CA PARIS (pôle 4 ch. 8), 5 juillet 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10366
CA PARIS (pôle 4 ch. 8), 5 juillet 2023 : RG n° 20/18366 ; arrêt n° 2023/120
Publication : Judilibre
Extrait : « Les conditions générales de la police stipulent en page 10 que le vol est compris dans la garantie, sans pour autant le définir à ce stade. Le vol est défini en page n° 35 de la police comme « la soustraction frauduleuse de tout ou partie du véhicule assuré ». Il est constant que le véhicule RENAULT MEGANE III de Mme Y. a fait l'objet d'un vol ; la première condition de garantie est donc réunie.
* le vol par effraction. La garantie afférente est conditionnée à la démonstration par l'assuré de « la présence de traces matérielles résultant d'une effraction ou tentative d'effraction mécanique. » (page n° 10 de la police d'assurance). En l'espèce, les parties s'accordent à dire qu'aucune effraction n'a été constatée, dès lors la garantie vol avec effraction ne peut s'appliquer.
* le vol sans effraction. Le vol est également garanti en l'absence d'effraction, lorsqu'il a été commis « par ruse ou par violence. » A titre liminaire, Mme Y. soutient qu'en admettant que la définition du vol par ruse soit contractuelle, la clause afférente est abusive et doit être réputée non-écrite.
Vu les articles L. 212-1 et R. 212-2 du code de la consommation, dans leur version applicable au litige ; La page n° 35 des « mots-clés » des conditions générales définit le vol par ruse comme « le vol commis au moyen d'une fausse qualité ou d'un faux état, destiné à tromper la confiance de la victime ». Comme l’a parfaitement analysé le tribunal par des motifs que la cour adopte en l'absence d'élément de nature à remettre en cause cette appréciation, cette clause, qui ne procure pas d'avantage excessif à l'assureur et ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, ne peut être qualifiée de clause abusive. Le jugement est confirmé sur ce point. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 8
ARRÊT DU 5 JUILLET 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/18366. Arrêt n° 2023/120 (7 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CCZ66. Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 octobre 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MEAUX - RG n° 19/01539.
APPELANTE :
Madame X. épouse Y.
[Adresse 1], [Localité 3], née le [date] à [Localité 5], De nationalité française, représentée par Maître Laetitia JOFFRIN de la SELARL DESMOULIN/JOFFRIN, avocat au barreau de MEAUX
INTIMÉE
SA PACIFICA
[Adresse 4], [Localité 2], Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : XXX, représentée par Maître François MEURIN de la SELARL TOURAUT AVOCATS, avocat au barreau de MEAUX
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Julien SENEL, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre, Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre, M. Julien SENEL, Conseiller.
Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET
ARRÊT : Contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, Greffière présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 27 janvier 2018, Mme Y. née X. a acquis un véhicule de marque RENAULT modèle MEGANE III 1.2 immatriculé [Immatriculation 6] moyennant un prix de 14.500 euros. Elle a souscrit un contrat d'assurance auprès de la société PACIFICA, afin d'assurer ledit véhicule. La confirmation d'adhésion au contrat mentionne que le mode de stationnement la nuit est un garage fermé.
Le 9 décembre 2018, M. Y., époux de Mme X., a déposé plainte auprès de la gendarmerie à la suite d'un vol survenu sans effraction dans la nuit précédente, à leur domicile (situé à [Localité 7]), au cours de laquelle le véhicule RENAULT MEGANE III a été dérobé, ainsi que divers objets, dont les clefs du domicile, du garage et des véhicules. Celui-là n'a pas été retrouvé mais neuf objets volés dans l'habitation ou le véhicule ont été retrouvés et restitués par la gendarmerie, le 10 décembre 2018 (carte grise du véhicule volé, deux tablettes multimédia, clé de serrure comprenant un jeu de clés du véhicule volé, clés de maison et garage, permis de conduire, carte nationale d'identité, carte vitale, téléphone portable).
Par courrier du 22 janvier 2019, la société PACIFICA a refusé de mobiliser la garantie vol pour indemniser la perte du véhicule, en arguant de l'absence d'effraction sur le lieu d'habitation ainsi que sur le véhicule.
C'est dans ce contexte que Mme Y. a, par acte d'huissier délivré le 25 avril 2019, fait assigner la société PACIFICA devant le tribunal judiciaire de MEAUX aux fins d'obtenir l'indemnisation de la valeur de son véhicule, ainsi que des dommages-intérêts pour résistance abusive.
Par jugement du 27 octobre 2020, le tribunal judiciaire de MEAUX a :
- débouté Mme Y. de sa demande en paiement de la somme de 13.800 euros formulée au titre de l'exécution du contrat d'assurance ;
- débouté Mme Y. de sa demande en paiement de la somme de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts ;
- condamné Mme Y. à verser à la société PACIFICA la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté Mme Y. de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme Y. aux dépens ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
La société PACIFICA a fait signifier le jugement à Mme Y. par acte d'huissier du 19 novembre 2020.
Par déclaration électronique du 15 décembre 2020, Mme Y. a interjeté appel de ce jugement en mentionnant qu'elle en sollicitait l'infirmation en ses dispositions lui faisant grief, énumérées dans ladite déclaration.
[*]
Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 mars 2021, Mme Y. demande à la cour au visa de l'article 1103 du code civil, d'infirmer le jugement en ce qu'il a :
« DÉBOUTE Mme Y. née X. de sa demande en paiement de la somme de 13.800 euros formulée au titre de l'exécution du contrat d'assurance ;
DÉBOUTE Mme Y. née X. de sa demande en paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNE Mme Y. née X. à verser à la société PACIFICA la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE Mme Y. née X. de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme Y. née X. aux dépens »
et statuant à nouveau, de :
- condamner la compagnie PACIFICA à lui payer les sommes suivantes :
* 13.800 euros au titre de la garantie VOL, avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2019, date de l'assignation,
* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
* 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
- débouter la compagnie PACIFICA de ses demandes.
[*]
Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 juin 2021, la société PACIFICA demande à la cour de :
- débouter Mme Y. de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- condamner Mme Y. à payer à la société PACIFICA la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
- la condamner aux dépens.
[*]
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 octobre 2022.
Il convient de se reporter aux conclusions pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'appelant sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions lui faisant griefs, tandis que l'intimé demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, ce qui conduit la cour à réexaminer l'entier litige.
1) Sur la mise en œuvre de la garantie souscrite par Mme Y. :
Vu les articles 1103 et 1353 du code civil ;
Le tribunal a débouté Mme Y. de sa demande en paiement de la somme de 13.800 euros formulée au titre de l'exécution du contrat d'assurance aux motifs notamment que les conditions de la garantie invoquée n'étaient pas réunies, dès lors que, si la réalité du vol allégué par Mme Y. n'est pas contestée, aucune ruse au sens du contrat n'est caractérisée.
En appel, Mme Y. fait valoir que le jugement doit être infirmé sur ce point en faisant valoir en substance que :
- le vol dont elle a été victime, qui n'est pas contesté, a été effectué par ruse, s'agissant de personnes qui se sont introduites chez elle subrepticement et ont quitté les lieux à bord de son véhicule démarré grâce aux clefs indûment obtenues, parce que volées à l'intérieur du domicile ;
- en l'absence d'effraction, les dommages subis par le véhicule consécutifs à sa disparition lors d'un vol ou d'une tentative de vol par ruse étant garantis par le contrat, l'assureur doit l'indemniser de la perte de son véhicule.
L'intimé sollicite la confirmation du jugement en faisant essentiellement valoir que :
- les limites de la garantie vol sont définies en page 10 des conditions générales qui ont été portées à la connaissance de Mme Y. et acceptées par elle ;
- le vol par ruse, au sens du contrat, est lui-même défini en page 35 des conditions générales comme étant « le vol commis au moyen d'une fausse qualité ou d'un faux état, destiné à tromper la confiance de la victime » ;
- en l'espèce, le vol du véhicule est intervenu sans effraction ;
- le ou les voleurs n'ont usé d'aucune fausse qualité ou faux état pour tromper la confiance de Mme Y., de telle sorte qu'il n'y a pas eu vol par ruse au sens du contrat.
Sur ce,
L'appelant ne conteste pas les conditions générales produites par la SA PACIFICA, dès lors il est constant qu'elles lui sont opposables.
Les conditions générales de l'assurance automobile comportent en page 34, le lexique des « mots clés » afférent à la définition des termes du contrat, auquel il est renvoyé en bas de chaque page du contrat d'assurance en ces termes : « Retrouvez les mots-clés page 34 ».
Les clauses claires et précises du contrat instituant, non pas un cas d'exclusion de garantie mais, les conditions de la garantie vol, il incombe à Mme Y. de démontrer qu'elle réunit les conditions d'indemnisation du sinistre déclaré au titre de cette garantie.
Les conditions générales de la police stipulent en page 10 que le vol est compris dans la garantie, sans pour autant le définir à ce stade.
Le vol est défini en page n° 35 de la police comme « la soustraction frauduleuse de tout ou partie du véhicule assuré ».
Il est constant que le véhicule RENAULT MEGANE III de Mme Y. a fait l'objet d'un vol ; la première condition de garantie est donc réunie.
* le vol par effraction
La garantie afférente est conditionnée à la démonstration par l'assuré de « la présence de traces matérielles résultant d'une effraction ou tentative d'effraction mécanique. » (page n° 10 de la police d'assurance).
En l'espèce, les parties s'accordent à dire qu'aucune effraction n'a été constatée, dès lors la garantie vol avec effraction ne peut s'appliquer.
* le vol sans effraction
Le vol est également garanti en l'absence d'effraction, lorsqu'il a été commis « par ruse ou par violence. »
A titre liminaire, Mme Y. soutient qu'en admettant que la définition du vol par ruse soit contractuelle, la clause afférente est abusive et doit être réputée non-écrite.
Vu les articles L. 212-1 et R. 212-2 du code de la consommation, dans leur version applicable au litige ;
La page n° 35 des « mots-clés » des conditions générales définit le vol par ruse comme « le vol commis au moyen d'une fausse qualité ou d'un faux état, destiné à tromper la confiance de la victime ».
Comme la parfaitement analysé le tribunal par des motifs que la cour adopte en l'absence d'élément de nature à remettre en cause cette appréciation, cette clause, qui ne procure pas d'avantage excessif à l'assureur et ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, ne peut être qualifiée de clause abusive.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur le fond, Mme Y. soutient avoir été victime d'un vol sans effraction par ruse ouvrant droit à indemnisation, dès lors que les voleurs se sont introduits dans son domicile la nuit alors qu'elle dormait et qu'ils y ont dérobé les clés du véhicule pour ensuite s'enfuir avec.
Mme Y. ajoute que « Les conditions générales n° 0641A.33 du contrat d'assurance (...) ne comprennent pas, dans les limites de la garantie vol - page 10, de définition du vol par ruse, en l'absence d'effraction. Seul un bas de page s'y trouve, indiquant retrouvez les « mots-clés » page 34, sans qu'il soit indiqué ce qu'il est entendu par « mots-clés ».
La mention « Retrouvez les « mots-clès » page 34 » figure en fait en bas de chacune des pages 8 à 33 des conditions générales du contrat et le sommaire du contrat y fait également référence, en gras dans le texte (« vous trouverez dans le chapitre « mots-clés » page 34, la signification des mots et expressions importants pour la compréhension et la mise en œuvre de votre contrat »), de sorte que l'attention du lecteur est particulièrement attirée sur ce point.
Les « mots clés » auxquels il est ainsi fait référence sont les mots et expressions dont l'assureur fait usage dans le contrat, qu'il a entendu définir précisément pour parfaire la compréhension et la mise en œuvre du contrat, de sorte qu'ils font partie intégrante du champ contractuel.
Le vol par ruse y est ainsi défini en page 35 comme « le vol commis au moyen d'une fausse qualité ou d'un faux état, destiné à tromper la confiance de la victime » ; comme l'a exactement relevé le tribunal, il appartient ainsi à l'assuré de démontrer l'existence de cette condition de garantie.
Au regard de cette définition contractuelle, et des pièces versées aux débats, Mme Y. ne peut être suivie lorsqu'elle revendique la mobilisation de la garantie en soutenant avoir subi une soustraction frauduleuse des clefs de son véhicule à son insu (parce que dormant alors à l'étage de son domicile) et contre son gré (parce que n'ayant pas donné son accord), ce qui a permis le vol du véhicule.
En effet, comme le réplique l'assureur, le vol par ruse au sens du contrat n'est pas davantage caractérisé devant la cour qu'il ne l'était devant le tribunal, les voleurs n'ayant usé d'aucune « fausse qualité ou faux état » pour tromper la confiance de Mme Y., comme l'exige pourtant le contrat.
En effet, Mme Y. a relaté dans le questionnaire « vol d'un véhicule » destiné à PACIFICA, le 8 décembre 2018, les circonstances précises du vol comme suit : « Les cambrioleurs sont entrés par la fenêtre de la cuisine, sont montés au salon, ont dérobé plusieurs objets dont les clés de la voiture et du garage, puis se sont emparés du véhicule. » Son époux a dans son dépôt de plainte du 9 décembre 2018 précisé aux gendarmes que la fenêtre coulissante de la cuisine, retrouvée ouverte après le vol, était « facile à ouvrir ».
Le fait d'avoir pris les clés du véhicule dans le logement du propriétaire sans son autorisation, après être passé par une fenêtre facile à ouvrir, ne caractérise pas le vol par ruse au sens contractuel de ce terme, à savoir « le vol commis au moyen d'une fausse qualité ou d'un faux état, destiné à tromper la confiance de la victime ».
Les conditions de la garantie vol sans effraction, par ruse, n'étant pas réunies, Mme Y. ne peut prétendre à l'indemnisation par la SA PACIFICA du vol de son véhicule ;l e jugement sera confirmé sur ce point.
2) Sur la résistance abusive de la société PACIFICA :
Vu l'article 1231-1 du code civil ;
Le tribunal a débouté Mme Y. de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Mme Y. succombant en sa demande principale, elle ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive de l'assureur, formulée à hauteur de 5.000 euros, dès lors qu'il ne peut être reproché à l'assureur d'avoir abusivement résisté à l'exécution de ses obligations au regard de l'issue du litige ; le jugement est confirmé de ce chef.
3) Sur les autres demandes :
Compte tenu de la solution retenue par la cour, le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné Mme Y. au paiement de la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles, l'a déboutée de sa demande sur ce fondement et l'a condamnée aux dépens de première instance.
En cause d'appel, Mme Y. sera condamnée à payer à la SA PACIFICA la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par mise à disposition de la décision au greffe,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant :
Condamne Mme X. épouse Y. aux dépens d'appel ;
Condamne Mme X. épouse Y. à payer à la société PACIFICA la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Mme X. épouse Y. de sa demande formée de ce chef.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE