CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 30 novembre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10585
CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 30 novembre 2023 : RG n° 22/02577
Publication : Judilibre
Extrait : « L'appelant invoque les dispositions de l'article 1171 du code civil en vertu desquelles, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
L'article 5c du contrat prévoit qu'en cas de défaillance du locataire, le bailleur pourra exiger une indemnité égale à la différence entre, d'une part, la valeur résiduelle hors taxes du bien stipulé au contrat augmentée de la valeur actualisée, à la date de la résiliation du contrat, de la somme hors taxes des loyers non encore échus, et d'autre part, la valeur vénale hors taxe du bien restitué (valeur obtenue en cas de vente du bien restitué).
L'appelant se borne toutefois à soutenir que l'indemnité de résiliation anticipée, égale à la somme de tous les loyers restant à courir augmentée de la valeur du véhicule qui a été restitué, constitue une clause abusive, sans soutenir ni démontrer en quoi la clause qui la prévoit crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
A titre surabondant la cour relève comme le premier juge, qu'au regard du prix d'acquisition initial du véhicule, l'indemnité de résiliation ne paraît pas abusive, étant relevé que le prix de revente est pris en compte dans le calcul de l'indemnité pour venir en réduire son montant. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/02577. N° Portalis DBVT-V-B7G-UJQN. Jugement n° 2021004132 rendu le 28 avril 2022 par le tribunal de commerce de Lille Métropole.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [Date naissance 2] à [Localité 4], de nationalité française, demeurant [Adresse 1], représenté par Maître Géraldine Sorato, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, assisté de Maître Tomas Gurfein, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉE :
SA Compagnie Générale de Location d'Equipements
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège, ayant son siège social [Adresse 3], représentée par Maître Catherine Trognon-Lernon, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 20 septembre 2023 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d'instruire le dossier et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Dominique Gilles, président de chambre, Pauline Mimiague, conseiller, Clotilde Vanhove, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 6 septembre 2023
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 23 mars 2019 la société Compagnie Générale de Location d'Equipements (CGL) a consenti à la société STJ Holding un contrat de location avec option d'achat portant sur un véhicule Porsche neuf d'un prix comptant de 194.451,76 euros TTC, prévoyant le règlement de quarante-deux loyers et une option d'achat au terme de la location de 50,027 % du prix, garanti par le cautionnement solidaire de son gérant, M. X., dans la limite de 243.064,70 euros couvrant le principal, les intérêts et, le cas échéant, les pénalités et intérêt de retard, donné par acte du 5 avril 2019.
La société STJ Holding a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement du tribunal de commerce de Lyon le 23 juin 2020, convertie en liquidation judiciaire le 16 juillet 2020. La société CGL a déclaré sa créance au titre du contrat de location avec option d'achat et été autorisée à récupérer le véhicule qui a été vendu aux enchères pour le prix de 80 226 euros (après règlement des frais). La société CGL a mis en demeure la caution de régler le solde et par assignation du 1er avril 2020 l'a assignée en paiement devant le tribunal de commerce de Lille Métropole.
Par jugement du 28 avril 2022 le tribunal a :
- débouté M. X. de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamné M. X. à payer à la société CGL la somme de 106 998,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2020,
- condamné M. X. à payer à la société CGL la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens taxés et liquidés à la somme de 69,59 euros en ce qui concerne les frais de greffe.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 25 mai 2022, M. X. a relevé appel du jugement aux fins d'annulation ou d'infirmation, déférant à la cour l'ensemble de ses chefs.
[*]
Aux termes de ses conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 19 août 2022 l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :
- fixer à la somme de 2.936,30 euros TTC le montant dû en sa qualité de caution,
- débouter la société CGL du surplus de ses demandes,
- la condamner à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
[*]
Aux termes de ses conclusions reçues au greffe et notifiées par voie électronique le 14 septembre 2022, la société CGL demande à la cour de :
- constater l'absence d'effet dévolutif des chefs de demande critiqués relatifs à l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens de première instance,
en toute hypothèse,
- confirmer le jugement rendu en tous ses chefs de jugement critiqués,
- débouter M. X. de toutes ses demandes,
- y ajoutant en cause d'appel, le condamner au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens dont recouvrement au profit de Maître Catherine Trognon-Lernon, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
La clôture de l'instruction est intervenue le 6 septembre 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 20 septembre suivant.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la disproportion manifeste du cautionnement :
Vu les articles L. 332-1 et L. 343-4 du code de la consommation, dans leur version issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, c'est par des motifs exacts que la cour adopte que le premier juge a considéré que le cautionnement n'était pas manifestement disproportionné, étant précisé que :
- le débat sur le caractère averti ou non de la caution est sans objet dans la mesure où les dispositions relatives au cautionnement manifestement disproportionné s'appliquent à toute personne physique, avertie ou non,
- même si les charges mentionnées sur l'acte de cautionnement paraissent sous évaluées au regard des charges de la vie courante pour une famille avec trois enfants, cette considération ne vient pas modifier l'appréciation qui doit être faite de la situation de la caution, compte tenu des autres mentions figurant sur l'acte concernant ses revenus et sa situation « immobilière » (propriétaire depuis le 1er janvier 2017 sans mention de prêt en cours), et alors que M. X., sur qui pèse la charge de la preuve du caractère manifestement disproportionné du cautionnement, ne verse aux débats aucune pièce relative à sa situation financière et patrimoniale à la date du cautionnement.
La société CGL est en conséquence fondée à se prévaloir de l'engagement de caution.
Sur l'étendue du cautionnement :
L'appelant soutient que l'engagement de caution ne porte pas sur l'indemnité de résiliation toutefois, et selon la mention manuscrite, l'engagement porte sur le paiement du « principal, des intérêts, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard » et l'indemnité de résiliation constitue une « pénalité » due en cas d'inexécution du contrat qui entre donc dans le champ du cautionnement.
Sur le caractère abusif de l'indemnité de résiliation :
L'appelant invoque les dispositions de l'article 1171 du code civil en vertu desquelles, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
L'article 5c du contrat prévoit qu'en cas de défaillance du locataire, le bailleur pourra exiger une indemnité égale à la différence entre, d'une part, la valeur résiduelle hors taxes du bien stipulé au contrat augmentée de la valeur actualisée, à la date de la résiliation du contrat, de la somme hors taxes des loyers non encore échus, et d'autre part, la valeur vénale hors taxe du bien restitué (valeur obtenue en cas de vente du bien restitué).
L'appelant se borne toutefois à soutenir que l'indemnité de résiliation anticipée, égale à la somme de tous les loyers restant à courir augmentée de la valeur du véhicule qui a été restitué, constitue une clause abusive, sans soutenir ni démontrer en quoi la clause qui la prévoit crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
A titre surabondant la cour relève comme le premier juge, qu'au regard du prix d'acquisition initial du véhicule, l'indemnité de résiliation ne paraît pas abusive, étant relevé que le prix de revente est pris en compte dans le calcul de l'indemnité pour venir en réduire son montant.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. X. au paiement des sommes réclamées par la société CGL et non autrement contestées.
Sur les demandes accessoires :
La société CGL soutient que les chefs du jugement relatifs à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens sont devenus définitifs dès lors qu'ils ne sont pas critiqués dans les écritures de l'appelant et demande à voir constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel sur ces deux points. Toutefois, dans la mesure où ces chefs sont mentionnés dans la déclaration d'appel et où il est demandé la réformation du jugement dans les conclusions de l'appelant ces deux chefs du jugement sont bien dévolus à la cour.
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile, le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement s'agissant de la condamnation aux dépens et au titre de l'article 700, à mettre les dépens d'appel à la charge de l'appelant, mais, eu égard à la condamnation déjà prononcée, il ne paraît pas inéquitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
y ajoutant,
Condamne M. X. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel.
Le greffier Le président
Valérie Roelofs Dominique Gilles
- 8462 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par contrat – Location financière avec option d’achat – Crédit-bail
- 8543 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ord. du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. – Notion de clause abusive – Règles de preuve