TGI PARIS (4e ch. 1re sect.), 14 octobre 1996
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1018
TGI PARIS (4e ch. 1re sect.), 14 octobre 1996 : RG n° 95/4303 ; jugement n° 6
(sur appel CA Paris (7e ch. A), 27 oct. 1998 : RG n° 97/7303)
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
QUATRIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
JUGEMENT DU 4 JANVIER 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 95/4303. Jugement n° 6. Assignation du 10 février 1995.
DEMANDERESSE :
Madame X., épouse Y.
demeurant [adresse], Représentée par Maître DOISE Avocat R 018.
DÉFENDERESSE :
UNION DES ASSURANCES DE PARIS UAP
ayant son siège social [adresse], Représentée par la SCP Bernard et Yves BAUDELOT Avocat P 59.
[minute page 2]
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Magistrats ayant délibéré : Monsieur HERALD, Vice-Président, Madame MICHAUD, Juge, Madame LENORMAND, Juge.
GREFFIER : Madame GABRIEL.
DÉBATS : à l'audience du 9 septembre 1996 tenue publiquement.
JUGEMENT : prononcé en audience publique, contradictoire, susceptible d'appel.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 17 avril 1991 Madame Y. a contracté un emprunt auprès du CREDIT LYONNAIS et a adhéré à l'assurance-groupe « garantie de ressources » souscrite par celui-ci auprès de l'UAP ;
[minute page 3] Le 27 juin 1994 Madame Y. ayant perdu son emploi a sollicité la garantie de l'UAP qui l'a refusée au motif que la perte d'emploi n'était pas consécutive à un licenciement ;
Par acte du 10 février 1995, Madame Y. a assigné l'UAP aux fins de la voir condamnée avec exécution provisoire à lui régler la somme de 17.500 francs au titre de l'indemnisation pour perte d'emploi prévue par le contrat N° XX du mois d'août 1994 au mois de février 1995, ainsi que la somme de 2.500 francs par mois pour tout mois couru après le mois de février 1995 jusqu'à une reprise d'activité et à défaut jusqu'au mois de juin 1996 outre celle de 15.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Par conclusions comportant demande additionnelle Madame Y. a porté sa demande initiale à la somme de 32.500 francs du mois d'août 1994 au mois d'août 1995 et au paiement de la somme de 2.500 francs pour tout mois couru après le mois d'août 1995 jusqu'à une reprise d'activité ou jusqu'à la fin de la période de couverture en juin 1996 outre la somme de 15.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Elle soutient principalement que :
- lors de la souscription du contrat elle était employée à durée indéterminée par la Société TREVOIS,
- [minute page 4] à la suite de la mise en redressement judiciaire de la Société TREVOIS elle a été licenciée le 4 août 1993 et compte tenu du préavis son contrat a pris fin le 30 novembre 1993,
- la Société V de V, cessionnaire de l'entreprise TREVOIS, en vertu d'un plan homologué par le Tribunal de Commerce de CORBEIL le 2 septembre 1993, lui a proposé deux contrats successifs à durée déterminée qui ont pris fin le 30 avril 1994,
- l'UAP ne peut prétendre qu'il n'y a pas aléa, son licenciement du 4 août 1993 entrant dans le cadre de la garantie et lui ouvrant les droits à indemnité à compter du 91ème jour suivant le 30 novembre 1993, date d'expiration de son contrat de travail à durée indéterminée,
- la reprise d'activité résultant des contrats à durée déterminée consentis par la Société V de V, a été inférieure à 6 mois puisque cette reprise d'activité n'a pu commencer à courir qu'à partir du 1er décembre 1993 et s'est terminée le 30 avril 1994,
- le contrat d'assurance dispose qu'une activité inférieure à 6 mois ne peut que suspendre les prestations,
- elle continue à payer les primes d'assurance ;
[minute page 5]
L'UAP réplique essentiellement que :
- le risque prévu au contrat ne s'est pas réalisé puisque Madame Y n'a pas perdu son emploi suite à un licenciement mais se trouve sans activité professionnelle pour fin d'un contrat à durée déterminée,
- il est normal que les primes d'assurance soient prélevées, le contrat de prêt étant en cours et Madame Y. bénéficiant toujours d'une garantie chômage ;
Elle conclut au rejet des demandes ;
Madame Y. rétorque essentiellement que :
- l'aléa doit s'apprécier au moment de la conclusion du contrat et non au cours de celui-ci,
- les contrats à durée déterminée conclus avec la Société V et V sont indissociables du contrat initial et son activité était strictement identique,
- en toute hypothèse la reprise de travail n'a été que de 5 mois,
- l'UAP fait preuve d'une totale mauvaise foi ;
[minute page 6] Dans le dernier état de ses écritures, Madame Y. précise qu'elle n'a pas retrouvé d'emploi et entend actualiser sa demande, sollicitant la condamnation de l'UAP au paiement de la somme de 55.000 francs au titre de l'indemnisation pour perte d'emploi du mois d'août 1994 au mois de mai 1996 ainsi que celle de 2.500 francs pour tout mois couru après le mois de mai 1996 jusqu'à une reprise d'activité ou à défaut jusqu'au mois de juin 1996, avec intérêts de droit à compter de chaque échéance et capitalisation lorsqu'ils auront été dus pour une année entière ;
Elle sollicite en outre la condamnation de l'UAP au paiement de 15.000 francs à titre de dommages-intérêts et 15.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Aux termes du contrat d'assurance ayant pour objet de garantir le risque « perte d'emploi » auquel Madame Y. a adhéré le 17 avril 1991, il est précisé sous la rubrique « Admission à l'Assurance » que les emprunteurs immobiliers du CREDIT LYONNAIS sont admissibles si lors de l'acceptation du prêt ils exercent une activité salariée depuis au moins six mois chez un même employeur, ils sont susceptibles de bénéficier d'allocations ASSEDIC dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée et ne sont pas au chômage ou en préavis de licenciement ;
[minute page 7] Sous la rubrique « Risques couverts-Risques Exclus » il est stipulé « l'assurance couvre le risque de chômage total consécutif à un licenciement et donnant lieu à attribution des allocations dont il est fait mention dans cette notice » et « sont exclus.... les fins de contrat de travail à durée déterminée (emplois temporaires, saisonniers...) » ;
Le 4 août 1993 Maître LIBERT es qualité d'administrateur judiciaire de la Société TREVOIS a notifié à Madame Y. son licenciement pour motif économique, lui laissant le choix d'adhérer à la convention de conversion son licenciement prenant alors effet le 11 août, jour précédant son entrée en conversion, ou d'y renoncer auquel cas son préavis, qu'elle était dispensée d'effectuer, débuterait le 7 août 1993 ;
Il ressort des documents produits que Madame Y. a accepté la convention de conversion et par contrat de travail du 9 septembre 1993, elle a été engagée par la Société V de V - Division TREVOIS, en qualité d'assistante du directeur des ventes pour une durée de 4 mois et demi du 18 août 1993 au 31 décembre 1993 ;
Par avenant de renouvellement en date du 20 décembre 1993 la Société V de V Division TREVOIS a renouvelé le contrat expirant le 31 décembre 1993 pour une durée de 4 mois expirant le 30 avril 1994 ;
[minute page 8] Madame Y. a sollicité la prise en charge de l'UAP à compter du 1er mai 1994, laquelle l'a refusée au motif que les fins de contrats à durée déterminée sont exclues conformément aux dispositions contractuelles, expliquant par ailleurs que l'aléa n'existe plus dans un contrat à durée déterminée ;
Certes, comme le fait observé Madame Y., l'existence de l'aléa dans un contrat d'assurance doit s'apprécier au jour de sa signature et lors de son adhésion le 17 avril 1991, le risque de chômage n'était ni certain dans sa réalisation ni déterminable ;
Toutefois, même si l’aléa existait au moment de la souscription du contrat, la garantie de l'assureur ne peut être mise en jeu que si le risque objet de l'assurance se réalise ;
Il importe donc de déterminer si à la date du 1er mai 1994 le risque garanti, à savoir « le chômage total consécutif à un licenciement et donnant lieu à attribution des allocations (ASSEDIC) était réalisé » ;
Or il ressort clairement des documents ci-dessus analysés que Madame Y. s'est trouvée au chômage à compter du 1er mai 1994 à la suite de l'expiration du contrat de travail à durée déterminée conclu avec la Société V de V - Division TREVOIS le [minute page 9] 9 septembre 1993 pour la période du 18 août 1993 au 31 décembre 1993 et renouvelé à cette date pour une période de quatre mois jusqu'au 30 avril 1994 ;
Madame Y. ne peut valablement prétendre que ce contrat est indissociable du contrat de travail à durée indéterminée qui la liait initialement à la Société TREVOIS au motif que les bulletins de paie relatifs au contrat à durée déterminée mentionnaient son ancienneté depuis 1969, dans la mesure où elle a été effectivement licenciée par lettre du 4 août 1993 émanant de Maitre LIBERT administrateur judiciaire de la Société TREVOIS ;
Elle ne peut davantage prétendre que son contrat de travail avec la Société TREVOIS s'est poursuivi jusqu'à l'expiration de son préavis le 30 novembre 1993 puisque, conformément à la possibilité offerte par Maître LIBERT dans sa lettre du 4 août 1993 elle a choisi la convention de conversion et son licenciement est devenu effectif la veille de son entrée en conversion laquelle est survenue le 18 août 1993 ;
Madame Y. ne peut non plus tirer argument du fait que la Société TREVOIS lui a remis le 19 juillet 1994 un certificat de travail précisant qu'elle a été employée dans cette entreprise du 3 mars 1969 au 30 novembre 1993 ;
[minute page 10] En effet un certificat de travail émanant de la Société V de V - Division TREVOIS établit qu'elle a été employée dans cette société du 18 août 1993 au 30 avril 1994, ce qui a été à nouveau confirmé lors de l'établissement de son dossier pour obtenir des indemnités auprès des ASSEDIC ainsi que pour solliciter la garantie de l'UAP ;
Enfin le fait que les primes d'assurance continuent à être prélevées est sans incidence dans la présente affaire, l'assurance étant liée au contrat de prêt souscrit auprès du CREDIT LYONNAIS dont le remboursement expire en 1999 et Madame Y. pouvant bénéficier d'une prise en charge dans le cadre d'un nouvel emploi durée indéterminée suivi d'un licenciement ;
Ainsi à la suite de son licenciement par la Société TREVOIS, Madame Y. a été immédiatement embauchée par la Société V de V - Division TREVOIS pour une durée de 4 mois 1/2 renouvelée le 31 décembre 1993 pour une durée de 4 mois, soit au total pour une durée de 8 mois 1/2 ;
Dans ces conditions Madame Y. ne peut bénéficier des dispositions du contrat d'assurance aux termes desquelles « toute reprise d'activité interrompant le paiement des prestations et d'une durée inférieure à six mois, sera considérée comme une simple suspension des indemnités » ;
Au 1er mai 1994 elle s'est donc trouvée sans emploi en raison de la venue à expiration d'un contrat à durée déterminée, risque exclu par le contrat d'assurance ;
[minute page 11] Les demandes de Madame Y. doivent être rejetées ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Déclare Madame Y. mal fondée en ses demandes,
L'en déboute,
La condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Fait et jugé à PARIS, le 14 OCTOBRE MIL NEUF CENT QUATREVINGT SEIZE
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT