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CA LYON (1re ch. civ. B), 21 février 2023

Nature : Décision
Titre : CA LYON (1re ch. civ. B), 21 février 2023
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 1re ch. B
Demande : 20/05477
Date : 21/02/2023
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 9/10/2020
Référence bibliographique : 5997 (portée des recommandations), 9744 (prêt, année lombarde)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10091

CA LYON (1re ch. civ. B), 21 février 2023 : RG n° 20/05477 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Il résulte de ces textes, qui s'appliquent au calcul du TEG comme au calcul du taux d'intérêt conventionnel, que la mention, dans l'offre de prêt acceptée, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile, ne peut être sanctionnée que par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, de sorte que Mme X. est mal fondée à soutenir que le calcul du taux du crédit sur la base de l'année lombarde au lieu de l'année civile est sanctionné par la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêts et la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel.

Il en résulte encore que la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts n'est encourue que si le prêteur calcule les intérêts du prêt sur la base d'une année autre que l'année civile et que ce calcul génère au détriment de l'emprunteur un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'annexe à l'article R. 313-1. Or, si la banque calcule les intérêts du prêt de Mme X. sur la base de 360 jours, il est expressément mentionné dans la clause litigieuse que chaque mois est compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an, de sorte que le calcul des intérêts sur 360 jours par an est subordonné à l'application de mois forfaitairement comptés pour 30 jours, ce qui revient arithmétiquement à un résultat équivalent au calcul des intérêts effectué sur la base d'une année civile rapportée au mois normalisé. Ainsi, le montant des intérêts est bien calculé sur l'année civile au taux exact convenu, de sorte que Mme X. n'est pas plus fondée à invoquer un vice du consentement sur le calcul du taux d'intérêt conventionnel.

Cette clause, qui pose une règle d'équivalence financière ne créé dès lors aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et ne saurait donc être qualifiée de clause abusive. Il est précisé à cet égard que la recommandation de la commission des clauses abusives du 20 septembre 2005, qui proscrit le calcul des intérêts sur 360 jours, a été prise au sujet des découverts en compte, qui sont des prêts ayant des durées irrégulières, et ne saurait être transposée aux prêts immobiliers remboursables par périodes mensuelles, comme c'est le cas en l'espèce. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE B

ARRÊT DU 21 FÉVRIER 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/05477. N° Portalis DBVX-V-B7E-NFTO. Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Lyon (4e ch.), Au fond, du 1er septembre 2020 : R.G. n° 17/12532.

 

APPELANTE :

Mme X.

née le [Date naissance 1] à [Localité 6], [Adresse 3], [Localité 4], Représentée par Maître Denitza GUEORGUIEVA, avocat au barreau de LYON, toque : 2034, ayant pour avocat plaidant Maître Guillaume PIERRE, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

Société CRÉDIT LYONNAIS

[Adresse 2], [Localité 5], Représentée par Maître Pierre BUISSON, avocat au barreau de LYON, toque : 140, Ayant pour avocat plaidant Maître André CUSIN de la SELARL CABINET CUSIN, avocat au barreau de PARIS

 

Date de clôture de l'instruction : 1er juillet 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 6 octobre 2022

Date de mise à disposition : 13 décembre 2022 prorogé au 21 février 2023, les avocats dûment avisés conformément au code de procédure civile

Audience présidée par Stéphanie LEMOINE, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré : - Olivier GOURSAUD, président, - Stéphanie LEMOINE, conseiller, - Bénédicte LECHARNY, conseiller

Arrêt : Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre du 23 décembre 2013, Mme X. a souscrit auprès de la société Le crédit Lyonnais (la banque) un prêt immobilier d'un montant de 118.786 euros au taux effectif global de 4,18 %, ramené à 3,573 % suivant un avenant du 28 août 2015.

Par acte d'huissier de justice du 21 novembre 2017, Mme X. a fait assigner la banque devant le tribunal judiciaire de Lyon car elle estime que cette dernière a violé les dispositions d'ordre public du code de la consommation en ayant calculé les intérêts du crédit sur la base d'une année de 360 jours.

Suivant un jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 1er septembre 2020, Mme X. a notamment été déboutée de ses demandes et condamnée à payer à la banque la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 9 octobre 2020, Mme X. a relevé appel du jugement.

Par conclusions notifiées le 18 décembre 2020, Mme X. demande de :

- infirmer le jugement rendu le 1er septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Lyon,

- déclarer abusive la clause mentionnée « les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an » en ce qu'elle la prive de la possibilité de calculer le coût réel de son crédit,

- dire et juger cette clause non écrite,

- rappeler que la formule du mois normalisé visé par l'article R. 313-1 du code de la consommation et à son annexe ne s'applique pas au calcul des intérêts contractuels mais au calcul du TEG,

- déclarer nulle la clause de stipulation d'intérêt conventionnel mentionnée dans l'offre de prêt du 23 décembre 2013 et son avenant du 28 août 2015,

- condamner Le crédit Lyonnais à lui restituer les sommes indûment perçues correspondant, s'agissant des intérêts échus et d'ores et déjà réglés au titre de l'emprunt, à la différence entre les intérêts calculés au taux conventionnel et les intérêts calculés au taux légal,

- dire et juger que Le crédit Lyonnais devra pour la durée de l'amortissement restant à courir, faire application du taux d'intérêt légal en vigueur à la date de conclusions du prêt soit 0,04 % l'an,

- condamner Le crédit Lyonnais à établir un nouveau tableau d'amortissement du capital restant dû après qu'ait été substitué au taux conventionnel, le taux légal, et ce sous astreinte de 90 euros par jour de retard dans les quinze jours de la signification de la décision à intervenir,

- dire et juger qu'elle ne sera tenue au remboursement des intérêts à échoir afférents à l'emprunt litigieux et à son avenant que sur la base du tableau d'amortissement rectifié après substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel,

En tout état de cause,

- condamner Le crédit Lyonnais à lui payer la somme de 3.000 € sauf à parfaire sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- condamner Le crédit Lyonnais aux entiers dépens.

[*]

Par conclusions notifiées le 11 février 2021, la banque demande de :

- dire et juger Mme X. sans fondement en son appel, ainsi qu'en toutes ses contestations,

- l'en déboutant, confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

- la condamner à lui payer une indemnité de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC en cause d'appel,

- et la condamner aux entiers dépens.

[*]

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 1er juillet 2021.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions précitées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Mme X. fait valoir que sa contestation porte sur la méthode de calcul des intérêts conventionnels du crédit et non pas sur le calcul du taux effectif global ; que la violation du principe selon lequel le taux d'intérêt conventionnel doit être calculé par référence à l'année civile de 365 ou 366 jours entraîne la nullité de la clause d'intérêt ; que la banque mentionne expressément que les intérêts courus entre deux échéances sont calculés sur la base de 360 jours ; qu'en présence de non-professionnels, il convient de les informer de l'existence de l'usage de l'année lombarde et de recueillir leur consentement et que la pratique du diviseur de 360 jours a été condamnée par une recommandation de la commission des clauses abusives du 20 septembre 2005 ; que la banque ne peut s'appuyer sur l'équivalence d'un calcul qui n'a pas été porté à la connaissance de l'emprunteur alors que l'absence d'incidence sur l'exactitude du taux n'est pas de nature à pallier l'inobservation de la règle impérative relative à la prohibition de l'année lombarde ; que le contrat doit énoncer expressément le taux conventionnel et le taux effectif global ; que la stipulation concernant le taux conventionnel vise une période de 360 jours est nulle, même en l'absence de tout préjudice ; que le mois normalisé dont se prévaut la banque ne s'applique pas au calcul des intérêts conventionnels mais au TEG, les intérêts conventionnels devant être calculés sur un nombre de jour exact sur 365 ou 366 jours ; qu'en réalité la banque ne calcule pas les intérêts selon le mois normalisé comme elle le prétend, mais utilise l'année lombarde, qui induit un surcoût dissimulé et révèle caractère abusif de la clause.

Mme X. en déduit que la clause de calcul des intérêts conventionnels sur une base de 360 jours est entachée d'un vice du consentement emportant la nullité de la clause, de sorte que c'est le taux légal qui doit s'appliquer.

La banque fait valoir qu'il appartient à Mme X. de rapporter la preuve, qui ne résulte pas de la simple présence d'une clause dans l'acte, qu'elle calcule les intérêts du prêt sur une base de 360 jours et que ce mode de calcul a généré un surcoût d'un montant supérieur à la décimale ; il est inexact qu'elle calcule les intérêts sur la base de 360 jours par an car la clause prévoit que chaque mois est compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an, de sorte que le montant d'intérêts calculé par la banque par année de prêt est en rythme normal d'amortissement du prêt égal ; que les intérêts ne sont pas calculés sur la base de 360 jours par an mais de 30/360 jours, soit 30,41666 jours rapportés à 365 jours l'an, c'est à dire 1/12ème conformément à la règle des mois normalisés ; que la méthode des mois normalisés s'applique bien au calcul des intérêts conventionnels ainsi que le prévoit l'article R. 313-1 du code de la consommation ; que la sanction d'un TEG erroné ou d'un calcul illicite des intérêts conventionnels, lorsque il atteint la décimale est la déchéance du droit aux intérêts et non la nullité.

La banque ajoute que Mme X. n'est pas plus fondée à invoquer le caractère abusif de la clause ; qu'elle ne créé pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties puisqu'elle pose une règle d'équivalence financière ; que la recommandation de la commission des clauses abusives du 20 septembre 2005 a été prise au sujet des découverts en comptes.

 

Réponse de la cour :

Selon l'article L. 312-8, 3°, du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, l'offre définie à l'article L. 312-7 indique, outre le montant du crédit susceptible d'être consenti et, le cas échéant, celui de ses fractions périodiquement disponibles, son coût total, son taux défini conformément à l'article L. 313-1 ainsi que, s'il y a lieu, les modalités de l'indexation.

L'article R. 313-1 du même code dans sa rédaction applicable au litige, auquel renvoie l'article L. 313-1, dispose que pour les opérations mentionnées à l'article L. 312-2, lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre que annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé, le cas échéant, avec une précision d'au moins une décimale.

L'annexe à l'article précité précise dans le paragraphe « Remarques » :

« c) L'écart entre les dates utilisées pour le calcul est exprimé en années ou en fractions d'années. Une année compte 365 jours, ou, pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés. Un mois normalisé compte 30,41666 jours (c'est-à-dire 365/12), que l'année soit bissextile ou non.

d) Le résultat du calcul est exprimé avec une exactitude d'au moins une décimale. Lorsque le chiffre est arrondi à une décimale particulière, la règle suivante est d'application : si le chiffre de la décimale suivant cette décimale particulière est supérieur ou égal à 5, le chiffre de cette décimale particulière sera augmenté de 1 ».

Enfin, selon l'article L. 312-33 du code précité dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, le prêteur qui ne respecte pas l'une des obligations prévues à l'article L. 312-8 pourra être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Il résulte de ces textes, qui s'appliquent au calcul du TEG comme au calcul du taux d'intérêt conventionnel, que la mention, dans l'offre de prêt acceptée, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile, ne peut être sanctionnée que par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, de sorte que Mme X. est mal fondée à soutenir que le calcul du taux du crédit sur la base de l'année lombarde au lieu de l'année civile est sanctionné par la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêts et la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel.

Il en résulte encore que la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts n'est encourue que si le prêteur calcule les intérêts du prêt sur la base d'une année autre que l'année civile et que ce calcul génère au détriment de l'emprunteur un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'annexe à l'article R. 313-1. Or, si la banque calcule les intérêts du prêt de Mme X. sur la base de 360 jours, il est expressément mentionné dans la clause litigieuse que chaque mois est compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an, de sorte que le calcul des intérêts sur 360 jours par an est subordonné à l'application de mois forfaitairement comptés pour 30 jours, ce qui revient arithmétiquement à un résultat équivalent au calcul des intérêts effectué sur la base d'une année civile rapportée au mois normalisé.

Ainsi, le montant des intérêts est bien calculé sur l'année civile au taux exact convenu, de sorte que Mme X. n'est pas plus fondée à invoquer un vice du consentement sur le calcul du taux d'intérêt conventionnel.

Cette clause, qui pose une règle d'équivalence financière ne créé dès lors aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et ne saurait donc être qualifiée de clause abusive. Il est précisé à cet égard que la recommandation de la commission des clauses abusives du 20 septembre 2005, qui proscrit le calcul des intérêts sur 360 jours, a été prise au sujet des découverts en compte, qui sont des prêts ayant des durées irrégulières, et ne saurait être transposée aux prêts immobiliers remboursables par périodes mensuelles, comme c'est le cas en l'espèce.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient, par confirmation du jugement, de débouter Mme X. de ses contestations.

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la banque, en appel. Mme X. est condamnée à lui payer à ce titre la somme de 2.500 €.

Les dépens d'appel sont à la charge de Mme X. qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Mme X. à payer à la société Le crédit Lyonnais, la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.

Condamne Mme X. aux dépens de la procédure d'appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT