CA ANGERS (ch. A civ.), 28 mars 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10155
CA ANGERS (ch. A civ.), 28 mars 2023 : RG n° 18/02243
Publication : Judilibre
Extrait : « Or la clause de saisine de l'ordre des architectes préalable à toute action judiciaire, en cas de litige sur l'exécution du contrat, ne peut porter que sur les obligations des parties au regard des dispositions de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance susvisée et n'a donc pas vocation à s'appliquer lorsque la responsabilité de l'architecte est recherchée, même à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1792 du même code.
La fin de non-recevoir tirée du non-respect de cette clause par la SCI ne peut donc qu'être écartée, le jugement étant infirmé sur ce point. »
COUR D’APPEL D’ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
ARRÊT DU 28 MARS 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/02243. N° Portalis DBVP-V-B7C-EM53. Jugement du 25 septembre 2018, Tribunal de Grande Instance d'ANGERS : n° d'inscription au RG de première instance 10/00352.
APPELANTE :
SCI [Localité 7] FAIDHERBE
[Adresse 6], [Localité 4], Représentée par Maître Jean-Baptiste LEFEVRE de la SELARL 08H08 AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMÉ :
Monsieur X.
[Adresse 5], [Localité 3], Représenté par Maître Audrey PAPIN substituant Maître Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS, et Maître Christophe BUFFET, avocat plaidant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 71180478
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 5 avril 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, M. BRISQUET, conseiller, Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée.
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
Greffière lors du prononcé : Mme TAILLEBOIS
ARRÊT : contradictoire ; Prononcé publiquement le 28 mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Catherine MULLER, Conseillère faisant fonction de présidente, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige :
La SCI [Localité 7] Faidherbe (ci-après la SCI), propriétaire d'un terrain bâti situé [Adresse 2], y a fait construire, après démolition de la maison particulière qui s'y trouvait, un immeuble à usage de bureaux et d'habitation avec réhabilitation des garages existants, sous la maîtrise d'œuvre de M. X. (ci-après l'architecte) selon contrat d'architecte en date du 18 octobre 2006.
Cet ensemble immobilier jouxte un immeuble en copropriété situé [Adresse 1] dans lequel Mme Y. a acquis le 4 mars 2005 quatre lots privatifs dont un jardin au fond duquel se trouve une maison d'habitation.
Se plaignant de nuisances diverses, Mme Y. et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] (ci-après le syndicat des copropriétaires) ont fait assigner la SCI le 22 janvier 2010 devant le tribunal de grande instance d'Angers afin d'obtenir la mise en conformité de l'ouvrage avec les prescriptions du permis de construire et les règles d'urbanisme, ce sous astreinte, et le paiement de dommages et intérêts.
Par jugement en date du 13 janvier 2012, le tribunal a, notamment, rejeté la demande de Mme Y. tendant à la réimplantation du mur édifié par la SCI de même que les demandes du syndicat des copropriétaires et ordonné une expertise à l'effet de rechercher l'existence et la cause des désordres allégués (pollutions sonores ou par gaz d'échappement au niveau de l'édicule, mauvaise qualité de réception de la télévision, fissures affectant la maison de Mme Y.), de proposer des solutions techniques pour y remédier ainsi qu'un dispositif conforme à l'article 678 du code civil de nature à supprimer les vues illicites depuis la terrasse de la SCI sur le jardin et la maison de Mme Y. et de donner tous éléments d'appréciation sur les préjudices subis.
M. I., désigné en remplacement de l'expert initialement choisi et dont les opérations ont ensuite été déclarées communes à l'architecte, a déposé son rapport définitif le 26 novembre 2014, dans lequel il conclut que Mme Y. a renoncé à sa réclamation concernant les pollutions sonores ou par gaz d'échappement, que la mauvaise qualité de réception de la télévision n'a pas été constatée, que les lézardes observées uniquement sur la façade principale de la maison de celle-ci ne trouvent pas leur origine dans la construction de l'immeuble de la SCI, mais que la terrasse, accessible aux occupants de cet immeuble jusqu'à l'acrotère qui surplombe l'ancien mur séparatif, permet des vues plongeantes, directes et obliques, sur le fonds de Mme Y., de sorte que les règles fixées à l'article 678 du code civil ne sont pas respectées, et que la nouvelle construction dont le faîtage est à une hauteur supérieure à celle du bâtiment démoli a quelque peu modifié l'ensoleillement du jardin paysagé déjà ombragé par la présence d'arbustes ; il préconise, soit la construction d'un mur en béton cellulaire, soit la mise en place d'un garde-corps vitré métallique, l'un comme l'autre en retrait de la limite de propriété, avec arasement de l'acrotère, application d'un enduit d'imperméabilisation sur la face extérieure du mur pignon du garage, diminution de la hauteur de l'édicule pour ne pas dépasser celle de l'acrotère et mise en place d'un chéneau en zinc recouvrant l'espace entre le pignon du garage et le mur de clôture, pour un coût de 20.784,07 euros HT (solution 1) ou de 20.188,07 euros HT (solution 2), hors arasement de l'édicule, et précise que le maintien de la terrasse accessible nécessite un renforcement du plancher.
Par assignation en date du 11 mars 2016, la SCI a appelé en garantie l'architecte.
Par jugement en date du 25 septembre 2018, le tribunal a :
- entériné le rapport de M. I. du 27 novembre 2014
- débouté Mme Y. de ses demandes pour défaut de la preuve d'une baisse caractérisée de l'ensoleillement de sa propriété du fait des travaux, de ses demandes du chef du désordre invoqué relatif à la mauvaise qualité de réception de la télévision et de ses demandes relativement aux fissures affectant sa maison en ce qu'elles existaient avant l'opération de construction
- dit que le jugement a définitivement retenu que les règles de distance posées par l'article 678 du code civil ne sont pas respectées
- retenu la solution 1 préconisée par l'expert pour la somme de 20 784,07 euros conformément à la demande et condamné la SCI [Localité 7] Faidherbe à faire édifier le mur préconisé par l'expert selon devis W. et D. pour cette somme sous astreinte de 100 euros par jour de retard commençant à courir 4 mois à compter de la signification du jugement
- déclaré irrecevable la demande de la SCI [Localité 7] Faidherbe contre M. X. en application des articles 122 et suivants du code de procédure civile
- condamné la SCI [Localité 7] Faidherbe succombant en application de l'article 700 du code de procédure civile à verser, d'une part, à M. X. la somme de 1.000 euros et, d'autre part, à Mme Y. la somme de 2 500 euros outre les frais d'expertise de M. I.
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
- rejeté toutes autres demandes
- condamné la SCI [Localité 7] Faidherbe aux dépens conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Pour déclarer irrecevable la demande en garantie contre l'architecte, il a considéré que la SCI n'a pas respecté la procédure de saisine pour avis du conseil régional de l'ordre des architectes avant toute procédure judiciaire, prévue au contrat d'architecte en cas de litige portant sur l'exécution du contrat entre les parties.
Suivant déclaration reçue au greffe le 8 novembre 2018, la SCI a relevé appel de ce jugement en ce qu'il déclaré irrecevable sa demande en garantie à l'encontre de l'architecte et l'a condamnée à lui verser une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, intimant l'architecte.
L'intimé a formé appel incident du montant alloué au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 mars 2022.
[*]
Dans ses dernières conclusions récapitulatives n°5 en date du 16 février 2022, la SCI [Localité 7] Faidherbe demande à la cour, au visa des articles 1382 (ancien) et 1792 du code civil, de réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes à l'encontre de M. X. en estimant qu'il existait une fin de non-recevoir liée à l'application d'une clause de saisine préalable de l'ordre régional des architectes alors que son action était consécutive au recours d'un tiers et n'était pas fondée sur la responsabilité contractuelle et qu'en tout état de cause, cette clause doit être réputée non écrite, de réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser une somme de 1.000 euros à M. X. au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, de condamner celui-ci à lui verser les sommes de 17.391,17 euros TTC au titre de la réalisation de travaux destinés à mettre fin à la vue illicite créée sur la propriété de Mme Y. et de 11.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire.
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes, elle fait valoir que la clause invoquée par l'architecte constitue un simple avis préalable « en cas de litige portant sur l'exécution du présent contrat », avis consultatif qui ne lie ni les parties ni le juge et dont l'absence ne cause donc aucun préjudice à l'architecte, qu'elle n'est pas applicable à son recours en garantie exercé contre l'architecte qui, trouvant sa source, non dans un défaut relatif à l'exécution du contrat, mais dans des nuisances subies par des tiers à ce contrat du fait de la construction de l'immeuble, est fondé sur la responsabilité quasi-délictuelle de l'article 1240 (anciennement 1382) du code civil ou, subsidiairement, sur l'article 1792 du même code car un ouvrage causant un dommage à un tiers, telle une vue sur un terrain voisin, constitutive d'un trouble anormal de voisinage, n'est pas conforme à sa destination, qu'en tout état de cause, elle est imprécise faute de prévoir les conditions de forme et de délai de la saisine du conseil de l'ordre et ne constitue donc pas une procédure de conciliation préalable obligatoire dont le non-respect caractériserait une fin de non-recevoir s'imposant au juge et, à titre superfétatoire, qu'elle est manifestement déséquilibrée en ce qu'elle aurait pour effet de l'empêcher de procéder à un appel en garantie dans le cadre d'une procédure engagée par un tiers, protégeant ainsi de façon anormale l'architecte à son détriment, et doit donc être réputée non écrite en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, étant rappelé qu'elle n'est pas un professionnel de la construction.
Sur la responsabilité de l'architecte, elle considère que celui-ci qui a établi les plans devait faire en sorte qu'ils respectent les dispositions de l'article 678 du code civil, la conseiller utilement et prévoir un projet sans risque d'entraîner le recours d'un voisin du fait de la création d'une vue illicite et ne peut donc lui imputer les conséquences de ses fautes, d'autant qu'elle n'était pas particulièrement avertie de la législation relative aux servitudes de vue, qu'à supposer qu'elle soit considérée comme un professionnel de la construction, ce qui n'est pas exact, cela n'exonérerait pas l'architecte de son obligation d'information et qu'il ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en démontrant qu'elle a fait une immixtion fautive sur le chantier ou accepté délibérément de prendre un risque malgré une mise en garde de sa part, ce qui n'est pas le cas car elle n'est pas l'auteur des plans et ne lui a jamais demandé de créer une vue illicite.
Elle sollicite la prise en charge par l'architecte du coût des travaux de construction qu'elle a été condamnée à exécuter, s'élevant à :
- 1.500 euros HT, soit 1.800 euros TTC, au titre des frais de maîtrise d'œuvre,
- 8.866,48 euros HT, soit 10.639,78 euros TTC, au titre des travaux de maçonnerie,
- 4.126,16 euros HT, soit 4.951,39 euros TTC, au titre des travaux de couverture,
soit un total inférieur à celui retenu par l'expert judiciaire.
[*]
Dans ses dernières conclusions n° 3 en date du 16 février 2022, M. X. demande à la cour de :
- dire la SCI [Localité 7] Faidherbe non fondée en son appel et non recevable, en tout cas non fondée en ses demandes et l'en débouter
- constater qu'à aucun moment le conseil régional de l'ordre des architectes n'a été saisi par qui que ce soit et en particulier pas par la SCI [Localité 7] Faidherbe et, en conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de celle-ci à son égard en application des articles 122 et suivants du code de procédure civile
- à défaut, débouter la SCI [Localité 7] Faidherbe de toutes ses demandes contre lui
- réformant le jugement en ce qu'il ne lui a accordé que la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamner la SCI [Localité 7] Faidherbe à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance par application de ce texte et la condamner à lui payer la somme de 3.000 euros au même titre en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens recouvrés conformément à l'article 699 du même code.
Il maintient que la clause du contrat d'architecte selon laquelle « En cas de litige portant sur l'exécution du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le Conseil Régional de l'Ordre des Architectes dont relève (sic) l'architecte, avant toute procédure judiciaire. A défaut d'un règlement amiable, le litige opposant les parties sera du ressort des Juridictions Civiles territorialement compétentes » s'analyse en une clause de conciliation préalable, parfaitement valable et nullement déséquilibrée, entraînant l'irrecevabilité de la demande de la SCI qui n'a pas, préalablement aux poursuites engagées contre lui, saisi le conseil régional de l'ordre des architectes, que cette fin de non-recevoir, indépendante de toute notion de préjudice, n'est pas régularisable en cours d'instance et que les explications de la SCI sur la nature de l'action engagée sont inopérantes car le litige porte sur l'exécution du contrat, seul critère d'application de la clause, et l'article 1792 du code civil n'est manifestement pas le fondement juridique de l'action de celle-ci qui, invoquant également, de façon incompréhensible, la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle de son co-contractant envers elle, ne justifie aucunement que l'aménagement visant à rendre l'ouvrage conforme aux règles de distance du code civil serait nécessaire pour le rendre normalement utilisable pour sa destination.
Sur le fond, il expose que la SCI, professionnel de l'immobilier, supposée être au courant, au demeurant comme tout un chacun, des dispositions de l'article 678 du code civil et de ses implications lors de la réalisation d'une construction, doit seule subir les conséquences des vues créées depuis la terrasse qu'elle a édifiée en toute connaissance de cause et doit, en toute hypothèse, assumer la responsabilité de cette situation dans une proportion d'au moins 80 %.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce,
Sur la fin de non-recevoir :
L'article 4.2 intitulé Résiliation du contrat d'architecte signé le 18 octobre 2006 stipule :
« En cas de litige portant sur l'exécution du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le Conseil Régional de l'Ordre des Architectes dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire.
A défaut d'un règlement amiable, le litige opposant les parties sera du ressort des Juridictions Civiles territorialement compétentes. »
L'action récursoire engagée par la SCI, maître de l'ouvrage, contre l'architecte, maître d'œuvre, vise à obtenir le remboursement, non pas d'indemnités versées à Mme Y., tiers victime du trouble anormal de voisinage induit par les vues illicites sur son jardin et sa maison créées par la construction de l'ouvrage, mais du coût des travaux de mise en conformité de l'ouvrage qu'elle a été condamnée à exécuter sous astreinte pour faire cesser ce trouble, et tend donc à la réparation de son propre dommage, et non de celui du tiers victime dans les droits duquel elle ne prétend pas être subrogée même si elle indique, sans en justifier au travers des simples devis communiqués, avoir fait réaliser ces travaux.
Comme tel et compte tenu du contrat de maîtrise d'œuvre liant la SCI à l'architecte, elle ne peut être fondée que sur la responsabilité contractuelle de droit commun de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, invoquée par la SCI en première instance mais abandonnée en appel, et non sur la responsabilité quasi-délictuelle de l'article 1382 ancien du même code, invoquée par la SCI en première instance comme en appel ou, puisque le dommage est survenu après réception de l'ouvrage, sur la responsabilité décennale de plein droit de l'article 1792 du même code, également invoquée par la SCI en première instance et en appel.
Si, sur ce dernier fondement, il appartient à la SCI de démontrer que le dommage présente le critère de gravité requis par l'article 1792, tel peut être le cas lorsque le dommage rend nécessaires les travaux objets de la demande afin de rendre l'ouvrage normalement utilisable pour sa destination (voir en ce sens l'arrêt publié n° 03-14.217 rendu le 31 mars 2005 par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation), étant rappelé que la caractérisation du dommage et de sa gravité n'est pas une condition de recevabilité de l'action, mais seulement de son succès.
Or la clause de saisine de l'ordre des architectes préalable à toute action judiciaire, en cas de litige sur l'exécution du contrat, ne peut porter que sur les obligations des parties au regard des dispositions de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance susvisée et n'a donc pas vocation à s'appliquer lorsque la responsabilité de l'architecte est recherchée, même à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1792 du même code.
La fin de non-recevoir tirée du non-respect de cette clause par la SCI ne peut donc qu'être écartée, le jugement étant infirmé sur ce point.
Sur la responsabilité décennale de l'architecte :
Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
En outre, l'article 1792-1-1° du même code précise qu'est réputé constructeur tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage.
En l'espèce, les vues plongeantes, directes et obliques qui, comme l'a confirmé l'expert judiciaire, s'exercent au mépris des règles de distance légales de l'article 678 du code civil sur le jardin et la maison de Mme Y. au [Adresse 1] depuis la toiture terrasse du garage de l'immeuble du [Adresse 2], laquelle est accessible aux occupants de cet immeuble jusqu'à l'acrotère surplombant l'ancien mur séparatif des deux fonds, trouvent manifestement leur origine dans la conception même de l'ouvrage, confiée à l'architecte en charge d'une mission complète de maîtrise d'œuvre.
Les travaux que la SCI a été condamnée à exécuter sur son ouvrage à la demande de Mme Y. consistent, selon la solution n° 1 préconisée par l'expert judiciaire et entérinée par le tribunal, à construire sur cette terrasse un mur en maçonnerie enduit sur deux façes, en retrait de 1,90 mètre de la limite de propriété, à araser l'acrotère au-dessus du dallage en gravillons lavés de la terrasse et poser une couvertine, à appliquer un enduit d'imperméabilisation sur la face extérieure du mur pignon en parpaings du garage qui dépasse de l'ancien mur de clôture, à modifier l'édicule de ventilation du garage pour que sa hauteur n'excède pas celle de l'acrotère et à mettre en place un chéneau en zinc recouvrant l'espace entre le pignon du garage et le mur de clôture, avec récupération des eaux pluviales par le conduit intérieur traversant le garage.
Pour leur réalisation, la SCI a obtenu des devis d'un montant inférieur à ceux produits en cours d'expertise par l'architecte, l'un de M. J. en date du 7 janvier 2019 d'un montant de 10.639,78 euros TTC afférent aux travaux de maçonnerie et d'enduit, l'autre de la SARL You en date du 17 janvier 2019 d'un montant de 4.951,39 euros TTC afférent aux travaux de couverture et zinguerie, auxquels s'ajoute la proposition d'honoraires de maîtrise d'œuvre de M. E. en date du 29 janvier 2019 d'un montant de 1.800 euros TTC.
Néanmoins, de tels travaux, à supposer qu'ils aient tous pour objet de supprimer les vues illicites seules en litige, ce qui reste à démontrer pour les travaux d'enduit de la face extérieure du pignon du garage et de recouvrement de l'espace entre ce pignon et l'ancien mur séparatif des fonds, ne s'analysent pas en des travaux de mise en conformité indispensables pour rendre l'ouvrage normalement utilisable pour sa destination dès lors que les vues illicites ne génèrent pas, en elles-mêmes, d'impropriété à destination de l'ouvrage qui, quand bien même il n'y serait pas remédié dans ces conditions, reste apte à son usage normal de bureaux et d'habitation avec garages, le cas échéant en fermant l'accès à la toiture terrasse.
Le dommage allégué n'est donc pas de nature décennale.
La responsabilité de l'architecte ne saurait, dès lors, être engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
Aucun autre fondement adéquat n'étant invoqué, la SCI ne peut qu'être déboutée de son action récursoire.
Sur les demandes annexes :
Partie perdante, la SCI supportera les entiers dépens d'appel.
Elle n'est pas recevable à demander la condamnation de l'architecte aux dépens de première instance comprenant les frais d'expertise judiciaire faute d'avoir relevé appel des dispositions l'ayant condamnée aux dépens de première instance et aux frais d'expertise de M. I., dispositions dont elle ne sollicite d'ailleurs pas l'infirmation au dispositif de ses conclusions d'appelante.
Enfin, en considération de l'équité et de la situation respective des parties, elle versera à l'architecte au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 1° du code de procédure civile, ce en complément de la somme justement allouée à celui-ci au même titre en première instance par confirmation du jugement sur ce point, et sera déboutée de sa demande sur ce fondement.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs :
La cour,
Infirme le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la SCI [Localité 7] Faidherbe contre M. X.
Statuant à nouveau de ce chef,
Déclare la SCI [Localité 7] Faidherbe recevable en son action récursoire contre M. X. mais l'en déboute.
Confirme le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. X. la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La déclare irrecevable en sa demande au titre des dépens de première instance et des frais d'expertise judiciaire.
Y ajoutant,
Condamne la SCI [Localité 7] Faidherbe à verser à M. X. la somme de 1.500 (mille cinq cents) euros en application de l'article 700 1° du code de procédure civile et la déboute de sa demande au même titre.
La condamne aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du même code.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
S. TAILLEBOIS C. MULLER