice en cas de manquement grave de l'autre partie à ses obligations auquel il ne serait pas remédié trente jours ouvrés après réception d'une lettre recommandée de mise en demeure ;
- la clause 8 des conditions spécifiques du forfait mobile partagé, selon laquelle en cas de résiliation de toutes les lignes rattachées au forfait après la mise en service, la société SCT aura droit au versement d'une indemnité égale aux redevances du crédit mensuel d'heures de communication mutualisé multiplié par le nombre de mois restant à échoir jusqu'à la fin de la durée initiale ou renouvelée d'engagement ;
aucune disposition spécifique ne figurant au contrat concernant la résiliation des forfaits « full illimités ».
Or la société SCT ne démontre pas que le nombre de mois restant à échoir s'élève à 38 mois. Elle prétend sans le démontrer que l'activation des lignes n'est intervenue que le 12 juillet 2016 alors que des factures ont été émises dès le mois d'octobre 2015. Par ailleurs, elle ne saurait prendre prétexte de la résiliation datée du 29 juillet 2016, réceptionnée le 5 août 2016, concernant les lignes mobiles XXX et XXX, celle-ci ayant été annulée par un courrier en date du 7 novembre 2016, établi selon un modèle qu'elle a elle-même fourni à sa cliente et dans lequel elle s'engageait à annuler les indemnités de résiliation et à rétablir les lignes concernées.
Elle ne justifie pas davantage du montant des « redevances du crédit mensuel d'heures de communication mutualisé ».
Elle échoue donc à démontrer le montant de l'indemnité à laquelle elle peut prétendre et doit en conséquence être déboutée de sa demande en paiement.
IV - Sur les demandes accessoires :
A - Sur les dépens :
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
L'issue du litige justifie de condamner la société E. et fils aux dépens d'appel et de première instance. La décision entreprise sera réformée de ce chef.
B - Sur les frais irrépétibles :
Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
La décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a condamné la société SCT à payer à la société E. et fils la somme de 3.000 euros au titre au titre de ses frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société E. et fils, tenue aux dépens d'appel, sera condamnée à verser à la société SCT la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles, et déboutée de sa propre demande de ce chef.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement rendu le 28 mai 2021 par le tribunal de commerce d'Arras en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Déboute la société Etablissements Albert E. et fils de sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la Société commerciale de télécommunication de produire « les courriers sur lesquels elle se fonde pour acter de la résiliation des deux contrats, prétendument datés du 30 août 2018 » ;
Déboute la société Etablissements Albert E. et fils de sa demande de résolution des contrats conclus le 18 septembre 2015 avec la Société commerciale de télécommunication sous le numéro unique 09653 ;
Déboute la société Etablissements Albert E. et fils de sa demande de résiliation des contrats conclus le 18 septembre 2015 avec la Société commerciale de télécommunication sous le numéro unique 09653 aux torts exclusifs de cette dernière ;
Dit que les contrats conclus le 18 septembre 2015 sous le numéro unique 09653 ont été valablement résiliés par la Société commerciale de télécommunication aux torts de la société Etablissements Albert E. et fils le 6 septembre 2018 ;
Déboute la société Etablissements Albert E. et fils de sa demande de remboursement des sommes versées en exécution desdits contrats ;
Déboute la société Etablissements Albert E. et fils de ses demandes de dommages et intérêts ;
Condamne la société Etablissements Albert E. et fils à payer à la Société commerciale de télécommunication la somme de 687,28 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation au titre de ses factures « MVNO 2018-05-02000323 » en date du 31 mai 2018, « MVNO 2018-06-02000318 » en date du 30 juin 2018, « FIXE 2018-07-01005727 » en date du 31 juillet 2018, « FIXE 2018-08-01000674 » en date du 31 août 2018 et « MVNO 2018-08-02000305 » en date du 31 août 2018 ;
Déclare irrecevable la demande en paiement de la Société commerciale de télécommunication au titre de de sa facture n° « RESILMVNO 2016-09-04000040 » du 30 septembre 2016 d'un montant de 6.090,24 euros TTC ;
Déboute la société Etablissements Albert E. et fils de sa demande de réduction à 1 euro des indemnités de résiliation dues au titre des contrats conclus le 18 septembre 2015 sous le numéro unique 09653 ;
Condamne la société Etablissements Albert E. et fils à payer à la Société commerciale de télécommunication la somme de 2.755,58 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation au titre de l'indemnité de résiliation du contrat de téléphonie fixe ;
Déboute la Société commerciale de télécommunication du surplus de sa demande à ce titre ;
Déboute la Société commerciale de télécommunication de sa demande au titre de l'indemnité de résiliation du contrat de téléphonie mobile ;
Condamne la société Etablissements Albert E. et fils à payer à la Société commerciale de télécommunication la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;
Déboute la société Etablissements Albert E. et fils de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles ;
Condamne la société Etablissements Albert E. et fils aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier Le président
Marlène Tocco Samuel Vitse