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CA TOULOUSE (2e ch. JME), 13 avril 2023

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (2e ch. JME), 13 avril 2023
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 2e ch.
Demande : 19/01253
Décision : 23/71
Date : 13/04/2023
Nature de la décision : Sursis a statuer
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 11/03/2019
Numéro de la décision : 71
Référence bibliographique : 9742 (prêt en monnaie étrangère)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10224

CA TOULOUSE (2e ch. JME), 13 avril 2023 : RG n° 19/01253 ; ord. n° 71

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Après examen des pièces et de la position du conseiller de la mise en état en 2020, il apparaît que la décision pénale définitive doit intervenir d'ici quelques mois, sauf pourvoi formé contre cette décision de la cour d'appel de Paris à venir.

Par ailleurs, la communication de cet arrêt sera nécessaire à la cour d'appel de Toulouse, dans le cadre du litige civil et aux fins d'une bonne administration de la justice, pour d'une part, mieux juger du caractère abusif des clauses critiquées du contrat en raison, ou bien à défaut, de leur caractère trompeur au sens pénal et d'autre part, pour évaluer la réparation du préjudice certain éventuellement subi par les emprunteurs alors que des dommages-intérêts leur auront, ou non, déjà été alloués en qualité de parties civiles au titre des pratiques concurrentielles trompeuses.

C'est d'ailleurs, pour aboutir à ces deux finalités que le conseiller de la mise en état avait statué le 15 octobre 2020 alors que les époux Y., requérants, avaient sollicité et obtenu le sursis à statuer, après lui avoir communiqué le jugement du tribunal correctionnel de Paris dont la banque avait relevé appel. Ils ne peuvent se prévaloir aujourd'hui de la longueur de la procédure civile alors qu'ils en sont à l'origine et que la banque avait demandé, à titre principal, de déclarer cette demande de sursis à statuer irrecevable.

Il convient de rejeter la demande de révocation de sursis à statuer des époux, et ce au moins jusqu'à l'arrêt correctionnel de la cour d'appel de Paris. Il serait d'ailleurs opportun que les époux Y. communiquent cet arrêt à la cour dès sa notification. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

DEUXIÈME CHAMBRE

ORDONNANCE DU 13 AVRIL 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/01253. N° Portalis DBVI-V-B7D-M27A. Décision déférée - 28 janvier 2019 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE – RG. n° 17/01668.

ORDONNANCE N° 71.

Le treize Avril deux mille vingt trois, nous, V. SALMERON, magistrat chargé de la mise en état, assistée de A. CAVAN, greffier, avons rendu l'ordonnance suivante, dans la procédure suivie entre :

 

APPELANTE :

Madame X. épouse Y.

demeurant [Adresse 2], Représentée par Maître Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de TOULOUSE, Assistée par Maître Charles CONSTANTIN-VALLET de la SELARL CONSTANTIN-VALLET, avocat au barreau de PARIS

Monsieur Y.

demeurant [Adresse 2], Représenté par Maître Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de TOULOUSE, Assisté par Maître Charles CONSTANTIN-VALLET de la SELARL CONSTANTIN-VALLET, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉS :

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

demeurant [Adresse 1], Représentée par Maître Catherine BENOIDT-VERLINDE de la SCP CABINET MERCIE - SCP D'AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE, Assistée par Maître Philippe METAIS de la SCP WHITE & CASE LLP, avocat au barreau de PARIS

SARL JADE CONSEIL

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 3], Représentée par Maître Jérôme NORAY-ESPEIG de la SELARL NORAY-ESPEIG, avocat au barreau de TOULOUSE

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par déclaration en date du 11 mars 2019, Y. et son épouse X. ont relevé appel du jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 28 janvier 2019.

Par ordonnance en date du 15 octobre 2020, le conseiller de la mise en état s'est déclaré incompétent pour saisir la Cour de justice de l'union européenne des questions préjudicielles posées par les époux Y., a ordonné le sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale suivie devant la cour d'appel de Paris à l'encontre de la société BNP Paribas personnel finances (BNP PPF) pour pratiques commerciales trompeuses et recel de ce délit, dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de communiquer les décisions qui seront rendues à la suite de l'appel interjeté par la BNP PPF à l'encontre du jugement du 28 février 2020, a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de 'article 700 du code de procédure civile (CPC), et a dit que les dépens suivront le sort du principal.

Par conclusions en date du 3 février 2023, les époux Y. ont saisi le magistrat chargé de la mise en état d’un incident de procédure aux fins de révoquer le sursis.

L'incident a été fixé à l'audience du 9 mars 2023 à 10H35.

[*]

Vu les conclusions des époux Y. du 3 février 2023 demandant, au visa des articles 907 et 377 et suivants du Code de procédure civile, de la directive 93/13/CEE et la jurisprudence de la CJUE, de :

- ordonner la révocation du sursis à statuer ordonné par ordonnance du Conseiller de la mise en état du 15 octobre 2020 ;

- renvoyer l'affaire à la mise en état pour conclusions de BNP PPF et de JADE CONSEIL ; -réserver les dépens.

[*]

Vu les conclusions en date de la BNP PPF du 1er mars 2023 qui a demandé de lui donner acte qu'elle s'en rapportait à justice s'agissant de la révocation du sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale, actuellement pendante devant la Cour d'appel de Paris saisie de l'appel du jugement rendu par la 13ème chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Paris le 26 février 2020.

[*]

Vu les conclusions de la sarl Jade conseil en date du 3 mars 2023 qui a demandé, au visa des articles 378, 696, 699 et 700 du Code de procédure civile, de :

- Rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et en tous les cas mal fondées,

- Rejeter la demande des époux Y. de révoquer le sursis à statuer de la présente instance ordonnée par le Conseiller de la mise en état de la deuxième chambre de la Cour d'appel de Toulouse le 15 octobre 2020 dans l'attente de :

* D'une part, d'une décision définitive dans l'affaire pendante devant la chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Paris et ce conformément à l'ordonnance rendue par la cour d'appel de Céans ;

* Et d'autre part, des arrêts des Cours d'appel de renvoi après cassation tranchant la question du caractère abusif de certaines clauses de contrat de prêt.

- Condamner tout succombant à payer à la société JADE CONSEIL la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SELARL NORAY ESPEIG, avocat au barreau de Toulouse.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la décision :

Au visa de la combinaison des articles 907, 789 et 377 et suivants du CPC, le juge peut, suivant les circonstances, révoquer le sursis ou en abréger le délai.

Les époux Y., qui étaient à l'origine de la demande de sursis à statuer prononcé le 15 octobre 2020, en demandent désormais la révocation sans attendre la décision pénale d'appel. Ils font valoir que le contrat de prêt Helvet Immo contient de nombreuses clauses abusives qui doivent être réputées non écrites en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation et de la jurisprudence de la cour de cassation et de la CJUE. Les demandes des époux Y. doivent, selon eux, pouvoir être jugées sans attendre l'issue des décisions pénales à [Localité 4] pour pratiques concurrentielles trompeuses et font valoir que le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne impose au juge national de ne pas laisser perdurer une situation par laquelle une clause abusive continuerait à produire ses effets à l'égard d'un consommateur.

La SA BNP PPF rappelle le contexte de cette affaire dont les premiers juges ont dit les demandes des emprunteurs irrecevables comme prescrites et les ont déboutés de leur action contre la banque, et insiste sur le fait qu'elle a relevé appel du jugement correctionnel du tribunal judiciaire de Paris rendu le 26 février 2020 et que l'audience en appel est fixée les 15 mais et 7 juin 2023, audiences au cours desquelles les emprunteurs apparaissent comme parties civiles.

S'en « rapportant à justice » sur la demande de révocation, il convient d'en déduire, au sens juridique de cette expression, qu'elle s'y oppose sans autre explication.

La société Jade conseil s'oppose à la révocation du sursis demandée en faisant valoir que le sursis a été ordonné dans l'attente d'une décision définitive à intervenir dans la procédure pénale diligentée à [Localité 4].

Elle insiste sur le fait que la jurisprudence européenne citée par les emprunteurs, notamment au regard des trois arrêts de la CJUE du 10 juin 2021 dans le cadre de contrats de prêt hypothécaire libellé en francs suisse, ne tranche pas les litiges nationaux et qu'il reste aux juridictions françaises à apprécier souverainement du caractère abusif allégué des clauses contractuelles, question qui n'a pas été encore tranchée au niveau national. Il est donc, selon elle, opportun en l'espèce d'attendre l'issue définitive du procès pénal sur le caractère trompeur des pratiques concurrentielles dénoncées avant de statuer sur le litige civil.

[*]

Après examen des pièces et de la position du conseiller de la mise en état en 2020, il apparaît que la décision pénale définitive doit intervenir d'ici quelques mois, sauf pourvoi formé contre cette décision de la cour d'appel de Paris à venir.

Par ailleurs, la communication de cet arrêt sera nécessaire à la cour d'appel de Toulouse, dans le cadre du litige civil et aux fins d'une bonne administration de la justice, pour d'une part, mieux juger du caractère abusif des clauses critiquées du contrat en raison, ou bien à défaut, de leur caractère trompeur au sens pénal et d'autre part, pour évaluer la réparation du préjudice certain éventuellement subi par les emprunteurs alors que des dommages-intérêts leur auront, ou non, déjà été alloués en qualité de parties civiles au titre des pratiques concurrentielles trompeuses.

C'est d'ailleurs, pour aboutir à ces deux finalités que le conseiller de la mise en état avait statué le 15 octobre 2020 alors que les époux Y., requérants, avaient sollicité et obtenu le sursis à statuer, après lui avoir communiqué le jugement du tribunal correctionnel de Paris dont la banque avait relevé appel. Ils ne peuvent se prévaloir aujourd'hui de la longueur de la procédure civile alors qu'ils en sont à l'origine et que la banque avait demandé, à titre principal, de déclarer cette demande de sursis à statuer irrecevable.

Il convient de rejeter la demande de révocation de sursis à statuer des époux, et ce au moins jusqu'à l'arrêt correctionnel de la cour d'appel de Paris. Il serait d'ailleurs opportun que les époux Y. communiquent cet arrêt à la cour dès sa notification.

Les dépens de l'instance et les demandes de frais irrépétibles sont réservés jusqu'à l'arrêt au fond.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

Le magistrat chargé de la mise en état,

- rejette la demande de révocation du sursis à statuer prononcée le 15 octobre 2020 ;

- renvoie le dossier à l'audience de mise en état du 11 mai 2023

Le greffier                                         Le magistrat chargé de la mise en état