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CJUE (9e ch.), 20 avril 2023

Nature : Décision
Titre : CJUE (9e ch.), 20 avril 2023
Pays : UE
Juridiction : Cour de Justice de l'UE (9e ch.)
Demande : C-263/22
Date : 20/04/2023
Nature de la décision : Question préjudicielle (CJUE)
Mode de publication : Site Curia (CJUE)
Référence bibliographique : 6086 (connaissance des CGV), 5742 (récupération d’un droit à l’assurance)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10382

CJUE (9e ch.), 20 avril 2023 : affaire n° C-263/22

Publication : Site Curia

 

Extrait : « 1) L’article 4, paragraphe 2, et l’article 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du vingtième considérant de cette directive, doivent être interprétés en ce sens que : un consommateur doit toujours avoir la possibilité de prendre connaissance, avant la conclusion d’un contrat, de toutes les clauses que ce dernier contient.

2) L’article 3, paragraphe 1, et les articles 4 à 6 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que : lorsqu’une clause d’un contrat d’assurance relative à l’exclusion ou à la limitation de la couverture du risque assuré, dont le consommateur concerné n’a pas pu prendre connaissance avant la conclusion de ce contrat, est qualifiée d’abusive par le juge national, ce juge est tenu d’écarter l’application de cette clause afin qu’elle ne produise pas d’effets contraignants à l’égard de ce consommateur. ».

 

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE

NEUVIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 20 AVRIL 2023

 

Dans l’affaire C‑263/22, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Supremo Tribunal de Justiça (Cour suprême, Portugal), par décision du 8 avril 2022, parvenue à la Cour le 20 avril 2022, dans la procédure

Ocidental – Companhia Portuguesa de Seguros de Vida SA

contre

LP,

en présence de :

Banco Comercial Português SA,

Banco de Investimento Imobiliário SA,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de Mme L. S. Rossi, présidente de chambre, M. S. Rodin et Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), juges,

Avocat général : M. P. Pikamäe,

Greffier : M. A. Calot Escobar,

Vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

- pour LP, par Maître E. Abreu, advogada,

- pour le gouvernement portugais, par Mmes P. Barros da Costa, L. Medeiros, A. Pimenta et A. Rodrigues, en qualité d’agents,

- pour la Commission européenne, par Mmes I. Melo Sampaio, I. Rubene et M. N. Ruiz García, en qualité d’agents,

Vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Arrêt

1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphes 1 et 3, de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Ocidental – Companhia Portuguesa de Seguros de Vida SA (ci-après « Ocidental »), une compagnie d’assurances ayant son siège au Portugal, à LP, une consommatrice, au sujet du refus par la première de payer les échéances d’un contrat de prêt à la suite d’une invalidité permanente de la seconde, en tant qu’assurée, en raison de la nullité ou de l’inapplicabilité alléguées du contrat d’assurance liant Ocidental à LP.

 

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3. Aux termes des seizième et vingtième considérants de la directive 93/13 :

« [...] dans l’appréciation de la bonne foi, il faut prêter une attention particulière à la force des positions respectives de négociation des parties, à la question de savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à donner son accord à la clause et si les biens ou services ont été vendus ou fournis sur commande spéciale du consommateur ; que l’exigence de bonne foi peut être satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec l’autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes ;

[...]

« [...] les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles ; [...] le consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses, et [...], en cas de doute, doit prévaloir l’interprétation la plus favorable au consommateur ».

4. L’article 3 de cette directive prévoit :

« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

[...]

3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. »

5. L’article 4 de ladite directive est libellé comme suit :

« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

6. L’article 5 de la même directive énonce :

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. Cette règle d’interprétation n’est pas applicable dans le cadre des procédures prévues à l’article 7 paragraphe 2. »

7. L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

8. L’annexe de cette directive, intitulée « Clauses visées à l’article 3 paragraphe 3 », est rédigée comme suit :

« 1. Clauses ayant pour objet ou pour effet : [...]

i) [de] constater de manière irréfragable l’adhésion du consommateur à des clauses dont il n’a pas eu, effectivement, l’occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat ;

 

Le droit portugais

Le décret-loi n° 176/95

9. Intitulé « Assurance de groupe », l’article 4 du Decreto-Lei n° 176/95 (Estabelece regras de transparência para a actividade seguradora e disposições relativas ao regime jurídico do contrato de seguro) (décret-loi n° 176/95 établissant des règles de transparence dans l’activité d’assurance et des dispositions sur le contrat d’assurance), du 26 juillet 1995 (Diário da República I, série I-A, n° 171, du 26 juillet 1995, p. 4740), dispose :

« 1. Dans les assurances de groupe, le preneur d’assurance est tenu d’informer les assurés des couvertures et des exclusions souscrites, des obligations et des droits en cas de sinistre et des modifications ultérieures intervenant dans ce domaine, conformément à un modèle établi par l’assureur.

2. La charge de la preuve que les informations visées au paragraphe précédent ont été fournies incombe au preneur d’assurance.

3. Dans les assurances de groupe contributives, si le preneur d’assurance manque à l’obligation visée au paragraphe 1, il doit prendre en charge, à ses frais, la part de la prime correspondant à l’assuré, sans perte de garanties par ce dernier, jusqu’à ce que la preuve du respect de l’obligation ait été fournie.

4. Le contrat peut prévoir que l’obligation d’informer les assurés visée au paragraphe 1 soit assumée par l’assureur.

5. Dans les assurances de groupe, l’assureur doit fournir aux assurés, à leur demande, toutes les informations nécessaires à la bonne compréhension du contrat. »

Le décret-loi n° 446/85

10. Intitulé « Communication », l’article 5 du Decreto-Lei n° 446/85 (Institui o regime jurídico das cláusulas contratuais gerais) (décret-loi n° 446/85 instituant le régime juridique des clauses contractuelles générales), du 25 octobre 1985 (Diário da República I, série I-A, n° 246, du 25 octobre 1985, p. 3533), prévoit :

« 1. Les conditions générales du contrat doivent être communiquées dans leur intégralité aux adhérents qui se contentent d’y souscrire ou de les accepter.

2. Les conditions générales du contrat doivent être communiquées de manière appropriée et suffisamment à l’avance pour que, compte tenu de l’importance du contrat ainsi que de l’étendue et de la complexité des clauses, toute personne normalement diligente puisse en prendre pleinement et effectivement connaissance.

3. La charge de la preuve de la communication adéquate et effective incombe à la partie contractante qui soumet à l’autre partie les conditions générales du contrat. »

11. Aux termes de l’article 8 de ce décret-loi :

« Sont réputées exclues des contrats individuels :

a) les clauses qui n’ont pas été communiquées conformément à l’article 5 ; [...] »

 

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12. LP et son conjoint ont conclu un contrat de prêt auprès de Banco de Investimento Imobiliário SA (ci-après la « banque »). Dans ce cadre, ils ont adhéré à un contrat d’assurance de groupe (ci-après le « contrat d’assurance »), convenu entre cette banque, en tant que preneur d’assurance, et Ocidental, une compagnie d’assurances, en vertu duquel cette dernière serait tenue de payer les échéances de ce contrat de prêt en cas d’incapacité permanente de LP.

13. Au cours de l’exécution dudit contrat de prêt, LP s’est trouvée en situation d’incapacité permanente. Ocidental a toutefois refusé d’exécuter ce contrat d’assurance au motif que ce dernier était nul en raison de déclarations inexactes et/ou incomplètes sur l’état de santé de LP au moment de la conclusion dudit contrat d’assurance. Ocidental a également invoqué l’applicabilité des clauses de ce dernier prévoyant l’exclusion de la couverture du risque d’incapacité permanente de l’assuré résultant de maladies antérieures à la conclusion du même contrat d’assurance.

14. LP a introduit une demande visant, en substance, à faire condamner Ocidental à verser à la banque le montant du prêt restant dû après la date à laquelle son incapacité permanente a été constatée ainsi qu’à lui payer les échéances du prêt qu’elle et son conjoint avaient dû verser eux-mêmes à la banque depuis cette date. Selon les indications figurant dans la demande de décision préjudicielle, à l’appui de sa demande, LP a soutenu que les informations médicales figurant dans l’offre d’adhésion au contrat d’assurance avaient été remplies par l’employé de la banque qui lui avait présenté ce contrat pour signature, qu’elle n’a rempli aucun questionnaire concernant son état de santé et qu’elle a signé cette offre d’adhésion. Aucune clause concernant une exclusion de la couverture du risque assuré ne lui aurait été lue ni expliquée. De ce fait, les clauses d’exclusion devraient être considérées comme inexistantes et dépourvues d’effets juridiques.

15. La banque a été admise à intervenir à la procédure au soutien des conclusions de LP.

16. La juridiction de première instance a estimé que le contrat d’assurance était nul en raison de déclarations inexactes ou incomplètes de LP et rejeté la demande de cette dernière.

17. Le recours de LP contre cette décision de rejet a été partiellement accueilli par le Tribunal da Relação do Porto (cour d’appel de Porto, Portugal), qui, en appliquant le décret-loi n° 446/85, mais sans avoir examiné la question au regard de la réglementation spécifique sur les assurances de groupe, établie par le decrét-loi n° 176/95, a considéré, en substance, que le contrat d’assurance était valable, mais que les clauses d’exclusion de la couverture du risque assuré devaient être réputées inexistantes dès lors qu’elles n’avaient pas fait l’objet d’une communication à LP.

18. Ocidental a introduit un pourvoi contre cette décision devant le Supremo Tribunal de Justiça (Cour suprême, Portugal), la juridiction de renvoi.

19. Cette juridiction estime que la question centrale dans l’affaire au principal est de savoir si, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, une compagnie d’assurances est tenue de communiquer à la partie adhérente à un contrat d’assurance les clauses de ce contrat, y compris les clauses relatives à l’invalidité de celui-ci ainsi que celles portant sur l’exclusion ou la limitation de la couverture du risque assuré. Par ailleurs, il conviendrait également de savoir, dans l’hypothèse où une telle obligation de communication incomberait au preneur d’assurance, si un manquement à cette obligation par ce dernier, en l’occurrence la banque, est opposable à la compagnie d’assurances.

20. À cet égard, la juridiction de renvoi relève que la jurisprudence portugaise n’est pas unanime. Selon l’une des approches, le régime législatif relatif aux assurances de groupe, établi par le décret-loi n° 176/95, constitue un régime spécial qui exclut l’application de la réglementation générale relative aux clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, prévue par le décret-loi n° 446/85. Il en résulterait que l’assureur ne serait pas tenu par les obligations d’information et de communication des clauses générales d’un contrat d’assurance de groupe – lesquelles incomberaient, en vertu de l’article 4 du décret-loi n° 176/95, au preneur d’assurance – et que, dès lors, l’assuré ne pourrait pas opposer à l’assureur un manquement à ces obligations.

21. En vertu d’une autre approche jurisprudentielle, ce régime spécial n’exclurait pas l’application de la réglementation générale prévue par le décret-loi n° 446/85. Celui-ci imposerait une obligation de communication des conditions générales de ce contrat aux adhérents et l’exclusion de celles-ci en cas de manquement à cette obligation. Ainsi, selon la juridiction de renvoi, il convient de considérer soit que l’assureur est tenu par lesdites obligations d’information et de communication, soit que le non-respect des mêmes obligations par le preneur d’assurance peut être opposé à l’assureur.

22. En se référant à la jurisprudence de la Cour, la juridiction de renvoi exprime des doutes quant à la compatibilité de la première approche, exposée au point 20 du présent arrêt, avec l’effet utile devant être accordé par le juge national à la protection du consommateur offerte par la directive 93/13, eu égard, en particulier, à son obligation d’apprécier la transparence et le caractère abusif des clauses contractuelles.

23. 1) […]

2) L’article 4, paragraphe 2, de la directive [93/13], qui prévoit, comme condition pour exclure le contrôle des clauses portant sur l’objet principal du contrat, que « ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible », doit-il être interprété en ce sens qu’il exige que le consommateur ait toujours l’occasion de prendre connaissance de telles clauses ?

3) Dans le cadre d’une réglementation nationale qui autorise le contrôle juridictionnel du caractère abusif de clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle relatives à la définition de l’objet principal du contrat : (i) l’article 3, paragraphe 1, de la directive [93/13], interprété conformément au [point 1, sous i)] de la liste indicative visée à l’article 3, paragraphe 3, de ladite directive, s’oppose-t-il à ce que, dans le cadre d’un contrat d’assurance de groupe contributive, l’assureur puisse opposer à l’assuré une clause d’exclusion ou de limitation du risque assuré qui n’a pas été communiquée à ce dernier et dont celui-ci n’a dès lors pas eu l’occasion de prendre connaissance, et ce (ii) y compris lorsque, dans le même temps, la réglementation nationale prévoit la responsabilité du preneur d’assurance pour les dommages causés à l’assuré en cas de manquement à l’obligation d’information/communication des clauses, responsabilité qui ne place toutefois pas, en règle générale, l’assuré dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait bénéficié de la couverture d’assurance ? »

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur les questions préjudicielles :

Sur les première et deuxième questions :

24. Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 2, et l’article 5 de la directive 93/13, lus à la lumière du vingtième considérant de cette directive, doivent être interprétés en ce sens qu’un consommateur doit toujours avoir la possibilité de prendre connaissance, avant la conclusion d’un contrat, des clauses portant sur l’objet principal de ce contrat, voire de toutes les clauses dudit contrat.

25. Aux termes de l’article 5, première phrase, de cette directive, les clauses des contrats conclus avec un consommateur sous la forme écrite doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. La Cour a déjà précisé qu’une telle exigence a la même portée que celle visée à l’article 4, paragraphe 2, de ladite directive, qui soumet l’exception, prévue à cette dernière disposition, au mécanisme de contrôle, par le juge national, du caractère abusif de ces clauses, notamment celles portant sur l’objet principal du contrat, à la condition que lesdites clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 69, ainsi que du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 46).

26. La Cour a précisé que l’exigence de transparence des clauses contractuelles, telle qu’elle résulte de ces dispositions, doit être entendue de manière extensive et qu’elle ne saurait être réduite au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical de ces clauses. Cette exigence impose qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret d’une telle clause et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, de cette clause sur ses obligations (voir, en ce sens, arrêts du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C‑609/19, EU:C:2021:469, points 42 et 43, ainsi que du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C‑776/19 à C‑782/19, EU:C:2021:470, points 63 et 64 ainsi que jurisprudence citée).

27. S’agissant du moment auquel ces éléments doivent être portés à la connaissance du consommateur, la Cour a déjà jugé que la fourniture, avant la conclusion d’un contrat, de l’information relative aux conditions contractuelles et aux conséquences de cette conclusion est, pour un consommateur, d’une importance fondamentale, dès lors que c’est, notamment, sur le fondement de cette information que ce dernier décide s’il souhaite être lié par les conditions rédigées préalablement par le professionnel [voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, point 50 ainsi que jurisprudence citée, et du 12 janvier 2023, D.V. (Honoraires d’avocat – Principe du tarif horaire), C‑395/21, EU:C:2023:14, point 39 ainsi que jurisprudence citée].

28. Ainsi, dans un cas où, comme dans l’affaire au principal, un consommateur avait adhéré à un contrat d’assurance de groupe lors de la conclusion d’un contrat de prêt, la Cour a considéré que revêtent pour le consommateur une importance essentielle, aux fins du respect de l’exigence de transparence des clauses contractuelles, l’information donnée préalablement à la conclusion du contrat sur les conditions de l’engagement ainsi que, notamment, l’exposé des particularités du mécanisme de prise en charge des échéances dues au prêteur en cas d’incapacité totale de l’emprunteur, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui. En effet, cette information et cet exposé sont nécessaires pour que la portée de la clause concernée soit comprise par le consommateur, dont il ne saurait être exigé, lors de la conclusion de contrats liés, la même vigilance quant à l’étendue des risques couverts par ce contrat d’assurance que s’il avait conclu séparément ce dernier et ce contrat de prêt (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2015, Van Hove, C‑96/14, EU:C:2015:262, points 41 et 48).

29. Or, dès lors que l’exigence de transparence des clauses contractuelles ainsi interprétée par la Cour entraîne l’obligation de fournir au consommateur, avant la conclusion du contrat, l’ensemble des informations nécessaires pour permettre au consommateur de comprendre les conséquences économiques de ces clauses et de décider en toute connaissance de cause de se lier contractuellement, cette exigence présuppose nécessairement que le consommateur puisse prendre connaissance de toutes les clauses d’un contrat avant la conclusion de celui-ci.

30. La circonstance que ces clauses portent ou non sur l’objet principal de ce contrat est sans pertinence à cet égard. En effet, pour que le consommateur, conformément à l’objectif poursuivi par ladite exigence de transparence, puisse décider en connaissance de cause s’il souhaite être lié par les conditions rédigées préalablement par le professionnel, il doit nécessairement, avant de prendre une telle décision, avoir pu prendre connaissance de la totalité dudit contrat, dès lors que c’est l’ensemble des clauses de ce dernier qui déterminera notamment les droits et les obligations incombant au consommateur au titre du même contrat. La Cour a, par ailleurs, déjà clarifié que la même exigence de transparence s’applique également lorsqu’une clause porte sur l’objet principal du contrat (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, points 46 et 47 ainsi que jurisprudence citée).

31. Une telle exigence de prise de connaissance préalable de la totalité des clauses d’un contrat est au demeurant clairement mise en exergue par le vingtième considérant de la directive 93/13, aux termes duquel non seulement les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles, mais le consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses. Ainsi, le législateur de l’Union européenne a souligné l’intérêt d’une prise de connaissance préalable de toutes les clauses d’un contrat afin de permettre au consommateur de décider, en connaissance de cause, s’il souhaite être lié par ces clauses.

32. Par ailleurs, en ce que la juridiction de renvoi relève que la réglementation portugaise relative aux assurances de groupe constitue, selon une certaine interprétation jurisprudentielle, une lex specialis qui exclut l’application de la réglementation générale relative aux clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, il importe de rappeler que l’exigence de transparence des clauses contractuelles prévue par la directive 93/13 ne saurait être écartée au motif qu’il existe un régime juridique spécial applicable à un certain type de contrats. En effet, selon une jurisprudence constante, c’est par référence à la qualité des contractants que la directive 93/13 définit les contrats auxquels elle s’applique (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2019, Pouvin et Dijoux, C‑590/17, EU:C:2019:232, point 23 ainsi que jurisprudence citée, et ordonnance du 10 juin 2021, X Bank, C‑198/20, non publiée, EU:C:2021:481, point 24).

33. À cet égard, il y a lieu de rappeler également que le principe d’interprétation conforme requiert que les juridictions nationales fassent tout ce qui relève de leur compétence, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine effectivité de la directive en cause et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (arrêt du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften, C‑684/16, EU:C:2018:874, point 59 et jurisprudence citée).

34. Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions que l’article 4, paragraphe 2, et l’article 5 de la directive 93/13, lus à la lumière du vingtième considérant de cette directive, doivent être interprétés en ce sens qu’un consommateur doit toujours avoir la possibilité de prendre connaissance, avant la conclusion d’un contrat, de toutes les clauses que ce dernier contient.

 

Sur la troisième question :

35. Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée par l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises et, dans ce contexte, d’interpréter toutes les dispositions du droit de l’Union dont les juridictions nationales ont besoin pour statuer sur les litiges qui leur sont soumis, même si ces dispositions ne sont pas indiquées expressément dans les questions qui lui sont adressées par ces juridictions (voir, notamment, arrêt du 4 octobre 2018, Kamenova, C‑105/17, EU:C:2018:808, point 21 et jurisprudence citée).

36. À cet égard, il y a lieu de constater, en premier lieu, que, par sa troisième question, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’interprétation de l’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’annexe, point 1, sous i), de celle-ci, et sur les conséquences de cette interprétation sur l’opposabilité, par une compagnie d’assurances à l’égard d’un consommateur, dans le cadre d’un contrat d’assurance de groupe, d’une clause d’exclusion ou de limitation de la couverture du risque assuré dont ce consommateur n’a pas eu l’occasion de prendre connaissance avant la conclusion de ce contrat. Bien qu’il ressorte de la demande de décision préjudicielle que, en l’occurrence, le consommateur n’a pas pu prendre connaissance des clauses concernées avant la conclusion du contrat d’assurance en cause au principal, cette juridiction ne relève pas que ce contrat comporte une clause qui, comme l’énonce cette annexe, point 1, sous i), a pour objet ou effet de « constater de manière irréfragable l’adhésion du consommateur à des clauses dont il n’a pas eu, effectivement, l’occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat ». Il s’ensuit qu’il n’est pas nécessaire d’examiner cette question à la lumière de l’article 3, paragraphe 3, de cette directive ni de ladite annexe.

37. En second lieu, il ressort de la demande de décision préjudicielle que, par ladite question, ladite juridiction souhaite savoir, d’une part, quelles sont les conséquences d’une absence de prise de connaissance, avant la conclusion d’un contrat, de clauses relatives à l’objet principal de ce contrat, telles que des clauses relatives à l’exclusion ou à la limitation de la couverture du risque assuré, sur l’appréciation du caractère abusif de ces clauses, ainsi que, d’autre part, si de telles clauses, lorsqu’elles n’ont pas fait l’objet d’une communication préalable au consommateur, peuvent être opposées à celui-ci lorsqu’il n’a pas pu en prendre connaissance, et si le fait que le preneur d’assurance pourrait être tenu responsable de cette absence de prise de connaissance constitue un facteur devant être pris en compte aux fins de cette appréciation.

38. Par conséquent, il y a lieu de considérer que, par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, et les articles 4 à 6 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’une clause d’un contrat d’assurance relative à l’exclusion ou à la limitation de la couverture du risque assuré, dont le consommateur n’a pas pu prendre connaissance avant la conclusion de ce contrat, peut être opposée à ce consommateur, et cela même lorsque le preneur d’assurance peut être tenu responsable d’une telle absence de prise de connaissance et bien qu’une telle responsabilité ne place pas ledit consommateur dans la même situation que celle qui aurait été la sienne s’il avait bénéficié de cette couverture.

39. Selon une jurisprudence constante, la compétence de la Cour relative à l’examen du caractère éventuellement abusif d’une clause contractuelle, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, porte sur l’interprétation des critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen de cette clause au regard des dispositions de cette directive. Il appartient donc à ce juge de se prononcer, en tenant compte de ces critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce. Il en ressort que la Cour doit se limiter à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2020, Profi Credit Polska, C‑84/19, C‑222/19 et C‑252/19, EU:C:2020:631, point 91 ainsi que jurisprudence citée).

40. À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que, s’agissant de l’article 5 de la directive 93/13, le caractère transparent d’une clause contractuelle constitue l’un des éléments à prendre en compte dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif de cette clause qu’il appartient au juge national d’effectuer en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive [arrêt du 12 janvier 2023, D.V. (Honoraires d’avocat – Principe du tarif horaire), C‑395/21, EU:C:2023:14, point 47 et jurisprudence citée].

41. Or, si le caractère non transparent d’une clause contractuelle, dû à un défaut de clarté ou de compréhensibilité de celle-ci peut constituer un élément à prendre en compte dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif de cette clause, un manque de transparence, dû à l’impossibilité, pour le consommateur, de prendre connaissance de ladite clause avant la conclusion du contrat en cause, peut à plus forte raison constituer un tel élément.

42. En second lieu, dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle qu’il appartient au juge national d’effectuer en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, il incombe à ce juge d’évaluer, dans un premier temps, le possible non-respect de l’exigence de bonne foi et, dans un second temps, l’existence d’un éventuel déséquilibre significatif au détriment du consommateur, au sens de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 49 ainsi que jurisprudence citée). Conformément à l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, ledit juge doit effectuer cette appréciation en se référant, notamment, au moment de la conclusion du contrat et à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion.

43. En ce qui concerne, d’une part, l’exigence de bonne foi, il importe de relever que, ainsi qu’il ressort du seizième considérant de la directive 93/13, dans le cadre de l’appréciation de la bonne foi, le juge national doit notamment tenir compte de la force des positions respectives de négociation des parties et de la question de savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à donner son accord à la clause concernée.

44. En l’occurrence, sous réserve des vérifications qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi d’effectuer, LP a soutenu à cet égard, dans ses observations écrites, qu’il a été « exigé » qu’elle-même et son conjoint souscrivent au contrat d’assurance afin d’obtenir le prêt bancaire en cause en vue de l’achat d’un bien. Ils auraient, à cette occasion, uniquement signé l’offre d’adhésion à ce contrat qui leur a été présentée par la banque, sans jamais avoir été informés de l’ensemble de son contenu. Cette offre d’adhésion aurait été remplie par l’employé de la banque leur ayant présenté ledit contrat à signer. LP aurait signé ladite offre sans qu’aucune clause d’exclusion de la couverture du risque assuré souscrite lui ait été lue.

45. D’autre part, quant à la question de savoir si, en dépit de l’exigence de bonne foi, une clause contractuelle crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat, découlant de ce dernier, le juge national doit, selon une jurisprudence constante, vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte cette clause à la suite d’une négociation individuelle (voir, notamment, arrêts du 3 septembre 2020, Profi Credit Polska, C‑84/19, C‑222/19 et C‑252/19, EU:C:2020:631, point 93 ainsi que jurisprudence citée, et du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C‑776/19 à C‑782/19, EU:C:2021:470, point 98 ainsi que jurisprudence citée).

46. Partant, pour apprécier si les clauses d’un contrat, telles que celles en cause au principal, créent au détriment du consommateur un tel déséquilibre, il convient de tenir compte de l’ensemble des circonstances dont le professionnel ou son représentant pouvait avoir connaissance au moment de la conclusion de ce contrat et qui étaient de nature à exercer une influence sur l’exécution ultérieure dudit contrat. La juridiction nationale devra ainsi déterminer si le consommateur a reçu toutes les informations susceptibles d’avoir une incidence sur la portée de ses obligations au titre du même contrat et lui permettant d’évaluer, notamment, les conséquences découlant de ce dernier.

47. À cet égard, la circonstance que le consommateur n’a pas pu prendre connaissance d’une clause contractuelle avant la conclusion du contrat en cause constitue un élément essentiel dans l’appréciation de l’éventuel caractère abusif de cette clause dans la mesure où cette circonstance pourrait conduire le consommateur à assumer des obligations qu’il n’aurait pas acceptées autrement et, par conséquent, pourrait être susceptible de créer un déséquilibre significatif entre les obligations mutuelles des parties à ce contrat.

48. En l’occurrence, LP n’aurait eu l’occasion ni de prendre connaissance des clauses du contrat d’assurance relatives à l’exclusion ou à la limitation de la couverture du risque assuré ni d’informer Ocidental de son état de santé au moment de la conclusion de ce contrat, dès lors qu’elle n’aurait rempli aucun questionnaire concernant son état de santé lors de l’adhésion audit contrat.

49. Dans ces circonstances, lesquelles doivent faire l’objet d’une vérification par la juridiction de renvoi, l’application de telles clauses d’exclusion ou de limitation de la couverture du risque assuré a pour conséquence que le consommateur ne bénéficie plus de cette couverture en cas de réalisation de ce risque et qu’il doit, en principe, à partir de la date de la constatation d’une incapacité permanente due à un problème de santé préexistant, dont il n’a pas eu l’occasion d’informer l’assureur, acquitter lui-même les échéances du prêt restant dues. Le cas échéant, il devrait au moins acquitter une partie de celles-ci, lorsque, en vertu d’une réglementation nationale applicable, telle que celle en cause au principal, la banque est tenue responsable du dommage causé par l’absence de communication de ces clauses, sans toutefois placer ce consommateur dans la même situation que celle qui aurait été la sienne s’il avait bénéficié de ladite couverture. Ledit consommateur peut donc se voir confronté à une situation dans laquelle, eu égard à une perte de revenus résultant de son incapacité permanente, il lui est difficile voire impossible de rembourser ces échéances, alors que c’est précisément contre ce risque qu’il a voulu s’assurer par l’adhésion à un contrat d’assurance, tel que celui en cause au principal.

50. Ainsi, en ne permettant pas au consommateur concerné de prendre connaissance, avant la conclusion de ce contrat, de l’information relative auxdites clauses contractuelles et à toutes les conséquences de la conclusion dudit contrat, le professionnel fait peser ledit risque, découlant d’une éventuelle incapacité permanente, totalement, ou du moins partiellement, sur ce consommateur.

51. Si la juridiction de renvoi devait, à la suite d’une appréciation des circonstances propres au cas d’espèce, considérer que, en l’occurrence, en dépit de l’exigence de bonne foi, Ocidental ne pouvait raisonnablement s’attendre, en respectant l’exigence de transparence à l’égard de LP, à ce que cette dernière accepte, à la suite d’une négociation individuelle, les clauses contractuelles en question, cette juridiction devra conclure au caractère abusif de ces dernières.

52. Selon une jurisprudence constante, une fois qu’une clause est déclarée abusive et, partant, nulle, il incombe au juge national, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, d’écarter l’application de cette clause afin qu’elle ne produise pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur, sauf si ce dernier s’y oppose (arrêt du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C‑224/19 et C‑259/19, EU:C:2020:578, point 50).

53. En l’occurrence, il s’ensuivrait que la clause d’exclusion ou de limitation de la couverture du risque assuré ne pourrait être opposée à LP. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par une réglementation nationale, telle que celle mentionnée par la juridiction de renvoi, en vertu de laquelle un preneur d’assurance, qui a manqué à l’obligation de communication des clauses contractuelles lui incombant en vertu de cette réglementation, est susceptible de devoir indemniser le dommage résultant d’une telle absence de communication sans toutefois permettre de rétablir la situation en droit et en fait qui aurait été celle du consommateur s’il avait bénéficié de cette couverture. Ladite réglementation, qui concerne les conséquences, en matière de responsabilité civile, de cette absence de communication, ne saurait avoir une influence sur l’inopposabilité d’une clause contractuelle qualifiée d’abusive à l’égard du consommateur, en application de la directive 93/13.

54. Au demeurant, selon la jurisprudence constante de la Cour, le constat du caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat doit permettre de rétablir la situation en droit et en fait qui aurait été celle du consommateur en l’absence de cette clause abusive [arrêt du 12 janvier 2023, D.V. (Honoraires d’avocat – Principe du tarif horaire), C‑395/21, EU:C:2023:14, point 54 et jurisprudence citée].

55. L’inopposabilité d’une telle clause contractuelle qualifiée d’abusive à l’égard du consommateur est toutefois sans préjudice des éventuelles conséquences, en matière de responsabilité civile du preneur d’assurance vis-à-vis de l’assureur, de l’absence de communication au consommateur, par le preneur d’assurance, de cette clause.

56. Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 3, paragraphe 1, et les articles 4 à 6 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’une clause d’un contrat d’assurance relative à l’exclusion ou à la limitation de la couverture du risque assuré, dont le consommateur concerné n’a pas pu prendre connaissance avant la conclusion de ce contrat, est qualifiée d’abusive par le juge national, ce juge est tenu d’écarter l’application de cette clause afin qu’elle ne produise pas d’effets contraignants à l’égard de ce consommateur.

 

Sur les dépens :

57. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

1) L’article 4, paragraphe 2, et l’article 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du vingtième considérant de cette directive, doivent être interprétés en ce sens que : un consommateur doit toujours avoir la possibilité de prendre connaissance, avant la conclusion d’un contrat, de toutes les clauses que ce dernier contient.

2) L’article 3, paragraphe 1, et les articles 4 à 6 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que : lorsqu’une clause d’un contrat d’assurance relative à l’exclusion ou à la limitation de la couverture du risque assuré, dont le consommateur concerné n’a pas pu prendre connaissance avant la conclusion de ce contrat, est qualifiée d’abusive par le juge national, ce juge est tenu d’écarter l’application de cette clause afin qu’elle ne produise pas d’effets contraignants à l’égard de ce consommateur.

Signatures

(*1) Langue de procédure : le portugais.

Langue faisant foi : portugais

Auteur : Cour de justice