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CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 8 juin 2023

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 8 juin 2023
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 4e ch. civ.
Demande : 20/01597
Date : 8/06/2023
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 18/03/2020
Référence bibliographique : 6622 (crédit, clause de déchéance)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10347

CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 8 juin 2023 : RG n° 20/01597 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, Il est admis en jurisprudence que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut en principe être déclarée acquise au créancier sans la délivrance préalable de mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle. […]

La Cour de cassation vient de rendre deux décisions (Civ.1ère, 22 mars 2023, n° 21-16476 et n° 21-16044) destinées à assurer la conformité aux exigences du droit de l'Union Européenne de l'application en France des dispositions, en matière de droit de la consommation, aux termes desquelles, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont considérées comme abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du non-professionnel ou du consommateur. Elle a ainsi notamment cassé pour violation de la loi un arrêt ayant ordonné une vente forcée d'un immeuble et fixé à une certaine somme la créance de la banque, faute pour la cour d'avoir examiné d'office le caractère abusif d'une telle clause autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date, sans mise en demeure ou sommation préalable ni préavis d'une durée raisonnable.

En l'espèce, le contrat au chapitre « EXIGIBILITÉ IMMÉDIATE » que : « Les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par écrit. - si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts ou accessoires du présent prêt ; [...] »

La banque a envoyé aux consorts X.-Y. plusieurs lettres en date des 21 avril 2016, 29 avril 2016 et 13 mai 2016 leur demandant la régularisation d'une échéance impayée et ce, dès réception, puis plusieurs lettres en date des 18 mai 2016 et 31 mai 2016 les informant préalablement de leur inscription au FICP et leur impartissant un délai de 30 jours pour régulariser leur situation, puis deux lettres en date des 18 juin 2016 et 1er juillet 2016 les informant de la déclaration de leur situation au FICP et enfin une lettre de mise en demeure en date du 16 novembre 2016 leur impartissant un délai de 15 jours, avant le 30 novembre 2016, pour payer la somme de 342 983,17 euros.

À la lumière de la jurisprudence dont il a été fait état, la clause litigieuse, dès lors qu'elle sanctionne une obligation essentielle de l'emprunteur qui résulte d'un évènement pouvant être constaté objectivement, à savoir l'absence de paiement d'une échéance, et sans laisser penser que la banque disposait d'un pouvoir discrétionnaire pour s'en prévaloir, les emprunteurs conservant leur faculté de saisir le juge, est valide.

Les consorts X.-Y., qui ont donc été dûment informés aux termes d'une mise en demeure préalable et ont bénéficié d'un délai raisonnable pour payer la somme de 342.983,17 euros, ne peuvent exciper du caractère abusif de la clause d'exigibilité du contrat. Le moyen sera en voie de rejet. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 8 JUIN 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/01597. N° Portalis DBVK-V-B7E-OR25. Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 janvier 2020, Tribunal judiciaire de Montpellier : R.G. n° 17/03866.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [Date naissance 2] à [Localité 9], de nationalité Française, [Adresse 3], [Localité 8], Représenté par Maître Charles ZWILLER substituant Maître Philippe BEZ de la SCP BEZ, DURAND, DELOUP, GAYET, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Madame Y.

née le [Date naissance 1] à [Localité 8], de nationalité Française, [Adresse 3], [Localité 8], Représenté par Maître Charles ZWILLER substituant Maître Philippe BEZ de la SCP BEZ, DURAND, DELOUP, GAYET, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

 

INTIMÉES :

SA Crédit Logement

représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé [Adresse 5], [Localité 6], Représentée par Maître Caroline TREZEGUET de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

SA CIC Sud-Ouest venant aux droits du CIC Société Bordelaise de Crédit Industriel et Commercial

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 7], [Localité 4], Représentée par Maître Hélène BAUMELOU substituant Maître Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère, Madame Marianne FEBVRE, Conseillère.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRÊT : - contradictoire ; - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon acte sous-seing privé en date du 10 novembre 2010 accepté le 24 novembre 2010, la banque CIC Sud-Ouest (ci-après : la banque) a consenti à M. X. et Mme Y. (ci-après : les consorts X.-Y.) deux prêts aux fins de financer l'acquisition d'une maison ancienne à usage de résidence principale à [Localité 8], à savoir :

- un prêt immobilier CIC Immo prêt modulable n°.000 73XXX4 04 de 60.000 euros sur 132 mois au taux conventionnel fixe de 2,95 % l'an avec période de franchise de 12 mois et amortissable en 120 mensualités constantes de 598,98 euros, assurances comprises. Par acte sous-seing privé en date du 10 novembre 2010, la SA Crédit Logement (ci-après : le Crédit Logement) est venu garantir de ce prêt par son engagement de caution solidaire.

- un prêt immobilier CIC Immo prêt modulable n°.000 73XXX4 05 de 271.940 euros sur 312 mois au taux conventionnel fixe de 3,40% l'an avec une période de franchise de 12 mois puis amortissable d'abord par 120 mensualités constantes de 1.944,50 euros, ensuite par 180 échéances portées à 1.743,49 euros chacune, assurances comprises. Par acte sous-seing privé en date du 25 janvier 2012, le Crédit Logement est également venu garantir de ce prêt par son engagement de caution solidaire.

Suite à des échéances impayées à compter du 5 décembre 2015, le Crédit Logement réglait en exécution de son engagement de caution :

- pour le premier prêt la somme de 3.456,56 euros au titre des intérêts échus impayés pour la période du 5 décembre 2015 au 5 février 2016 (recours M 10 11YY37 01).

- pour le second prêt la somme de 1.828,23 euros au titre des arriérés échus impayés pour la période du 5 décembre 2015 au 5 février 2016 (recours M 10 11YY37 02).

Par courriers recommandés du 15 mars 2016 avec accusés de réception, le Crédit Logement mettait en demeure les consorts X.-Y. de lui régler ces sommes, en vain.

Par courriers recommandés du 16 novembre 2016 avec accusés de réception, la banque notifiait aux consorts X.-Y. la déchéance du terme des deux prêts et les mettait en demeure de rembourser la somme totale de 342.983,17 euros.

Suivant quittances subrogatives en date du 3 janvier 2017, le Crédit Logement a réglé à la banque la somme de 49.391,66 euros (recours M 10 11YY37 01) et la somme de 271.695,99 euros au titre de son engagement de caution (recours M 10 11YY37 02).

Par courriers recommandés du 30 décembre 2016, le Crédit Logement a mis en demeure les consorts X.-Y. de lui régler la somme globale de 326.413,20 euros, en vain.

Le 6 juillet 2017, le Crédit Logement assignait les consorts X.-Y. et leur dénonçait une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur l'immeuble acheté.

Par acte d'huissier de justice en date du 6 juillet 2017, le Crédit Logement a assigné les consorts X.-Y. aux fins de les voir condamner conjointement et solidairement à lui payer les sommes qu'il réclame en principal, intérêts et frais.

Par acte d'huissier de justice en date du 8 juin 2018, les consorts X.-Y. ont assigné la banque, en intervention forcée, aux fins de voir ordonner la jonction des procédures, déclarer nulle et de nul effet la déchéance du terme des prêts, dire que la banque a manqué à son obligation de mise en garde, a octroyé un crédit disproportionné à leurs capacités financières et la condamner à leur payer la somme de 107.401 euros en indemnisation de leur perte de chance de ne pas emprunter.

Les deux procédures ont été jointes le 20 novembre 2018.

Par jugement en date du 14 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Montpellier a :

- débouté les consorts X.-Y. de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné solidairement les consorts X.-Y. à payer au Crédit Logement :

- la somme de 51.401,68 euros en principal, intérêts et frais arrêtés provisoirement au 14 mai 2017 au titre du 1er prêt et du recours M 1011YY37 01 outre intérêts légaux dus sur la somme principale de 51.219,89 euros postérieurs,

- la somme de 276.076,65 euros en principal, intérêts et frais arrêtés provisoirement au 14 mai 2017 au titre du 2e prêt et du recours M 1011YY37 02 outre intérêts légaux dus sur la somme principale de 275.152,55 euros postérieurs,

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts échus depuis plus d'un an en application des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil.

- ordonné l'exécution provisoire.

- condamné in solidum les consorts X.-Y. à payer au Crédit Logement et la banque la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ce compris les frais d'inscription de l'hypothèque judiciaire provisoire.

Vu la déclaration d'appel des consorts X.-Y. en date du 18 mars 2020,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 23 mars 2023,

[*]

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 16 juin 2020, les consorts X.-Y. demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris et :

- leur octroyer des délais sur 12 mois pour s'acquitter des sommes dues,

- condamner la banque à leur payer la somme de 107.741 euros en indemnisation de leur perte de chance de ne pas emprunter,

- condamner la banque à leur payer la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 20 août 2020, la banque sollicite qu'il plaise à la cour de confirmer le jugement entrepris,

* subsidiairement, condamner les consorts X.-Y. aux sommes suivantes :

- 6.874,20 euros pour le prêt modulable 1005719461000073XXX405 outre intérêts au taux de 3,4 %

- 4.244,96 euros pour le prêt modulable 1005719461000073XXX404 outre intérêts au taux de 2,950 %,

- débouter les consorts X.-Y. de leurs demandes,

* en tout état de cause : condamner les consorts X.-Y. à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 14 septembre 2020, le Crédit Logement sollicite qu'il plaise à la cour de :

* A titre principal : confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

* A titre subsidiaire :

- débouter les consorts X.-Y. de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner les consorts X.-Y. à lui payer conjointement et solidairement

> la somme de 1.828,23 euros correspondant aux échéances impayées du 5 décembre 2015 au 5 février 2016, outre intérêts légaux à compter du 26 février 2016,

> la somme de 3.456,56 euros correspondant aux échéances impayées du 5 décembre 2015 au 5 février 2016, outre intérêts légaux à compter du 26 février 2016,

> la somme de 4.240,46 euros correspondant aux échéances impayées 05 mars 2016 au 5 septembre 2016, outre intérêts légaux à compter du 3 janvier 2017,

> la somme de 6.867 euros correspondant aux échéances impayées 05 avril 2016 au 5 septembre 2016, outre intérêts légaux à compter du 3 janvier 2017,

* En toutes hypothèses :

- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts échus depuis plus d'un an par application des dispositions de l'Article 1154 du Code Civil, ancien article 1343-2 du Code Civil.

- débouter les consorts X.-Y. de leur demande de délais de paiement,

- condamner les consorts X.-Y. in solidum à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les entiers frais d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire.

[*]

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du Code de Procédure Civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Les consorts X.-Y., faisant le constat que les conditions générales du contrat sont contraires à la jurisprudence de la Cour de cassation qui proscrit toute déchéance du terme sans avertissement préalable, soutiennent que les lettres dont se prévaut la banque ne peuvent pas être considérées comme des mises en demeure préalables et qu'ainsi la banque a prononcé fautivement la déchéance du terme par la lettre en date du 16 novembre 2016 qu'elle leur a adressée.

Ils ajoutent que les dispositions de l'article 2308 du code civil sont opposables au Crédit Logement dès lors qu'il a payé sans discussion en dehors de toute poursuite judiciaire, sans les avertir, alors qu'ils auraient pu faire valoir l'irrégularité de la déchéance du terme et, ainsi qu'ils l'ont fait, reprendre les paiements.

En tout état de cause, ils sollicitent des délais de paiement sur 12 mois pour s'acquitter des échéances impayées antérieures à la déchéance du terme.

Ils font par ailleurs valoir que la banque, en leur octroyant un crédit dépassant leurs capacités de remboursement, a failli à son obligation de mise en garde et les a privés d'une chance de ne pas contracter, cette faute devant être sanctionnée par des dommages-intérêts à hauteur de 107.741 euros.

La banque rétorque que les consorts X.-Y. ont été avertis par de multiples lettres de leur situation défaillante, ont disposé d'un délai de régularisation de 15 jours avant que la déchéance du terme n'intervienne et ce de manière régulière.

S'agissant de la faute alléguée par les consorts X.-Y., la banque fait valoir qu'au vu des éléments de patrimoine fournis par les emprunteurs, aucune anomalie n'était apparente si bien qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée.

Le Crédit Logement demande confirmation de la décision entreprise, rappelant qu'elle exerce son recours personnel, que dès lors les fautes susceptibles d'être opposées à la banque, ne peuvent pas lui être opposées et que les conditions de l'article 2308 du code civil ne trouvent pas à s'appliquer au cas d'espèce.

Il s'oppose en outre à la demande de délais, les consorts X.-Y. qui ne justifient pas de leur situation financière.

 

S'agissant de la banque :

> Sur la validité de la déchéance du terme :

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008,

Il est admis en jurisprudence que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut en principe être déclarée acquise au créancier sans la délivrance préalable de mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Selon le texte susvisé, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

La Cour de cassation vient de rendre deux décisions (Civ.1ère, 22 mars 2023, n° 21-16476 et n° 21-16044) destinées à assurer la conformité aux exigences du droit de l'Union Européenne de l'application en France des dispositions, en matière de droit de la consommation, aux termes desquelles, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont considérées comme abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du non-professionnel ou du consommateur. Elle a ainsi notamment cassé pour violation de la loi un arrêt ayant ordonné une vente forcée d'un immeuble et fixé à une certaine somme la créance de la banque, faute pour la cour d'avoir examiné d'office le caractère abusif d'une telle clause autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date, sans mise en demeure ou sommation préalable ni préavis d'une durée raisonnable.

En l'espèce, le contrat au chapitre « EXIGIBILITÉ IMMÉDIATE » que :

« Les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par écrit.

- si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts ou accessoires du présent prêt ; [...] »

La banque a envoyé aux consorts X.-Y. plusieurs lettres en date des 21 avril 2016, 29 avril 2016 et 13 mai 2016 leur demandant la régularisation d'une échéance impayée et ce, dès réception, puis plusieurs lettres en date des 18 mai 2016 et 31 mai 2016 les informant préalablement de leur inscription au FICP et leur impartissant un délai de 30 jours pour régulariser leur situation, puis deux lettres en date des 18 juin 2016 et 1er juillet 2016 les informant de la déclaration de leur situation au FICP et enfin une lettre de mise en demeure en date du 16 novembre 2016 leur impartissant un délai de 15 jours, avant le 30 novembre 2016, pour payer la somme de 342 983,17 euros.

À la lumière de la jurisprudence dont il a été fait état, la clause litigieuse, dès lors qu'elle sanctionne une obligation essentielle de l'emprunteur qui résulte d'un évènement pouvant être constaté objectivement, à savoir l'absence de paiement d'une échéance, et sans laisser penser que la banque disposait d'un pouvoir discrétionnaire pour s'en prévaloir, les emprunteurs conservant leur faculté de saisir le juge, est valide.

Les consorts X.-Y., qui ont donc été dûment informés aux termes d'une mise en demeure préalable et ont bénéficié d'un délai raisonnable pour payer la somme de 342.983,17 euros, ne peuvent exciper du caractère abusif de la clause d'exigibilité du contrat.

Le moyen sera en voie de rejet.

 

> Sur la faute de la banque :

La banque est en mesure de justifier qu'elle a vérifié les capacités de remboursement des consorts X.-Y.

Il ressort ainsi des éléments qu'ils lui ont communiqué que :

- Mme Y. était gérante d'une société d'étude de marchés et de sondages dont le chiffre d'affaires était en progression sur les années 2007, 2008 et 2009.

- le compte de ladite société était crédité en février 2010 de la somme de 54.663,64 euros.

- Mme Y. indiquait bénéficier d'un salaire de 2 300 euros par mois.

- M. X., en sa qualité d'employé à la mairie de [Localité 8], bénéficiait d'un salaire de 1.062 euros par mois.

- le ménage disposait d'une épargne de 50.000 euros.

- les consorts X.-Y. devaient s'acquitter d'un loyer de 586 euros.

- le projet d'emprunt s'inscrivait dans le cadre d'un projet immobilier avec l'achat d'une maison à rénover destinée pour partie à servir de résidence principale et pour l'autre partie à la location de trois studios qui devaient permettre le remboursement de l'emprunt à hauteur de 1.000 euros. La charge de l'emprunt représentait donc pour eux la somme de 743 euros par mois.

Au vu de ces éléments, les capacités financières des emprunteurs étaient suffisantes pour faire face à l'emprunt contracté si bien qu'aucune faute ne saurait être reprochée à la banque. Les consorts X.-Y. ne démontrent pas l'existence d'une perte de chance de ne pas contracter.

Le moyen sera en voie de rejet.

 

S'agissant du Crédit Logement :

> Sur la demande de paiement :

L'article 2305 du code civil énonce : « La caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l'insu du débiteur.

Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et frais ; néanmoins, la caution n'a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu'elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle.

Elle a aussi recours pour les dommages-intérêts, s'il y a lieu. »

L'article 2308 alinéa 2 du code civil dispose : « Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier. »

La notion de poursuite ne s'entend pas seulement par des poursuites judiciaires. Le Crédit Logement justifie ainsi qu'il a été actionné par la banque en l'absence de régularisation par les emprunteurs de régularisation de leur situation d'impayé.

Les consorts X.-Y. ont été avertis au préalable des paiements que le Crédit Logement allait effectuer à leur place, par lettres en date des 23 février 2016 et 24 février 2016 pour les premiers paiements quittancés en date du 26 février 2016 et par lettres en date des 25 mai 2016 et 25 juillet 2016 pour les seconds paiements quittancés en date du 3 janvier 2017, conformément aux dispositions de l'article 2305 précité.

Au moment où le Crédit Logement a payé la dette, il est établi que la dette n'était ni payée ni prescrite. Par ailleurs, la question de la régularité de la déchéance du terme qui concerne uniquement les emprunteurs et la banque, et en tout état de cause n'est pas une cause extinctive, ne peut pas être opposée au Crédit Logement agissant au titre de son recours personnel.

Le moyen est donc en voie de rejet. La créance du Crédit Logement étant certaine, liquide et exigible, la décision sera donc confirmée sur ce point.

 

> Sur la demande de délais de paiement :

Vu l'article 1343-5 du code civil,

Outre le fait que les délais de procédure leur ont permis, de fait, de bénéficier de délais, les consorts X.-Y. ne justifient ni d'avoir procédé à des paiements partiels pour témoigner de leur bonne foi, ni de leur situation financière actuelle. Leur demande sera donc rejetée.

La décision entreprise sera ainsi confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires :

Succombant à l'action, les consorts X.-Y. seront condamnés, en application de l'article 696 du Code de procédure civile, aux entiers dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions telles qu'elles ont été déférées devant la cour d'appel,

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum M. X. et Mme Y. à payer à la banque CIC Sud-Ouest la somme de deux mille euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNE in solidum, M. X. et Mme Y. à payer à la SA Crédit Logement la somme de deux mille euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNE in solidum, M. X. et Mme Y. aux entiers dépens d'appel.

Le Greffier                            Le Président