CASS. CIV. 1re, 7 juin 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10389
CASS. CIV. 1re, 7 juin 2023 : pourvoi n° 22-15552 ; arrêt n° 401
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « Vu l'article L. 311-6, I, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 : 9. En application de ce texte, la signature par l'emprunteur de l'offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur, qui doit rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations, lui a remis la fiche précontractuelle d'information normalisée européenne, constitue seulement un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.
10. Pour retenir que la banque avait satisfait à son obligation d'information pré-contractuelle, l'arrêt retient que la production par la banque de la fiche d'informations pré-contractuelles européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs, renseignée notamment des chefs de l'identité du prêteur, de la description des principales caractéristiques du crédit et du coût du crédit, le document portant sur chacune des 3 pages comme référence le numéro du contrat de prêt, même si elle ne portait pas la signature des emprunteurs ni même l'indication de leurs initiales, s'agissant d'un document rédigé avec les caractéristiques essentielles du contrat de prêt, confortait utilement l'offre selon laquelle les emprunteurs reconnaissaient que la fiche d'informations précontractuelles leur a fait été remise lors de la conclusion du contrat de prêt.
11. En statuant ainsi, alors qu'un document émanant de la seule banque ne pouvait utilement corroborer la clause type de l'offre de prêt, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 7 JUIN 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : J 22-15.552. Arrêt n° 401 F-B.
DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X. – Madame X.
DÉFENDEUR à la cassation : Société banque CIC EST
Président : Mme Guihal (conseiller doyen faisant fonction de président). Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SARL Le Prado – Gilbert.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
1°/ M. X., 2°/ Mme X., domiciliés tous deux [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° J 22-15.552 contre l'arrêt rendu le 1er mars 2022 par la cour d'appel de Reims (1re chambre civile, section instance), dans le litige les opposant à la société banque CIC EST, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société banque CIC EST a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme X., de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société banque CIC EST, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 1er mars 2022), le 16 juillet 2014, M. et Mme X. (les emprunteurs) ont souscrit auprès de la société CIC Est (la banque) un crédit renouvelable, puis, le 5 septembre 2015, un prêt personnel remboursable en 84 mensualités.
2. Le 3 juin 2019, la banque a assigné les emprunteurs devant un tribunal d'instance aux fins de paiement de diverses sommes en remboursement de ces prêts. Les emprunteurs ont formé une demande reconventionnelle de condamnation de la banque au paiement de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde.
Examen des moyens :
Sur le second moyen et la seconde branche du premier moyen du pourvoi principal
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le moyen du pourvoi incident
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé du moyen
4. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux emprunteurs la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; qu'en conséquence, lorsque le juge retient qu'une banque a manqué à son obligation de mise en garde à laquelle il était tenu à l'égard d'un emprunteur non averti auquel il a consenti un prêt, il ne peut faire droit à la demande de celui-ci s'il est certain que si la banque avait exécuté son obligation de mise en garde, l'emprunteur aurait tout de même contracté ce prêt ; que pour accueillir la demande d'indemnisation d'une perte de chance au titre d'un manquement de la banque à son obligation de mise en garde à l'égard des emprunteurs lors de l'octroi du prêt personnel de 24.000 euros du 5 septembre 2015, la cour d'appel, après avoir relevé que les emprunteurs sont en droit d'être indemnisés du préjudice qu'ils subissent en lien avec la faute de la banque, c'est-à-dire de ne pas souscrire ce second concours financier si le prêteur avait exécuté correctement son devoir de mise en garde, retient qu'« il doit être relevé que l'affectation des fonds empruntés correspondant au financement des études des enfants, ce que, selon leurs propres déclarations, les emprunteurs ne pouvaient se permettre d'engager sans aide, il n'est pas acquis qu'une information et une mise en garde effective de la part du prêteur les aurait conduits à renoncer à leur projet d'emprunter, étant ajouté qu'ils sont parvenus à rembourser leurs crédits durant tout de même un peu plus de trois ans » avant de retenir qu’« une somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts sera en cela « de nature à réparer de façon juste leur préjudice » ; qu'en accueillant partiellement la demande d'indemnisation d'une perte de chance après avoir pourtant caractérisé l'absence de toute perte de chance des emprunteurs de ne pas contracter le prêt du 5 septembre 2014, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 »
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Réponse de la Cour :
5. En application de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, constitue une perte de chance la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.
6. La cour d'appel, a fait ressortir qu'il existait une incertitude sur la décision que les emprunteurs auraient prise en cas de respect par la banque de son obligation de mise en garde, et que le risque d'endettement excessif s'était réalisé au bout de trois ans, caractérisant ainsi l'existence de la perte de chance par eux subie.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, du pourvoi principal, pris en sa première branche
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé du moyen
8. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à déchéance de la banque du droit aux intérêts, alors « qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations pré-contractuelles et que la signature par l'emprunteur d'une fiche explicative et de l'offre préalable de crédit comportant chacune une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche pré-contractuelle d'information normalisée européenne constitue seulement un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires ; qu'à cet égard, la fiche d'informations pré-contractuelles normalisées, produite par la banque devant le juge, ne comportant pas la signature des emprunteurs ni même leurs initiales, ne saurait valablement compléter la formule pré-imprimée figurant dans l'offre de prêt ; qu'en estimant que la banque avait rempli ses obligations légales au vu d'une fiche d'information pré-contractuelle normalisée, versée aux débats, ne comportant ni la signature ni le paraphe des emprunteurs venue compléter une formule pré-imprimée figurant sur l'offre, la cour d'appel a violé les articles L. 311-6 et R. 311-3 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause. »
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Réponse de la Cour :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'article L. 311-6, I, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
9. En application de ce texte, la signature par l'emprunteur de l'offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur, qui doit rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations, lui a remis la fiche précontractuelle d'information normalisée européenne, constitue seulement un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
10. Pour retenir que la banque avait satisfait à son obligation d'information pré-contractuelle, l'arrêt retient que la production par la banque de la fiche d'informations pré-contractuelles européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs, renseignée notamment des chefs de l'identité du prêteur, de la description des principales caractéristiques du crédit et du coût du crédit, le document portant sur chacune des 3 pages comme référence le numéro du contrat de prêt, même si elle ne portait pas la signature des emprunteurs ni même l'indication de leurs initiales, s'agissant d'un document rédigé avec les caractéristiques essentielles du contrat de prêt, confortait utilement l'offre selon laquelle les emprunteurs reconnaissaient que la fiche d'informations précontractuelles leur a fait été remise lors de la conclusion du contrat de prêt.
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
11. En statuant ainsi, alors qu'un document émanant de la seule banque ne pouvait utilement corroborer la clause type de l'offre de prêt, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle a condamné la société banque CIC Est à payer à M. et Mme X.-X. la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts l'arrêt rendu le 1er mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société banque CIC Est aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par elle et la condamne à payer à M. et Mme X. la somme globale de 3.000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.