CA VERSAILLES (16e ch.), 25 mai 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10350
CA VERSAILLES (16e ch.), 25 mai 2023 : RG n° 22/01829
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « En deuxième lieu, l'emprunteur ne peut opposer à la caution qui a payé la dette et qui exerce son recours personnel, les contestations qu'il aurait pu faire valoir contre le créancier d'origine, à savoir le prêteur de deniers.
Il appartenait en conséquence à M. X. et Mme Y. épouse X., s'ils estimaient que le recours de la caution risquait d'entraîner leur condamnation au paiement de sommes indues, au motif que la clause d'exigibilité anticipée stipulée à l'article 11 des conditions générales des prêts en cause constituait une clause abusive dont il convenait d'écarter l'application, d'appeler en la cause la Société Générale, à l'encontre de laquelle ils n'étaient pas privés d'exercer un recours.
En l'état, leurs contestations ne peuvent avoir d'effet sur leur obligation de rembourser à la caution les sommes versées en leurs lieu et place, et la cour n'a donc pas à examiner si la clause de déchéance du terme dont s'est prévalue la banque constitue, en l'espèce, une clause abusive, ce point n'étant pas nécessaire pour trancher le litige qui lui est soumis, qui ne concerne que la caution et non la banque. »
2/ « En quatrième lieu, dès lors que les prêts consentis sont des prêts immobiliers soumis aux dispositions du code de la consommation, la règle édictée par l'article L. 312-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016, selon lequel aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du même code peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation d'un prêt immobilier ou de défaillance prévue par ces articles, fait obstacle à une capitalisation des intérêts prévue par l'article 1343-2 du code civil.
La caution s'étant substituée aux emprunteurs à la suite de leur défaillance et exerçant un recours sur les sommes demeurant dues par ceux-ci au titre du prêt, la demande de capitalisation des intérêts formée par la caution à leur encontre ne pouvait qu'être rejetée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
SEIZIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 25 MAI 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/01829 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VCRB. Code nac : 53J. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 janvier 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VERSAILLES : RG n° 21/03980.
LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [Date naissance 1] à [Localité 7], de nationalité Française, [Adresse 3], [Localité 6]
Madame Y. épouse X.
née le [Date naissance 2] à [Localité 7], de nationalité Française [Adresse 3], [Localité 6]
Représentant : Maître Jean-Pierre TOFANI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 529
INTIMÉE :
SA CRÉDIT LOGEMENT
N° Siret : B XXX (RCS Paris), [Adresse 4], [Localité 5], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Marion CORDIER de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 189 - N° du dossier S210247
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 6 avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Fabienne PAGES, Président, Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller, Madame Florence MICHON, Conseiller.
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Aux termes de deux offres préalables du 30 novembre 2011, acceptées le 17 décembre 2011, la Société Générale a consenti à M. X. et à Mme Y. épouse X., agissant solidairement entre eux :
- un prêt immobilier à taux fixe d'un montant de 97.716,78 euros, au taux de 4,61 % l'an, hors assurance, d'une durée de 312 mois, dont 12 mois de différé total,
- un prêt immobilier à taux fixe d'un montant de 22.898,14 euros, au taux de 4,41 % l'an, hors assurance, d'une durée de 252 mois, dont 12 mois de différé total,
destinés à financer l'acquisition, en l'état futur d'achèvement, d'un bien à usage locatif.
La société Crédit Logement s'est portée caution du remboursement de l'un et l'autre prêt, par actes du 30 novembre 2011.
Des échéances de l'un et l'autre prêt étant impayées, la société Crédit Logement a réglé au prêteur, en sa qualité de caution, selon quittances subrogatives en date du 25 mai 2020 :
- une somme de 3.137, 51 euros, représentant les échéances des mois de septembre 2019 à avril 2020, ainsi que les pénalités de retard, au titre du prêt de 97.716,78 euros,
- une somme de 764,91 euros, représentant les échéances des mois de septembre 2019 à avril 2020, ainsi que les pénalités de retard, au titre du prêt de 22.898,14 euros.
Le 1er mars 2021, la Société Générale a prononcé la déchéance du terme de l'un et l'autre prêt.
La société Crédit Logement a réglé au prêteur, en sa qualité de caution, selon quittances subrogatives en date du 26 avril 2021 :
- une somme de 100.879,81 euros, représentant le capital restant dû, les échéances impayées des mois de mai 2020 à février 2021, et les pénalités de retard, au titre du prêt de 97.716,78 euros,
- une somme de 24.677,80 euros, représentant le capital restant dû, les échéances impayées des mois de mai 2020 à février 2021, et les pénalités de retard, au titre du prêt de 22.898,14 euros.
Par exploit du 29 juin 2021, la société Crédit Logement a fait assigner M. X. et Mme Y. épouse X. en paiement.
Par jugement rendu le 28 janvier 2022, réputé contradictoire en l'absence de M. X. et de Mme Y. épouse X., le tribunal judiciaire de Versailles a :
- condamné solidairement Mme Y. épouse X. et M. X. à verser à la société Crédit Logement, au titre du prêt de 92.716,78 euros, les sommes de :
* 3.137,51 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2020 jusqu'à parfait paiement,
* 100.879,81 euros [augment]ée des intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2021 jusqu'à parfait paiement,
- condamné solidairement Mme Y. épouse X. et M. X. à verser à la société Crédit Logement, au titre du prêt de 22.898,14 euros, les sommes de :
* 764,91 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2020 jusqu'à parfait paiement,
* 24.677,80 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2021 jusqu'à parfait paiement,
- ordonné la capitalisation des intérêts, à compter de l'assignation, pour les intérêts dus depuis au moins une année,
- condamné in solidum Mme Y. épouse X. et M. X. aux dépens qui pourront être recouvrés par Maître Marion Cordier, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamné, in solidum Mme Y. épouse X. et M. X. à payer à la société Crédit Logement la somme de 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que [son] jugement est assorti de l'exécution provisoire de plein droit,
- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.
Le 23 mars 2022, M. X. et Mme Y. épouse X. ont interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance rendue le 7 mars 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 6 avril 2023.
[*]
Aux termes de leurs seules conclusions remises au greffe le 23 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, M. X. et Mme Y. épouse X., appelants, demandent à la cour de :
- les recevoir en leur appel ;
Et, infirmant le jugement déféré,
- débouter la société Crédit Logement de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Subsidiairement,
- déclarer abusive et non écrite la clause d'exigibilité anticipée stipulée à l'article 11 des conditions générales des prêts de 92.716,78 euros et de 22.898,14 euros consentis par la Société Générale ;
- constater que la Société Générale ne leur a pas donné un délai raisonnable pour régulariser l'arriéré mentionné dans ses courriers de mise en demeure avec déchéance du terme datés du 9 février 2021 ;
- constater que la société Crédit Logement ne les a pas avertis préalablement des versements effectués auprès de la Société Générale, alors qu'ils étaient en mesure d'opposer utilement au créancier, pour y faire obstacle, des moyens de droit tirés notamment de l'irrégularité de la clause de déchéance du terme et de sa mise en œuvre ;
- débouter en conséquence la société Crédit Logement de toutes ses demandes relatives au paiement des sommes déchues du terme, et infirmer le jugement déféré en ce qu'il les a condamnés à lui verser les sommes suivantes :
- la somme principale de 100.879,81 euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2021 jusqu'à parfait paiement,
- la somme principale de 24.677,80 euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2021 jusqu'à parfait paiement ;
En tout état de cause,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts ;
- les autoriser, en application de l'article 1343-5 du code civil, à se libérer de la somme dont elle serait jugée redevable (sic) envers la société Crédit Logement par 23 versements mensuels de 484,35 euros, le premier exigible le 15 du mois suivant celui de la signification à partie de l'arrêt à intervenir, suivi d'un 24ème versement soldant la dette en capital intérêts et frais ;
- dire que la société Crédit Logement devra leur adresser, 15 jours au moins avant la date d'échéance du 24ème versement, un décompte détaillé des sommes restant alors dues ;
- dire que la dette ne portera intérêts qu'au taux légal et que chacun des versements s'imputera d'abord sur le capital ;
- condamner la société Crédit Logement à leur verser une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il les a condamnés à verser une somme de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
et condamner la société Crédit Logement aux entiers dépens de première instance et d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Jean-Pierre Tofani, avocat, par application de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
Aux termes de ses seules conclusions remises au greffe le 8 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Crédit Logement, intimée, demande à la cour de :
- déclarer M. X. et Mme Y. épouse X. recevables en leur appel mais les dire mal fondés ;
- les débouter de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;
- confirmer le jugement rendu le 28 janvier 2022 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
- condamner solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à lui payer une indemnité de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi qu'aux dépens d'appel, avec distraction au profit de Maître Marion Cordier, membre de la Selarl Sillard Cordier et associés.
[*]
A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 25 mai 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A titre liminaire, sur l'étendue de la saisine de la cour :
La cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu'elle ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.
Elle rappelle également que les « dire » et les « constater » qui sont des rappels des moyens invoqués à l'appui des demandes, ne conférant pas -hormis les cas prévus par la loi- de droit à la partie qui les requiert, ne sont pas des prétentions.
Sur la demande en paiement :
A titre principal, les appelants concluent au rejet de la demande de la société Crédit Logement, faute pour cette dernière de rapporter la preuve, qui lui incombe, en vertu des articles 1315 ancien et 1353 nouveau du code civil, du montant de la créance invoquée. Ils soutiennent que, au vu des chiffres en cause, soit un principal réclamé de 104.017,32 euros pour un prêt d'un montant en principal de 92.716,78 euros consenti 10 ans plus tôt, et un principal réclamé de 25.442,71 euros pour un prêt d'un montant en principal de 22.898,14 euros consenti 10 ans plus tôt, les demandes en paiement sont nécessairement erronées.
Invoquant, à titre subsidiaire, la perte par la caution de son recours à l'encontre des débiteurs, M. X. et Mme Y. épouse X. font valoir :
- que la société Crédit Logement ne justifie pas avoir été poursuivie par la Société Générale,
- qu'elle ne les avait pas avertis préalablement des versements effectués auprès du créancier,
qu'ils étaient en mesure d'opposer utilement au créancier, pour y faire obstacle, des moyens de droit tirés notamment de l'irrégularité de la déchéance du terme, tenant d'une part, au fait que cette clause devait être réputée non écrite comme constituant une clause abusive en ce sens qu'elle permettait à la Société Générale d'exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, en cas de non-paiement à son échéance d'une seule mensualité, en excluant toute possibilité de régularisation, et d'autre part, au fait que les mises en demeure qui leur ont été adressées ne leur laissaient qu'un délai de 8 jours pour régulariser le retard allégué, ce qui ne constitue pas un délai utile pour faire obstacle à la déchéance du terme.
En tout état de cause, les appelants s'opposent à la capitalisation des intérêts. La société Crédit Logement exerce en effet, font-ils valoir, un recours subrogatoire qui reste régi par les dispositions du code de la consommation, et les dispositions combinées des articles L. 313-52 et L. 313-51 du dit code, qui sont d'ordre public, ne permettent de réclamer à l'emprunteur, en cas de défaillance, que le montant du capital restant dû, le paiement des intérêts échus contractuellement et une indemnité forfaitaire dont le montant est fixé par voie réglementaire, sans distinguer selon que ces sommes lui sont réclamées par le prêteur ou par une caution subrogée dans ses droits, ceci d'autant plus lorsque celle-ci a participé à titre professionnel à l'opération de crédit, ce qui est le cas de la société Crédit Logement.
Rappelant les termes de l'article 2305 du code civil, la société Crédit Logement considère qu'elle rapporte la preuve, par la production notamment des contrats de prêt, des actes de cautionnement, des mises en demeure adressées par la caution et par le prêteur, ainsi que des quittances subrogatives, qui les détaillent très exactement, des sommes qu'elle a réglées à la Société Générale en sa qualité de caution, aux lieu et place des débiteurs principaux. Elle conclut en conséquence à la confirmation du jugement s'agissant des sommes énoncées.
S'opposant à toute déchéance de son droit à recours, elle rappelle que lorsqu'elle exerce le recours personnel de l'article 2305 du code civil, la caution ne peut se voir opposer par le débiteur principal les exceptions dont ce dernier aurait pu se prévaloir à l'égard du créancier, de sorte que la critique émise par les appelants à l'encontre de la déchéance du terme est inopérante et lui est inopposable. Etant ajouté par ailleurs que, contrairement à ce que prétendent les appelants, l'exigibilité anticipée du prêt n'a pas été prononcée après une seule mensualité impayée, ainsi qu'en témoignent les diverses lettres recommandées avec accusé de réception que la Société Générale leur a adressées.
Rappelant que la caution ne peut être déchue de son recours que si les conditions prévues par l'article 2308 alinéa 2 du code civil (dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021) sont cumulativement réunies, elle fait valoir :
- qu'elle vers aux débats l'appel en garantie de la banque,
- que les époux X. n'invoquent aucun moyen pour faire déclarer leurs dettes éteintes mais contestent seulement la déchéance du terme des prêts, dont l'irrégularité du prononcé ne constitue pas une cause d'extinction de l'obligation.
La société Crédit Logement soutient, enfin, qu'elle est fondée en sa demande de capitalisation des intérêts, qui est de droit dès lors que les conditions posées par l'article 1343-2 du code civil sont réunies. Contrairement à ce que prétendent les appelants, et nonobstant le fait qu'elle ait pu leur indiquer dans certaines de ses mise en demeure qu'elle était subrogée dans les droits du débiteur principal, elle fonde en effet son action sur le recours personnel de l'article 2305 du code civil, et si l'article L. 313-52 du code de la consommation interdit la capitalisation des intérêts lorsque l'emprunteur est un consommateur, il n'a pas vocation à s'appliquer dans les rapports entre la caution et le débiteur principal, seul le prêt immobilier liant les emprunteurs et l'établissement bancaire étant soumis au code de la consommation.
Ceci étant exposé, il est rappelé qu'en vertu de l'article 2305 du code civil, la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l'insu du débiteur. Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ; néanmoins la caution n'a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu'elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle. Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts, s'il y a lieu.
En vertu de l'article 2308 alinéa 2 du même code, lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier.
En premier lieu, il convient de constater que la caution exerce son recours personnel sur le fondement des dispositions de l'article 2305 du code civil en vigueur à la date de l'assignation, qui lui permet de récupérer contre le débiteur, le principal de ce qu'elle a payé portant intérêts au taux légal à compter de son paiement.
Pour fixer comme il l'a fait le montant de la créance de la société Crédit Logement, le tribunal s'est appuyé sur les contrats de prêt, les tableaux d'amortissement, les contrats de cautionnement et les quittances subrogatives, produits aux débats, et en a déduit que la société Crédit Logement avait réglé au prêteur, en sa qualité de caution, pour le premier prêt, la somme de 3.137,51 euros le 25 mai 2020 et celle de 100.879,81 euros le 26 avril 2021, et pour le second prêt la somme de 764,91 euros le 25 mai 2020 et celle de 24.677,80 euros le 26 avril 2021.
M. et Mme X. ne développent de critique utile ni des pièces produites par la société Crédit Logement, ni des motifs qu'a retenus le tribunal à l'appui de sa décision, en sorte que leur contestation du montant de la créance de la caution, et de la preuve de celle-ci, qui repose sur leur seule affirmation de son caractère nécessairement erroné, sans aucune démonstration en ce sens, ne peut prospérer devant la cour.
En deuxième lieu, l'emprunteur ne peut opposer à la caution qui a payé la dette et qui exerce son recours personnel, les contestations qu'il aurait pu faire valoir contre le créancier d'origine, à savoir le prêteur de deniers.
Il appartenait en conséquence à M. X. et Mme Y. épouse X., s'ils estimaient que le recours de la caution risquait d'entraîner leur condamnation au paiement de sommes indues, au motif que la clause d'exigibilité anticipée stipulée à l'article 11 des conditions générales des prêts en cause constituait une clause abusive dont il convenait d'écarter l'application, d'appeler en la cause la Société Générale, à l'encontre de laquelle ils n'étaient pas privés d'exercer un recours.
En l'état, leurs contestations ne peuvent avoir d'effet sur leur obligation de rembourser à la caution les sommes versées en leurs lieu et place, et la cour n'a donc pas à examiner si la clause de déchéance du terme dont s'est prévalue la banque constitue, en l'espèce, une clause abusive, ce point n'étant pas nécessaire pour trancher le litige qui lui est soumis, qui ne concerne que la caution et non la banque.
En troisième lieu, pour pouvoir opposer utilement à la caution les dispositions de l'article 2308 alinéa 2 du code civil, il appartient aux débiteurs d'apporter la preuve que les conditions visées par ce texte sont réunies. La sanction qu'il prévoit n'est en effet encourue que si les trois conditions tenant au défaut d'avertissement du débiteur, au paiement effectué par la caution sans qu'elle ait été poursuivie par le créancier, et au fait que le débiteur disposait de moyens pour faire déclarer sa dette éteinte sont simultanément remplies.
Or, force est de constater que M. X. et Mme Y. épouse X. ne font valoir aucun moyen utile qui aurait été de nature à faire déclarer leur dette éteinte, étant rappelé que, s'ils soutiennent que la déchéance du terme prononcée par la banque est irrégulière, le moyen tiré de l'irrégularité de la déchéance du terme, qui affecte l'exigibilité de l'obligation, et non son existence, ne constitue pas un moyen permettant de faire déclarer la dette éteinte.
Dans ces conditions, la société Crédit Logement n'est pas privée du recours qu'elle tient de l'article 2305 du code civil susvisé.
En quatrième lieu, dès lors que les prêts consentis sont des prêts immobiliers soumis aux dispositions du code de la consommation, la règle édictée par l'article L. 312-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016, selon lequel aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du même code peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation d'un prêt immobilier ou de défaillance prévue par ces articles, fait obstacle à une capitalisation des intérêts prévue par l'article 1343-2 du code civil.
La caution s'étant substituée aux emprunteurs à la suite de leur défaillance et exerçant un recours sur les sommes demeurant dues par ceux-ci au titre du prêt, la demande de capitalisation des intérêts formée par la caution à leur encontre ne pouvait qu'être rejetée.
Le jugement qui a fait droit à cette demande sera infirmé sur ce point.
Sur la demande de délais de paiement :
M. X. et Mme Y. épouse X. font valoir, à l'appui de leur demande de délais de paiement, que les difficultés rencontrées dans l'exécution du contrat ne sont pas de leur fait, mais du fait de la société gérant la location du bien immobilier financé au moyen des prêts garantis par le Crédit Logement, qui s'est montrée défaillante dans le reversement des loyers auprès des propriétaires. Cette société ayant repris le versement, ils seront en mesure désormais d'effectuer des versements auprès de la société Crédit Logement pour les sommes dont la cour les estimerait redevables.
La société Crédit Logement s'oppose à l'octroi de délais, relevant que les appelants ne versent aux débats aucune pièce justifiant de leur situation financière actuelle, que rien ne permet de s'assurer qu'ils seraient en mesure d'apurer leur dette en 24 mois, comme l'impose l'article 1343-5 du code civil, qu'ils n'ont procédé à aucun règlement depuis qu'elle a payé la banque en leurs lieu et place, et qu'au surplus, ils ont déjà bénéficié de facto d'un délai de plus de deux ans pour apurer leur dette.
En vertu de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Toutefois, comme le souligne avec pertinence l'intimée, M. X. et Mme Y. épouse X. ne produisent aucun élément permettant à la cour de connaître leur situation actuelle, et singulièrement aucun justificatif s'agissant des revenus locatifs dont ils font état, et rien ne permet de justifier qu'ils seront en mesure, dans deux ans, d'avoir réglé à la caution les sommes dont ils sont débiteurs à son égard.
En conséquence, il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande de délais.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Succombant pour l'essentiel en leur appel, M. X. et Mme Y. épouse X. en supporteront in solidum les dépens.
Ils seront également condamnés, in solidum, à régler à la société Crédit Logement une somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de l'appel, en sus de la somme allouée en première instance, et seront déboutés de leur propre demande au titre des frais irrépétibles.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
CONFIRME le jugement rendu le 28 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Versailles en toutes ses dispositions, excepté en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts, à compter de l'assignation, pour les intérêts dus depuis au moins une année,
Statuant à nouveau de ce chef infirmé, et y ajoutant,
Déboute la société Crédit Logement de sa demande de capitalisation des intérêts,
Déboute M. X. et Mme Y. épouse X. de leur demande de délais de paiement,
Déboute M. X. et Mme Y. épouse X. de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. in solidum à régler à la société Crédit Logement une somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. in solidum aux dépens de l'appel, dont le recouvrement pourra être effectué par le conseil de la société Crédit Logement selon les modalités prévues par l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,
- 5853 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Consommateur tiers au contrat
- 6123 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Retard d’exécution