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CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 2 octobre 2023

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 2 octobre 2023
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 3 ch. civ. sect. A
Demande : 22/01702
Date : 2/10/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 28/04/2022
Référence bibliographique : 5889 (L. 221-3 C. consom.)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10411

CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 2 octobre 2023 : RG n° 22/01702

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Il incombe à la Sarl Millenium N.H. de démontrer qu'elle remplit les conditions lui permettant de se prévaloir, en sa qualité de professionnel, d'un droit de rétractation ouvert au bénéfice des consommateurs.

Force est de constater à cet égard qu'elle ne verse aux débats aucun élément de nature à démontrer qu'à la date à laquelle elle a signé, le 13 août 2019, un contrat de location pour professionnels, à l'en-tête de la Sas Grenke Location, portant sur un système d'encaissement fourni par la Sarl Coustenoble, exerçant sous le nom commercial Cash Mag, donné en location par la Sas Grenke Location, elle n'employait pas plus de cinq salariés.

Au demeurant, la Sarl Millenium N.H. ne rapporte strictement aucune preuve de ce qu'elle aurait usé de ce droit de rétractation, puisqu'elle ne verse au débat aucune lettre ou courriel ou tout autre message qu'elle aurait adressé à cette fin à la société Cash Mag.

L'appelante n'est donc pas fondée à se prévaloir des dispositions du code de la consommation ni de ce qu'elle se serait rétractée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 2 OCTOBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 3 A 22/01702. N° Portalis DBVW-V-B7G-H2NM. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 24 février 2022 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG.

 

APPELANT :

SARL MILLENIUM N.H.

Prise en la personne de son représentant légal [Adresse 2], [Localité 4], Représentée par Maître Céline RICHARD, avocat au barreau de COLMAR

 

INTIMÉE :

SAS GRENKE LOCATION

[Adresse 1], [Localité 3], Représentée par Maître Katja MAKOWSKI, avocat au barreau de COLMAR

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 juin 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme MARTINO, Président de chambre, et Mme FABREGUETTES, Conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme MARTINO, Président de chambre, Mme FABREGUETTES, Conseiller, Mme KERIHUEL, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme HOUSER

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE :

Selon contrat n° 075-39878 signé le 22 août 2019, la Sas Grenke Location a consenti à la Sarl Millenium N.H. la location longue durée d'un équipement professionnel, en l'espèce une caisse enregistreuse, moyennant paiement de 60 loyers mensuels de 135 € hors-taxes.

La locataire ayant cessé de régler les loyers, la Sas Grenke Location s'est prévalue de la résiliation anticipée du contrat de location.

Par acte en date du 22 juillet 2021, la Sas Grenke Location a assigné la Sarl Millenium N.H. devant le tribunal judiciaire de Strasbourg, aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 648 € au titre des échéances échues impayées avec intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 15 octobre 2020, la somme de 6.831 € au titre de l'indemnité de résiliation majorée avec intérêts au taux légal à compter de la même date, la somme de 40 € à titre d'indemnité forfaitaire outre la somme de 600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire du 24 février 2022, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- constaté la résiliation du contrat de location conclu entre les parties,

- condamné la Sarl Millenium N.H. à payer à la Sas Grenke Location la somme de 648 € avec intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 8 juillet 2021,

- condamné la Sarl Millenium N.H. à payer à la Sas Grenke Location la somme de 6.831 € avec intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2021, outre la somme de 40 €,

- condamné la Sarl Millenium N.H. à restituer, à ses frais, à la Sas Grenke Location le matériel objet du contrat de location en cause, dans les quinze jours suivant la signification du jugement et

ce sous peine d'une astreinte provisoire de 15 € par jour de retard passé ce délai de quinze jours,

- débouté la Sas Grenke Location du surplus de ses demandes,

- condamné la Sarl Millenium N.H. à payer à la Sas Grenke Location la somme de 300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sarl Millenium N.H. aux entiers frais et dépens de l'instance,

- constaté l'exécution provisoire du jugement.

La Sarl Millenium N.H. a interjeté appel de cette décision le 28 avril 2022.

[*]

Par écritures notifiées le 28 juillet 2022, elle conclut à l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la Sas Grenke Location du surplus de ses demandes.

Elle demande à la cour de, au visa des articles 1100-1, 1103, 1104, 1112-1 et 1353 du code civil, L 221-3 et suivants du code de la consommation et 9 et 700 du code de procédure civile :

- juger la Sarl Millenium N.H. recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la Sas Grenke Location de l'ensemble de ses dires, fins et conclusions,

- condamner la Sas Grenke Location à payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sas Grenke Location aux dépens de l'instance, en ce compris les dépens de première instance.

Elle fait valoir qu'elle est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation , en ce qu'elle exploite un fonds de commerce de restauration, n'est pas spécialisée en matière de services technologiques ou numériques telles que les activités de fourniture et vente de matériel informatique, qu'elle n'emploie pas plus de quatre salariés et que le contrat litigieux a été conclu à la suite d'un démarchage, hors établissement ; qu'elle a conclu un contrat de vente avec la société Cash Mag, dans le cadre duquel son droit de rétractation ne lui a pas été rappelé ; qu'elle ne s'est pas non plus vu remettre un exemplaire signé du contrat de vente et qu'elle n'a pas eu connaissance du contrat accessoire conclu avec la Sas Grenke Location pour le financement du matériel ; qu'aucun formulaire de rétractation légal ne lui a été transmis ; que les caractéristiques essentielles du bien et de son prix et financement n'ont pas fait l'objet d'une information précontractuelle conforme aux dispositions du code de la consommation et de l'article 1112-1 du code civil.

Elle soutient avoir exercé son droit de rétractation dans les délais impartis et a débranché le matériel, qui ne lui donnait pas satisfaction, dès le lendemain de la livraison en présence du technicien de la société Cash Mag ; que le matériel a été restitué à cette société.

Elle fait valoir que le contrat de crédit de la Sas Grenke Location est accessoire du contrat de vente et est donc automatiquement invalidé par la rétractation et/ou la fin du contrat de vente principal ; qu'il est en outre dénué de cause, le contrat principal, qui était sa raison d'être, étant inexistant ; qu'il n'a pu recevoir application en raison de la manifestation non équivoque de sa volonté de se rétracter du contrat de vente à compter du 21 août 2019 ; que les demandes en paiement de la Sas Grenke Location ne sont donc pas fondées.

[*]

Par écritures notifiées le 11 octobre 2022, la Sas Grenke Location a conclu ainsi qu'il suit, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil et L. 441-10 du code de commerce,

- déclarer l'appel de la Sarl Millenium N.H. mal fondé,

- débouter la Sarl Millenium N.H. de l'intégralité de ses demandes donner acte que la Sas Grenke Location n'a pas sollicité la restitution du matériel en première instance,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la Sarl Millenium N.H. à restituer le matériel sous astreinte,

- condamner la Sarl Millenium N.H. au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sarl Millenium N.H. aux entiers frais et dépens de l'instance.

Elle fait valoir que le contrat qui les liait est un contrat de location, valablement signé par la Sarl Millenium N.H. ; que les documents contractuels signés par l'appelante sont particulièrement clairs et intelligibles et comportent toutes les précisions nécessaires quant au matériel loué et à la durée et au coût de la location ; que la Sarl Millenium N.H. a signé sans réserve la confirmation de livraison attestant que le matériel a été livré, installé et qu'il fonctionnait parfaitement ; qu'elle a complété et signé un mandat de prélèvement et fourni un relevé d'identité bancaire ; que le mandat identifiait clairement la Sas Grenke Location comme créancier ; que la Sarl Millenium N.H. a d'ailleurs réglé une dizaine de loyers.

Elle soutient que les dispositions du code de la consommation et notamment l'article L. 221-3 n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce, l'appelante ne justifiant pas qu'au jour de la conclusion du contrat, son effectif était inférieur ou égal à cinq salariés ; que l'objet du contrat, portant sur un système d'encaissement, entre dans le champ de son activité principale ; qu'au demeurant, la Sarl Millenium N.H. n'a jamais usé de son droit de rétractation et ne produit aucun courrier en ce sens ; qu'aucun contrat de vente n'a été conclu entre la société Cash Mag et la Sarl Millenium N.H., dans la mesure où elle-même l'a acquis et en est propriétaire ; que le contrat de location était valable et n'a été résilié qu'en raison du manquement contractuel de la Sarl Millenium N.H.

Elle précise n'avoir pas demandé en première instance la restitution du matériel et fait valoir que ses demandes sont justifiées, en ce qu'elle a dû acquitter le prix du matériel donné en location sans percevoir les loyers qu'elle escomptait.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

En vertu des dispositions de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article L. 221-3 du code de la consommation dispose par ailleurs que les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Il incombe à la Sarl Millenium N.H. de démontrer qu'elle remplit les conditions lui permettant de se prévaloir, en sa qualité de professionnel, d'un droit de rétractation ouvert au bénéfice des consommateurs.

Force est de constater à cet égard qu'elle ne verse aux débats aucun élément de nature à démontrer qu'à la date à laquelle elle a signé, le 13 août 2019, un contrat de location pour professionnels, à l'en-tête de la Sas Grenke Location, portant sur un système d'encaissement fourni par la Sarl Coustenoble, exerçant sous le nom commercial Cash Mag, donné en location par la Sas Grenke Location, elle n'employait pas plus de cinq salariés.

Au demeurant, la Sarl Millenium N.H. ne rapporte strictement aucune preuve de ce qu'elle aurait usé de ce droit de rétractation, puisqu'elle ne verse au débat aucune lettre ou courriel ou tout autre message qu'elle aurait adressé à cette fin à la société Cash Mag.

L'appelante n'est donc pas fondée à se prévaloir des dispositions du code de la consommation ni de ce qu'elle se serait rétractée.

Au regard des termes clairs de la convention de location longue durée signée avec la Sas Grenke Location pour une durée déterminée, la Sarl Millenium N.H. devait acquitter un loyer mensuel de 135 € pendant une durée de 60 mois.

Elle a signé le 13 août 2019 une confirmation de livraison, par laquelle elle a attesté avoir réceptionné le produit en parfait état et en état de fonctionnement.

Elle verse aux débats un bon d'intervention de la société Cash Mag daté du 20 août 2019, portant sur la mise en place, installation, formation, signé par elle confirmant que, nonobstant la différence de date, le matériel a bel et bien été installé et que son personnel a été formé à son fonctionnement.

Le deuxième bon d'intervention qu'elle verse aux débats, daté du 21 août 2019, est illisible et elle n'en a pas produit d'autre copie, bien que l'intimée ait, dans ses écritures, souligné son caractère inexploitable.

La Sarl Millenium N.H. s'est acquittée des loyers jusqu'au mois de mars 2020 et s'est abstenue d'acquitter les termes ultérieurs, malgré mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception du 12 juin 2020.

Compte tenu des conditions générales de location, notamment dans les articles 9 et 10, la Sas Grenke Location était fondée à se prévaloir de la résiliation anticipée du contrat par lettre recommandée avec avis de réception du 15 octobre 2020, par laquelle elle a réclamé paiement des loyers échus impayés à hauteur de 648 €, des intérêts de 15,83 €, ainsi que de l'indemnité de résiliation correspondant à la totalité des loyers à échoir jusqu'au terme de la location, à hauteur de 6 210 €, outre la somme de 40 € au titre des frais de recouvrement.

Les sommes réclamées étant justifiées par les stipulations signées par la Sarl Millenium N.H., le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée à les payer à la Sas Grenke Location.

En revanche, la Sas Grenke Location n'ayant formulé, aux termes de son assignation en première instance, aucune demande relative à la restitution du matériel, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné l'appelante à le restituer à ses frais sous astreinte.

 

Sur les frais et dépens :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.

Partie perdante, la Sarl Millenium N.H. sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du même code.

Il sera en revanche alloué à l'intimée la somme de 1.200 € au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer pour faire valoir ses droits en appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement déféré en ses dispositions relatives à la restitution du matériel,

Statuant à nouveau de ce chef,

DIT n'y avoir lieu de condamner la Sarl Millenium N.H. à restituer à la Sas Grenke Location le matériel objet du contrat de location,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

CONDAMNE la Sarl Millenium N.H. à payer à la Sas Grenke Location la somme de 1.200 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la Sarl Millenium N.H. de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sarl Millenium N.H. aux dépens de l'instance d'appel.

La Greffière                                                 La Présidente