CA AGEN (1re ch. civ. sect. com.), 8 mars 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10104
CA AGEN (1re ch. civ. sect. com.), 8 mars 2023 : RG n° 21/01077
Publication : Judilibre
Extrait (arguments de l’intimée) : « la SAS Camille ne peut lui opposer des clauses abusives telles celles figurant sur sa pièce n°1, illisible, et ne peut eu égard au nouvel article L. 212-1 du code de la consommation imposer à ses locataires le coût des réparations, frais de dépannage, et remise en état sur la foi de devis établis sous son seul contrôle même si une clause le prévoit, une telle clause étant abusive ».
Extrait (motifs) : « En premier lieu, il ressort des conditions particulières du contrat de location, signées par le représentant de la SARL Vivons Ecolo, locataire, que cette dernière s'est engagée à « conduire le véhicule raisonnablement, avec prudence »... « à prendre soin du véhicule et vous assurer qu'il est fermé à clé, en sécurité et stationné en lieu sûr ». Le contrat ne met donc pas à la charge du locataire une obligation d'entretien ou de vérification portant sur l'état des pièces mécaniques du véhicule, en particulier son moteur.
En second lieu, ces conditions mentionnent que le locataire est assuré pour les dommages aux véhicules moyennant une franchise de 3.000 euros, et les défaillances mécaniques ne sont pas mentionnées dans les causes d'exclusion de garantie énumérées par l'article 6.
En troisième lieu, la SAS Camille reproche à la SARL Vivons Ecolo d'avoir commis une faute en utilisant le véhicule sans tenir compte de multiples alertes de dysfonctionnements, […]. Cependant, aucun élément ne démontre que des messages d'alerte aient effectivement alerté le locataire des défauts récurrents du moteur. De plus […] ; cela démontre un entretien insuffisant du véhicule, et la connaissance par le loueur d'une perte du fluide assurant la lubrification, qu'il lui appartenait, en tant que loueur et de professionnel, de signaler au locataire, ce qui n'a pas été le cas ; c'est donc une faute du loueur, et non du locataire, qui est démontrée. Dès lors, les conséquences financières de la panne ne peuvent pas être imputées à la SARL Vivons ensemble au-delà des prévisions du contrat relatives au paiement de la franchise. »
COUR D’APPEL D’AGEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION COMMERCIALE
ARRÊT DU 8 MAR 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/01077. N° Portalis DBVO-V-B7F-C6OH.
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
SAS CAMILLE
[Adresse 4], [Localité 2], Représentée par Maître François DELMOULY, avocat inscrit au barreau d'AGEN, APPELANTE d'un jugement du Tribunal de Commerce d'AGEN en date du 29 septembre 2021, RG 2020004232, D'une part,
ET :
SARL VIVONS ECOLO
[Adresse 1], [Localité 3], Représentée par Maître Gilles HAMADACHE, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Maître Myriam LAHANA, avocate plaidante inscrite au barreau de PARIS, INTIMÉE, D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 12 décembre 2022, sans opposition des parties, devant la cour composée de :
Président : Dominique BENON, Conseiller faisant fonction de président
Assesseur : Cyril VIDALIE, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l'audience
qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre eux-mêmes de : Nelly EMIN, Conseiller
en application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
Suivant contrat du 13 février 2020, la SARL Vivons Ecolo a loué à la SAS Camille, loueur de véhicules sous l'enseigne commerciale ADA, un camion de marque Iveco d'une capacité de 20 m3 pour une durée d'un mois ; la location a été prolongée jusqu'au mois d'avril 2020.
Le véhicule est tombé en panne le 18 mars 2020 sur une aire d'autoroute ; il a été acheminé dans les locaux du garage X. Poids Lourds, où il a été soumis à plusieurs expertises amiables qui ont conclu à la nécessité de remplacer le moteur par suite d'un défaut de lubrification du vilebrequin et des bielles, au prix de 8.066,71 euros HT.
La SARL Vivons Ecolo a accepté de supporter le coût de la réparation à hauteur de 49 % correspondant au montant de la franchise de 3.000 euros et du dépôt de garantie de 1.500 euros.
Par acte du 28 septembre 2020, la SAS Camille a assigné la SARL Vivons Ecolo devant le tribunal de commerce d'Agen afin d'obtenir sa condamnation à payer la totalité du coût de la réparation du véhicule ainsi que des dommages-intérêts.
Par jugement du 29 septembre 2021, le tribunal de commerce d'Agen a :
- reçu la SAS Camille dans son action contre la SARL Vivons Ecolo,
- dit que la SAS Camille est à l'origine d'un défaut de surveillance et d'entretien du véhicule loué,
- dit que la SAS Camille n'a pas démontré la responsabilité de la SARL Vivons Ecolo dans la panne mécanique survenue le 18 mars 2020,
- rejeté la demande de dommages et intérêts de 17.499,98 euros formulée par la SAS Camille à l'encontre de la SARL Vivons Ecolo,
- limité le montant à payer par la SARL Vivons Ecolo à la somme de 4.500 euros déjà versée,
- condamné la SAS Camille au paiement de la somme de 1.000 euros à titre d'indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Camille aux entiers dépens,
- rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins, et conclusions contraires
des parties,
- liquidé les dépens dont frais de greffe pour le jugement à la somme de 73,22 euros.
Le tribunal a considéré que la SAS Camille ne rapportait pas la preuve d'une faute de la SARL Vivons Ecolo dans l'utilisation du véhicule, que les conditions de la location n'indiquaient pas en clair les modalités d'assurance pour ce type de panne mécanique, que la SAS Camille avait encaissé le dépôt de garantie et le montant de la franchise, soit 4.500 euros, versement accepté par la SARL Vivons Ecolo, qu'un défaut de surveillance et d'entretien de la SAS Camille devait être retenu, et la responsabilité de la SARL Vivons Ecolo écartée.
La SAS Camille a formé appel le 10 décembre 2021, désignant en qualité d'intimée la SARL Vivons Ecolo, et visant dans sa déclaration la totalité des dispositions du jugement.
Prétentions :
Par uniques conclusions du 7 mars, la SAS Camille demande à la cour de :
- réformer le jugement,
- déclarer la SARL Vivons Ecolo seule responsable des préjudices subis par elle et la condamner à lui verser à titre de dommages et intérêts la somme de 17.449,98 euros, sous déduction des 3.000 euros prélevés au titre du dépôt de garantie,
- outre celle de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux dépens de première instance et d'appel.
La SAS Camille expose que :
- les alertes enregistrées par le journal de bord entre le 10 et le 18 mars démontrent qu'au mépris de toute prudence et de son engagement de prendre soin du véhicule, la locataire a négligé les signaux de dysfonctionnement pour ne pas retarder sa marche et provoqué une casse du moteur qui aurait dû être évitée,
- les dommages ont été estimés dans le cadre de deux expertises contradictoires,
- la perception du dépôt de garantie n'implique pas acceptation d'une limitation de l'obligation de prise en charge du locataire, le contrat prévoyant la prise en charge de frais complémentaires, dont font partie les dommages au véhicule non couverts par le contrat d'assurance, telle la panne en question qui n'était assurable ni dans les assurances incluses ni dans les assurances optionnelles prévues par le contrat.
[*]
Par dernières conclusions du 3 juin 2022, la SARL Vivons Ecolo demande à la cour de :
- confirmer le jugement,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la SAS Camille,
- condamner la SAS Camille à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
La SARL Vivons Ecolo expose que :
- la panne est intervenue sans qu'aucun voyant ou signal ne s'allume, et est due à un manque d'huile révélateur d'un mauvais état du véhicule loué, de sorte que sa responsabilité éventuelle ne peut dépasser la franchise pour un montant de 3.000 euros outre le dépôt de garantie de 1 500 euros,
- le loueur est tenu de remettre au locataire un véhicule en parfait état de fonctionnement et exempt de vices, de l'entretenir et en particulier de remplacer l'huile tous les ans voire tous les six mois en cas d'usage plus intense et en tout état de cause tous les 40.000 kms,
- la SAS Camille ne peut lui opposer des clauses abusives telles celles figurant sur sa pièce n°1, illisible, et ne peut eu égard au nouvel article L. 212-1 du code de la consommation imposer à ses locataires le coût des réparations, frais de dépannage, et remise en état sur la foi de devis établis sous son seul contrôle même si une clause le prévoit, une telle clause étant abusive,
- les conditions particulières du contrat d'assurance souscrit par la SAS Camille auprès de la Macif ne lui sont pas opposables,
- le défaut d'entretien du véhicule engage la responsabilité du loueur : il ressort des pièces produites que l'huile n'a pas été remplacée suivant la périodicité de six mois, le niveau aurait dû être vérifié avant remise du véhicule, et le véhicule avait parcouru plus de 40.000 kms depuis la précédente vidange,
- le locataire n'a pas commis de faute : il n'est pas prouvé que le voyant se soit réellement allumé, que le niveau d'huile ait été conforme lors de la mise en location, que le défaut de pression soit du à un dysfonctionnement mécanique, et que le remplacement du moteur soit du à une faute du locataire,
- la SAS Camille réclame des frais de dépannage, expertise, immobilisation, injustifiés et en contradiction avec la facture consécutive à l'expertise.
[*]
La Cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise, et aux dernières conclusions déposées.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 novembre 2022, et l'affaire a été fixée pour être examinée le 12 décembre 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs :
En premier lieu, il ressort des conditions particulières du contrat de location, signées par le représentant de la SARL Vivons Ecolo, locataire, que cette dernière s'est engagée à « conduire le véhicule raisonnablement, avec prudence »... « à prendre soin du véhicule et vous assurer qu'il est fermé à clé, en sécurité et stationné en lieu sûr ».
Le contrat ne met donc pas à la charge du locataire une obligation d'entretien ou de vérification portant sur l'état des pièces mécaniques du véhicule, en particulier son moteur.
En second lieu, ces conditions mentionnent que le locataire est assuré pour les dommages aux véhicules moyennant une franchise de 3.000 euros, et les défaillances mécaniques ne sont pas mentionnées dans les causes d'exclusion de garantie énumérées par l'article 6.
En troisième lieu, la SAS Camille reproche à la SARL Vivons Ecolo d'avoir commis une faute en utilisant le véhicule sans tenir compte de multiples alertes de dysfonctionnements, décrites dans les deux rapports établis par M. Y. membre du cabinet d'expertise Athexis mandaté par l'assureur de la SAS Camille, les 7 avril 2020 (rapport amiable non contradictoire) et 18 mai 2020 (rapport amiable contradictoire).
Ces rapports se fondent sur les constatations techniques opérées sur le moteur, dont il n'est pas contesté qu'il est hors d'usage pour défaut de lubrification, et sur le relevé du journal des défauts extrait du calculateur par le garage CPL, dont le tableau de bord affiche en temps normal des messages d'information et d'alerte.
Cependant, aucun élément ne démontre que des messages d'alerte aient effectivement alerté le locataire des défauts récurrents du moteur.
De plus il ressort de ces rapports que le véhicule, qui avait été mis en circulation le 9 avril 2018, a présenté de multiples défaillances de la pompe à huile durant le contrat, et que la SAS Camille, qui ne produit pas l'historique antérieur du véhicule, avait fait procéder avant la location à la SARL Vivons Ecolo une révision des 40.000 km à 49.673 kms, soit avec plus de 9.000 kms de retard, et procédé à un appoint d'huile le 2 septembre 2019 ; cela démontre un entretien insuffisant du véhicule, et la connaissance par le loueur d'une perte du fluide assurant la lubrification, qu'il lui appartenait, en tant que loueur et de professionnel, de signaler au locataire, ce qui n'a pas été le cas ; c'est donc une faute du loueur, et non du locataire, qui est démontrée.
Dès lors, les conséquences financières de la panne ne peuvent pas être imputées à la SARL Vivons ensemble au-delà des prévisions du contrat relatives au paiement de la franchise.
Le jugement sera confirmé.
Les dépens d'appel seront supportés par la SAS Camille, dont le recours est mal fondé.
La SAS Camille sera condamnée à verser à la SARL Vivons Ecolo 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs,
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,
Confirme le jugement du 29 septembre 2021,
Y ajoutant,
Condamne la SAS Camille aux dépens d'appel,
Condamne la SAS Camille à payer à la SARL Vivons Ecolo 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Dominique BENON, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,