CA ORLÉANS (ch. com.), 22 juin 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10337
CA ORLÉANS (ch. com.), 22 juin 2023 : RG n° 20/02699 ; arrêt n° 107-23
Publication : Judilibre
Extrait : « La clause de déchéance du terme litigieuse permet au prêteur de déclarer exigible la totalité du prêt dans l'hypothèse de l'inexécution par l'emprunteur d'une obligation qui présente un caractère essentiel et pour un cas dans lequel l'inexécution revêt un caractère suffisamment grave pour justifier l'anéantissement du contrat, puisque la vente de l'immeuble financé, a fortiori lorsqu'il est à destination locative, peut compromettre le remboursement des prêts.
Cette clause n'a donc ni pour objet ni pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l'emprunteur, au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation.
En cas d'inexécution de son engagement par le débiteur, sa bonne foi est sans incidence sur l'acquisition de la clause résolutoire (v. par ex. Civ. 3e, 24 septembre 2003, n° 02-12.474).
Dès lors que Mme X. ne conteste pas avoir vendu l'immeuble objet des prêts litigieux sans autorisation de la Caisse d'épargne, Mme X., qui n'a pas employé le produit de la vente au remboursement de ses prêts, mais au règlement d'une autre dette, ne peut donc utilement faire valoir qu'elle a continué à régler mensuellement les échéances du prêt.
Dès lors que la clause de déchéance du terme ne peut être paralysée par la bonne foi de l'emprunteur, mais seulement par la mauvaise foi du prêteur, et que Mme X. n'établit pas que la Caisse d'épargne, dont elle avait diminué le gage général en vendant l'immeuble locatif financé, aurait agi de mauvaise foi, il y a lieu de considérer que l'appelante n'a fait qu'exercer son droit en mettant en œuvre la clause des contrats de prêts qui lui permettait d'exiger leur remboursement anticipé. »
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
ARRÊT DU 22 JUIN 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/02699. Arrêt n° 107-23. N° Portalis DBVN-V-B7E-GILS. DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ORLÉANS en date du 2 décembre 2020.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: XXX
SA CAISSE d'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE LOIRE-CENTRE
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 5], [Localité 3], Ayant pour avocat Maître Pierre-Yves WOLOCH, membre de la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS, D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: YYY
Madame X. épouse Y.
née le [Date naissance 1] à [Localité 7], [Adresse 2], [Localité 4], Ayant pour avocat Me Benoit DE GAULLIER DES BORDES, membre de la SCP LEMAIGNEN - WLODYKA - DE GAULLIER, avocat au barreau d'ORLÉANS, D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 21 décembre 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 5 mai 2022
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du JEUDI 4 MAI 2023, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 805 du code de procédure civile.
Lors du délibéré : Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller
Greffier : Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT : Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 22 JUIN 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon offre acceptée le 9 août 2011, la Caisse d'épargne et de prévoyance Loire- Centre (ci-après la Caisse d'épargne) a consenti à Mme X. épouse Y. deux prêts immobiliers destinés à financer l'acquisition d'un logement locatif :
- un prêt n° 8XX625 d'un montant de 20 .000 euros, remboursable en 120 échéances de 204,963 euros incluant les primes d'assurance et les intérêts au taux conventionnel de 3,73 % l'an,
- un prêt n° 8YY626 d'un montant de 40.150 euros, remboursable en 240 échéances de 186,87 euros incluant les primes d'assurance et les intérêts au taux conventionnel de 4,60 % l'an.
Le 17 avril 2019, la Caisse d'épargne a provoqué la déchéance du terme de ses deux concours au motif que, en violation des conditions générales, Mme X. avait vendu son immeuble sans rembourser les prêts ayant servi à le financer.
Par courriers datés du 19 avril 2019, adressés sous plis recommandés réceptionnés le 25 avril suivant, la Caisse d'épargne a informé Mme X. de cette situation en la mettant en demeure de lui régler, pour solde respectif de chacun des prêts, la somme de 5.863,29 euros et celle de 40.149,59 euros.
Par acte du 18 novembre 2019, la Caisse d'épargne a fait assigner Mme X. en paiement devant le tribunal de grande instance d'Orléans.
Par jugement réputé contradictoire du 2 décembre 2020, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- déclaré l'action et les demandes formulées par la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Loire- Centre recevables,
- débouté la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Loire Centre de ses demandes aux fins de condamner Mme X. épouse Y. à lui payer la somme totale, sauf mémoire, erreur ou omission de 5.908,66 euros au titre du prêt n°8XX625, et la somme totale, sauf mémoire, erreur ou omission de 40.561,60 euros au titre du prêt n°8YY626, outre les intérêts de retard dus au taux conventionnel de 3,73 % du 4 octobre 2019 jusqu'à parfait paiement,
- condamné la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Loire Centre à payer les entiers dépens de la présente instance,
- débouté la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Loire Centre de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement.
Pour statuer comme ils l'ont fait, les premiers juges ont retenu que s'il résultait de l'article 16 de chacun des contrats de prêts litigieux que ceux-ci étaient résiliés et que les sommes prêtées devenaient immédiatement exigibles en cas de vente du bien financé, la Caisse d'épargne n'établissait pas que Mme X. avait vendu le logement financé.
La Caisse d'épargne a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 21 décembre 2020, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause lui faisant grief.
[*]
Dans ses dernières conclusions remises le 27 juillet 2021 par voie électronique, signifiées le 18 août suivant à Mme X., et auxquelles il convient de référer pour plus ample exposé des faits et de ses moyens, la Caisse d'épargne demande à la cour, au visa de l'article 1134 du code civil, de :
- déclarer recevable et bien fondé son appel,
- infirmer en conséquence le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Orléans en date du 2 décembre 2020 (RG 19/02331),
- déclarer irrecevables et, à tout le moins, mal fondées les demandes de Mme X. et l'en débouter,
- condamner Mme X. à payer et porter à la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Loire Centre les sommes suivantes :
Prêt n°8XX625
Capital restant dû au 17/04/2019 : 5.474,32 €
Intérêts courus du 06/04/2019 au 17/04/2019 : 3,26 €
Accessoires courus du 6/04/2019 au 17/04/2019 :1,97 €
Intérêts de retard à compter du 17/04/2019 : 45,91 €
Indemnité de déchéance du terme : 383,20 €
Intérêts postérieurs : Mémoire
Total, sauf mémoire, erreur ou omission : 5.908,66 €
outre les intérêts de retard au taux conventionnel de 3,73 % du 4 octobre 2019 jusqu'à parfait paiement,
Prêt n°8YY626
Capital restant dû au 17/04/2019 : 37.487,03 €
Intérêts courus du 06/04/2019 au 17/04/2019 : 29,58 €
Accessoires courus du 6/04/2019 au 17/04/2019 : 3,96 €
Intérêts de retard à compter du 17/04/2019 : 416,94 €
Indemnité de déchéance du terme : 2.624,09 €
Intérêts postérieurs : Mémoire
Total, sauf mémoire, erreur ou omission : 40.561,60 €
outre les intérêts de retard au taux conventionnel de 3,73 % du 4 octobre 2019 jusqu'à parfait paiement,
- condamner Mme X. à payer et porter à la Caisse d'épargne et de prévoyance Loire Centre la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme X. aux dépens.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 5 mai 2022, pour l'affaire être plaidée le 4 mai 2023.
[*]
A l'audience, la cour a observé que Maître de Gaullier, qui s'y est présenté pour Mme X., ne lui apparaissait pas constitué dans ce dossier ; que dans ses dernières écritures, la Caisse d'épargne présente pourtant Maître de Gaullier comme constitué pour l'intimée et répond à des conclusions qu'elle tient pour lui avoir été notifiées par Mme X., mais qui n'ont pas été remises à la cour dans le dossier en cause, enrôlé sous le numéro 20/02699, puis a indiqué qu'il lui apparaissait en revanche que des conclusions avaient été notifiées le 22 mai 2021 par Maître de Gaullier, au nom de Mme X., dans un dossier enrôlée sous le n° 20/02689 ne concernant pas cette dernière, et a en conséquence invité les parties à présenter leurs observations, au moyen d'une note en délibéré, sur la constitution de Maître de Gaullier et sur l'existence de conclusions notifiées pour le compte de Mme X. dans les délais requis.
Par une note transmise contradictoirement le 4 mai 2023 par voie électronique, le conseil de Mme X. explique s'être constitué le 22 mai 2021 et avoir notifié ses écritures le même jour dans un dossier effectivement numéroté 20/02689 qui ne concerne en rien l'affaire en cause, mais demande à la cour d'admettre sa constitution, comme ses conclusions et ses pièces, en retenant que l'erreur commise est purement matérielle et en se prévalant d'une décision de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 2 juillet 2020 (n° 19-14.745).
Par une note en réplique transmise elle aussi par voie électronique, la Caisse d'épargne indique s'en rapporter à droit, en précisant qu'elle avait fait signifier ses propres écritures à Mme X. « à titre conservatoire », mais que ces dernières avaient également été transmises par voie électronique le 27 juillet 2021.
Dans le dossier enrôlé à la cour sous le n° 20/02689, qui concerne des parties étrangères au présent litige, il apparaît au RPVA qu'une constitution de Maître de Gaullier pour Mme X. a été enregistrée par le greffe le 22 mai 2021 à 11 heures 36 et que le même jour à 11 heures 40, le greffe a accusé réception des conclusions et du bordereau de communication de pièces qui avaient été notifiés par Maître de Gaullier pour Mme X., et adressés concomitamment à Maître Silvain Silvestre, à l'époque avocat constitué pour la Caisse d'épargne.
Dans ses écritures ainsi transmises par voie électronique le 22 mai 2021, Mme X. demande à la cour, au visa de l'article 1134 ancien du code civil et des articles L. 341-1 et suivants du code de la consommation, de :
- dire et juger que la Caisse d'épargne et de prévoyance Loire Centre n'a pas appliqué de bonne foi les dispositions contractuelles en prononçant la déchéance du terme sur la seule base de la vente et ce faisant a commis une faute à l'égard de sa cliente défenderesse à la présente instance et qu'elle devra justement réparer le préjudice causé par le paiement d'une somme de 55'.000 euros,
- le cas échéant ordonner la compensation entre les sommes fixées au bénéfice de la Caisse d'épargne d'une part et Mme [O] Y. d'autre part,
- déclarer la Caisse d'épargne et de prévoyance Loire Centre irrecevable et en tous cas mal fondée en toutes ses demandes, fin et conclusions,
- débouter la Caisse d'épargne et de prévoyance Loire Centre de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,
- condamner la Caisse d'épargne et de prévoyance Loire Centre à verser à Mme X. épouse Y. une indemnité de 3'.000 euros «'pour chacun d'entre eux'» au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Sur la constitution et les conclusions de l'intimée notifiées avec l'indication d'un numéro de répertoire erroné :
Il est établi par les avis de réception électroniques que Maître de Gaullier s'est constitué pour Mme X. le 22 mai 2021 et que, le même jour, soit dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile, par le réseau privé virtuel avocat (RPVA) également, Maître de Gaullier a adressé à la cour des conclusions relatives à l'instance d'appel opposant Mme X. à la Caisse d'épargne, ainsi que son bordereau de communication de pièces.
Il est pareillement établi par ces avis de réception que la Caisse d'épargne a été destinataire, par le RPVA, de ces actes de procédure, notamment des conclusions de Mme X. qui ont été notifiées le 22 mai 2021, auxquelles elle a répondu le 27 juillet suivant.
En dépit de l'indication d'un numéro de répertoire erroné et dès lors que le principe de contradiction a été respecté, il y a lieu de considérer que la cour a bien été saisie des conclusions de Mme X., lesquelles sont affectées, comme la constitution de Maître de Gaullier, d'une erreur purement matérielle.
Sur la demande en paiement de la Caisse d'épargne :
La cour observe à titre liminaire que Mme X., qui conclut à l'irrecevabilité des demandes de la Caisse d'épargne, ne développe aucune fin de non-recevoir, aucune exception ni moyen de défense pouvant conduire à l'irrecevabilité des prétentions de la Caisse d'épargne.
Par confirmation du jugement entrepris, la Caisse d'épargne sera donc déclarée recevable en ses demandes.
En première page de l'offre des prêts, il est indiqué que ceux-ci sont accordés à l'emprunteur pour financer l'acquisition d'un logement destiné à constituer la résidence principale d'un locataire et à l'article 16 des conditions générales des prêts litigieux, intitulé « exigibilité anticipée-déchéance du terme », il est précisé ce qui suit :
« le prêt sera résilié de plein droit et les sommes prêtées immédiatement exigibles sans qu'il soit besoin d'autre formalité qu'une simple notification faites aux emprunteurs par lettre recommandée avec accusé de réception dans l'un ou l'autre des cas suivants : ... - vente ou cessation d'occupation du logement dans les conditions prévues dans les conditions spécifiques de chaque type de prêt ; […]
De plus, les emprunteurs s'interdisent pendant toute la durée du prêt, sous peine d'exigibilité immédiate du prêt : […] - de vendre ou hypothéquer l'immeuble objet du prêt […], sans l'autorisation expresse du prêteur ».
A hauteur d'appel, la Caisse d'épargne établit, en produisant un relevé de formalités certifié par le service de la publicité foncière de [Localité 6] 1, que l'immeuble financé par les prêts litigieux a été vendu par Mme X. le 3 août 2015, au prix de 36.760 euros.
Mme X. ne conteste pas avoir vendu l'immeuble sans avoir sollicité l'autorisation préalable de la Caisse d'épargne, mais soutient que le prêteur a néanmoins provoqué la déchéance du terme de mauvaise foi.
En ce sens, l'intimée fait valoir qu'elle a continué à rembourser les échéances des prêts après la vente de l'immeuble, qu'elle n'a pas cherché à dissimuler cette vente, puisqu'elle a au contraire fait virer son prix sur ses comptes ouverts en les livres de la Caisse d'épargne, puis ajoute qu'elle a été contrainte de vendre cet immeuble pour apurer le passif qu'elle avait contracté avec son époux en se portant caution envers la Caisse d'épargne des engagements qu'avaient souscrits la SCI et la SARL qu'ils avaient constituées pour exercer une activité de maison d'hôtes qui s'est révélée largement déficitaire.
La Caisse d'épargne rétorque qu'elle n'a fait que mettre en œuvre les clauses du prêt que Mme X. avait acceptées et que cette dernière qui a pris la décision, sans lui en référer, de vendre l'immeuble financé, non pas pour la régler, mais pour désintéresser la société CEGC, ne peut lui opposer aucune faute dans la mise en œuvre de la déchéance du terme.
La clause de déchéance du terme litigieuse permet au prêteur de déclarer exigible la totalité du prêt dans l'hypothèse de l'inexécution par l'emprunteur d'une obligation qui présente un caractère essentiel et pour un cas dans lequel l'inexécution revêt un caractère suffisamment grave pour justifier l'anéantissement du contrat, puisque la vente de l'immeuble financé, a fortiori lorsqu'il est à destination locative, peut compromettre le remboursement des prêts.
Cette clause n'a donc ni pour objet ni pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l'emprunteur, au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation.
En cas d'inexécution de son engagement par le débiteur, sa bonne foi est sans incidence sur l'acquisition de la clause résolutoire (v. par ex. Civ. 3e, 24 septembre 2003, n° 02-12.474).
Dès lors que Mme X. ne conteste pas avoir vendu l'immeuble objet des prêts litigieux sans autorisation de la Caisse d'épargne, Mme X., qui n'a pas employé le produit de la vente au remboursement de ses prêts, mais au règlement d'une autre dette, ne peut donc utilement faire valoir qu'elle a continué à régler mensuellement les échéances du prêt.
Dès lors que la clause de déchéance du terme ne peut être paralysée par la bonne foi de l'emprunteur, mais seulement par la mauvaise foi du prêteur, et que Mme X. n'établit pas que la Caisse d'épargne, dont elle avait diminué le gage général en vendant l'immeuble locatif financé, aurait agi de mauvaise foi, il y a lieu de considérer que l'appelante n'a fait qu'exercer son droit en mettant en œuvre la clause des contrats de prêts qui lui permettait d'exiger leur remboursement anticipé.
Dans sa rédaction applicable au 9 août 2011, l'article L. 312-22 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus, puis précise, d'une part que jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt ; d'autre part que le prêteur peut en outre demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 [anciens] du code civil, ne peut excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, ne peut, aux termes de l'article R. 312-3 auquel il est renvoyé, dépasser 7'% des sommes dues au titre du capital restant dû ainsi que des intérêts échus et non versés.
En l'espèce, cumulée avec les intérêts conventionnels, cette indemnité de 7 % qui répond à la définition de la clause pénale des articles 1152 et 1231 anciens du code civil, revêt un caractère manifestement excessif qui commande sa réduction d'office à un montant qui, pour conserver à la clause son caractère comminatoire, sera fixé à 100 euros pour chacun des deux prêts.
Au vu de l'offre des prêts, des tableaux d'amortissement et des décomptes arrêtés au 3 octobre 2019, la créance de la Caisse d'épargne sera arrêtée ainsi qu'il suit :
prêt n° 8XX625 :
- échéances impayées : néant
- capital restant dû à la déchéance du terme (17/04/2019) : 5.474,32 euros
- intérêts échus : 45,91 euros
- indemnitaire forfaitaire réduite d'office : 100 euros
Solde dû au 3 octobre 2019 : 5.620,23 euros, à majorer des intérêts au taux de 3,73 % l'an sur la somme de 5.474,32 euros à compter du 4 octobre 2019
prêt n° 8YY626 :
- échéances impayées : néant
- capital restant dû à la déchéance du terme (17/04/2019) : 37.487,03 euros
- intérêts échus : 416,94 euros
- indemnitaire forfaitaire réduite d'office : 100 euros
Solde dû au 3 octobre 2019 : 38.003,97 euros, à majorer des intérêts au taux de 2,70 % l'an sur la somme de 37.487,03 euros à compter du 4 octobre 2019
Par infirmation du jugement entrepris, Mme X., qui ne justifie d'aucun paiement ni d'aucun fait libératoire au sens de l'alinéa 2 de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, sera condamnée à payer à la Caisse d'épargne les sommes ci-dessus arrêtées.
Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts tirée d'un manquement du prêteur à son devoir de conseil et de mise en garde :
La Caisse d'épargne, qui demande à la cour de déclarer irrecevables, et à tout le moins mal fondées, les demandes de Mme X., ne développe dans le corps de ses écritures aucun moyen d'irrecevabilité, mais seulement des moyens pouvant conduire, au fond, au rejet des demandes de l'intimée, qu'elle estime non justifiées.
En application de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, un établissement de crédit est tenu à un devoir de mise en garde à l'égard d'un emprunteur non averti lorsque, au jour de l'octroi du prêt, celui-ci n'est pas adapté à ses capacités financières, ou s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt.
S'il appartient au prêteur, conformément à l'article 1315, alinéa 2, du code civil, de prouver qu'il a rempli son devoir de mise en garde, il faut que l'emprunteur établisse, au préalable, qu'à l'époque de la souscription du prêt litigieux, sa situation financière ou les caractéristiques de l'opération financée justifiaient l'accomplissement d'un tel devoir.
Mme X., qui reproche à la Caisse d'épargne de ne pas l'avoir mise en garde sur le caractère selon elle manifestement erroné des éléments ayant fondé son projet de création d'une activité de chambre d'hôtes, ne produit pas le moindre élément sur ce projet et les financements accordés par la Caisse d'épargne pour permettre son financement.
Mme X. n'explique pas davantage quel conseil aurait omis de lui prodiguer la Caisse d'épargne, ce alors même qu'elle ne conteste pas ne pas avoir informé le prêteur de son intention de vendre l'appartement financé grâce aux prêts litigieux.
Etant précisé à titre surabondant que le préjudice causé par un manquement du prêteur au devoir de mise en garde ou à une obligation de conseil ne consiste qu'en une perte de chance, non alléguée, et que Mme X. n'indique pas non plus à quoi correspond le dommage qu'elle chiffre à hauteur de 55.000 euros, l'intimée ne peut qu'être déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts.
Sur les demandes accessoires :
Mme X., qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur ce dernier fondement, Mme X. sera condamnée à régler à la Caisse d'épargne, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure 1.000 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a déclaré la société Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre recevable en ses demandes et l'a déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Condamne Mme X. épouse Y. à payer à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre, pour solde du prêt n° 8XX625, la somme de 5.620,23 euros, majorée des intérêts au taux de 3,73 % l'an sur la somme de 5.474,32 euros à compter du 4 octobre 2019,
Condamne Mme X. épouse Y. à payer à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre, pour solde du prêt n° 8YY626, la somme de 38.003,97 euros, avec intérêts au taux de 2,70 % l'an sur la somme de 37.487,03 euros à compter du 4 octobre 2019,
Y ajoutant,
Déclare recevable, mais mal fondée, la demande reconventionnelle de Mme X. épouse Y.,
Déboute en conséquence Mme X. épouse Y. de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,
Condamne Mme X. épouse Y. à payer à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de Mme X. épouse Y. formée sur le même fondement,
Condamne Mme X. épouse Y. aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT