CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 30 mars 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10158
CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 30 mars 2023 : RG n° 20/03109
Publication : Judilibre
Extrait : « Mme X. était nécessairement consciente du caractère mensonger de sa déclaration puisque elle a expressément « certifié dans ce questionnaire d'état de santé avoir répondu avec exactitude et sincérité aux questions ci-dessus, n'avoir rien déclaré ou omis de déclarer qui puisse induire en erreur les assureurs et reconnais être informée des dispositions de l'article L 113-8 du code des assurances sanctionnant toute réticence ou fausse déclaration. », mention figurant immédiatement au-dessus de la ligne destinée à recueillir la signature par elle apposée et qui n'a pu lui échapper dans sa teneur et son importance. La notice du contrat d'assurance de groupe, qu'elle ne conteste pas lui avoir été remise par le prêteur, rappelle en toutes lettres explicites les dispositions de cet article L. 113-8 qui lui est aujourd'hui opposé. En s'affranchissant ainsi de l'obligation d'exactitude et de sincérité, Mme X. a procédé de manière intentionnelle à une fausse déclaration.
Celle-ci fausse nécessairement l'opinion qu'a eu l'assureur du risque à garantir, puisque s'il avait eu connaissance de l'arrêt de travail et de sa nature par l'intermédiaire de son médecin conseil, comme la réponse OUI l'impliquait, il aurait pu proposer à la candidate à l'assurance d'exclure certains risques ou de l'assurer avec majoration de primes ou encore de refuser de l'assurer. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 30 MARS 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/03109. N° Portalis DBVK-V-B7E-OUPK. Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 juin 2020 du tribunal judiciaire de Béziers : R.G. n° 17/01613.
APPELANTE :
Madame X.
née le [date] à [Localité 5], de nationalité Française, [Adresse 2], [Localité 3], Représentée par Maître Olivier MENUT, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant
INTIMÉE :
SA Allianz Vie
au capital de XXX €, immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° YYY, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés es-qualité audit siège, [Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Maître Jérémy BALZARINI de la SCP LEVY, BALZARINI, SAGNES, SERRE, LEFEBVRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Maître Emmanuelle CARDON de la SCP HERALD, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 FEVRIER 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère, Madame Marianne FEBVRE, Conseillère.
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRÊT : - contradictoire ; - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 24 mai 2004, Mme X. a souscrit un contrat de prêt auprès de la banque Dupuy de Parseval pour un montant de 177.000 € remboursable sur une durée de 15 ans.
Pour assurer ce prêt Mme X. a demandé son adhésion au contrat collectif d'assurance souscrit par la banque auprès de la société Allianz vie (l'assureur), et a notamment opté pour la garantie « arrêt de travail ». A l'occasion de cette demande d'adhésion, Mme X. (l'assurée) a répondu à un questionnaire d'état de santé, dans lequel elle a précisé ne pas avoir subi d'arrêt de travail de plus de 30 jours au cours des 5 dernières années.
Le 31 juillet 2012, Mme X. a été placée en arrêt de travail.
En 2016, Mme X. a sollicité la prise en charge des échéances du contrat de prêt par son assureur à partir du 1er août 2012.
Le 22 juin 2016, la société Allianz a refusé sa prise en charge et annulé l'adhésion de Mme X. au contrat collectif d'assurance au motif que le questionnaire de santé contenait des informations incorrectes, et que cette dernière aurait subi un arrêt de travail de plus de 30 jours en août 2000.
Par un acte du 30 juin 2017, Mme X. a assigné la société Allianz vie devant le tribunal de grande instance de Béziers afin de la voir condamnée à lui verser la somme de 86.048,55 € au titre de la garantie du contrat d'assurance.
Par un jugement en date du 30 juin 2020, le tribunal judiciaire de Béziers a :
- débouté Mme X. de sa demande en paiement de la somme de 86.048, 55 € à l'encontre de la société Allianz vie au titre du contrat d'assurance souscrit par la banque Dupuy de Parseval auprès de la société Allianz vie, assureur, et afin de garantir le prêt consenti le 24 mars 2004 par la banque à Mme X. ;
- rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Allianz vie aux dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Mme X. a relevé appel de ce jugement par une déclaration en date du 27 juillet 2020.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions remises par voie électronique le 6 janvier 2022, Mme X. demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1162 ancien du code civil, de l'article L. 113-8 du code des assurances ainsi que des articles L. 241-1, R. 212-1 et R. 212-2 du code de la consommation, d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a dit que la société Allianz vie est mal fondée à refuser la prise en charge du sinistre déclaré par Mme X. en juin 2016, et de :
- Condamner la société Allianz vie au paiement de la somme de 94.446,75 € représentant les échéances échues couvertes par la garantie arrêt de travail du 1er août 2012 au 31 décembre 2017.
À titre subsidiaire,
- Condamner la société Allianz vie au paiement de la somme de 32.559,60 € représentant les échéances échues couvertes par la garantie arrêt de travail du 3 février 2016 au 31 décembre 2017 ;
en tout état de cause,
- Rejeter toute demande contraire ;
- Condamner la société Allianz vie aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
Par dernières conclusions en date du 18 octobre 2022, la société Allianz vie demande à la cour, au visa des articles L. 113-2 et L. 113-8 du code des assurances, de confirmer le jugement et de :
à titre principal,
- Débouter Mme X. de sa demande de prise en charge au titre de la garantie « Arrêt de travail » du contrat d'assurance collectif ;
à titre subsidiaire,
- Dire que la prise en charge éventuelle du sinistre ne saurait intervenir antérieurement au 22 juin 2016 ;
en tout état de cause,
- Condamner Mme X. au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Mme X. aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la Scp Levy-Balzarini-Serre-Lefebvre, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date 16 janvier 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
La cour est saisie tant de l'appel principal de Mme X. que de l'appel incident de l'assureur.
Pour écarter le moyen de celui-ci relatif à la fausse déclaration intentionnelle, le premier juge a retenu en substance que l'assureur n'établissait pas que Mme X. avait fait l'objet d'un arrêt de travail de plus de 30 jours dans les cinq dernières années, seul délai applicable stipulé à la demande d'affiliation et qu'au demeurant, il n'était pas établi que l'assurée a agi de façon délibérée, toutes motivations dont Mme X. demande confirmation tandis que l'assureur en poursuit l'infirmation.
Il est constant que Mme X., qui ne s'y est d'ailleurs pas trompée, a rempli un questionnaire de santé au soutien de sa demande d'adhésion dès lors que le prêt qu'elle souscrivait était supérieur au montant de 22.638 €, seuil en deçà duquel une simple déclaration d'état de santé était suffisante.
Sur ce questionnaire de santé, Mme X. a répondu NON à la question simple et claire, appelant une réponse de même nature, selon laquelle il lui était demandé d'indiquer si elle avait souffert, au cours des cinq dernières années, de maladie ou d'accident ayant entraîné des arrêts de travail de plus de trente jours.
L'assureur, se prévalant des mentions apposées par le médecin traitant dans l'attestation médicale délivrée le 24 février 2016 a considéré que Mme X. avait procédé à une fausse déclaration puisqu'il y était mentionné « suivi de courte durée en août et septembre 2000 pour un état anxieux transitoire (3 consultations) ».
Ce seul document, comme a pu le retenir le premier juge, ne fait pas preuve d'un arrêt de travail de plus de trente jours dans les cinq ans précédant l'établissement du questionnaire de santé le 24 septembre 2004.
Toutefois, l'assureur ajoute en preuve la formulation suivante contenue dans l'assignation du 30 juin 2017 - qu'il ne produit pas et dont la cour ne peut vérifier la conformité avec l'assertion reproduite- et dans les conclusions d'appelante transmises par voie électronique le 08 octobre 2020 - en possession de la cour qui en a vérifié l'exactitude- selon laquelle « Mme X. a confirmé cette déclaration par la signature de la demande d'adhésion, déclaration qui est exacte puisque le précédent arrêt de travail de plus d'un mois la concernant remontait à l'année 2000, soit plus de 4 ans avant cette déclaration. »
Bien que l'assureur ne l'évoque pas expressément, il invoque alors l'aveu judiciaire de l'article 1383-2 du code civil que la cour est alors à même de retenir contre Mme X. qui fait l'aveu dans l'instance judiciaire par cette phrase qu'elle a supprimé de ses dernières écritures qu'elle avait bien fait l'objet d'un arrêt de travail de plus de trente jours dans les cinq ans précédant le questionnaire de santé.
Mme X. était nécessairement consciente du caractère mensonger de sa déclaration puisque elle a expressément « certifié dans ce questionnaire d'état de santé avoir répondu avec exactitude et sincérité aux questions ci-dessus, n'avoir rien déclaré ou omis de déclarer qui puisse induire en erreur les assureurs et reconnais être informée des dispositions de l'article L 113-8 du code des assurances sanctionnant toute réticence ou fausse déclaration. », mention figurant immédiatement au-dessus de la ligne destinée à recueillir la signature par elle apposée et qui n'a pu lui échapper dans sa teneur et son importance. La notice du contrat d'assurance de groupe, qu'elle ne conteste pas lui avoir été remise par le prêteur, rappelle en toutes lettres explicites les dispositions de cet article L. 113-8 qui lui est aujourd'hui opposé. En s'affranchissant ainsi de l'obligation d'exactitude et de sincérité, Mme X. a procédé de manière intentionnelle à une fausse déclaration.
Celle-ci fausse nécessairement l'opinion qu'a eu l'assureur du risque à garantir, puisque s'il avait eu connaissance de l'arrêt de travail et de sa nature par l'intermédiaire de son médecin conseil, comme la réponse OUI l'impliquait, il aurait pu proposer à la candidate à l'assurance d'exclure certains risques ou de l'assurer avec majoration de primes ou encore de refuser de l'assurer.
Mme X. sera déboutée de ses demandes, le jugement étant confirmé de ce chef par des motifs différents.
Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, Mme X. supportera les dépens d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du même code.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition
Confirme le jugement en toutes ses dispositions
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne Mme X. aux dépens d'appel, avec distraction au profit de l'avocat qui affirme le droit de recouvrement.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT