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CA POITIERS (2e ch.), 17 octobre 2023

Nature : Décision
Titre : CA POITIERS (2e ch.), 17 octobre 2023
Pays : France
Juridiction : Poitiers (CA), 2e ch. civ.
Demande : 23/00545
Décision : 23/413
Date : 17/10/2023
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 2/03/2023
Numéro de la décision : 413
Référence bibliographique : 5889 (L. 221-3 C. consom.)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10502

CA POITIERS (2e ch.), 17 octobre 2023 : RG n° 23/00545 ; arrêt n° 413

Publication : Judilibre

 

Extrait : « 3. L'appelante fait valoir en premier lieu que sa demande de référé expertise n'est pas fondée sur l'application de l'article 834 du Code de procédure civile comme le premier juge l'a indiqué mais bien sur le texte de l'article 145 de ce code. En outre, la SNC SŒURS JOLLY réfute que la question de savoir si un bien ou un service entre ou pas dans le champ de l'activité d'un professionnel soit une question purement juridique et nullement technique ainsi que l'a soutenu le premier juge.

4. Les intimées, par conclusions distinctes, objectent, au visa de l'article 238 du Code de procédure civile, que le technicien ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique et que la question que se propose de poser l'appelante au technicien dont elle demande la désignation est précisément une question juridique ainsi que le premier juge l'a relevé. En tout état de cause, indique la société LEASECOM, la désignation d'un expert s'avère inutile puisque, à supposer que l'objet du contrat de location n'entre pas dans le champ de son activité principale et qu'elle doit ainsi bénéficier de certaines dispositions protectrices du code de la consommation, la SNC SŒURS JOLLY a bénéficié du droit de rétractation aux termes du contrat de location.

5. La cour rappelle dans un premier temps que pour apprécier l'existence d'un motif légitime, pour une partie, de conserver ou établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, il n'appartient pas à la juridiction des référés de trancher le débat de fond sur les conditions de mise en œuvre de l'action que cette partie pourrait ultérieurement engager.

6. Partant, les considérations sur les chances de succès au fond de l'action fondée sur les dispositions de l'article L. 221-3 du Code de la consommation sont inopérantes.

7. La cour observe dans un second temps que si la demanderesse à l'expertise remplit la plupart des conditions requises pour l'application de l'article 145 du Code de procédure civile, il n'en demeure pas moins qu'elle ne justifie pas de motif légitime dès lors que cette mesure ne sera pas de nature à améliorer sa situation probatoire, aucune des parties ne discutant en réalité aux termes de leurs écritures que l'activité de la SNC SŒURS JOLLY concerne la restauration, l'hôtellerie et le débit de tabac, ainsi qu'en atteste son K-bis versé au débat, et que le bon de commande du matériel et le contrat de location financière, portent, eux, sur l'installation d'un serveur et de bornes wifi souscrit seulement pour les besoins de son activité. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE POITIERS

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/00545. Arrêt n° 413. N° Portalis DBV5-V-B7H-GX7C. Décision déférée à la Cour : ordonnance du 12 décembre 2022 rendue par le Président du Tribunal de Commerce de Poitiers.

 

APPELANTE :

SNC SOEURS JOLLY

NOM COMMERCIAL : MARTEL 732, [Adresse 1], [Localité 6], Ayant pour avocat plaidant Me Carl GENDREAU, avocat au barreau de POITIERS.

 

INTIMÉES :

Société V-IP COM

[Adresse 2], [Localité 3], Ayant pour avocat postulant Maître Vincent FOURNIER, avocat au barreau de POITIERS, Ayant pour avocat plaidant Maître Igall MARCIANO, avocat au barreau de PARIS.

SAS LEASECOM

prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 5], [Localité 4], Ayant pour avocat postulant Me Isabelle LOUBEYRE de la SCP EQUITALIA, avocat au barreau de POITIERS, Ayant pour avocat plaidant Me Quentin SIGRIST, avocat au barreau de PARIS.

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 5 septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : Monsieur Fabrice VETU, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Claude PASCOT, Président, Monsieur Fabrice VETU, Conseiller, Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant deux bons de commande en date du 16 mars 2022 signés avec la SAS V-ipcom, Mme X. a, pour le compte de la SNC Sœurs Jolly exploitant un commerce d'hôtel, restaurant bar, tabac et presse sur la commune de [Localité 6] (dont le nom commercial est « Martel 732 ») souscrit à :

- la location d'un serveur wifi, switch et postes pour un coût trimestriel de 504,00 € HT (21 loyers) ;

- d'un contrat de service informatique couvrant les 21 trimestres de la location du matériel, moyennant un coût annuel d'un montant de 600,00 € HT.

Par contrat n°222L173791 daté du 21 mars 2022 d'une durée de 63 mois, la SNC Soeurs Jolly a signé avec la société LEASECOM un contrat de location financière au titre de ce matériel.

Un procès-verbal de réception de l'équipement daté du même jour a été signé par Mme X. en qualité de locataire.

Par assignation en date du 7 et 13 octobre 2022, la SNC Sœurs Jolly a sollicité du juge des référés du tribunal de commerce de Poitiers d'ordonner sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile une expertise au contradictoire de la société V-ipcom et la société LEASECOM.

Par ordonnance en date du 12 décembre 2022, le tribunal de commerce de Poitiers statuant en référé a :

- Débouté la société SŒUR JOLLY de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamné la société SŒUR JOLLY au paiement de la somme de 750 € au profit de la sociétés V-Ip Com en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamné la société SŒUR JOLLY au paiement de la somme de 750 € au profit de la sociétés LEASECOM en application de l'article 700 du Code de Procédure civile,

- Condamné la société SŒUR JOLLY aux entiers dépens de l'instance, dont les frais de greff liquidés à la somme de 57,66 euros TTC.

Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a notamment retenu que l'avis sollicité par la société Soeurs Jolly ne s'analysait pas en un avis technique nécessitant le concours d'un technicien.

Par déclaration en date du 2 mars 2023, la SNC Sœurs Jolly a fait appel de cette décision en visant les chefs expressément critiqués.

[*]

Dans ses dernières conclusions RPVA du 14 juin 2023, la SNC Sœurs Jolly sollicite de la cour de :

Vu l'article L. 221-3 du Code de la consommation,

Vu les articles 145, 232 et suivants, 249 et suivants, 263, 264 et suivants, 696, 699 et 700 du Code de procédure civile,

Infirmer l'ordonnance, du juge des référés du tribunal de commerce de Poitiers en date du 12 décembre 2022 en tant qu'elle statue comme suit :

- « Déboutons la société SŒUR JOLLY de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions »,

- « Condamnons la société SŒUR JOLLY au paiement de la somme de 750 euros au profit de la sociétés V-Ip Com en application de l'article 700 du Code de procédure Civile »,

- « Condamnons la société SŒUR JOLLY au paiement de la somme de 750 euros au profit de la sociétés LEASECOM en application de l'article 700 du Code de Procédure civile »,

- « Condamnons la société SŒUR JOLLY aux entiers dépens de l'instance, dont les frais de greff liquidés à la somme de 57,66 euros TTC »,

Statuant à nouveau,

Ordonner une expertise avec mission pour l'expert de :

- Prendre connaissance de l'intégralité des pièces du dossier, se faire communiquer et rechercher tous les documents utiles, se rendre sur les lieux du litige et entendre les parties,

- Constater et donner son avis sur le point de savoir quelles sont l'ensemble des activités et celles principales de la SNC Sœurs Jolly Nom commercial : Martel 732,

- Constater et donner son avis sur le point de savoir si l'équipement wifi commandé par la SNC Sœurs Jolly Nom commercial : Martel 732 à la société V-Ip Com entre ou n'entre pas dans le champ des activités principales de la SNC Sœurs Jolly Nom commercial : Martel 732,

- Fournir toutes autres informations et annexer au rapport tous documents utiles au règlement du litige,

- Rédiger un pré-rapport avant le dépôt du rapport définitif,

A titre subsidiaire,

ordonner des constatations avec missions pour le constatant de :

- Prendre connaissance de l'intégralité des pièces du dossier, se faire communiquer et rechercher tous les documents utiles, se rendre sur les lieux du litige et entendre les parties,

- Constater quelles sont l'ensemble des activités et celles principales de la SNC Sœurs Jolly Nom commercial : Martel 732,

- Constater si l'équipement wifi commandé par la SNC Sœurs Jolly Nom commercial : Martel 732 à la société V-ipcom entre ou n'entre pas dans le champ des activités principales de la SNC Sœurs Jolly Nom commercial : Martel 732,

Débouter la société V-ipcom et la société LEASECOM de l'ensemble de leurs conclusions,

Condamner solidairement la société V-ipcom et la société LEASECOM à verser à la SNC Sœurs Jolly Nom commercial : Martel 732 la somme de 2.500€ au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamner solidairement la société V-ipcom et la société LEASECOM aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au bénéfice de Maître Carl Gendreau dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

Dans ses dernières conclusions RPVA du 30 mai 2023, la société V-ipcom sollicite de la cour de :

Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du Président du Tribunal de Commerce de Poitiers du 12 décembre 2022 (RG n°2022002667) ;

Débouter la société SŒURS JOLLY de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Y ajoutant,

Condamner la société SŒURS JOLLY au paiement de la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamner la société SŒURS JOLLY aux entiers dépens de l'instance.

[*]

Dans ses dernières conclusions RPVA du 16 mai 2023, la société LEASECOM sollicite de la cour de :

Débouter la SNC SOEURS JOLLY de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Confirmer l'ordonnance de référé du Président du tribunal de commerce de Poitiers en date du 22 décembre 2022 [RG n° 2022002667] en toutes ses dispositions soit en ce qu'elle a :

- Débouté la SNC SŒURS JOLLY de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamné la SNC SŒURS JOLLY à payer à la société LEASECOM la somme de 750 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné la SNC SŒURS JOLLY à payer les entiers dépens de première instance.

Y ajoutant,

Condamner la SNC SŒURS JOLLY à payer à la société LEASECOM la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la SNC SŒURS JOLLY aux entiers dépens d'appel.

[*]

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

L'instruction de l'affaire a été clôturée suivant ordonnance datée du 29 août 2023 en vue d'être plaidée à l'audience du 5 septembre 2023, date à compter de laquelle elle a été mise en délibéré à ce jour.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande d'expertise :

1. Aux termes de l'article 145 du Code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

2. Il résulte de ce texte que le juge des référés, saisi d'une demande de mesure d'instruction in futurum sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, doit se borner à s'assurer que les conditions de mise en œuvre de ce texte sont réunies, à savoir :

- l'absence de procès devant le juge du fond,

- l'existence d'un motif légitime, en ce sens que le demandeur doit avoir un intérêt à agir dans la perspective d'un éventuel litige avec son adversaire,

- qu'il soit justifié d'un intérêt probatoire, c'est-à-dire que le demandeur apporte la preuve que la recherche ou la conservation des preuves sera utile,

- que les mesures sollicitées ne portent pas atteinte aux libertés de l'adversaire (preuve légalement admissible).

3. L'appelante fait valoir en premier lieu que sa demande de référé expertise n'est pas fondée sur l'application de l'article 834 du Code de procédure civile comme le premier juge l'a indiqué mais bien sur le texte de l'article 145 de ce code.

En outre, la SNC SŒURS JOLLY réfute que la question de savoir si un bien ou un service entre ou pas dans le champ de l'activité d'un professionnel soit une question purement juridique et nullement technique ainsi que l'a soutenu le premier juge.

4. Les intimées, par conclusions distinctes, objectent, au visa de l'article 238 du Code de procédure civile, que le technicien ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique et que la question que se propose de poser l'appelante au technicien dont elle demande la désignation est précisément une question juridique ainsi que le premier juge l'a relevé.

En tout état de cause, indique la société LEASECOM, la désignation d'un expert s'avère inutile puisque, à supposer que l'objet du contrat de location n'entre pas dans le champ de son activité principale et qu'elle doit ainsi bénéficier de certaines dispositions protectrices du code de la consommation, la SNC SŒURS JOLLY a bénéficié du droit de rétractation aux termes du contrat de location.

5. La cour rappelle dans un premier temps que pour apprécier l'existence d'un motif légitime, pour une partie, de conserver ou établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, il n'appartient pas à la juridiction des référés de trancher le débat de fond sur les conditions de mise en œuvre de l'action que cette partie pourrait ultérieurement engager.

6. Partant, les considérations sur les chances de succès au fond de l'action fondée sur les dispositions de l'article L. 221-3 du Code de la consommation sont inopérantes.

7. La cour observe dans un second temps que si la demanderesse à l'expertise remplit la plupart des conditions requises pour l'application de l'article 145 du Code de procédure civile, il n'en demeure pas moins qu'elle ne justifie pas de motif légitime dès lors que cette mesure ne sera pas de nature à améliorer sa situation probatoire, aucune des parties ne discutant en réalité aux termes de leurs écritures que l'activité de la SNC SŒURS JOLLY concerne la restauration, l'hôtellerie et le débit de tabac, ainsi qu'en atteste son K-bis versé au débat, et que le bon de commande du matériel et le contrat de location financière, portent, eux, sur l'installation d'un serveur et de bornes wifi souscrit seulement pour les besoins de son activité.

8. Partant, l'ordonnance déférée sera confirmée, la cour ajoutant en outre n'y avoir lieu à référé.

 

Sur les autres demandes :

9. Il apparaît équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

10. La SNC SŒURS JOLLY qui échoue en ses prétentions supportera la charge des dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Poitiers en date du 12 décembre 2022,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé expertise,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette les autres demandes,

Condamne la SNC SŒURS JOLLY aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,                               LE PRÉSIDENT,