CA LYON (1re ch. civ. A), 22 juin 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10308
CA LYON (1re ch. civ. A), 22 juin 2023 : RG n° 21/01437
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « En effet, peu important que Locam se qualifie de société de financement, il s'avère que le contrat litigieux est un simple contrat de location d'un matériel moyennant paiement de loyers mensuels au propriétaire du bien qu'est en l'espèce Locam et ne correspond pas à une opération connexe à une opération de banque qui relèverait de la catégorie des services financiers. Les dispositions du code de la consommation s'appliquent doc au présent litige ».
2/ « Le contrat ayant été souscrit à [Localité 3], lieu du siège social de la société appelante, il ne peut être contesté qu'il a été conclu hors l'établissement de la société Locam. Il incombe cependant à la société Couscous Express qui se prévaut des dispositions légales protectrices rappelées ci-avant de rapporter la preuve qu'elle comptait moins de 5 salariés à la date du contrat. Or, la société Couscous Express ne produit aucune pièce au soutien de ses moyens. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A
ARRÊT DU 22 JUIN 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/01437. N° Portalis DBVX - V - B7F – NNTP. Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ÉTIENNE, Au fond du 26 janvier 2021 : RG : 2020J00805.
APPELANTE :
SAS COUSCOUS EXPRESS
[Adresse 2], [Adresse 2], représentée par la SELARL ABADA, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE
INTIMÉE :
SAS LOCAM
[Adresse 1], [Adresse 1], représentée par la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE
Date de clôture de l'instruction : 8 mars 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 26 avril 2023
Date de mise à disposition : 22 juin 2023
Audience présidée par Anne WYON, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré : - Anne WYON, président - Julien SEITZ, conseiller - Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 9 septembre 2019 à [Localité 3], la société Couscous Express a souscrit un contrat de location de deux scooters électriques auprès de la société Locam. Ce contrat prévoyait le versement de 48 loyers mensuels de 364,93 euros TTC chacun après paiement d'un dépôt de garantie de 1.931 euros.
Le 5 décembre suivant, elle a signé le bon de livraison et de conformité des scooters, de même la société U'MOB, fournisseur.
Par lettre recommandée du 20 avril 2020, dont l'accusé de réception n'a pas été signé par la destinataire, la société Locam a mis la société Couscous Express en demeure de payer la somme de 3.025,79 euros au titre des loyers de décembre 2019, février, mars et avril 2020 restés impayés, indiquant que faute de paiement dans les 8 jours elle se prévaudrait de la déchéance du terme.
Par acte d'huissier de justice du 17 novembre 2020, elle a saisi le tribunal de commerce de Saint-Etienne qui, par jugement réputé contradictoire du 26 janvier 2021, a :
- condamné la société Couscous Express à payer à la société Locam la somme de 20.589,56 euros, clause pénale de 10 % comprise, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- condamné la société Couscous Express à payer à la société Locam la somme de 100 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que les dépens seront payés par la société Couscous Express ;
- le tout avec exécution provisoire.
Par déclaration du 25 février 2021, la société Couscous Express a relevé appel de ce jugement.
[*]
Par conclusions déposées au greffe le 10 novembre 2021, la société Couscous Express demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,
- à titre principal :
* prononcer la nullité du contrat de location de longue durée pour défaut de mention du délai de rétractation et ordonner le remboursement de la mensualité versée ;
* débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- à titre subsidiaire :
* prononcer la nullité de la déchéance du terme du contrat prononcée pendant la période juridiquement protégée ;
* constater la restitution du matériel loué entre les mains de la société Locam ;
* dire et juger le contrat résilié d'un commun accord entre les parties ;
* débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- à titre infiniment subsidiaire :
* dire et juger que les sommes réclamées par la société Locam constituent une clause pénale soumise au pouvoir de modération de la cour,
* constater que le matériel a été restitué dans un état neuf sans avoir pu être utilisé ;
* avant dire droit, ordonner à la société Locam de justifier du sort de ces scooters et de leur éventuelle commercialisation ;
* ramener les demandes de la société Locam à la somme de un euro ;
* accorder à la société Couscous Express les plus larges délais de paiement pour s'acquitter des sommes qui resteraient éventuellement dues ;
- en tout état de cause, condamner la société Locam à lui verser 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens comprenant « celle » de première instance, ceux d'appel distraits au profit de Maître Houda Abada, Selarl Abada sur son affirmation de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La société Couscous Express qui exerce une activité professionnelle de restauration rapide fait essentiellement valoir qu'en raison de la pandémie due au Covid et des inondations régionales de décembre 2019, elle n'a pu verser aucun loyer, que la société Locam lui a adressé une mise en demeure par courrier recommandé avec accusé de réception le 20 avril 2020 pendant la période juridiquement protégée, a prononcé la déchéance du terme, et a obtenu restitution des scooters.
Elle fait valoir que le contrat a été conclu hors établissement puisqu'il a été signé à [Localité 3], qu'elle peut se prévaloir des dispositions des articles L. 225-5, L. 221-9, L. 221-5, L. 121-21 et L. 242-1 du code de la consommation, que son activité n'a aucun lien avec la location de scooters électriques et qu'elle bénéficiait d'un droit de rétractation qui n'a pas été respecté, de sorte que le contrat est nul et que la société Locam doit être condamnée à lui restituer les sommes perçues.
À titre subsidiaire, elle se prévaut d'un accord verbal qui l'a autorisée à suspendre le paiement des loyers et demande à la cour de constater que le contrat a été résilié d'un commun accord entre les parties, sans indemnité aucune.
[*]
Par conclusions déposées au greffe le 26 août 2021, la société Locam demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société Couscous Express à lui régler une nouvelle indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner en tous les dépens d'instance et d'appel.
Elle fait essentiellement valoir que :
- l'appelante a interrompu le paiement des échéances dès le 10 décembre 2019, bien avant la survenance de la crise sanitaire, et n'a pas restitué les scooters électriques.
- l'établissement du bon de commande des véhicules et de la demande de location financière ne résulte pas d'un démarchage de la société U'MOB, fournisseur des scooters, mais d'une demande de l'appelante qui cherchait à disposer de moyens de livraison à domicile silencieux et économiques en énergie.
- cette prise en location entre dans le champ de son activité principale au sens de l'article L. 221-3 du code de la consommation,
- la société Couscous Express ne justifie pas qu'elle employait moins de cinq salariés lors de la conclusion du contrat de location, et ne bénéficie pas du droit de rétractation qu'elle invoque,
- sa propre activité échappe au champ d'application du dispositif régissant les contrats conclus hors établissement ; il a été jugé qu'un tel contrat conclu avec une société de financement agréée correspond à un service financier et ne peut être annulé sur le fondement de l'article L. 121-21 ancien du code de la consommation,
- elle se prévaut du jeu de la clause résolutoire antérieurement à l'expiration de l'ordonnance du 25 mars 2020 qui n'a pas suspendu l'obligation des locataires de payer leurs loyers, ce qui l'autorisait à délivrer la mise en demeure ; en toute hypothèse, elle invoque l'assignation du 7 novembre 2020 qui vaut mise en demeure ;
- le caractère manifestement excessif de la clause pénale n'est pas démontré,
- elle s'oppose à l'octroi de délais de paiement faute par l'appelante de justifier d'une situation précaire.
[*]
Il convient et faute de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motivation :
Contrairement à ce que soutient la société Locam, ce contrat de location n'entre pas dans la catégorie des services financiers exclus du champ d'application des dispositions précitées du code de la consommation par l'article L. 221-2 4°, et visés par les articles L. 311-2 ou L. 511.21 du code monétaire et financier, encore par la directive communautaire du 25 octobre 2011, transposée en droit interne par les articles précités, qui qualifie de service financier « tout service ayant trait à la banque, au crédit ».
En effet, peu important que Locam se qualifie de société de financement, il s'avère que le contrat litigieux est un simple contrat de location d'un matériel moyennant paiement de loyers mensuels au propriétaire du bien qu'est en l'espèce Locam et ne correspond pas à une opération connexe à une opération de banque qui relèverait de la catégorie des services financiers. Les dispositions du code de la consommation s'appliquent doc au présent litige.
Selon les dispositions de l'article L. 221-1 a) du code de la consommation, dans sa version applicable à la date de conclusion du contrat, est considéré comme contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur.
Ce même texte définit le contrat de fourniture de services comme celui par lequel le professionnel s'engage à fournir un service au consommateur en contrepartie duquel le consommateur en paie ou s'engage à en payer le prix.
L'article L. 221-3 étend l'application des dispositions précitées aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet des contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
L'article L. 221-5 prévoit que préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations qu'il énumère dont celles relatives au droit de rétraction lorsqu'il existe ainsi qu'un formulaire type de rétractation.
Enfin, en vertu de l'article L. 221-8, les mêmes informations doivent être remises dans le cas d'un contrat conclu hors établissement et en outre un tel contrat, pour lequel un droit de rétractation existe, doit être accompagné du formulaire type de rétractation prévu à l'article L. 221-5.
Le contrat ayant été souscrit à [Localité 3], lieu du siège social de la société appelante, il ne peut être contesté qu'il a été conclu hors l'établissement de la société Locam.
Il incombe cependant à la société Couscous Express qui se prévaut des dispositions légales protectrices rappelées ci-avant de rapporter la preuve qu'elle comptait moins de 5 salariés à la date du contrat. Or, la société Couscous Express ne produit aucune pièce au soutien de ses moyens.
Dans ces conditions, elle ne démontre ni qu'elle bénéficiait du droit de rétractation prévu par le code de la consommation et que le contrat est atteint de nullité, ni que le contrat a été résilié d'un commun accord des parties. Ainsi que le fait valoir la société Locam, la société Couscous Express ne peut se prévaloir de la période « protégée » qui a uniquement reporté les effets de la déchéance du terme au 23 juin 2020, date à laquelle elle aurait pu faire échec à la résiliation du contrat soit en réglant les échéances échues impayées, soit en obtenant des délais de paiement, ce qui n'est pas le cas.
Enfin, elle ne justifie aucunement de la restitution des scooters, ni de sa situation financière qui permettrait à la cour d'apprécier le caractère excessif ou non de la somme réclamée à titre de clause pénale.
Il n'y a pas lieu d'enjoindre à la société Locam de justifier du sort des scooters, en l'absence d'élément démontrant qu'elle en aurait pris possession.
C'est pourquoi la cour, constatant que la société Locam produit le décompte qui justifie du montant de sa créance, ne peut que confirmer le jugement critiqué dans toutes ses dispositions, et rejeter la demande de délais de paiement formée par la société Couscous Express sans aucune justification de sa situation financière à l'appui de sa réclamation sur ce point.
La société Couscous Express, partie perdante, supportera les dépens d'appel, les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile étant rejetées pour des raisons tirées de l'équité.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Étienne le 26 janvier 2021 ;
Y ajoutant,
Déboute la société Couscous Express de sa demande de délais de paiement ;
La condamne aux dépens, et rejette les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT