CA PARIS (pôle 1 ch. 10), 15 juin 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10377
CA PARIS (pôle 1 ch. 10), 15 juin 2023 : RG n° 22/18106
Publication : Judilibre
Extrait : « L'article R. 512-1 du Code des procédures civiles d'exécution énonce que si les conditions prévues pour pratiquer une saisie conservatoire, à savoir l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe et des circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement, ne sont pas réunies, la mainlevée de la mesure conservatoire peut être ordonnée à tout moment. Il appartient au créancier de prouver que ces conditions sont remplies.
Dans le cadre de la présente contestation il n'y a pas lieu de chiffrer la créance, ni de trancher les contestations relatives au montant exact de la dette, étant rappelé que la mise en place d'une mesure conservatoire suppose seulement la mise en évidence d'une créance paraissant fondée en son principe. […]
Les parties sont contraires sur la question de savoir si la clause résolutoire ici invoquée est abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation ou non, et également si elle contrevient au droit de propriété consacré par l'article 544 du code civil. En effet une clause intitulée « engagement de l'emprunteur » stipulait que M. et Mme X. s'engageaient, durant toute la durée du prêt, à ne pas amoindrir volontairement, de quelque manière que ce soit, la valeur des biens immobiliers objet du prêt sans l'accord de la banque, et à ne pas hypothéquer ni aliéner ou apporter en société ces biens. La clause intitulée « défaillance et exigibilité des sommes dues » prévoyait que leur totalité serait exigible en cas de non-respect de l'un des engagements limitativement prévus ci-dessus.
Cette clause n'a pas pour l'heure été annulée en justice et doit donc, en cet état de la procédure, recevoir application, les intimés devant régler le solde du prêt, et si la juridiction du fond devra statuer sur la régularité formelle des mises en demeure qui leur ont été adressées ainsi que sur les conditions dans lesquelles la société Banque populaire Rives de [Localité 12] a délivré à la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] une quittance subrogative, cette dernière peut invoquer une créance paraissant fondée en son principe. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 1 CHAMBRE 10
ARRÊT DU 15 JUIN 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/18106 (7 pages). N° Portalis 35L7-V-B7G-CGS3O. Décision déférée à la cour : Jugement du 17 octobre 2022 - Juge de l'exécution de [Localité 12] - RG n° 22/80955.
APPELANTE :
SA SOCIÉTÉ DE CAUTION MUTUELLE HABITAT RIVES DE [Localité 12]
[Adresse 8], [Localité 7], Représentée par Maître Yves-Marie RAVET de la SELARL RAVET & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209
INTIMÉS :
Monsieur X.
[Adresse 4], [Localité 6]
Madame Y. épouse X.
[Adresse 4], [Localité 6]
Représentés par Maître Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090, Ayant pour avocat plaidant Maître Marie CAYETTE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 17 mai 2023, en audience publique, devant la cour composée de : Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, Madame Catherine LEFORT, conseiller, Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La société Banque populaire Rives de [Localité 12] avait octroyé un prêt immobilier d'un montant en capital de 259 879 euros à M. et Mme X., à raison duquel la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] s'était portée caution. A la suite du prononcé de la déchéance du terme, elle lui a remis le 24 février 2022 une quittance subrogative d'un montant de 169.111,83 euros.
Déclarant agir en vertu d'une ordonnance du juge de l'exécution de Paris en date du 31 mars 2022, la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] a, le 22 avril 2022, régularisé plusieurs saisies conservatoires entre les mains de la société Crédit agricole Mutuel de [Localité 12] et Ile de France, de la Banque postale, de la société BNP Paribas, de la Caisse d'Epargne et de prévoyance Ile de France et de la société Banque populaire Rives de [Localité 12], pour avoir conservation de la somme de 170.000 euros en principal. Ces mesures ont été dénoncées à M. et Mme X. le 28 avril 2022.
Déclarant agir en vertu d'une autre ordonnance en date du 16 mai 2022, la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] a, le 30 mai 2022, pris une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire, au service de la publicité foncière de Bobigny 1, portant sur un immeuble appartenant à M. et Mme X. et sis à [Localité 9] (93), pour avoir sûreté de la somme de 130.000 euros ; cette mesure sera dénoncée aux débiteurs le 1er juin 2022.
Saisi par les époux X. selon assignations datées des 25 mai et 28 juin 2022, le juge de l'exécution de [Localité 12] a suivant jugement en date du 17 octobre 2022, après avoir ordonné la jonction des deux instances :
- ordonné la mainlevée des saisies conservatoires ;
- ordonné la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire susvisée ;
- débouté M. et Mme X. de leur demande de dommages et intérêts ;
- condamné la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] au paiement de la somme de 4.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] aux dépens.
Pour statuer ainsi, il a relevé, pour l'essentiel, que la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] ne justifiait pas d'un péril dans la mesure où M. et Mme X. étaient propriétaires de cinq immeubles et de plusieurs comptes bancaires.
[*]
Selon déclaration en date du 20 octobre 2022, la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] a relevé appel de ce jugement.
En ses conclusions notifiées le 3 mai 2023, elle soutient :
- que M. et Mme X. ont contesté la régularité du taux d'intérêt du prêt devant le Tribunal de grande instance de Paris qui a fait droit à leurs demandes suivant jugement du 18 septembre 2018 ; que par arrêt du 19 mai 2021, cette Cour a infirmé ce jugement et déclaré M. et Mme X. irrecevables en leurs prétentions ;
- que les intéressés ont cédé le bien financé par la société Banque populaire Rives de [Localité 12] le 18 février 2021, sans en informer le prêteur, à la suite de quoi la déchéance du terme a été prononcée le 22 février 2022 ;
- que mis en demeure de payer le solde du prêt par la société Banque populaire Rives de [Localité 12], les époux X. n'en ont rien fait si bien qu'elle-même a dû régler la dette en tant que caution ;
- qu'un principe de créance apparemment fondé est mis en évidence ; qu'en effet elle détient une quittance subrogative et peut en outre invoquer la subrogation légale prévue à l'article 1346 du code civil ;
- que M. et Mme X. ont bien été destinataires des lettres de mise en demeure datées des 20 décembre 2021 et 22 février 2022, respectivement reçues les 22 décembre 2021 et 24 février 2022 ; que dans ces lettres, son avocat n'avait nul besoin d'être muni d'un pouvoir, disposant d'un mandat ad litem ;
- que la clause résolutoire ici invoquée n'est nullement abusive, et la faculté de résilier le prêt en cas de vente du bien financé ne constitue pas une entrave au droit de propriété, mais au contraire une simple contrepartie au risque pris par le prêteur ;
- que de plus, M. et Mme X. se sont avérés défaillants dans le remboursement du prêt ;
- que dès lors, il est satisfait aux conditions posées par la loi, le créancier n'ayant pas à démontrer un principe certain de créance ;
- qu'elle ne constitue nullement une société écran ou fictive, peu important qu'elle n'emploie pas de salarié ;
- qu'un péril est mis en évidence quant au recouvrement de sa créance ;
- qu'en effet M. et Mme X. ont organisé leur insolvabilité en procédant à des virements sur des comptes situés en Suisse dès le 23 avril 2022, soit le lendemain de la mise en place des saisies conservatoires ; que bien qu'ayant vendu leur immeuble pour la somme de 305.000 euros, ils ne lui ont rien réglé ni n'ont fait d'offres de paiement, et la somme susvisée ne figure pas sur les comptes ;
- que celui ouvert en les livres de la banque Fortunéo accusait un solde créditeur de seulement 14.000 euros alors que des virements ont été opérés depuis ce compte vers un autre situé au Luxembourg ;
- que si M. et Mme X. détiennent des immeubles, ils risquent de les vendre, car ils sont des investisseurs ; que ces biens sont grevés de prêts ;
- qu'enfin à l'appui de leur demande de dommages et intérêts, les intimés ne justifient d'aucun préjudice.
La société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] demande en conséquence à la Cour de :
- infirmer le jugement ;
- débouter M. et Mme X. de leurs prétentions ;
- les condamner au paiement de la somme de 9.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner aux dépens de première instance et d'appel.
[*]
Dans leurs conclusions notifiées le 12 avril 2023, M. et Mme X. répliquent :
- que la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] ne produit pas d'acte de cautionnement, alors qu'il avait été stipulé que ce dernier devait être accepté, par écrit, au moins 10 jours après la réception de l'offre ;
- que l'appelante ne peut invoquer avec succès les dispositions de l'article 1346 du code civil, dans la mesure où elle ne peut agir qu'en vertu d'un contrat de cautionnement, eu égard à son statut ;
- qu'en effet une société de caution ne peut garantir que la défaillance de l'emprunteur dans le remboursement d'un prêt ; qu'il y a eu violation de l'article L 515-8 du code monétaire et financier ;
- qu'en outre, ils n'ont nullement été informés de l'existence d'un cautionnement régularisé par l'appelante ;
- que la quittance subrogative a été émise le 24 février 2022, soit moins de huit jours après la mise en demeure du 22 février précédent qui pourtant leur laissait un délai de cette durée pour régulariser la situation ;
- que les mises en demeure à eux adressées, qu'ils n'ont du reste jamais reçues car ils se trouvaient au Luxembourg, sont irrecevables car rédigées par un avocat alors qu'en vertu du règlement intérieur du Barreau de Paris, dès lors qu'un litige de nature judiciaire existe, ce qui était le cas en l'espèce, cet auxiliaire de justice aurait dû s'adresser à leur conseil et non pas à eux-mêmes directement ;
- que les pièces bancaires versées aux débats par la partie adverse sont couvertes par le secret bancaire ;
- que la clause du contrat permettant la résiliation du prêt pour cause de vente du bien financé est abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation ; qu'elle contrevient en outre au droit de propriété consacré par l'article 544 du code civil ; que la Commission des clauses abusives a déjà statué en ce sens, la clause litigieuse créant un déséquilibre significatif entre les obligations des parties ;
- que la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] est une société fictive ; que dans ses écritures déposées devant le Tribunal judiciaire de Paris, c'était la société Banque populaire Rives de [Localité 12] qui s'était présentée comme la créancière ;
- que ne peut donc pas être mis en évidence un principe de créance apparemment fondé ;
- que d'autre part, il n'existe aucun péril sur le recouvrement de ladite créance ;
- qu'il existe un litige actuellement pendant devant le Tribunal judiciaire de Paris relativement à la prise en charge du prêt par l'assureur, la MUTLOG ; qu'ils attendent le résultat de cette procédure qui permettra de dire si ce dernier doit régler le solde du prêt ou non ;
- que l'immeuble financé par la société Banque populaire Rives de [Localité 12] n'avait pas été affecté en garantie du prêt, seul un contrat de cautionnement étant prévu ;
- qu'ils n'ont pas organisé leur insolvabilité ; que les versements réalisés en Suisse ont été faits postérieurement à la requête à fin de saisie conservatoire ; que les fonds ont été rapatriés en France le 27 avril 2022 ;
- qu'ils disposent d'un patrimoine important, à savoir des immeubles sis à [Localité 12], [Localité 10], [Localité 9] et [Localité 11], d'une valeur de près de 5.000.000 euros ;
- que de plus, Mme X. est cadre dans la fonction publique d'Etat ;
- qu'aucun impayé ne s'est produit dans les prêts ;
- que l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire est abusive ; qu'ils ont subi un préjudice contrairement à ce qu'a estimé le juge de l'exécution.
M. et Mme X. demandent en conséquence à la Cour de :
- confirmer le jugement en ses dispositions autres que celles concernant les dommages et intérêts, sauf à préciser les références d'enliassement s'agissant de l'inscription d'hypothèque ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté leur demande de dommages et intérêts ;
- condamner la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] au paiement de la somme de 20.000 euros à ce titre ;
- la condamner au paiement de celle de 5.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
Selon ordonnance en date du 14 février 2023, le magistrat délégataire du premier président de cette Cour a rejeté la demande de sursis à exécution du jugement qui avait été formée par la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12].
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
L'article R. 512-1 du Code des procédures civiles d'exécution énonce que si les conditions prévues pour pratiquer une saisie conservatoire, à savoir l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe et des circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement, ne sont pas réunies, la mainlevée de la mesure conservatoire peut être ordonnée à tout moment. Il appartient au créancier de prouver que ces conditions sont remplies.
Dans le cadre de la présente contestation il n'y a pas lieu de chiffrer la créance, ni de trancher les contestations relatives au montant exact de la dette, étant rappelé que la mise en place d'une mesure conservatoire suppose seulement la mise en évidence d'une créance paraissant fondée en son principe.
Il résulte des pièces produites que :
- selon offre préalable acceptée le 5 août 2013, la société Banque populaire Rives de [Localité 12] a consenti à M. et Mme X. un prêt immobilier d'un montant de 259.879 euros en capital, remboursable par 40 échéances semestrielles de 8.846,39 euros incluant les intérêts au taux effectif global de 3,43 % ; ce prêt était destiné à financer l'acquisition d'un immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 9] (93) ;
- par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 20 décembre 2021, le conseil de la société Banque populaire Rives de [Localité 12] a fait observer à M. et Mme X. que suivant acte notarié du 18 février 2021, ils avaient cédé le bien immobilier financé par elle moyennant un prix de 305.000 euros, et ce sans son accord préalable, et il leur notifiait la déchéance du terme pour ce motif ; les intéressés étaient mis en demeure de régler la somme de 169.111,83 euros outre les intérêts conventionnels ;
- le 22 février 2022, la société Banque populaire Rives de [Localité 12] a mis en demeure M. et Mme X. de régler la somme de 183.203,25 euros sous huit jours, à peine d'engagement d'une procédure judiciaire ;
- le 24 février 2022, la société Banque populaire Rives de [Localité 12] a régularisé une quittance subrogative au bénéfice de la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] à hauteur de 169.111,83 euros, montant du solde du prêt qu'elle avait consenti aux époux X.
Les parties sont contraires sur la question de savoir si la clause résolutoire ici invoquée est abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation ou non, et également si elle contrevient au droit de propriété consacré par l'article 544 du code civil. En effet une clause intitulée « engagement de l'emprunteur » stipulait que M. et Mme X. s'engageaient, durant toute la durée du prêt, à ne pas amoindrir volontairement, de quelque manière que ce soit, la valeur des biens immobiliers objet du prêt sans l'accord de la banque, et à ne pas hypothéquer ni aliéner ou apporter en société ces biens. La clause intitulée « défaillance et exigibilité des sommes dues » prévoyait que leur totalité serait exigible en cas de non-respect de l'un des engagements limitativement prévus ci-dessus.
Cette clause n'a pas pour l'heure été annulée en justice et doit donc, en cet état de la procédure, recevoir application, les intimés devant régler le solde du prêt, et si la juridiction du fond devra statuer sur la régularité formelle des mises en demeure qui leur ont été adressées ainsi que sur les conditions dans lesquelles la société Banque populaire Rives de [Localité 12] a délivré à la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] une quittance subrogative, cette dernière peut invoquer une créance paraissant fondée en son principe.
S'agissant du péril sur le recouvrement de celle-ci, il convient de déterminer si les craintes que l'appelante entretient à ce sujet sont légitimes, sans qu'il soit besoin de démontrer que M. et Mme X. se trouvent nécessairement en cessation des paiements ou dans une situation financière irrémédiablement compromise.
Il résulte des pièces versées aux débats que les intéressés sont propriétaires d'un bien sis [Adresse 5] à [Localité 13] valorisé à environ 1.300.000 euros, acquis le 5 juillet 2013, et dans lequel ils résident. Le 14 novembre 2014, ils ont acquis un immeuble sis à [Localité 9], [Adresse 1], pour la somme de 336.608 euros. Le 30 avril 2015, ils ont acquis un bien sis à [Localité 10], [Adresse 2], pour la somme de 330.000 euros. Le 23 juin 2020, ils ont acquis en état futur d'achèvement un immeuble sis à [Localité 11] pour un prix de 2.545.280 euros. Il n'est nullement justifié de l'état hypothécaire de ces biens.
S'agissant de l'endettement des époux X., ils ont contracté :
- le 18 janvier 2013, un crédit de 645.000 euros en capital auprès de la société BNP Paribas, amortissable en 25 ans, par des mensualités de 3 177,37 euros ;
- le 10 juillet 2014, un prêt de 335.564 euros auprès de la société Crédit agricole Ile de France, remboursable en 300 mensualités de 1.667,77 euros ;
- le 10 mars 2015, un prêt de 330.000 euros en capital auprès de la Caisse d'Epargne Ile-de-France, amortissable en 300 échéances mensuelles de 1.582,12 euros.
Même s'il s'avère que M. et Mme X. ont régularisé quelques virements depuis leurs comptes vers d'autres établissements bancaires en Suisse (10.200 euros le 23 avril 2022, 3.000 euros le 23 avril 2022), cela ne suffit pas à établir une attitude frauduleuse ou encore une volonté d'organiser leur insolvabilité ou de se soustraire aux poursuites. Il sera rappelé que les débiteurs sont des investisseurs immobiliers. En outre, le juge de l'exécution a relevé que le centre de leurs intérêts professionnels, patrimoniaux et personnels est en France.
Au vu du montant de la dette invoquée par la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] (170.000 euros), il appert que le patrimoine de M. et Mme X. est très important. La seule existence de ces immeubles est suffisante à rassurer la créancière quant aux conditions dans lesquelles elle pourrait recouvrer son dû, étant rappelé que le prêt n'a pas été résilié pour cause de défaut de paiement des mensualités, et que si postérieurement à la déchéance du terme, les époux X. n'ont pas réglé le solde dudit prêt, c'est parce qu'ils estiment d'une part que ladite déchéance du terme est irrégulière, d'autre part que l'assureur, la MUTLOG, doit prendre en charge la dette. Une action en justice est d'ailleurs actuellement en cours à cette fin.
Dans ces conditions, la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] invoque à tort des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de son dû. Le jugement est confirmé en ce qu'il a ordonné la mainlevée des mesures conservatoires querellées, sauf à préciser ainsi qu'il sera dit au dispositif la référence d'enliasssement de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire.
M. et Mme X. forment un appel incident du chef du jugement qui a rejeté leur demande de dommages et intérêts. En application de l'article L 512-2 du code des procédures civiles d'exécution, lorsque la mainlevée d'une mesure conservatoire a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure. Ce texte, qui est indépendant des dispositions de l'article L 121-2 du même code, ne prévoit pas qu'il soit nécessaire de démontrer une quelconque faute du créancier.
Au cas d'espèce, les divers comptes bancaires de M. et Mme X. ont été bloqués du 22 avril 2022, date des saisies conservatoires, au 16 février 2023, date à laquelle la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] en a donné mainlevée au titre de l'exécution provisoire du jugement dont appel, soit durant près de dix mois. Les fonds ont été ainsi bloqués durant ce laps de temps à hauteur de respectivement 4.106,75 euros, 1.632,39 euros, 6.484,13 euros, 13.123,47 euros et 17.613,36 euros, et les intimés ont été privés de l'usage de ces sommes. Compte tenu de cet état de fait, un préjudice est ainsi mis en évidence. Le jugement sera infirmé sur ce point et la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] condamnée au paiement de la somme de 4.000 euros.
La société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12], qui succombe en son appel, sera condamnée au paiement de la somme de 3.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
- CONFIRME le jugement en date du 17 octobre 2022 en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant débouté M. et Mme X. de leur demande de dommages et intérêts ;
Et statuant à nouveau :
- CONDAMNE la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] à payer à M. X. et Mme [U] X. née Y. la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Y ajoutant :
- DIT que la référence de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire porte le numéro d'enliassement XXX ;
- CONDAMNE la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] à payer à M. X. et Mme [U] X. née Y. la somme de 3.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE la société de caution mutuelle Habitat Rives de [Localité 12] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés par Maître Lesenechal conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,