CA NANCY (2e ch.), 29 juin 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10456
CA NANCY (2e ch.), 29 juin 2023 : RG n° 22/01865
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Par ailleurs, M. X. indique qu'il n'a pas reçu la notice d'assurance applicable au prêt immobilier. En effet, il ressort des dispositions de l'article L. 312-9 du code de la consommation, dans sa version applicable au contrat issue de la loi n° 93-949 du 27 juillet 1993, que lorsque le prêteur offre à l'emprunteur ou exige de lui l'adhésion à un contrat d'assurance collective (...), les dispositions suivantes sont obligatoirement appliquées : 1° Au contrat de prêt est annexée une notice énumérant les risques garantis et précisant toutes les modalités de la mise en jeu de l'assurance (...). »
Néanmoins, les dispositions applicables à cette date n'ont pas prévu de sanction caractérisée par la déchéance du droit aux intérêts en cas d'absence de remise de la notice d'assurance, étant précisé que la FISE devant comporter les informations concernant les modalités de l'assurance proposée était prévue à l'article R. 313-7 du code de la consommation, entré en vigueur le 1er octobre 2016. Dans ces conditions, M. X. ne peut utilement se prévaloir de la déchéance du droit aux intérêts de la CCM. »
2/ « L'article L. 312-22 du code de la consommation, dans sa version applicable issue de la loi n° 93-949 du 27 juillet 1993, énonce in fine que le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 du code civil, ne peut excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret. L'article R. 312-3 du code de la consommation dans sa version applicable issue du décret n°99-513 du 16 juin 1999, dispose que l'indemnité prévue en cas de résolution du contrat de prêt ne peut dépasser 7 % des sommes dues au titre du capital restant dû ainsi que des intérêts échus et non versés.
M. X. soutient que la clause pénale qui impose au consommateur le paiement d'une indemnité manifestement disproportionnée en cas d'inexécution de ses obligations est présumée abusive en application de l'article R. 212-2-3° du code de la consommation et au regard de la recommandation de la Commission des clause abusives n°21-01 du 10 mai 2021. La CCM précise que la recommandation de la Commission des clauses abusives n° 21-01 du 10 mai 2021 indique qu'une telle clause est licite tant qu'elle ne dépasse pas 8 %.
En l'espèce, le contrat a prévu en ses conditions générales que « si le prêteur se trouve dans la nécessité de recouvrer sa créance par les voies judiciaires ou autres, l'emprunteur aura à payer une indemnité de 7 % des montants dus (...). »
Or, il convient de constater que cette clause permet au prêteur de réclamer à l'emprunteur, en cas de défaillance, le remboursement forfaitaire de frais de recouvrement évalués à 7 % des montants dus, ce qui est exclu par les dispositions de l'article L. 312-23 du code de la consommation, dans sa version applicable issue de la loi n° 93-949 du 27 juillet 1993. En effet, cette clause ne saurait correspondre à la pénalité contractuelle mise à la charge de l'emprunteur et ayant vocation à indemniser le prêteur des effets de la résolution du contrat, conformément à l'article L. 312-22 du code de la consommation, dans sa version applicable issue de la loi n°93-949 du 27 juillet 1993, faisant référence à un montant dépendant de la durée restant à courir du contrat. Dans ces conditions, la CCM ne peut solliciter de M. X. le remboursement forfaitaire de frais de recouvrement à hauteur de 156,98 euros. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 29 JUIN 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/01865. N° Portalis DBVR-V-B7G-FA2V. Décision déférée à la Cour : Jugement du tribunal judiciaire d'EPINAL, R.G. n° 1121000292, en date du 12 juillet 2022.
APPELANTE :
La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL CENTRE VOSGES
Société coopérative de crédit à capital variable et à responsabilité statutairement limitée dont le siège est situé [Adresse 2], immatriculée au registre de commerce et des sociétés d'EPINAL sous le numéro 306 450 511 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Olivier COUSIN de la SCP SYNERGIE AVOCATS, avocat au barreau d'ÉPINAL
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le [Date naissance 1] à [Localité 4], médecin, domicilié [Adresse 3], Représenté par Maître Laurent BENTZ de la SELARL EPITOGES, avocat au barreau d'ÉPINAL
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 1er juin 2023, en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, Madame Nathalie ABEL, conseillère, Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère, chargée du rapport, qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;
A l'issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 29 juin 2023, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant offre préalable acceptée le 31 mai 2005, la Caisse de Crédit Mutuel Centre Vosges (ci-après la CCM) a consenti à M. X. un prêt immobilier in fine d'un montant de 148.036 euros remboursable en capital le 30 avril 2020, après une durée d'amortissement de 180 mois portant sur les intérêts stipulés à taux variable (par référence au taux nominal initial de 3,60 % l'an) et les cotisations d'assurance, déterminant une échéance mensuelle de 495,92 euros, garanti par le nantissement d'un contrat d'assurance-vie « Plan Assu Horizon » détenu par M. X. avec engagement de versement sur ce contrat d'un montant mensuel minimum de 580 euros pendant toute la durée du prêt, ayant pour objet l'achat d'un appartement sis à [Localité 5] dans un but locatif.
Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception en date du 12 mai 2020, la CCM a mis M. X. en demeure de s'acquitter des sommes dues à hauteur de 145.587,59 euros (comprenant l'échéance impayée de 144.765,22 euros d'avril 2020) pour le 21 mai 2020, sous peine de mise en œuvre de la garantie consentie par le nantissement du contrat d'assurance-vie.
Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 12 juin 2020, la CCM a informé M. X. qu'à défaut de réponse pour le 28 juin 2020 sur l'option fiscale liée au rachat de l'assurance-vie (prélèvement libératoire), elle opterait pour l'option fiscale par défaut mise en place à l'ouverture du contrat d'assurance-vie portant sur la déclaration des intérêts.
Par courriers recommandés avec demande d'avis de réception des 14 juillet 2020, 6 août 2020, 14 août 2020 et 12 septembre 2020, la CCM a mis M. X. en demeure de s'acquitter du solde du prêt restant dû à hauteur de 2 413,51 euros, après déduction des sommes du contrat d'assurance-vie nanti mobilisé le 22 mai 2020, en dernier état pour le 15 octobre 2020 au plus tard, sous peine de résiliation du contrat de prêt.
Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception en date du 27 novembre 2020, la CCM a notifié à M. X. la déchéance du terme du prêt et l'a mis en demeure de lui payer la somme exigible de 2.594,96 euros pour le 21 décembre 2020 au plus tard.
-o0o-
Par acte d'huissier en date du 23 avril 2021, la CCM a fait assigner M. X. devant le tribunal judiciaire d'Epinal afin de le voir condamné à lui payer la somme de 2.604,09 euros, augmentée des intérêts au taux de 3,60 % à compter du 8 janvier 2021, et subsidiairement, de limiter le préjudice tiré d'une éventuelle faute de la banque à une perte de chance jusqu'à 5 % des sommes sollicitées.
M. X. s'est prévalu de la déchéance du droit aux intérêts du prêteur pour défaut de justification de la remise de la Fiche d'Information Standardisée Européenne (FISE) et de vérification de sa solvabilité, et a sollicité sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son devoir de conseil.
Par jugement en date du 12 juillet 2022, le tribunal judiciaire d'Epinal a :
- condamné M. X. à payer à la CCM la somme de de 2.451,11 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,60 % sur la somme de 2.323,64 euros, à compter de l'assignation, s'agissant du contrat de prêt immobilier n°10278 XXX,
- condamné la CCM à payer à M. X. la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts s'agissant de l'obligation de mise en garde,
- rejeté toutes autres demandes,
- condamné chaque partie à supporter la moitié des dépens,
- constaté que la présente décision est de droit revêtue de l'exécution provisoire.
Le tribunal a retenu qu'à la date de signature du contrat, l'obligation de remise de la FISE, ressortant de l'article R. 313-7 du code de la consommation, et l'obligation de vérification préalable de la solvabilité de l'emprunteur, ressortant de l'article L. 313-16 dudit code, n'étaient pas en vigueur, précisant que la vérification de la solvabilité appartenait à l'obligation de conseil et d'information du prêteur. Il a constaté que la CCM justifiait de la vérification de la situation financière de M. X. par la production des pièces justificatives sollicitées auprès de l'emprunteur.
Il a jugé que le prêteur était recevable à se prévaloir de la déchéance du terme du contrat, et a réduit le montant de l'indemnité contractuelle à un euro. Il a fait courir les intérêts à compter de l'assignation, faute de preuve de la remise de la mise en demeure du 12 septembre 2020 et du décompte du 27 novembre 2020.
Le tribunal a retenu que M. X. était un emprunteur présumé profane et que la CCM ne démontrait pas l'accomplissement de son obligation de mise en garde, relevant l'absence de document explicatif sur la portée d'un engagement aux conditions de remboursement particulières. Il a évalué la perte de chance de M. X. de ne pas contracter par référence au coût global du financement et à la nécessité de se libérer d'un placement propre pour s'en acquitter.
-o0o-
Le 5 août 2022, la CCM a formé appel du jugement tendant à son infirmation en ce qu'il a réduit l'indemnité contractuelle à la somme d'un euro et jugé qu'elle avait manqué à son devoir de mise en garde à l'encontre de M. X., et en conséquence, en ce qu'il a :
- condamné M. X. à lui payer la somme de 2.451,11 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,60% sur la somme de 2 323,64 euros, à compter de l'assignation, s'agissant du contrat de prêt immobilier n°10278 XXX,
- condamné la CCM à payer à M. X. la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts s'agissant de l'obligation de mise en garde,
- rejeté toutes autres demandes,
- condamné chaque partie à supporter la moitié des dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises le 2 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la CCM, appelante, demande à la cour sur le fondement des articles 1905 et suivants du code civil, 1342-10 du code civil et des articles 1103 et suivants du code civil :
- d'infirmer et de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a réduit l'indemnité contractuelle et l'a condamnée à payer à M. X. la somme de 2.500 euros,
- de confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
Dès lors, et statuant à nouveau,
A titre principal, au titre du prêt n°10278 XXX,
- de condamner M. X. à lui payer la somme de 2.604,09 euros outre les intérêts au taux contractuel de 3,60 % à compter du 8 janvier 2021, date du décompte,
A titre subsidiaire, si une faute était retenue à son encontre,
- de juger que la perte de chance ne peut dépasser 5 % des sommes sollicitées, soit 130,20 euros,
En tout état de cause,
- de condamner M. X. au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner M. X. aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront le cas échéant, le coût des mesures conservatoires autorisées.
Au soutien de ses demandes, la CCM fait valoir en substance :
- que la réalité de la créance est prouvée en ce qu'il existe cinq impayés de juin à octobre 2020 inclus qui n'ont jamais été régularisés après imputation des paiements sur l'échéance impayée la plus ancienne ; que la réalisation du nantissement est intervenue le 9 juillet 2020 suivant la lecture des mouvements du prêt immobilier et que M. X. avait été informé par courrier du 12 juin 2020 de l'imminente réalisation du nantissement ;
- que la production de la FISE est obligatoire pour les établissements bancaires depuis le 1er octobre 2016 et que le prêt a été consenti en 2005 ;
- qu'elle a procédé à une étude poussée de la situation financière de M. X. et de sa capacité de remboursement ; que si l'article L. 313-16 du code de la consommation relatif à la vérification de la solvabilité de l'emprunteur ne s'appliquait pas à la date du prêt, elle a néanmoins sollicité de nombreux justificatifs de situation (avis d'imposition sur le revenu 2003 et sur les revenus non commerciaux, compte de résultat fiscal, contrat de mariage, liste des mouvements du compte familial) ; que les prêts en cours mentionnés dans la demande de prêt ont tous été accordés par la CCM ; que la consultation du FICP est devenue obligatoire à compter du 1er mai 2011 (loi Lagarde) ; qu'elle produit l'attestation de caution souscrite par M. X. sollicitée avant l'octroi du prêt ;
- que les dispositions contractuelles obligent M. X. à payer l'indemnité de 7 % contractuellement prévue ; qu'elle subit un préjudice et qu'il n'est pas justifié que cette clause aurait des conséquences excessives ; que la recommandation de la Commission des clauses abusives n°21-01 du 10 mai 2021 prévoit qu'une telle clause est licite tant qu'elle ne dépasse 8 % ;
- que M. X. revêt la qualité d'emprunteur averti et ne saurait bénéficier d'un devoir de mise en garde ; qu'il avait conscience et connaissance du risque d'endettement ; qu'étant âgé de 37 ans et exerçant la profession de médecin, il était apte à apprécier les conséquences financières d'un emprunt sur plusieurs années ; qu'il était rompu aux affaires de financement immobilier, en ce qu'il avait souscrit un autre prêt afin de financer les travaux d'amélioration de sa maison, qu'il avait déjà acquis un immeuble cinq ans auparavant (2000), et qu'à la date d'octroi dudit prêt, il avait contracté trois prêts dont un d'une valeur de 159.340 euros ; que M. X. était associé et gérant de plusieurs sociétés (SCI O., SCI C. et SCM CABINET MEDICAL Y.) ;
- que M. X. ne pouvait ignorer l'étendue du nantissement qu'il avait proposé et qui a été soumis à sa signature pour un capital mentionné de façon manuscrite à hauteur de 144.412 euros ; qu'il ne s'est pas manifesté à la réception du courrier du 12 juin 2020 l'informant de la réalisation de son nantissement en l'absence de réponse pour le 28 juin 2020 ;
- que le crédit accordé ne faisait courir à M. X. aucun risque d'endettement ; que les échéances ont été remboursées de 2005 à 2019 et que le terme du prêt était 2020 ; que le prêt portait sur l'acquisition d'un appartement situé à [Localité 5] dans un but locatif (loi de défiscalisation De Robien), prévoyant le paiement d'un loyer mensuel de 475 euros couvrant 96 % de la mensualité du prêt (495,92 euros) ; que M. X. avait déclaré un revenu mensuel de 11.691 euros, un placement en assurance-vie alimenté par des versements mensuels de 580 euros minimum et était propriétaire d'un immeuble évalué à 200.000 euros ;
- que subsidiairement, la perte de chance de ne pas contracter ne peut recouvrer l'intégralité du préjudice invoqué ;
- que M. X. ne produit aucun élément au soutien de sa demande de délais de paiement ; qu'il n'a pas fait de proposition sérieuse de paiement dans les délais impartis et a profité des délais de la procédure.
[*]
Dans ses dernières conclusions transmises le 3 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. X., intimé et appelant à titre incident, demande à la cour sur le fondement des articles L. 313-1 et suivants, L. 341-27 et L. 341-28 du code de la consommation et de l'article 1103 du code civil :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la CCM à lui payer la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts s'agissant de l'obligation de mise en garde,
- de déclarer recevable et bien fondé son appel incident,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à verser à la CCM la somme de 2.451,11 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,60 % sur la somme de 2.323,64 euros, à compter de l'assignation, s'agissant du contrat de prêt immobilier n°10278XXX,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toutes autres demandes,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné chaque partie à supporter la moitié des dépens,
Dès lors, statuant à nouveau,
A titre principal,
- de dire que la CCM ne justifie pas de l'existence de sa créance,
- de débouter la CCM de sa demande au titre du prêt immobilier in fine,
A titre subsidiaire,
- de dire que la CCM ne justifie pas de la production de la notice d'assurance, de la consultation du FICP ni de la recherche de la solvabilité de l'emprunteur,
- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts,
- de débouter la CCM de sa demande au titre de l'indemnité contractuelle,
- de lui accorder les plus larges délais de paiement,
En tout état de cause,
- de dire que la CCM a manqué à son obligation de conseil et d'information,
- de condamner la CCM à lui verser la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- de condamner la CCM à lui verser la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance,
- de condamner la CCM à lui verser la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour,
- de condamner la CCM aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses demandes, M. X. fait valoir en substance :
- que la demande est infondée ; que l'étude des mouvements du compte de prêt de 2005 à 2020 ne laisse apparaître aucun solde négatif et que les quelques échéances impayées ont toutes été régularisées ;
- que la CCM doit être déchue de son droit aux intérêts pour un montant de 77,14 euros ; que l'obligation de rechercher la solvabilité de l'emprunteur et de lui fournir toutes les informations précontractuelles nécessaires était déjà en vigueur au moment de la souscription du prêt immobilier in fine ; que les pièces produites par la CCM sont incomplètes (avis d'imposition d'une seule page datant de 2003, sans date de transmission ni nom, à l'instar des formulaires CERFA) ; qu'il n'a pas reçu la notice d'assurance correspondant au prêt immobilier ; que la consultation du FICP date de 2017 ;
- qu'il appartient à la CCM de démontrer qu'elle a satisfait à son obligation de conseil et d'information sur les spécificités d'un prêt immobilier un fine et sur la valorisation du livret objet du nantissement, afin de rembourser le prêt ; qu'il n'a pas été mis en mesure d'apprécier l'étendue du nantissement et n'a pas été informé que le capital détenu sur le livret retraite ne couvrirait pas le montant du prêt in fine ; qu'il exerce une profession de santé et n'a jamais contracté un prêt in fine garanti par un nantissement sur livret de retraite ; qu'il aurait pu conclure un prêt moins risqué financièrement et que la perte de chance s'apprécie par rapport à la globalité du capital ;
- que la clause pénale qui impose au consommateur le paiement d'une indemnité manifestement disproportionnée en cas d'inexécution de ses obligations est présumée abusive en application de l'article R. 212-2 3° du code de la consommation, en ce qu'elle créé au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que selon la recommandation de la Commission des clause abusives n° 21-01 du 10 mai 2021, l'indemnité est manifestement excessive et devra être supprimée en ce que les décomptes et courriers de la banque ne permettaient pas de déterminer quel montant avait été recouvré suite à la mobilisation du nantissement ; qu'il a exécuté ses obligations en quasi-totalité dans la mesure où la dernière échéance du prêt était prévue en avril 2020, date du premier impayé non régularisé ;
- que la créance de la CCM, à la supposer existante, se limiterait à la somme de 2 369,97 euros, déduction faite des intérêts et de l'indemnité conventionnelle sollicités.
-o0o-
La clôture de l'instruction a été prononcée le 8 mars 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'existence d'une créance détenue par la CCM à l'encontre de M. X. au titre du prêt immobilier in fine :
Il ressort de l'historique de compte et de la liste des mouvements du compte avec soldes progressifs que le montant impayé à l'échéance d'avril 2020 s'élevait à la somme de 144.765,22 euros, et qu'une somme de 142.522,72 euros a été portée au crédit du compte le 9 juillet 2020.
Aussi, il en résulte que la CCM rapporte la preuve de ce que M. X. est redevable d'une créance en principal de 2.242,50 euros.
Dans ces conditions, la demande de la CCM est recevable.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la déchéance du droit aux intérêts de la CCM :
Il est constant que l'article L. 313-16 du code de la consommation relatif à la vérification préalable de la solvabilité de l'emprunteur, créé par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ne pouvait s'appliquer au prêt litigieux consenti en 2005.
Aussi, le tribunal a indiqué à juste titre que la vérification de la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations est appréciée au regard de l'obligation de conseil et de mise en garde du banquier en matière de crédit immobilier donnant lieu le cas échéant à l'allocation de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1147 du code civil, tel que sollicité distinctement par M. X.
De même, l'obligation de consultation préalable du FICP résulte des dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 non applicable au prêt litigieux.
Par ailleurs, M. X. indique qu'il n'a pas reçu la notice d'assurance applicable au prêt immobilier.
En effet, il ressort des dispositions de l'article L. 312-9 du code de la consommation, dans sa version applicable au contrat issue de la loi n° 93-949 du 27 juillet 1993, que lorsque le prêteur offre à l'emprunteur ou exige de lui l'adhésion à un contrat d'assurance collective (...), les dispositions suivantes sont obligatoirement appliquées : 1° Au contrat de prêt est annexée une notice énumérant les risques garantis et précisant toutes les modalités de la mise en jeu de l'assurance (...). »
Néanmoins, les dispositions applicables à cette date n'ont pas prévu de sanction caractérisée par la déchéance du droit aux intérêts en cas d'absence de remise de la notice d'assurance, étant précisé que la FISE devant comporter les informations concernant les modalités de l'assurance proposée était prévue à l'article R. 313-7 du code de la consommation, entré en vigueur le 1er octobre 2016.
Dans ces conditions, M. X. ne peut utilement se prévaloir de la déchéance du droit aux intérêts de la CCM.
Sur l'indemnité contractuelle de 7 % :
L'article L. 312-22 du code de la consommation, dans sa version applicable issue de la loi n° 93-949 du 27 juillet 1993, énonce in fine que le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 du code civil, ne peut excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret.
L'article R. 312-3 du code de la consommation dans sa version applicable issue du décret n°99-513 du 16 juin 1999, dispose que l'indemnité prévue en cas de résolution du contrat de prêt ne peut dépasser 7 % des sommes dues au titre du capital restant dû ainsi que des intérêts échus et non versés.
M. X. soutient que la clause pénale qui impose au consommateur le paiement d'une indemnité manifestement disproportionnée en cas d'inexécution de ses obligations est présumée abusive en application de l'article R. 212-2-3° du code de la consommation et au regard de la recommandation de la Commission des clause abusives n°21-01 du 10 mai 2021.
La CCM précise que la recommandation de la Commission des clauses abusives n° 21-01 du 10 mai 2021 indique qu'une telle clause est licite tant qu'elle ne dépasse pas 8 %.
En l'espèce, le contrat a prévu en ses conditions générales que « si le prêteur se trouve dans la nécessité de recouvrer sa créance par les voies judiciaires ou autres, l'emprunteur aura à payer une indemnité de 7 % des montants dus (...). »
Or, il convient de constater que cette clause permet au prêteur de réclamer à l'emprunteur, en cas de défaillance, le remboursement forfaitaire de frais de recouvrement évalués à 7 % des montants dus, ce qui est exclu par les dispositions de l'article L. 312-23 du code de la consommation, dans sa version applicable issue de la loi n° 93-949 du 27 juillet 1993.
En effet, cette clause ne saurait correspondre à la pénalité contractuelle mise à la charge de l'emprunteur et ayant vocation à indemniser le prêteur des effets de la résolution du contrat, conformément à l'article L. 312-22 du code de la consommation, dans sa version applicable issue de la loi n°93-949 du 27 juillet 1993, faisant référence à un montant dépendant de la durée restant à courir du contrat.
Dans ces conditions, la CCM ne peut solliciter de M. X. le remboursement forfaitaire de frais de recouvrement à hauteur de 156,98 euros.
Sur le montant de la créance :
L'article L. 312-22 du code de la consommation dans sa version applicable issue dela loi n°93-949 du 27 juillet 1993 dispose que ' lorsque le prêteur est amené à demander la résolution du contrat, il peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.'
En l'espèce, il ressort du contrat de prêt, de l'historique de compte, du décompte du 8 janvier 2021 et de la mise en demeure du 12 septembre 2020 valant déchéance du terme au 23 octobre 2020, que M. X. est redevable de la somme de 2 447,11 euros détaillée comme suit :
- capital restant dû : 2.242,50 euros,
- intérêts de retard arrêtés au 23 octobre 2020 : 62,95 euros,
- intérêts de retard à compter du 23 octobre 2020 arrêtés au 8 janvier 2021 : 14,19 euros,
- cotisations d'assurance impayées : 127,47 euros.
Dès lors, M. X. sera condamné à payer à la CCM la somme de 2 447,11 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 3,60 % à compter du 8 janvier 2021 sur la somme de 2 305,45 euros et au taux légal pour le surplus.
Dès lors, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur le devoir de conseil, d'information et de mise en garde :
Il ressort de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que le banquier dispensateur de crédit est tenu à l'égard de l'emprunteur non averti d'une obligation de mise en garde lors de la conclusion du contrat, celui-ci étant tenu de justifier avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de l'emprunteur, comprenant les revenus et la valeur des éléments du patrimoine garantissant le remboursement, et des risques de l'endettement né de l'octroi des prêts.
Il s'ensuit que le prêteur n'est tenu d'aucun devoir de mise en garde si la charge de remboursement n'excède pas la capacité financière de l'emprunteur.
Aussi, pour apprécier s'il est tenu à un devoir de mise en garde, l'établissement de crédit peut, sauf anomalies apparentes, se fier aux informations recueillies auprès de l'emprunteur sur ses capacités financières sans devoir vérifier leur exactitude.
M. X. soutient qu'il n'a pas été mis en mesure d'apprécier l'étendue du nantissement et n'a pas été informé que le capital détenu sur son livret de retraite ne couvrirait pas le montant du prêt in fine.
Au contraire, la CCM indique que M. X. revêt la qualité d'emprunteur averti et ne saurait bénéficier d'un devoir de mise en garde, et qu'il ne pouvait ignorer l'étendue du nantissement, ajoutant que le crédit consenti ne lui faisait encourir aucun endettement.
- sur la qualité d'emprunteur averti
La CCM qui se prévaut du caractère averti de M. X. doit rapporter la preuve de ce qu'il disposait des compétences nécessaires pour mesurer les risques de son engagement de caution.
En l'espèce, s'il est constant que M. X., âgé de 37 ans au jour du prêt, exerçait la profession de médecin et avait bénéficié cinq ans auparavant d'un crédit immobilier afin de financer l'achat de sa résidence principale ainsi que de deux prêts travaux, et était également associé et gérant de la SCM CABINET MEDICAL Y., en revanche, ces éléments ne sauraient caractériser qu'il disposait de compétences particulières afin d'appréhender le mécanisme d'un prêt immobilier in fine comportant un nantissement d'assurance-vie à titre de garantie.
En effet, il y a lieu de constater au surplus que les SCI O. et SCI C., dont il est associé et gérant, ont été immatriculées en 2015 et 2018, soit postérieurement au prêt consenti.
Aussi, il n'est pas justifié que M. X. revêtait la qualité d'emprunteur averti au jour de la signature du prêt litigieux.
- sur la connaissance de l'étendue du nantissement
Pour autant, M. X. ne peut utilement soutenir qu'il n'avait pas connaissance de l'étendue du nantissement alors qu'il a apposé sa signature à l'affectation de son assurance-vie à titre de sûreté du prêt consenti pour un montant porté manuscritement à hauteur de 144.412 euros.
En outre, il ressort du contrat de prêt que M. X. s'est engagé à procéder à un versement mensuel sur l'assurance-vie nantie d'un montant minimum de 580 euros pendant toute la durée du prêt, caractérisant la nécessité d'alimenter son contrat d'assurance-vie afin que le capital détenu sur son livret de retraite puisse être affecté au paiement partiel du capital dû in fine au 30 avril 2020.
En effet, il est constant que le contrat d'assurance-vie souscrit par M. X. le 7 avril 2005 ne pouvait permettre de solder l'échéance finale de 148.036 euros par des virements de 580 euros sur une durée de 180 mois.
Aussi, M. X. disposait des informations nécessaires lui permettant d'appréhender les modalités de fonctionnement du prêt in fine litigieux.
- sur l'absence de risque d'endettement
Par ailleurs, il ressort d'un document intitulé « demande de prêt immobilier » ainsi que des justificatifs y afférents (avis d'imposition sur les revenus 2003, déclaration CERFA n°2035 des revenus non commerciaux pour l'année 2003, compte de résultat fiscal et contrat de mariage), les éléments de situation suivants :
- salaire moyen mensuel : 11 691 euros,
- échéances mensuelles des prêts en cours :
* 2 178 euros pour l'acquisition de la résidence principale avec un encours de 159.340 euros (pour une évaluation de 200 000 euros),
* 518 euros pour un prêt travaux avec encours de 7.333 euros,
* 299 euros pour un prêt travaux avec encours de 12.374 euros.
Il en résulte que par l'effet du contrat de prêt litigieux, la part des échéances des prêts antérieurs (2.995 euros) représentant 25,61% des revenus devait être portée à 34,82%, compte tenu de la mensualité du prêt litigieux de 495,92 euros (devant par ailleurs être partiellement financée par un loyer tiré du bien financé prévu à hauteur de 475 euros) et du versement mensuel minimum de 580 euros sur le contrat d'assurance-vie nanti.
En outre, M. X. disposait à la date de son engagement d'un patrimoine évalué à 40 660 euros correspondant à la valeur nette de sa résidence principale.
Aussi, les éléments de situation recueillis permettaient à M. X. de s'acquitter du prêt immobilier in fine.
Dans ces conditions, le prêt consenti n'avait pas pour effet d'engendrer un risque d'endettement excessif nécessitant la délivrance d'une mise en garde par le prêteur, de sorte que M. X. ne peut prétendre à l'allocation de dommages et intérêts pour manquements de la CCM à ce titre.
Dès lors, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur l'octroi de délais de paiement :
M. X. a sollicité le bénéfice des plus larges délais de paiement.
Toutefois, force est de constater qu'il ne produit aucune pièce justifiant de sa situation personnelle et financière actuelle.
Dans ces conditions, M. X. ne peut prétendre à l'octroi de délais de paiement.
Sur les demandes accessoires :
Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.
M. X. qui succombe à hauteur de cour sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, et sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Eu égard à la situation respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,
DEBOUTE la Caisse de Crédit Mutuel Centre Vosges de sa demande en paiement d'une indemnité de 7% à titre de remboursement forfaitaire de frais de recouvrement,
CONDAMNE M. X. à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Centre Vosges la somme de 2 447,11 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 3,60 % sur la somme de 2 305,45 euros à compter du 8 janvier 2021, et au taux légal pour le surplus,
DEBOUTE M. X. de sa demande de dommages et intérêts pour manquement du prêteur à son obligation de conseil, d'information et de mise en garde,
DEBOUTE M. X. de sa demande de délais de paiement,
CONDAMNE M. X. aux dépens,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus en ses dispositions ayant constaté l'existence de la créance et débouté M. X. de sa demande de déchéance du droit aux intérêts du prêteur, et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
DEBOUTE M. X. de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. X. aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en quatorze pages.