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CA DOUAI (ch. 8 sect. 3), 7 septembre 2023

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 8 sect. 3), 7 septembre 2023
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 8e ch. sect. 3
Demande : 22/05730
Décision : 23/690
Date : 7/09/2023
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 14/12/2022
Numéro de la décision : 690
Référence bibliographique : 6017 (prêt clause portant sur l’objet principal), 5741 (effets de la suppression)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10431

CA DOUAI (ch. 8 sect. 3), 7 septembre 2023 : RG n° 22/05730 ; arrêt n° 23/690

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Aux termes de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît de manière exclusive des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée même si elles portent sur le fond du droit.

Il en résulte qu'il peut se prononcer sur la nullité d'un engagement résultant d'un acte notarié exécutoire.

En outre, la banque est tenue de mettre en garde l'emprunteur non averti au regard de ses capacités financières et des risques d'endettement nés de l'octroi du prêt. Le manquement au devoir de mise en garde est sanctionné sur le fondement de la responsabilité contractuelle et permet à l'emprunteur, non de demander la nullité du contrat du prêt, mais des dommages et intérêts à condition de justifier d'un préjudice.

Il en résulte que, si le juge de l'exécution a le pouvoir de statuer sur la nullité du contrat, cette dernière n'est pas encourue au titre d'un manquement du prêteur à son devoir de mise en garde.

En l'espèce, la contestation des consorts X. relative à l'existence de la créance de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9], fondée sur la nullité du contrat de prêt du 10 juillet 2008 pour manquement du prêteur à son devoir de mise en garde, ne peut donc qu'être rejetée. »

2/ « En l'espèce, l'article 15 des conditions générales du prêt du 10 juillet 2008 stipule sous l'intitulé « exigibilité immédiate » que « les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par simple courrier : si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts ou accessoires du présent prêt ».

Cette clause ne relève pas de la notion d'objet principal du contrat et n'a pas fait l'objet d'une négociation individuelle entre les parties.

En autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de retard de paiement d'une seule échéance dépassant 30 jours, sans mise en demeure ou sommation préalable ni préavis d'une durée raisonnable, elle crée au détriment de M. X. ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat de prêt.

Il convient donc de constater que la clause susvisée est abusive et de la déclarer non écrite. La Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] ne peut donc plus opposer M. X. la déchéance du terme fondée sur cette clause, peu important qu'elle ait adressé à ce dernier deux lettres de mise en demeure préalables portant sur plusieurs échéances impayées et octroyant un délai pour régulariser, ces dernières ne pouvant régulariser le vice originel de la clause.

Si la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] fait valoir, à supposer même qu'il faille considérer que la clause est abusive, qu'elle peut se prévaloir du droit commun des articles 1224 à 1226 du code civil et qu'en l'espèce, alors que le remboursement de l'emprunt aux termes convenus est l'obligation substantielle et principale du contrat de prêt et qu'elle a adressé à l'emprunteur deux mises en demeures des 9 mars et 5 juin 2020 préalables à la déchéance du terme qui n'a été prononcée que le 30 juin 2020, M. X. ne s'est jamais manifesté, de sorte que l'inexécution suffisamment grave est dès lors démontrée et que c'est à bon droit que la résolution du contrat a été prononcée.

Or, si, avant même la nouvelle rédaction de l'article 1226 du code civil résultant de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, il était permis à une partie de mettre fin unilatéralement à un contrat à ses risques et périls en cas de manquement grave de l'autre à ses obligations, force est constater qu'en l'espèce, les courriers de mise en demeure préalable des 9 mars et 5 juin 2020 dont se prévaut la banque rappelaient qu' « en vertu des clauses contractuelles applicables au crédit, le non-paiement à bonne date de toute somme due nous autoriserait à prononcer sa résiliation » et sa lettre du 30 juin 2020 notifiant la déchéance du terme renvoyait également aux conditions générales du contrat, mentionnant : « nous vous rappelons en effet qu'en application des conditions générales applicables au contrat de crédit, le non-paiement à bonne date de toute somme nous autorise à prononcer sa résiliation. Par conséquent, nous vous notifions la résiliation de votre contrat de prêt dont la totalité des montants (échéances impayées, capital restant dû, intérêts de retard, accessoires) est devenue exigible. » Il en résulte qu'à aucun moment la banque n'a entendu se prévaloir du droit commun des contrats mais seulement de la clause résolutoire du contrat de prêt. Le moyen est donc inopérant.

Il résulte de ce qui précède que les sommes correspondant, dans le commandement du 17 septembre 2021, au capital restant dû pour un montant de 132.027,03 euros et à l'indemnité conventionnelle pour un montant de 10.239,19 euros ne sont pas exigibles. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 3

ARRÊT DU 7 SEPTEMBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/05730. Arrêt n° 23/690. N° Portalis DBVT-V-B7G-UUL4. Jugement (R.G. n° 22/00002) rendu le 24 novembre 2022 par le Juge de l'exécution de Béthune.

 

APPELANTE :

Société Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9]

RCS [Localité 9], [Adresse 12], [Localité 9], Représentée par Maître Caroline Follet, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

 

INTIMÉS :

Monsieur K. X.

né le [Date naissance 1] à [Localité 10] - de nationalité Française, [Adresse 3], [Localité 11]

Monsieur C. X.

né le [Date naissance 4] à [Localité 13] - de nationalité Française, [Adresse 3], [Localité 11]

Monsieur H. X.

né le [Date naissance 5] à [Localité 13] - de nationalité Française, [Adresse 3], [Localité 11]

Représentés par Maître Stefan Squilaci, avocat au barreau de Lille avocat constitué substitué par Maître Julie Desanghere, avocat au barreau de Lille

SAS Inbev France

[Adresse 2], [Localité 8], Défaillante, à qui l'assignation à jour fixe a été délivrée le 17 mars 2023 par acte remis à personne morale,

Etablissement Public Service des Impôts des Particuliers d'[Localité 10]

[Adresse 6], [Localité 10], Défaillante, à qui l'assignation à jour fixe a été délivrée le 22 février 2023 par acte remis à personne morale

 

DÉBATS à l'audience publique du 6 juillet 2023 tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Ismérie Capiez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Sylvie Collière, président de chambre, Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 7 septembre 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte authentique du 10 juillet 2008, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] a consenti à M. K. X. un prêt d'un montant de 250.000 euros remboursable en 240 mensualités au taux de 5,10% l'an destiné à financer l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation situé au [Adresse 3] à [Localité 11], cadastré section AB n° [Cadastre 7] pour une contenance de 6 a 07 ca.

Le remboursement de ce prêt était garanti par l'inscription sur l'immeuble financé d'un privilège de prêteur de deniers et d'une hypothèque conventionnelle publiés au bureau des hypothèques de [Localité 9] 2 le 12 août 2008 respectivement sous les références volume 2008 V n° 2701 et 2702.

Par acte notarié du 15 décembre 2016, publié le 21 décembre 2016 au service de la publicité foncière de [Localité 9] sous les références volume 2016 P n° 6340, M. K. X. a fait donation de la nue-propriété de l'immeuble susvisé à ses deux fils, C. et H. X.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 juin 2020 précédée de deux mises en demeure des 9 mars 2020 et 5 juin 2020 reçues par M. K. X. les 14 mars 2020 et 18 juin 2020, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] a prononcé la déchéance du terme du prêt.

Par actes du 17 septembre 2021, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] a, en vertu de l'acte notarié de prêt du 10 juillet 2008, fait signifier à MM. K., C. et H. X. (les consorts X.) un commandement de payer la somme totale de 171.240,04 euros valant saisie de l'immeuble susvisé. Ces actes ont été publiés au service de la publicité foncière de [Localité 9] le 3 novembre 2021 sous les références volume 2021 S n° 50 et 51.

Par acte du 31 décembre 2021, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] a fait assigner les consorts X. à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Béthune.

Par acte du 5 janvier 2022, elle a fait dénoncer ce commandement à la société Inbev France et au service des impôts des particuliers d'[Localité 10], créanciers inscrits, avec assignation à l'audience d'orientation.

La société Inbev France a déclaré sa créance le 24 février 2022 pour un montant de 50.099,61 euros.

Par jugement du 24 novembre 2022, le juge de l'exécution a :

- débouté la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] aux entiers dépens ;

- laissé les parties supporter leurs frais irrépétibles.

Par déclaration adressée par la voie électronique le 14 décembre 2022, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions en intimant les consorts X.

Par acte adressé par la voie électronique le 16 décembre 2022, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] a régularisé une seconde déclaration d'appel en intimant, outre les consorts X., la société Inbev France et le service des impôts des particuliers d'[Localité 10], créanciers inscrits.

Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 20 décembre 2022.

Après y avoir été autorisée par ordonnance de la présidente de chambre du 5 janvier 2023 sur la requête qu'elle avait présentée le 21 décembre 2022, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] a, par actes des 22 février 2023 et 17 mars 2023, fait assigner les consorts X., le service des impôts des particuliers d'[Localité 10] et la société Inbev France pour le jour fixé.

Par message adressé par la voie électronique le 5 juin 2023, la cour a, d'office, invité les parties à conclure sur l'éventuel caractère abusif de la clause du contrat du prêt du 10 juillet 2008 (article 15 des conditions générales) autorisant la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] à se prévaloir, par simple courrier avertissant l'emprunteur, de l'exigibilité immédiate et de plein droit de la totalité des sommes dues, si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts ou accessoires, au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 et des arrêts de la CJCE (devenue CJUE) du 4 juin 2009 (C-243/08) et de la CJUE des 26 janvier 2017 (C-421/14) et 8 décembre 2022 (C-600/21) - (cf Cassation 1ère civile - 22 mars 2023 - pourvois n° 21-16.476 et 21-16.044).

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 5 juillet 2023, la Caisse de crédit mutuel de de [Localité 9] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et en conséquence de :

- débouter les consorts X. de l'ensemble de leurs demandes ;

- constater que sa créance s'élève à la somme de 171.240,04 euros selon décompte arrêté au 9 mars 2021 outre intérêts postérieurs au taux de 5,10 % sur le principal de 146.274,13 euros ;

A titre subsidiaire, si la cour devait considérer que la déchéance du terme ne pouvait être prononcée, constater que sa créance s'élève à la somme de 49.512,32 euros selon décompte arrêté au 5 septembre 2021 outre intérêts postérieurs au taux de 5,10 % l'an ;

En tout état de cause et vu l'absence de proposition de vente amiable satisfaisante,

- ordonner la vente forcée de l'immeuble situé à [Localité 11], cadastré section AB numéro [Cadastre 7] pour 6a 07ca, sur la mise à prix de 60.000 euros ;

- fixer la date de l'audience d'adjudication des droits et biens immobiliers susvisés ;

- dire que le poursuivant pourra assurer deux visites des biens saisis par un huissier de justice de son choix, lequel pourra si besoin est se faire assister d'un serrurier, de la force publique et à défaut, faire application des articles L. 142-1 et L. 142-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

- dire que l'huissier pourra également le cas échéant se faire assister lors d'une visite d'un homme de l'art, à l'effet de réactualiser les diagnostics imposés par la loi et effectuer toutes recherches encore nécessaires pour parvenir à la vente ;

- dire que les occupants des biens saisis devront être informés des visites, trois jours au moins avant la date prévue pour celle-ci ;

- condamner solidairement M. K. X., M. C. X. et M. H. X. à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l'instance.

[*]

Aux termes de leurs dernières conclusions du 5 juillet 2023, les consorts X. demandent à la cour, au visa des articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, 1343-5 du code civil et L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date du 10 juillet 2008, de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- constater le caractère abusif de la clause d'exigibilité immédiate du contrat de prêt ;

En conséquence,

- déclarer nul le commandement de payer valant saisie qui leur a été délivré le 17 septembre 2021 ;

- débouter la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] de toutes ses demandes plus amples ou contraires ;

A titre subsidiaire, si le jugement devait être infirmé,

- reporter à deux ans le paiement de la somme de 171.240,04 euros ;

A titre très subsidiaire,

- échelonner le paiement de la somme de 171.240,04 euros selon les modalités qu'il plaira à la cour de fixer ;

A titre infiniment subsidiaire,

- accorder à M. K. X. un délai de deux ans afin de procéder à la vente amiable du bien ;

En tout état de cause,

- condamner la Caisse de crédit mutuel [Localité 9] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] aux entiers dépens.

[*]

Le service des impôts des particuliers d'[Localité 10] et la société Inbev France ne comparaissent pas.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Selon l'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière.

Selon l'article L. 311-6 du même code, la saisie immobilière peut porter sur tous les droits réels afférents aux immeubles, y compris leurs accessoires réputés immeubles, susceptibles de faire l'objet d'une cession.

L'article R. 322-18 du même code dispose que le jugement d'orientation mentionne le montant retenu pour la créance du poursuivant en principal, frais, intérêts et accessoires.

L'article R. 322-15 alinéa 1er du même code dispose qu'à l'audience d'orientation, le juge de l'exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 sont réunies, statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de la poursuite, en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée.

 

Sur l'existence de la créance de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] :

Les consorts X. font valoir qu'ayant manqué à son devoir de mise en garde lors de l'octroi du prêt, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] « a commis une faute remettant en cause la validité du contrat de prêt et donc le caractère certain de la créance dont elle entend indûment obtenir le recouvrement ». Ils ajoutent qu'il est en conséquence impossible de poursuivre la procédure de saisie immobilière puisque celle-ci se fonde sur un contrat de prêt entaché de nullité.

La Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] soutient que s'il est acquis que la banque est tenue à l'égard de ses clients emprunteurs profanes d'un devoir de mise en garde et doit informer l'emprunteur non averti du risque d'endettement excessif qu'il encourt, à peine d'engager sa responsabilité civile, le manquement à l'obligation de mise en garde ne peut être sanctionné que par l'allocation de dommages et intérêts et pas par la nullité du prêt.

Le premier juge a retenu pour rejeter les demandes du Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] que « le juge de l'exécution n'est pas compétent pour déclarer nul le contrat de prêt » mais que « le caractère disproportionné de l'engagement proposé par le Crédit mutuel » à M. K. X., bien qu'il puisse « être relativisé par l'imprudence » de ce dernier, était « de nature à remettre en question le caractère certain et fondé en son principe de la créance litigieuse ».

* * *

Aux termes de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît de manière exclusive des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée même si elles portent sur le fond du droit.

Il en résulte qu'il peut se prononcer sur la nullité d'un engagement résultant d'un acte notarié exécutoire.

En outre, la banque est tenue de mettre en garde l'emprunteur non averti au regard de ses capacités financières et des risques d'endettement nés de l'octroi du prêt. Le manquement au devoir de mise en garde est sanctionné sur le fondement de la responsabilité contractuelle et permet à l'emprunteur, non de demander la nullité du contrat du prêt, mais des dommages et intérêts à condition de justifier d'un préjudice.

Il en résulte que, si le juge de l'exécution a le pouvoir de statuer sur la nullité du contrat, cette dernière n'est pas encourue au titre d'un manquement du prêteur à son devoir de mise en garde.

En l'espèce, la contestation des consorts X. relative à l'existence de la créance de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9], fondée sur la nullité du contrat de prêt du 10 juillet 2008 pour manquement du prêteur à son devoir de mise en garde, ne peut donc qu'être rejetée.

 

Sur le caractère abusif de la clause de déchéance du terme :

Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Les clauses abusives sont réputées non écrites.

La Cour de justice des Communautés européennes devenue la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que le juge national était tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il disposait des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considérait une telle clause comme étant abusive, il ne l'appliquait pas, sauf si le consommateur s'y opposait (CJCE, 4 juin 2009, C-243/08).

Par arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'article 3, paragraphe 1 de la directive 93/13 devait être interprété en ce sens que s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombait à cette juridiction d'examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépendait de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présentait un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté était prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêtait un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté dérogeait aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoyait des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt.

Par arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21), elle a dit pour droit que l'arrêt précité devait être interprété en ce sens que les critères qu'il dégageait pour l'appréciation du caractère abusif d'une clause contractuelle, notamment du déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat que cette clause créait au détriment du consommateur, ne pouvaient être compris ni comme étant cumulatifs ni comme étant alternatifs, mais devaient être compris comme faisant partie de l'ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, que le juge national devait examiner afin d'apprécier le caractère abusif d'une clause contractuelle.

Par ailleurs, après avoir relevé que la clause contractuelle en exécution de laquelle la banque avait, dans le cas qui lui était soumis, prononcé la déchéance du terme, n'apparaissait pas relever de la notion d’« objet principal du contrat », ce qu'il appartenait à la juridiction de renvoi de vérifier (points 47 et 48), elle a dit pour droit que l'article 3, § 1, et l'article 4 de la directive 93/13 devaient être interprétés en ce sens que, sous réserve de l'applicabilité de l'article 4,§ 2, de cette directive, ils s'opposaient à ce que les parties à un contrat de prêt y insèrent une clause qui prévoyait, de manière expresse et non équivoque, que la déchéance du terme de ce contrat pouvait être prononcée de plein droit en cas de retard de paiement d'une échéance dépassant un certain délai, dans la mesure où cette clause n'avait pas fait l'objet d'une négociation individuelle et créait au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat.

En l'espèce, l'article 15 des conditions générales du prêt du 10 juillet 2008 stipule sous l'intitulé « exigibilité immédiate » que « les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par simple courrier : si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts ou accessoires du présent prêt ».

Cette clause ne relève pas de la notion d'objet principal du contrat et n'a pas fait l'objet d'une négociation individuelle entre les parties.

En autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de retard de paiement d'une seule échéance dépassant 30 jours, sans mise en demeure ou sommation préalable ni préavis d'une durée raisonnable, elle crée au détriment de M. X. ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat de prêt.

Il convient donc de constater que la clause susvisée est abusive et de la déclarer non écrite. La Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] ne peut donc plus opposer M. X. la déchéance du terme fondée sur cette clause, peu important qu'elle ait adressé à ce dernier deux lettres de mise en demeure préalables portant sur plusieurs échéances impayées et octroyant un délai pour régulariser, ces dernières ne pouvant régulariser le vice originel de la clause.

Si la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] fait valoir, à supposer même qu'il faille considérer que la clause est abusive, qu'elle peut se prévaloir du droit commun des articles 1224 à 1226 du code civil et qu'en l'espèce, alors que le remboursement de l'emprunt aux termes convenus est l'obligation substantielle et principale du contrat de prêt et qu'elle a adressé à l'emprunteur deux mises en demeures des 9 mars et 5 juin 2020 préalables à la déchéance du terme qui n'a été prononcée que le 30 juin 2020, M. X. ne s'est jamais manifesté, de sorte que l'inexécution suffisamment grave est dès lors démontrée et que c'est à bon droit que la résolution du contrat a été prononcée.

Or, si, avant même la nouvelle rédaction de l'article 1226 du code civil résultant de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, il était permis à une partie de mettre fin unilatéralement à un contrat à ses risques et périls en cas de manquement grave de l'autre à ses obligations, force est constater qu'en l'espèce, les courriers de mise en demeure préalable des 9 mars et 5 juin 2020 dont se prévaut la banque rappelaient qu' « en vertu des clauses contractuelles applicables au crédit, le non-paiement à bonne date de toute somme due nous autoriserait à prononcer sa résiliation » et sa lettre du 30 juin 2020 notifiant la déchéance du terme renvoyait également aux conditions générales du contrat, mentionnant : « nous vous rappelons en effet qu'en application des conditions générales applicables au contrat de crédit, le non-paiement à bonne date de toute somme nous autorise à prononcer sa résiliation. Par conséquent, nous vous notifions la résiliation de votre contrat de prêt dont la totalité des montants (échéances impayées, capital restant dû, intérêts de retard, accessoires) est devenue exigible. » Il en résulte qu'à aucun moment la banque n'a entendu se prévaloir du droit commun des contrats mais seulement de la clause résolutoire du contrat de prêt. Le moyen est donc inopérant.

Il résulte de ce qui précède que les sommes correspondant, dans le commandement du 17 septembre 2021, au capital restant dû pour un montant de 132.027,03 euros et à l'indemnité conventionnelle pour un montant de 10.239,19 euros ne sont pas exigibles.

En revanche, le 17 septembre 2021, date à laquelle le commandement a été délivré, la banque disposait d'une créance liquide et exigible correspondant :

- aux échéances impayées du 5 mai 2019 (en partie pour cette dernière) au 5 juin 2020 visées dans la lettre du 30 juin 2020, pour un montant de 22 701,67 euros ;

- aux intérêts contractuels échus sur ces mensualités impayées arrêtés au 5 juin 2020, pour un montant de 1 067,20 euros ;

- aux échéances impayées du 5 juillet 2020 au 5 septembre 2021, exigibles à la date de leur échéance, pour un montant de 25 743,45 euros (1 716,23 x 15).

Soit un total de 49 512,32 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,10 % sur la somme de 48 445,12 euros à compter du 6 septembre 2021, auquel il convient de fixer la créance de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9].

Contrairement à ce que soutiennent les consorts X., la nullité du commandement aux fins de saisie ne saurait être prononcée. En effet, d'une part le caractère abusif de la clause susvisée n'entraîne pas la nullité du commandement et d'autre part, il résulte de l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution que la nullité du commandement n'est pas encourue au motif que les sommes réclamées sont supérieures à celles qui sont dues au créancier.

 

Sur les délais de paiement :

En application des articles 510 du code de procédure civile et R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a compétence pour accorder, après signification d'un commandement ou d'un acte de saisie, un délai de grâce.

Selon l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

M. K. X. qui perçoit actuellement le revenu de solidarité active à hauteur de 565,34 euros par mois ne justifie d'aucun élément de nature à établir que sa situation financière soit en voie de connaître une amélioration qui lui permettrait, à l'issue du report de paiement de deux ans sollicité, de procéder au remboursement de sa dette à l'égard du Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9].

La modestie actuelle des revenus de M. K. X. ne permet pas davantage la 'mise en place d'un échéancier de remboursement'.

Enfin, les délais de paiement prévus par les dispositions susvisées n'ont pas pour but de permettre au débiteur de procéder à la vente amiable du bien laquelle obéit à des conditions strictes découlant des articles R. 322-15 et R. 322-20 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.

Il convient donc de débouter M. K. X. de sa demande de délais de paiement.

 

Sur l'orientation de la procédure :

Il convient d'autoriser la vente forcée sur la mise à prix mentionnée au cahier des conditions de vente.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Compte tenu de la solution donnée au litige, il convient de dire que les dépens de première instance et d'appel seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont exposés.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la contestation de K., C. et H. X. relative à l'existence de la créance de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9], fondée sur la nullité du contrat de prêt du 10 juillet 2008 pour manquement du prêteur à son devoir de mise en garde ;

Constate le caractère abusif de la clause des conditions générales du contrat de prêt du 10 juillet 2008 stipulant que 'les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par simple courrier : si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts ou accessoires du présent prêt' ;

Déclare cette clause non écrite ;

Rejette la demande tendant à voir annuler le commandement de payer aux fins de saisie immobilière délivré à K., C. et H. X. le 17 septembre 2020 ;

Rejette la demande de délais de paiement de M. K. X. ;

Mentionne la créance de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] pour un montant de 49.512,32 euros, avec intérêts au taux contractuel de 5,10 % sur la somme de 48.445,12 euros à compter du 6 septembre 2021 ;

Ordonne la vente forcée du bien saisi, sur la mise à prix mentionnée au cahier des conditions de vente ;

Renvoie la Caisse de crédit mutuel de [Localité 9] à poursuivre la procédure de saisie immobilière devant le premier juge qui fixera la date de l'audience d'adjudication et déterminera les modalités de visite.

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.

Le greffier                                                                Le président

Ismérie CAPIEZ                                                     Sylvie COLLIERE