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CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 11 janvier 2023

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 11 janvier 2023
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 6
Demande : 21/03899
Date : 11/01/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 26/02/2021
Référence bibliographique : 5835 (domaine, absence de clause), 9744 (prêt, année lombarde)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10057

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 11 janvier 2023 : RG n° 21/03899

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « De l'étude opérée par l'analyste, précise et circonstanciée, il ressort, pour le moins, que les calculs de vérification du mode de calcul des intérêts du prêt, lorsqu'ils sont exhaustifs, sont complexes. Ainsi, en l'espèce, monsieur et madame X. n'étaient pas en mesure de relever par eux-mêmes l'erreur affectant le calcul des intérêts de leur prêt, par le seul examen de l'offre de prêt et de ses annexes, contrairement à ce que soutient la banque exposant aussi que les emprunteurs pouvaient vérifier par une simple règle de trois l'exactitude des intérêts conventionnels, et soutenant que le décompte du notaire ou les indications portées dans l'avenant auraient été suffisantes à les éclairer. »

2/ « Les calculs successifs effectués par monsieur U. à partir d'une première échéance calculée sur la base d'une année lombarde, conduisent à mettre en évidence, comme en étant la conséquence, en définitive, un « TEG de 3,68 % communiqué par le prêteur » qui « n'est pas significativement erroné en défaveur de l'emprunteur (0,02 % de TEG d'écart) ». Monsieur et madame X. ne démontrent donc nullement que l'erreur qu'ils invoquent a entraîné à leur détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale, comme l'exige dorénavant la Cour de cassation. »

3/ « En vertu des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation devenu l'article L. 212-1, […]. Aucune clause de calcul ne figure dans le contrat de prêt. De ce seul constat, monsieur et madame X. doivent être déboutés de leurs demandes à ce titre. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 11 JANVIER 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/03899 (6 pages). N° Portalis 35L7-V-B7F-CDGDI. Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 décembre 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 18/11384.

 

APPELANTS :

Monsieur X.,

né le [Date naissance 2] à [Localité 7] (pays), de nationalité française, [Adresse 3], [Localité 6]

Madame Y. épouse X.,

née le [Date naissance 4] à [Localité 8] (pays), de nationalité française, [Adresse 3], [Localité 6]

Représentés par Maître Morgane GRÉVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : E2122, assisté de Maître Jean-Simon MANOUKIAN, avocat au barreau de NANTES

 

INTIMÉE :

SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE

immatriculée au RCS de PARIS sous le n° XXX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège, [Adresse 1], [Localité 5], Représentée par Maître Georges JOURDE, avocat au barreau de PARIS Toque T0006

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, Président de chambre, et M. Vincent BRAUD, Président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : M. Marc BAILLY, Président de chambre, chargé du rapport, M. Vincent BRAUD, Président, MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère.

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Marc BAILLY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon offre préalable de prêt émise le 25 novembre 2005 et acceptée par les emprunteurs le 7 décembre suivant, la société CRÉDIT FONCIER DE FRANCE a consenti à monsieur X. et madame Y. épouse X., outre un crédit relais d'un montant de 118.000 euros, un prêt immobilier destiné à financer l'acquisition dans l'ancien d'un logement constituant leur résidence principale. Ce prêt, d'un montant de 183 000 euros, et d'une durée d'amortissement de 360 mois précédée d'une période d'anticipation de 36 mois maximum, a été stipulé au taux d'intérêt initial de 3,10 % l'an, révisable à compter du 12e mois suivant le point de départ de l'amortissement et ensuite tous les trois mois (sur la base de l'Euribor 3 mois constaté le 1er jour ouvré du mois de la révision majoré d'une partie fixe de 1,20 %). Le taux effectif global indiqué dans l'offre était de 3,68 % l'an, et le taux de période mensuel, de 0,31 %.

Selon avenant en date du 6 juin 2007, il a été substitué au taux révisable, un taux fixe de 4,70 % l'an. Le taux effectif global alors indiqué dans l'avenant est de 5,381 % l'an, et le taux de période mensuel, de 0,4377 %.

Contestant le mode de calcul des intérêts conventionnels monsieur et madame X. ont fait assigner la banque à comparaître devant le tribunal de grande instance de Paris, selon acte d'huissier de justice en date du 25 septembre 2018.

Aux termes de leurs dernières conclusions, pour l'essentiel de leurs prétentions monsieur et madame X. demandaient au tribunal : à titre principal, de prononcer la nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel et de lui substituer l'intérêt légal avec établissement d'un nouveau tableau d'amortissement en tenant compte ; à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise mathématique du prêt à la charge du CRÉDIT FONCIER DE FRANCE avec mission particulière de dire si l'intérêt intercalaire de 425,47 euros décompté au 6 janvier 2006 a été calculé sur une année civile de 365 ou 366 jours, sur une année fictive de 360 jours, ou sur toute autre année fictive, et de recalculer le taux nominal qui en résulte, le cas échéant.

La société CRÉDIT FONCIER DE FRANCE, en réponse, a demandé en particulier au tribunal de déclarer irrecevable l'action en nullité de la stipulation d'intérêts exercée par monsieur et madame X., pour cause de prescription et la seule sanction civile applicable étant la déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels, subsidiairement, de dire monsieur et madame X. mal fondés en toutes leurs demandes, fins et prétentions et les en débouter, et en tout état de cause, de rejeter la demande d'expertise judiciaire.

Par jugement en date du 18 décembre 2020 le tribunal judiciaire de Paris a statué selon le dispositif suivant :

« - DÉCLARE irrecevable comme prescrite la demande d'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels formée par monsieur X. et madame X. ;

- DÉBOUTE monsieur X. et madame X. de leur demande d'expertise judiciaire ;

- CONDAMNE monsieur X. et madame X. à payer à la société anonyme Crédit Foncier de France la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE monsieur X. et madame X. aux dépens ;

- AUTORISE maître M. F. à recouvrer directement contre monsieur X. et madame X. les frais compris dans les dépens dont il aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision ;

- DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision. »

* * *

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 26 février 2021 monsieur et madame X. ont interjeté appel de ce jugement. À l'issue de la procédure d'appel clôturée le 20 septembre 2022 les moyens et prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.

Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 25 janvier 2021 les appelants demandent à la cour de bien vouloir :

« Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- jugé l'emprunteur irrecevable en ses demandes pour être prescrites ;

- débouté l'emprunteur de sa demande d'expertise avant dire droit ;

- condamné l'emprunteur à payer à la banque la somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- autorisé Maître M. F. à recouvrer directement contre l'emprunteur les frais compris dans les dépens dont il aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision ;

Évoquer le fond et, statuant à nouveau :

- juger l'emprunteur recevable en ses demandes pour être non prescrites ;

- ordonner une expertise mathématique du prêt à la charge du CRÉDIT FONCIER DE FRANCE avec mission particulière :

- de dire si l'intérêt intercalaire de 425,47 euros décompté au 6 janvier 2006 a été calculé sur une année civile de 365 ou 366 jours, sur une année fictive de 360 jours ou sur toute autre année fictive ;

- et, s'il n'a pas été calculé sur une année civile de 365 ou 366 jours, de déterminer le taux d'intérêt en base annuelle civile qui a été appliqué à cette échéance d'intérêt intercalaire ;

- juger que la clause d'intérêt intercalaire est frauduleuse ou, à tout le moins abusive ;

- prononcer la déchéance de la totalité des intérêts du prêt ;

- débouter la Banque de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner la Banque à payer à l'emprunteur la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première et seconde instance outre aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître J. sur son affirmation de droit. »

[*]

Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 24 août 2021 l'intimé demande à la cour de bien vouloir :

« - Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite la demande d'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels formée par monsieur X. et madame X. ;

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté monsieur X. et madame X. de leur demande d'expertise judiciaire ;

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il condamné monsieur X. et madame X. à payer au Crédit Foncier de France la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné monsieur X. et madame X. aux dépens et a autorisé Maître F. à recouvrer directement contre eux les frais compris dans les dépens dont il aurait fait l'avance sans en recevoir provision ;

Y ajoutant,

- Déclarer irrecevable la demande en déchéance en raison de la prescription de l'action ;

- Déclarer mal fondées l'ensemble des demandes de monsieur X. et madame X. notamment en leur demande de voir juger la clause d'intérêt frauduleuse ou, à tout le moins, abusive ;

En tout état de cause,

- Condamner les consorts X. à verser au Crédit Foncier de France la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les condamner aux dépens dont distraction au profit de Maître Audrey Hinoux, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. »

[*]

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la prescription :

En vertu de l'article L. 312-33 ancien du code de la consommation, l'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels « la seule à être exercée devant la cour, les appelants abandonnant la demande de nullité de la stipulation d'intérêt qu'ils avaient présentée en première instance » est soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article L. 110-4 du code de commerce, notamment relative aux obligations contractées entre une banque prêteuse et le souscripteur d'un crédit immobilier, la prescription courant alors à compter du moment où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur qu'il invoque.

Pour se dire non prescrits en leurs demandes, monsieur et madame X. fixent le point de départ de la prescription de leur action à l'« expertise mathématique » de monsieur U., avocat, se présentant comme spécialisé en « droit et calculs bancaires », en date du 13 juin 2018, analyse qui leur aurait révélé l'erreur affectant le calcul des intérêts conventionnels de leur prêt.

Ce rapport évoque un « intérêt intercalaire » de 425,47 euros indûment calculé sur 27 jours, au lieu de 25 [courus entre le 12 décembre 2005 date de mise à disposition des fonds et le 6 janvier 2006 date de prélèvement de la première échéance du prêt] et ce sur la base d'une année de 360 jours, ainsi qu'un « TEG de 3,68 % communiqué par le prêteur » qui « n'est pas significativement erroné en défaveur de l'emprunteur (0,02 % de TEG d'écart) ». Ce rapport est largement repris dans les conclusions, où il est dit aussi que le « vrai » taux conventionnel est de 3,39 %, ce qui ressort également de la note en sa partie littérale, que la différence d'intérêts doit être imputée sur le prêt, qu'elle emporte majoration du total des intérêts du prêt pour 19,83 euros, montant qui ajouté à la différence mise en évidence sur la première échéance, de 36,91 euros, donne un total de 56,74 euros.

De l'étude opérée par l'analyste, précise et circonstanciée, il ressort, pour le moins, que les calculs de vérification du mode de calcul des intérêts du prêt, lorsqu'ils sont exhaustifs, sont complexes. Ainsi, en l'espèce, monsieur et madame X. n'étaient pas en mesure de relever par eux-mêmes l'erreur affectant le calcul des intérêts de leur prêt, par le seul examen de l'offre de prêt et de ses annexes, contrairement à ce que soutient la banque exposant aussi que les emprunteurs pouvaient vérifier par une simple règle de trois l'exactitude des intérêts conventionnels, et soutenant que le décompte du notaire ou les indications portées dans l'avenant auraient été suffisantes à les éclairer.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré monsieur et madame X. irrecevables en leurs demandes comme étant prescrites.

 

Sur le fond :

Les calculs successifs effectués par monsieur U. à partir d'une première échéance calculée sur la base d'une année lombarde, conduisent à mettre en évidence, comme en étant la conséquence, en définitive, un « TEG de 3,68 % communiqué par le prêteur » qui « n'est pas significativement erroné en défaveur de l'emprunteur (0,02 % de TEG d'écart) ».

Monsieur et madame X. ne démontrent donc nullement que l'erreur qu'ils invoquent a entraîné à leur détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale, comme l'exige dorénavant la Cour de cassation.

Ils doivent donc être déboutés de leurs prétentions.

Le litige pouvant être tranché sans recourir à une expertise judiciaire, la demande formée à titre subsidiaire par monsieur et madame X. sera rejetée.

 

Sur les demandes relatives au caractère abusif de la clause de calcul des intérêts :

En vertu des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation devenu l'article L. 212-1, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Aucune clause de calcul ne figure dans le contrat de prêt.

De ce seul constat, monsieur et madame X. doivent être déboutés de leurs demandes à ce titre.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Monsieur et madame X. qui échouent en leurs demandes, supporteront la charge des dépens de l'instance et ne peuvent prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de la société CRÉDIT FONCIER DE FRANCE formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 2.500 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a déclaré monsieur X. et madame Y. épouse X. irrecevables en leurs demandes ;

Statuant à nouveau et y ajoutant, s'agissant de l'action en déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels :

DÉBOUTE monsieur X. et madame Y. épouse X. de l'ensemble de leurs demandes ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant,

CONDAMNE monsieur X. et madame Y. épouse X. à payer à la société CRÉDIT FONCIER DE FRANCE la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

DÉBOUTE monsieur X. et madame Y. épouse X. de leur propre demande formulée sur ce même fondement ;

CONDAMNE monsieur X. et madame Y. épouse X. aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIER                                            LE PRÉSIDENT