CA RENNES (1re ch.), 31 mai 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10340
CA RENNES (1re ch.), 31 mai 2023 : RG n° 22/04780 ; arrêt n°159/2023
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Mme Y. demande l'annulation de la clause d'anatocisme qui n'était pas autorisée par l'article L. 314-1 du code de la consommation en vigueur au moment de l'édition de l'offre le 15 juillet 2008, la modification législative autorisant cet anatocisme étant en effet intervenue le 6 août 2008 par l'effet de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 prévoyant expressément la possibilité de capitaliser annuellement les intérêts dans les contrats souscrits à compter du 6 août 2002. Elle soutient encore que, s'agissant de dispositions d'ordre public, il convient de considérer qu'une telle clause est abusive et non soumise à prescription.
Le Crédit Foncier de France estime que la mention d'une capitalisation des intérêts était décelable à la seule lecture de l'offre de prêt, de sorte que Mme Y. était en mesure, dès la réception de l'offre, de vérifier par elle-même le caractère prétendument illicite de cette mention et aurait dû agir avant le 15 juillet 2013, ce qu'elle n'a pas fait, l'action étant prescrite. Il ajoute que l'anatocisme prévue dans l'offre n'est pas contraire à l'ordre public de protection et respecte les conditions de l'article 1154 du code civil, qu'il est parfaitement lisible et sans aucun caractère obscur que l'emprunteur n'aurait pu comprendre, qu'il n'est donc pas abusif, que l'anatocisme par année entière est inhérent au prêt viager hypothécaire comme l'indique l'article L. 314-1 du code de la consommation applicable au jour de l'acte authentique
Mmes W. et Y. concluent que la capitalisation des intérêts n'était pas autorisée par la loi au jour de l'offre, qu'elle ne peut donc concerner que les contrats souscrits postérieurement, que la clause est abusive, l'action échappant à toute prescription.
Le jugement a retenu que l'article L. 314-1 du code de la consommation en vigueur à la date de l'édition de l'offre du 15 juillet 2008 ne permettait pas l'insertion d'une capitalisation des intérêts que la loi sur la protection des consommateurs n'autorisait pas mais que la mention d'une capitalisation des intérêts était décelable à la seule lecture de l'offre de prêt de sorte que Mme Y. était en mesure, dès la réception de l'offre, de vérifier par elle-même le caractère prétendument illicite de cette mention et aurait dû agir avant le 15 juillet 2013, ce qu'elle n'a pas fait.
En droit, la capitalisation annuelle des intérêts dans le prêt viager hypothécaire, dont le régime est d'ordre public, a été rendu possible par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 applicable à compter du 6 août 2008. La nullité de ce chef est une défense au fond non soumise à prescription. En l'espèce, il sera rappelé que les documents précontractuels ne sont pas produits.
Néanmoins, à la date de l'offre de prêt le 15 juillet 2008, cette capitalisation n'était pas autorisée de sorte qu'elle ne pouvait être insérée à l'acte authentique de prêt établi par devant notaire le 10 septembre 2008. Cette clause est entachée de nullité, elle est réputée non écrite. Le jugement sera réformé sur ce point. »
2/ « Le jugement a retenu que le point de départ de ce délai se situait à la date à laquelle l'emprunteur avait connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le TEG en précisant que la prescription de l'action ne s'appréciait pas grief par grief et que la découverte d'erreurs dont les emprunteurs n'avaient pu avoir connaissance par la seule lecture du contrat ne permettait pas de reporter le point de départ de la prescription lorsque certains des griefs invoqués étaient détectables par le simple examen de l'offre. En conséquence, si une seule des irrégularités pouvait être décelée à la simple lecture de l'offre de prêt, le point de départ du délai de prescription de l'action devait être fixé au jour de l'acceptation de l'offre sans report possible tiré de la révélation des autres irrégularités invoquées.
En droit, la déchéance du droit aux intérêts fondée sur l'erreur de calcul du TEG est une défense au fond qui échappe à la prescription. En l'espèce, tels qu'il est retenu par le Crédit Foncier de France à son décompte, le TEG prend en considération la capitalisation annuelle des intérêts, laquelle n'était légalement pas autorisée à la date de l'offre de prêt du 15 juillet 2008. Par l'annulation de la clause d'anatocisme, ce calcul s'en trouve nécessairement erroné. En conséquence, il convient de faire droit à la demande de déchéance du droit aux intérêts. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 31 MAI 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/04780. Arrêt n° 159/2023. N° Portalis DBVL-V-B7G-S7XK.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER : Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 20 mars 2023 devant Madame Véronique VEILLARD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 31 mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANTE :
Le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE SA
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le n° XXX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège, [Adresse 4], [Localité 10], Représentée par Maître Gilles DAUGAN de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
Madame X. Y. épouse Z.
née le [Date naissance 8] à [Localité 12], [Adresse 7], [Localité 13], Représentée par Maître Pierre GENDRONNEAU de la SCP ESTUAIRE AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/XXX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
Madame V. Y. épouse W.
née le [Date naissance 1] à [Localité 12], [Adresse 2], [Localité 9], Représentée par Maître Carole ROBARD de la SELARL POLYTHETIS, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Aux termes d'un acte reçu le 10 septembre 2008 par maître A., notaire associé de la SCP [A. et autres], notaires associés, titulaire d'un office notarial à [Localité 13], le Crédit Foncier de France a consenti à Mme Y. un prêt viager hypothécaire d'un montant de 64.000 €.
Mme Y. est décédée le [Date décès 3] 2017, laissant pour héritières ses deux filles, Mme X. Y. et V. W.
Le Crédit Foncier de France n'ayant pas été réglé de sa créance a délivré à chacune d'elle le 6 juin 2019 un commandement de payer valant saisie immobilière publié le 30 juillet 2019 au service de la publicité foncière de [Localité 13], volume 2019 S n° 21 et 22, portant sur un immeuble hypothéqué, situé commune de [Localité 13] (Loire-Atlantique) situé [Adresse 7], cadastré section XXX DN n° [Cadastre 5], d'une contenance de 5 ares 96 centiares, formant le lot n° 8 du lotissement des A., comprenant une maison d'habitation et un jardin, occupés par Mme X. Y.
Par actes d'huissier signifiés à personne et en étude les 24 et 26 septembre 2019, le Crédit Foncier de France a fait assigner Mmes Y. et Mme W. en vente forcée de l'immeuble à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire du 5 décembre 2019 laquelle, après plusieurs reports, s'est tenue le 7 avril 2022.
Par jugement du 7 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire a :
- débouté Mme Y. de ses demandes tendant à la production par le Crédit Foncier de France des documents précontractuels et de la délibération du conseil d'administration précisant les modalités de remboursement des prêts,
- dit prescrite l'action en nullité des stipulations contractuelles et en déchéance du droit aux intérêts contractuels,
- dit nuls les commandements de payer valant saisie immobilière délivrés à Mme Y. et Mme W. le 6 juin 2019, comme comportant un décompte du capital et des intérêts minoré de 38 % par rapport à la réclamation finale considérablement aggravée, faisant ainsi grief aux débitrices,
- débouté le Crédit Foncier de France de ses demandes tendant à la poursuite de la procédure de saisie immobilière,
- dit que les dépens seront à la charge du Crédit Foncier de France,
- rappelé l'exécution provisoire de droit de la décision.
Le Crédit Foncier de France a interjeté appel par déclaration du 27 juillet 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le Crédit Foncier de France expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 4 octobre 2022 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Il demande à la cour de :
- juger son appel recevable et fondé,
- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a :
- dit nuls les commandements de payer valant saisie immobilière des 6 juin 2019,
- débouté le Crédit Foncier de France de ses demandes tendant à la poursuite de la procédure de saisie immobilière et l'a condamné à supporter les dépens de l'instance,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté Mme Y. de ses demandes tendant à la production par le Crédit Foncier de France de France des documents précontractuels et de la délibération du conseil d'administration précisant les modalités de remboursement des prêts,
- dit prescrite l'action en nullité des stipulations contractuelles du taux d'intérêts et en déchéance du droit aux intérêts contractuels,
- débouter Mme Y. et Mme W. de l'intégralité de leurs demandes autres ou contraires,
- juger le droit d'usage et d'habitation dont se prévaut Mme X. Y. inopposable au Crédit Foncier de France ainsi qu'à l'éventuel adjudicataire ou acquéreur dans le cadre d'une vente amiable sur autorisation judiciaire ou de gré à gré,
- juger n'y avoir lieu à prononcer la nullité des commandements aux fins de saisie immobilière délivrés à Mmes Y. et W. le 6 juin 2019,
- fixer la créance du Crédit Foncier de France à la somme de 135.196.15 € en principal, frais et intérêts arrêtés au 15 février 2021 et autres accessoires, outre les intérêts de retard au taux légal sur 131.298.91 € du 16 février 2021 au jour du règlement définitif,
- dire et juger que les intérêts continueront à courir jusqu'à la distribution du prix de vente à intervenir,
- ordonner la vente forcée du bien situé commune de [Localité 13] (Loire-Atlantique), [Adresse 7], cadastré section XXX DN n° [Cadastre 5], pour une contenance de 5 ares 96 centiares, formant le lot n° 8 du lotissement des Ajoncs,
- renvoyer le dossier devant le juge de l'exécution pour qu'il fixe la date d'audience d'adjudication,
- arrêter les modalités de la vente qui seront fixées conformément aux dispositions figurant dans le cahier des conditions de vente,
- fixer les modalités de visite de l'immeuble saisi, en autorisant maître [T], huissier de justice à [Localité 11], ou tel autre huissier qu'il plaira à la cour de désigner, lequel pourra se faire assister, au cas de besoin, de deux témoins, d'un serrurier et de la force publique,
- condamner Mme Y. et Mme W., in solidum, à lui verser une indemnité de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme Y. et Mme W. in solidum, aux entiers dépens d'incident, de première instance et d'appel,
- juger que les dépens générés par la saisie immobilière seront employés en frais privilégiés.
[*]
Mme W. expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 19 septembre 2022 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Elle demande à la cour de :
- réformer le jugement déféré,
- fixer la créance du Crédit Foncier de France à la somme de 113.289,10 € outre intérêts à compter du 17 septembre 2017 au taux légal applicable aux particuliers,
- ordonner la vente forcée du bien,
- juger le droit d'usage et d'habitation dont se prévaut Mme Y. inopposable aux tiers,
- condamner le Crédit Foncier et à défaut Mme Y. à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter le Crédit Foncier de France de toutes autres demandes, fins et conclusions,
- condamner le Crédit Foncier et à défaut Mme Y. aux entiers dépens.
[*]
Mme Y. expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 20 septembre 2022 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Elle demande à la cour de :
- débouter le Crédit Foncier de France de son action et de ses demandes,
- confirmer le jugement du 7 juillet 2022 en ce qu'il a dit nuls les commandements de payer valant saisie immobilières et a débouté le Crédit Foncier de France de France de ses demandes tendant à la poursuite de la procédure de saisie immobilière,
- à titre subsidiaire :
- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à la production par le Crédit Foncier de France de France de la délibération du conseil d'administration précisant les modalités de remboursement des prêts hypothécaire viager par lui commercialisé,
- réformer le jugement en ce qu'il a dit prescrite l'action en nullité des stipulations contractuelles,
- constater que le Crédit Foncier de France refuse de communiquer la délibération du Conseil d'administration fixant les conditions de remboursement du crédit hypothécaire viager et ce en application de l'article 53 du décret du 30 juillet 1852 et débouter le Crédit Foncier de sa demande en fixation de la créance au-delà du capital prêté,
- constater que la stipulation d'intérêt contenu dans l'offre préalable de crédit est abusive et nulle en ce qu'elle prévoit une capitalisation des intérêts que l'article L. 314-1 du code de la consommation en vigueur ne permettait pas,
- constater que la mention du taux effectif global dans le contrat de prêt est erronée et à titre subsidiaire désigner tel expert aux fins de donner son avis sur le caractère erroné des taux effectif global mentionnés dans l'offre de prêt,
- prononcer la nullité de la stipulation de taux et à titre subsidiaire la déchéance du droit aux intérêts du Crédit Foncier de France,
- dire et juger que Mmes W. et Y. ne sont tenues qu'au seul paiement de la somme de 64.000 € en remboursement du capital prêté,
- à titre infiniment subsidiaire,
- constater que le commandement de payer limitait le montant de la créance à la somme de 97.387,20 € et dire non-fondée la demande présentée par le Crédit Foncier de France pour un montant supérieur,
- juger que le cahier des conditions de vente devra faire mention du droit d'usage et d'habitation dont bénéficie Mme X. Y. sur l'immeuble objet de la procédure,
- l'autoriser à faire procéder à la vente amiable de l'immeuble au prix plancher de 150.000 € et renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire afin qu'il soit constaté la vente amiable de l'immeuble,
- condamner en cause d'appel le Crédit Foncier de France de France au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
[*]
Par arrêt avant dire droit du 7 février 2023, la cour a :
- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats,
- renvoyé l'affaire à l'audience du lundi 20 mars 2023 à 14 heures,
- dit que les parties devront présenter leurs observations sur :
- le caractère d'ordre public du régime du prêt viager hypothécaire et ses conséquences, notamment sous l'empire du régime antérieur à la loi du 4 août 2008,
- le caractère éventuellement abusif de la clause d'anatocisme,
- la sanction d'une clause abusive et la prescriptibilité de celle-ci,
- dit que le Crédit Foncier de France devra déposer ses observations au plus tard le 28 février 2023,
- dit que Mme Y. et Mme W. devront déposer leurs observations au plus tard le 13 mars 2023,
- sursis à statuer sur les demandes.
[*]
Vu les conclusions transmises le 3 mars 2023 par le Crédit Foncier de France auxquelles il est expressément renvoyé et aux termes desquelles il est pour l'essentiel soutenu que la clause d'anatocisme prévue dans l'offre n'est pas contraire à l'ordre public de protection et respecte les conditions de l'article 1154 du code civil, qu'elle est parfaitement lisible et sans aucun caractère obscur que l'emprunteur n'aurait pu comprendre, qu'elle n'est donc pas abusive ;
Vu les conclusions transmises le 14 mars 2023 par Mme W. auxquelles il est expressément renvoyé et aux termes desquelles il est demandé à la cour de juger que la clause d'anatocisme présente au sein du contrat de prêt hypothécaire viager est abusive et partant, nulle et non écrite. Mme W. soutient qu'à la date de l'offre de contrat, soit au mois de juillet 2008, la capitalisation des intérêts n'était pas autorisée par la loi, pas plus qu'elle n'était codifiée au sein du code de la consommation, tandis que la Cour de cassation s'est prononcée sur le caractère abusif d'une clause de capitalisation des intérêts non prévue par la loi (Civ. 1ère, 20 avril 2022, n° 20-23.617), et a rappelé dans un arrêt du 30 mars 2022 le caractère imprescriptible de l'action du consommateur tendant à voir réputer non-écrite une clause abusive (Civ. 1ère, 30 mars 2022, n° 19-17.996) ;
Vu les conclusions transmises le 7 mars 2023 par Mme Y. auxquelles il est expressément renvoyé et aux termes desquelles il est rappelé que le crédit viager hypothécaire est un contrat régi par le code de la consommation, qui réglemente les relations entre professionnels et particuliers, que le prêt hypothécaire viager a été introduit dans le droit positif français en 2006 par voie d'ordonnance et que ce n'est qu'en 2008 que la mention de la capitalisation des intérêts a été insérée dans le texte et ne peut donc concerner que les contrats souscrits postérieurement, que pour les prêts antérieurs à la loi du 4 août 2008, la clause de capitalisation des intérêts est abusive car non prévue par la loi, qu'elle doit être réputée non écrite, que cette demande n'est pas soumise à la prescription.
L'affaire a été rappelée à l'audience du 20 mars 2023 lors de laquelle la clôture de l'instruction a été prononcée.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L'ARRÊT :
À titre liminaire, il convient de rappeler que l'office de la cour d'appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de « constater », « dire » ou « dire et juger » qui ne constituent pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile mais la reprise des moyens censés les fonder.
1) Sur la validité des commandements de payer valant saisie :
Le Crédit Foncier de France soutient que l'erreur sur le montant de la créance porté dans le décompte des sommes dues figurant aux commandements de payer provient d'une erreur matérielle qui n'affecte pas la validité du commandement, que les sommes mentionnées soient inférieures ou supérieures à celles qui sont dues, qu'il appartient au juge de statuer sur les éventuelles contestations et de mentionner le montant finalement retenu de la créance, qu'aucun grief n'est démontré, d'autant que les débitrices n'allèguent ni ne prouvent qu'elles étaient en capacité de régler les sommes visées aux commandements de payer.
Mme Y. rappelle que le bien objet de la saisie est occupé par elle-même, qu'elle est en invalidité après avoir fait l'objet de traitements pour soigner les cancers dont elle était atteinte, qu'elle y avait emménagé lorsque sa mère avait besoin d'un accompagnement dans les derniers mois de sa vie et que sa mère l'avait gratifiée en lui donnant en legs le droit d'usage et d'habitation, qu'enfin, elle est très attachée à cette maison.
Elle soutient que le décompte détaillé est prévu à peine de nullité par l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, que si cet article prévoit que la nullité n'est pas encourue au motif que les sommes réclamées sont supérieures à celles qui sont dues, il doit être considéré a contrario que le créancier n'est pas fondé à solliciter la fixation de sa créance à un montant supérieur (sauf pour les intérêts nés postérieurement à la délivrance du commandement), que la revalorisation de la créance de près de 38 % dans le cadre d'une demande incidente est de nature à conduire à une nullité et que le grief est constitué par le fait que les débitrices étaient en capacité de payer la dette.
Mme W. indique ne plus soutenir en cause d'appel la nullité des commandements et demande qu'il soit statué sur le montant de la créance du Crédit Foncier de France en constatant que l'acte de prêt du 10 septembre 2008 prévoit que l'état de la dette avec des intérêts cumulés après 8 ans de prêt est de 113.289,10 €, que l'acte prévoit par ailleurs que les intérêts ne courent qu'après un délai de 3 mois à compter de la date du décès de l'emprunteur, au taux d'intérêt légal en vigueur, que le taux d'intérêt légal en 2017 n'était pas de 8,5 % comme l'indique le décompte du Crédit Foncier de France, mais lorsque le créancier est un professionnel, de 0,90 %, ce qui est conforme au décompte qui figure dans le commandement mais pas au dernier décompte produit par le Crédit Foncier de France.
Le jugement a retenu que la minoration du capital dans une proportion de l'ordre de 38 % dans le décompte figurant aux commandements a nécessairement causé grief aux débitrices quant à la connaissance du montant des sommes dues et à leur mode de calcul pour l'avenir dès lors que cette erreur révélée plus de 18 mois après la délivrance desdits commandements de payer a considérablement aggravé leur dette.
En droit, aux termes de l'article R. 321-3 3° du code des procédures civiles d'exécution, le commandement de payer valant saisie immobilière doit notamment comporter à peine de nullité le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, ainsi que l'indication du taux des intérêts moratoires.
Le dernier alinéa de cet article dispose que les mentions sont prévues à peine de nullité qui n'est toutefois pas encourue si les sommes réclamées sont supérieures à celles qui sont dues au créancier.
Il s'ensuit qu'a contrario, la nullité est susceptible d'être encourue dans l'hypothèse d'un décompte au commandement de payer mentionnant des sommes inférieures à celles qui sont effectivement dues.
En aucun cas un acte nul ne peut fonder une procédure de saisie immobilière.
La nullité encourue pour défaut de respect des prescriptions des dispositions susvisées demeure toutefois une nullité de forme, laquelle est subordonnée à la démonstration d'un grief par celui qui s'en prévaut.
Au cas particulier, les commandements aux fins de saisie immobilière délivrés à l'initiative du Crédit Foncier de France par maître T. le 6 juin 2019 mentionnent une somme en principal au [Date décès 3] 2017, soit la date du décès de Mme Y., de 97.387,20 € et aucun intérêt jusqu'au 16 septembre 2017.
Est également mentionné un décompte d'intérêts à compter du 16 septembre 2017.
Le décompte se présente ainsi qu'il suit :
« Prêt viager hypothécaire n° 2 427 546 :
- montant en principal dû au 16/06/2017 : 97.387,20 €
- intérêts de retard au taux légal de 0 % sur 97.397,20 € du 16/6/2017 au 16/9/2017 ' 93 jours : 0
- intérêts de retard au taux légal de 0,90 % sur 97.387,20 € du 16/9/2017 au 31/12/2017 ' 107 jours : 256,95 €
- intérêts de retard au taux légal de 0,89 % sur 97.387,20 € du 1/1/2018 au 30/6/2018 : 429,82 €
- intérêts de retard au taux légal de 0,88 % sur 97.387,20 € du 1/7/2018 au 31/12/2018 : 432,03 €
- intérêts de retard au taux légal de 0,86 % sur 97.387,20 € du 1/1/2019 au 31/5/2019 : 346,48 €
- intérêt de retard au taux légal sur 97.387,20 € du 1/6/2019 au jour du règlement définitif : MÉMOIRE
- frais engagés et à prévoir pour la présente procédure de saisie immobilière et ses suites : MÉMOIRE
TOTAL DU, SAUF MÉMOIRE, AU 30/5/2019 : 98.852,48 € ».
Aux termes des assignations des 24 et 26 septembre 2019, le Crédit Foncier de France réclamait de voir fixer sa créance à la somme de 98.852,48 € au 30 mai 2019 outre les intérêts de retard au taux légal sur 97.387,20 € du 1/6/2019 au jour du règlement définitif.
Dans ses dernières conclusions de première instance, datées du 23 février 2022 « non produites aux débats, mais non contestées », le Crédit Foncier de France a demandé au tribunal de fixer sa créance à la somme de 135.196,15 € selon décompte actualisé au 15 février 2021 outre les intérêts de retard au taux légal sur 131.298,91 € du 16 février 2021 au jour du règlement définitif, sommes exactement reproduites au dispositif de ses dernières conclusions en cause d'appel en date du 4 octobre 2022.
Ainsi le capital restant dû n'était-il pas de 97.387.20 € au [Date décès 3] 2017 comme indiqué au décompte des commandements mais, comme indiqué au décompte établi postérieurement et arrêté à la date du [Date décès 3] 2017, de 131.298.91 € (soit 122.918,92 € en capital restant dû + 7.836,12 € d'intérêts pour la période + 543,87 € d'intérêts du 29/05/2017 au 16/06/2017), date correspondant au décès de Mme Y. et donc au terme du contrat.
En présence d'une demande de fixation d'une créance à un montant supérieur à celui figurant au décompte du commandement de payer, Mme Y. doit faire la démonstration d'un grief au soutien de sa demande de nullité desdits commandements.
Elle prétend qu'avec sa sœur, elles étaient en capacité de payer la dette puisque l'actif de la succession de leur mère a révélé des actifs au Crédit maritime d'un montant de 50.503,23 € et qu'un règlement complémentaire de 47.000 € aurait pu être envisagé par elles-mêmes.
Toutefois, force est de constater qu'aucune pièce financière n'est produite venant étayer la capacité alléguée de remboursement, que Mme Y. est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale devant le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire et devant la présente cour, que la somme complémentaire de 47.000 € n'aurait pas permis de couvrir intégralement la dette telle que mentionnée au décompte, même erroné, des commandements de payer. Mme Y. et sa sœur ne font donc pas la démonstration de leur capacité de payer les causes du prêt viager hypothécaire souscrit par leur mère.
Mme Y. ne se prévaut du reste d'aucune proposition effective de paiement adressée par ses soins en son temps au Crédit Foncier de France, qui aurait témoigné de sa volonté d'apurer ce passif.
De même, Mme Y. ne reprend pas à son compte le grief retenu au jugement tenant, sur la base d'un décompte erroné, d'une part, à la méconnaissance du montant des sommes dues et de leur mode de calcul pour l'avenir et, d'autre part, au fait que l'erreur révélée plus de 18 mois après la délivrance du commandement de payer aggrave sa dette.
Enfin, Mme W., sœur de Mme Y., considère pour sa part que la nullité du commandement ne peut prospérer puisqu'aucun grief n'est démontré.
Sous le bénéfice de ces observations, il convient de dire que le grief n'est pas établi et que, par voie de conséquence, le jugement ayant accueilli l'exception de nullité des commandements de payer doit être réformé sur ce point.
2) Sur la production par le Crédit Foncier de France des documents précontractuels et de la délibération de son conseil d'administration précisant les modalités de remboursement des prêts hypothécaires viagers :
Mme Y. s'interroge d'une part, sur les capacités de sa mère âgée de 79 ans en juillet 2008 à intégrer les complexités du prêt hypothécaire viagersouscrit par elle auprès du Crédit Foncier de France et d'autre part, sur l'utilisation des fonds issus de ce crédit puisque sur les 64.000 € empruntés, environ 50.000 € se trouvaient encore sur ses comptes au jour de son décès. Elle demande donc la communication des documents précontractuels et de la délibération du conseil d'administration fixant les conditions de remboursement du crédit hypothécaire viager en application de l'article 53 du décret du 30 juillet 1852 afin de vérifier que les obligations d'information et de mise en garde ont bien été dispensées à sa mère et soutient qu'à défaut de communication, le Crédit Foncier de France, ne justifiant pas de la conformité des modalités de remboursement du prêt, devra être considéré comme déchu du droit aux intérêts.
Le Crédit Foncier de France soutient qu'aucune base légale ne permet d'exiger la communication de documents précontractuels et que les conditions du prêt viager sont strictement encadrées par le code de la consommation. Il ajoute qu'il n'est pas prouvé que le crédit était inadapté au regard des capacités financières de l'empruntrice ou qu'il existait un risque d'endettement excessif.
Mme W. ne conclut pas sur ce point.
Le jugement déféré a retenu que la preuve n'était pas rapportée d'une inadaptation du crédit consenti ou du risque d'endettement de Mme Y. souscriptrice.
En droit, le prêt viager hypothécaire, issu de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, est régi par les articles L. 315-1 et suivants et R. 315-1 et suivants du code de la consommation.
Compte tenu de la date de l'offre de prêt, à savoir le 15 juillet 2008, le prêt, ayant quant à lui été signé le 10 septembre 2008, il y a lieu de se reporter aux textes dans leur version en vigueur à la date de l'offre.
L'article L. 314-1 disposait que « Le prêt viager hypothécaire est un contrat par lequel un établissement de crédit ou un établissement financier consent à une personne physique un prêt sous forme d'un capital ou de versements périodiques, garanti par une hypothèque constituée sur un bien immobilier de l'emprunteur à usage exclusif d'habitation et dont le remboursement - principal et intérêts - ne peut être exigé qu'au décès de l'emprunteur ou lors de l'aliénation ou du démembrement de la propriété de l'immeuble hypothéqué s'ils surviennent avant le décès.
Son régime est déterminé par les dispositions du présent chapitre. »
Le texte n'impose pas un unique objet aux opérations financées par ce type de prêt, qui serait exclusivement la fourniture aux personnes âgées d'un complément de revenus pour leur permettre de vivre décemment.
La destination des fonds n'est en effet pas déterminée. L'emprunteur peut donc disposer des fonds librement et les affecter à l'usage qui lui convient : besoin de trésorerie, financement de travaux, voyage, aide à domicile, aide à des enfants ou petits-enfants, etc.
L'article L. 314-2 interdit en revanche le financement des besoins d'une activité professionnelle.
Le particularisme de ce prêt tient à :
- ses modalités : le capital emprunté porte des intérêts qui sont capitalisés par année entière,
- la garantie affectée : une hypothèque constituée sur un immeuble de l'emprunteur à usage d'habitation,
- son terme : le décès de l'emprunteur, ou l'aliénation ou le démembrement de la propriété de l'immeuble hypothéqué.
Il faut ajouter que la dette de l'emprunteur ou de ses ayants droits est plafonnée de telle sorte qu'elle ne puisse jamais excéder la valeur de l'immeuble.
Enfin, l'article 53 du décret du 30 juillet 1852 portant statuts du Crédit Foncier de France énonce que « Lorsque les prêts ne sont pas amortissables par annuités, notamment s'il s'agit d'ouvertures de crédit hypothécaire ou d'autres opérations assorties d'une stipulation de compte courant, l'emprunteur s'acquitte de sa dette, en capital et intérêt, dans les conditions fixées par le Conseil d'administration. »
Au cas particulier, Mme Y. a souscrit le 15 juillet 2008 une offre de prêt viager hypothécaire et signé le 10 septembre 2008 un prêt d'un montant de 64.000 € remboursable au taux fixe de 8,5 %, avec intérêts échus productifs d'intérêts au même taux lorsqu'ils sont dus pour une année entière et une durée prévisionnelle du prêt estimée à 11 années environ.
Née le [Date naissance 6] 1929, Mme Y. était âgée de 79 ans au moment de la souscription de ce prêt. Elle était retraitée, veuve en premières noces et non remariée, et domiciliée au [Adresse 7] dans le bien immobilier objet de la saisie immobilière.
Dans l'acte notarié de prêt, la valeur du bien hypothéqué était estimée à 270.000 € à la date du 18 octobre 2007.
Il était encore mentionné que l'offre de prêt avait été émise le 15 juillet 2008, date à laquelle il a été remis à Mme Y. divers documents dont :
- les conditions générales et particulières du prêt,
- la désignation du bien hypothéqué conforme aux exigences de la publicité foncière,
- la valeur du bien hypothéqué,
- la nature du prêt,
- ses modalités et notamment les dates et conditions de mise à disposition des fonds,
- un état des intérêts accumulés durant la durée prévisionnelle du prêt permettant à l'emprunteur de connaître le moment où il aura épuisé l'actif net de son logement,
- le coût global du crédit, le taux effectif global,
- la durée de validité de l'offre,
- la reproduction des articles L. 314-6 à L. 314-9 et L. 314-13 du code de la consommation.
Si l'article 53 du décret de 1852 précise que pour les prêts non amortissables par annuité, les modalités de remboursement seront fixées par le conseil d'administration par le Crédit Foncier de France, ce texte ne peut toutefois, ainsi que l'a retenu le premier juge, servir de fondement à une demande de communication de la délibération du conseil d'administration du Crédit Foncier de France par l'ayant-droit de Mme Y. souscriptrice, qui n'apporte par ailleurs aucun élément de revenus et de charges, de nature à caractériser la souscription par sa mère d'un prêt excessif ou inadapté.
Il en va de même s'agissant des documents précontractuels pour lesquels aucune base légale n'est justifiée qui permettrait à l'ayant-droit de Mme Y. souscriptrice de les exiger.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
3) Sur l'action en nullité de la clause d'anatocisme :
Mme Y. demande l'annulation de la clause d'anatocisme qui n'était pas autorisée par l'article L. 314-1 du code de la consommation en vigueur au moment de l'édition de l'offre le 15 juillet 2008, la modification législative autorisant cet anatocisme étant en effet intervenue le 6 août 2008 par l'effet de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 prévoyant expressément la possibilité de capitaliser annuellement les intérêts dans les contrats souscrits à compter du 6 août 2002. Elle soutient encore que, s'agissant de dispositions d'ordre public, il convient de considérer qu'une telle clause est abusive et non soumise à prescription.
Le Crédit Foncier de France estime que la mention d'une capitalisation des intérêts était décelable à la seule lecture de l'offre de prêt, de sorte que Mme Y. était en mesure, dès la réception de l'offre, de vérifier par elle-même le caractère prétendument illicite de cette mention et aurait dû agir avant le 15 juillet 2013, ce qu'elle n'a pas fait, l'action étant prescrite. Il ajoute que l'anatocisme prévue dans l'offre n'est pas contraire à l'ordre public de protection et respecte les conditions de l'article 1154 du code civil, qu'il est parfaitement lisible et sans aucun caractère obscur que l'emprunteur n'aurait pu comprendre, qu'il n'est donc pas abusif, que l'anatocisme par année entière est inhérent au prêt viager hypothécaire comme l'indique l'article L. 314-1 du code de la consommation applicable au jour de l'acte authentique
Mmes W. et Y. concluent que la capitalisation des intérêts n'était pas autorisée par la loi au jour de l'offre, qu'elle ne peut donc concerner que les contrats souscrits postérieurement, que la clause est abusive, l'action échappant à toute prescription.
Le jugement a retenu que l'article L. 314-1 du code de la consommation en vigueur à la date de l'édition de l'offre du 15 juillet 2008 ne permettait pas l'insertion d'une capitalisation des intérêts que la loi sur la protection des consommateurs n'autorisait pas mais que la mention d'une capitalisation des intérêts était décelable à la seule lecture de l'offre de prêt de sorte que Mme Y. était en mesure, dès la réception de l'offre, de vérifier par elle-même le caractère prétendument illicite de cette mention et aurait dû agir avant le 15 juillet 2013, ce qu'elle n'a pas fait.
En droit, la capitalisation annuelle des intérêts dans le prêt viager hypothécaire, dont le régime est d'ordre public, a été rendu possible par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 applicable à compter du 6 août 2008. La nullité de ce chef est une défense au fond non soumise à prescription.
En l'espèce, il sera rappelé que les documents précontractuels ne sont pas produits.
Néanmoins, à la date de l'offre de prêt le 15 juillet 2008, cette capitalisation n'était pas autorisée de sorte qu'elle ne pouvait être insérée à l'acte authentique de prêt établi par devant notaire le 10 septembre 2008.
Cette clause est entachée de nullité, elle est réputée non écrite.
Le jugement sera réformé sur ce point.
4) Sur l'action en nullité du TEG ou déchéance du droit aux intérêts :
Mme Y. soutient que l'appréciation de l'erreur du taux effectif global contenu dans le contrat est peu aisée s'agissant d'un taux qui n'est pas fixe et qui varie en fonction de la durée du crédit, qu'un montant d'intérêts de 69.367 € sur 9 années écoulées à la date de septembre 2017 représente un TEG de 12,04 %, soit un écart de plus de 3 points par rapport à la mention du TEG au contrat, que cette erreur est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts. Elle ajoute qu'il ne peut par ailleurs être tenu pour acquis que Mme Y. pouvait avoir connaissance au jour du contrat d'une telle erreur s'agissant du calcul du TEG au sens de l'article 2224 du code civil et qu'en conséquence, le point de départ du délai de prescription de l'action en contestation de la stipulation d'intérêts se situe à la date à laquelle le prêteur a porté à la connaissance des héritiers être titulaire de cette créance, et qu'enfin, elle « laissera à la Cour la vérification de la conformité des calculs du TEG présentée par la banque, l'office du juge pouvant être utilement complété par la désignation d'un expert. »
Le Crédit Foncier de France, reprenant la motivation du jugement à son compte, soutient que la prescription d'une action ne s'apprécie pas grief par grief et que dès lors que la seule étude de l'offre de prêt révèle une erreur qui est l'un des fondements sur lequel s'appuie l'assignation, la prescription commence à courir au jour de l'acceptation de l'offre de prêt, et ce quel que soit la nature des erreurs qui pourraient être découvertes par la suite. Il ajoute que le calcul de Mme Y. ne tient pas compte de la capitalisation des intérêts, qu'il n'est pas allégué une erreur mathématique du TEG stricto sensu, que dans la mesure où la durée effective du crédit est par nature indéterminée, le prêteur présente des exemples représentatifs de coût global du crédit et de TEG en fonction d'hypothétiques durées du prêt liées au décès du souscripteur, que l'acte authentique précise que les frais de garantie sont intégrés dans le calcul du TEG sans préciser le montant pris en compte et que s'agissant de ce grief, il était décelable à la lecture de l'offre de prêt, que le prêt hypothécaire viager est encadré par un délai de réflexion de 90 jours et est accompagné de l'assistance et des conseils du notaire. Il conclut enfin que la seule sanction encourue en cas d'omission ou d'erreur affectant le TEG dans l'écrit constatant un contrat de prêt est désormais la déchéance de la banque de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.
Mme W. ne conclut pas sur ce point.
Le jugement a retenu que le point de départ de ce délai se situait à la date à laquelle l'emprunteur avait connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le TEG en précisant que la prescription de l'action ne s'appréciait pas grief par grief et que la découverte d'erreurs dont les emprunteurs n'avaient pu avoir connaissance par la seule lecture du contrat ne permettait pas de reporter le point de départ de la prescription lorsque certains des griefs invoqués étaient détectables par le simple examen de l'offre. En conséquence, si une seule des irrégularités pouvait être décelée à la simple lecture de l'offre de prêt, le point de départ du délai de prescription de l'action devait être fixé au jour de l'acceptation de l'offre sans report possible tiré de la révélation des autres irrégularités invoquées.
En droit, la déchéance du droit aux intérêts fondée sur l'erreur de calcul du TEG est une défense au fond qui échappe à la prescription.
En l'espèce, tels qu'il est retenu par le Crédit Foncier de France à son décompte, le TEG prend en considération la capitalisation annuelle des intérêts, laquelle n'était légalement pas autorisée à la date de l'offre de prêt du 15 juillet 2008.
Par l'annulation de la clause d'anatocisme, ce calcul s'en trouve nécessairement erroné.
En conséquence, il convient de faire droit à la demande de déchéance du droit aux intérêts.
6) Sur le montant de la dette :
Compte tenu de ce qui précède, la créance du Crédit Foncier de France sera fixée à la somme nominale de 64.000 € en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2008, date du contrat de prêt.
7) Sur le droit d'usage et d'habitation de Mme Y. :
Mme Y. soutient que par testament olographe en date du 14 septembre 2015, auquel s'est ajouté un codicille en date du 24 juin 2016, le tout déposé en l'étude de maître A., notaire, sa mère lui a légué un droit d'usage et d'habitation sa vie durant sur l'immeuble objet de la présente saisie immobilière et demande que le cahier des conditions de vente fasse mention de ce droit d'usage et d'habitation qu'elle qualifie d'insaisissable.
Le Crédit Foncier de France soutient que ce droit d'usage et d'habitation lui est inopposable ainsi qu'à l'éventuel adjudicataire ou acquéreur dans le cadre d'une vente amiable sur autorisation judiciaire ou de gré à gré pour n'avoir pas été publié après le décès de Mme Y., outre que ce démembrement de la propriété a été effectué de manière dissimulée, en fraude du droit du créancier entraînant l'exigibilité immédiate du prêt.
Mme W. s'associe à l'argumentation du Crédit Foncier de France sur l'inopposabilité du droit d'usage et d'habitation dont se prévaut Mme Y.
En l'espèce, le droit d'usage et d'habitation dont se prévaut Mme Y. n'est pas opposable au Crédit Foncier de France puisqu'il n'est pas prévu au contrat de prêt viager hypothécaire outre qu'il ne pourrait trouver à s'exécuter que si Mme Y. venait à acquitter le prix de la part de sœur dans le bien successoral, ce qu'elle n'est pas en mesure de faire.
La demande de Mme Y. sera rejetée.
8) Sur la vente amiable :
Mme Y. sollicite l'autorisation de faire procéder à la vente amiable de l'immeuble au prix plancher de 150.000 €, jugeant trop élevées les estimations produites par le Crédit Foncier de France à hauteur de 220.000 € en 2019 ou de sa s'ur Mme W. à hauteur de 245.000 € en 2020.
Mme W. sollicite quant à elle l'autorisation de vendre au prix plancher de 245.000 € sur la base de l'estimation de maître A., notaire, du 4 février 2020. Elle soutient que la notion de 'diligences éventuelles' de l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution ne lui impose pas, au moment de sa demande, de justifier de l'existence d'un mandat de vente, d'autant que seule sa sœur X. Y., qui occupe le bien, peut le faire et que, par ailleurs, le marché immobilier sur le secteur de [Localité 13] est actuellement très prospère, notamment depuis la crise sanitaire, et qu'il ne fait aucun doute que le bien pourra être vendu rapidement.
Le Crédit Foncier de France ne s'oppose pas à la vente amiable sous la réserve pour les défenderesses de produire au moins un mandat de vente portant sur l'immeuble, objet de la saisie. Il demande à défaut le prononcé de la vente forcée.
En droit, l'article L. 322-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que les biens sont vendus soit à l'amiable sur autorisation judiciaire, soit par adjudication.
L'article L.322-3 ajoute que la vente amiable sur autorisation judiciaire produit les effets d'une vente volontaire.
L'alinéa 2 de l'article R. 322-15 du même code prévoit que « Lorsqu'il autorise la vente amiable, le juge s'assure qu'elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur. »
En l'espèce, il résulte du contrat de prêt du 10 septembre 2008 que la valeur du bien immobilier a fait l'objet le 18 octobre 2007 aux frais de l'établissement financier d'une estimation par M. M., expert, qui a visité le bien le 15 octobre précédent, qui a retenu un montant de 270.000 €, soit 3.068 € du m² pour un pavillon de plain-pied d'une superficie habitable de 88 m² sur une parcelle de 596 m².
La valeur de l'immeuble était évaluée à 220.000 € en septembre 2019 et à 245.000 € par maître A., notaire, le 4 février 2020.
Compte tenu du dynamisme du marché immobilier sur le littoral atlantique dans la région de [Localité 13], non contesté par le Crédit Foncier de France qui a lui-même fait évaluer le bien à la plus forte estimation dès 2007, il sera fait droit à la demande de vente amiable au prix plancher de 245.000 €.
9) Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Eu égard à la nature de l'affaire et de son contexte, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles et qui ne sont pas compris dans les dépens. Les demandes de ce chef, formulées uniquement au stade de l'appel, seront rejetées.
Les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de vente. Le jugement sera réformé s'agissant des dépens de première instance mis à la charge du Crédit Foncier de France.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Ordonne la clôture de l'instruction au jour de l'audience,
Confirme le jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire du 7 juillet 2022 en ce qu'il a :
- débouté Mme Y. de ses demandes tendant à la production par le Crédit Foncier de France des documents précontractuels et de la délibération de son conseil d'administration précisant les modalités de remboursement des prêts,
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Rejette l'exception tirée de la nullité des commandements de payer respectivement délivrés le 6 juin 2019 à Mme Y. et à Mme W.,
Annule la clause d'anatocisme insérée à l'acte authentique de prêt viager hypothécaire du 10 septembre 2008,
Prononce la déchéance du droit aux intérêts,
Fixe à la somme de 64.000 € la créance du Crédit Foncier de France en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2008, date du contrat,
Déclare inopposable au Crédit Foncier de France et à l'adjudicataire le droit d'usage et d'habitation de Mme Y.,
Autorise Mme V. W. et Mme X. Y. à vendre le bien saisi à l'amiable à un prix ne pouvant être inférieur à 245.000 €,
Rappelle qu'en application de l'article R. 322-22 du code des procédures civiles d'exécution, le débiteur accomplit les diligences nécessaires à la conclusion de la vente amiable et rend compte au créancier poursuivant sur sa demande des démarches accomplies à cette fin,
Renvoie l'affaire au greffe du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire aux fins de poursuite de la procédure, qui comportera la taxation des frais pour les besoins de la régularisation de la vente amiable à intervenir,
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de vente,
Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles,
Rejette le surplus des demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE