8462 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par contrat – Location financière avec option d’achat – Crédit-bail
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 8462 (5 et 10 octobre 2025)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE CIVIL ET EN DROIT COMMUN
SANCTION DIRECTE DES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS - DROIT POSTÉRIEUR À L’ORDONNANCE DU 10 FÉVRIER 2016 – LOI DE RATIFICATION DU 20 AVRIL 2018 : ARTICLE 1171 DU CODE CIVIL
PRÉSENTATION PAR CONTRAT
LOCATION FINANCIÈRE AVEC OPTION D’ACHAT
Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2025)
Recours contre le bailleur : perte de l’exception d’inexécution. Absence de caractère abusif de la clause : le bailleur a transmis au locataire ses recours contre le fournisseur notamment en cas de défaillance du matériel, de sorte que le locataire n'est pas sans recours en cas de dysfonctionnement ; en outre, le renvoi à la responsabilité du fournisseur en cas de dysfonctionnement, résulte du mécanisme même du contrat dans lequel l'engagement du loueur consiste exclusivement, et ce dès la conclusion du contrat, à se porter acquéreur des produits choisis par le locataire en versant le prix au fournisseur et à les donner en location. CA Bordeaux (4e ch. civ.), 31 juillet 2025 : RG n° 23/02750 ; Cerclab n° 24138 ; JurisData n° 2025-014526 (crédit-bail de caisse enregistreuse et d'un système de terminal de cartes bancaires), sur appel de T. com. Bordeaux, 16 mai 2023 : RG 2022F01037 ; Dnd.
Reprise d’un contrat de crédit-bail : clause mettant les risques à la charge du cessionnaire. N'est pas en elle-même abusive, comme causant un déséquilibre significatif entre les parties à l'acte de transfert, la clause qui met à la charge du repreneur du contrat de crédit-bail l’obligation d'assumer et d'assurer les risques liés à la récupération des véhicules alors que le nouveau locataire se substitue au locataire initial dans tous les droits et obligations du contrat de crédit-bail et que le transfert intervient à la requête même du locataire initial. CA Amiens (ch. écon.), 24 avril 2025 : RG n° 23/02474 ; Cerclab n° 23537 (crédit-bail portant sur des véhicules utilitaires ; enjeu en l’espèce : l’existence de loyers impayés et de frais de recouvrement, qui étaient connus du repreneur ; clause exécutée de bonne foi ; N.B. l’arrêt précise toutefois qu’aucune impossibilité de récupérer les véhicules n’a été invoquée), infirmant T. com. Compiègne, 11 avril 2023 : RG n° 2022F00138 ; Dnd.
Résiliation : délai de régularisation. En prenant en considération le fait que les contrats ont fait l'objet d'un financement intégral et instantané au profit du locataire, pour l'exercice de son activité, et qu’en contrepartie, le locataire s’engage à régler les loyers jusqu'au terme fixé, n’est pas abusive la clause qui prévoit une résiliation après une mise en demeure infructueuse ; cette faculté de résiliation est également édictée au profit du locataire en cas de manquement du bailleur à ses obligations et dans ces conditions, un délai de 8 jours pour régulariser les impayés se justifient par la nature des obligations auxquelles les parties se sont soumises. CA Paris (pôle 1 ch. 2), 15 février 2024 : RG n° 23/10150 ; Cerclab n° 10728 (crédit-bail portant sur trois véhicules utilitaires), sur appel de T. com. Paris (réf.), 7 avril 2023 : RG n°2023013766 ; Dnd. § N.B. La société locataire estimait que le délai de huit jours était trop court, d’autant qu’en pratique, la mise du 14 décembre avait été distribuée le 19, réduisant d’autant le délai réel. Sous l’angle du déséquilibre, l’argument est pertinent si la clause fait partir le délai de la date de la mise en demeure et non de sa réception (a fortiori compte tenu de l’accroissement des délais postaux). Si la clause ne précise rien, c’est la mise en œuvre de la clause qui pourrait se discuter et le crédit-bailleur aurait dû calculer les huit jours à compter de cette réception. Néanmoins, ces considérations doivent être remises en perspective : d’une part, la crédit-preneuse était défaillante depuis plusieurs mois, avant comme après la mise en demeure et, d’autre part, le litige était posé dans le cadre des référés, où il s’agissait seulement de savoir s’il existait une contestation sérieuse s’opposant au jeu de la clause résolutoire (même si dans l’absolu, une résiliation avant un délai effectif de huit jours pourrait être considérée comme irrégulière).
Clauses résolutoires. Il est constant en droit que le défaut de réciprocité de la clause résolutoire de plein droit pour inexécution du contrat se justifie par la nature des obligations auxquelles sont respectivement tenues les parties, dès lors que l'économie du contrat repose sur l'exécution instantanée par le bailleur de l'intégralité des obligations mises à sa charge. CA Bordeaux (4e ch. civ.), 31 juillet 2025 : RG n° 23/02750 ; Cerclab n° 24138 ; JurisData n° 2025-014526 (crédit-bail de caisse enregistreuse et d'un système de terminal de cartes bancaires ; locataire pouvant agir en résiliation conformément au droit commun des contrats), sur appel de T. com. Bordeaux, 16 mai 2023 : RG 2022F01037 ; Dnd.
Dans le même sens que l’arrêt de la Chambre commerciale du 26 janvier 2022 (n° 20-16782 ; Cerclab n° 9440) : le locataire ne peut tirer de cet arrêt que la faculté de résiliation unilatérale tenant à des causes affectant la vie sociale de la locataire sans manquement contractuel de celle-ci est abusive et doit être réputée non écrite sur le fondement de l'art. 1171 C. Civ. CA Grenoble (ch. com.), 13 mars 2025 : RG n° 23/03902 ; Cerclab n° 23696 (crédit-bail pour le financement d'un chariot télescopique ; clause visant la « modification de la situation du locataire et notamment décès, redressement judiciaire, liquidation amiable ou judiciaire, cessation d'activité, cession du fonds de commerce, de parts ou d'actions du locataire, changement de forme sociale), sur appel de T. com. Vienne, 12 octobre 2023 : RG n° 2022J182 ; Dnd.
Ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, la clause d’un contrat de crédit-bail qui stipule que « si le contrat est résilié pour l'un des motifs visés au présent article, tous les autres contrats qui auraient pu être conclus entre l'emprunteur aux présentes, le prêteur ou l'une des sociétés de son groupe (art. 145 du CGI) seront, si bon semble au prêteur, résiliés de plein droit » ; le fait que les trois contrats en cause n'aient pas été interdépendants et qu’un des contrats ait présenté une nature juridique distincte des deux autres est insuffisant à établir le caractère abusif de cette clause. CA Bourges (ch. civ.), 9 avril 2020 : RG n° 19/00903 ; Cerclab n° 8402 (Sarl agricole concluant plusieurs contrats de crédit-bail portant sur du matériel agricole, notamment une moissonneuse-batteuse), confirmant T. com. Bourges (réf.), 2 juillet 2019 : Dnd.
Manque en fait l’argument fondant le caractère déséquilibré d’une clause de résiliation sur l’absence d’une clause similaire en faveur du preneur, assortie d’une pénalité pesant sur le bailleur, alors que le contrat stipule que le locataire peut résilier le contrat après une mise en demeure du bailleur de remédier à son manquement, par Lrar demeurée infructueuse pendant huit jours, et bénéficier d’une indemnisation de son préjudice direct limitée aux six derniers mois de loyers effectivement payés. CA Douai (ch. 2 sect. 2), 15 juin 2023 : RG n° 22/01631 ; Cerclab n° 10325 (crédit-bail d’outillage utilisé dans la réparation automobile), sur appel de T. com. Valenciennes (juge com.), 15 mars 2022 : RG n° 2022000683 ; Dnd.
Indemnité de résiliation. Absence de déséquilibre significatif de l’indemnité de résiliation traditionnelle, incluant les loyers à échoir et une pénalité : CA Douai (ch. 2 sect. 1), 30 novembre 2023 : RG n° 22/02577 ; Cerclab n° 10585 (location avec option d’achat d’une voiture par une société, cautionnée par son gérant ; absence d’argumentation sur le caractère abusif de la clause traditionnelle de résiliation, l’arrêt relevant à titre surabondant comme le premier juge, qu'au regard du prix d'acquisition initial du véhicule, l'indemnité de résiliation ne paraît pas abusive, étant relevé que le prix de revente est pris en compte dans le calcul de l'indemnité pour venir en réduire son montant), confirmant T. com. Lille Métropole, 28 avril 2022 : RG n° 2021004132 ; Dnd - CA Besançon (1re ch. civ. com.), 21 décembre 2023 : RG n° 22/00649 ; Cerclab n° 10648 (contrats de crédit-bail de matériel agricole ; absence de déséquilibre significatif de l’indemnité de résiliation qui doit être appréciée en considération de la spécificité des contrats de crédit-bail impliquant l'achat, par le bailleur, de matériels spécifiques choisis par le locataire en fonction de ses besoins personnels et dont la possibilité d'amortissement est conditionnée par la location de ceux-ci conformément aux tableaux d'amortissement, alors même que le bailleur qui a avancé les fonds prétend légitimement à une rémunération tandis que le crédit-preneur a pu bénéficier de la mise à disposition de matériels onéreux sans être contraint d'en procéder à l'acquisition et d'en assumer les charges incombant au propriétaire, cette prestation représentant un coût ; N.B. argument surabondant, le texte n’étant pas applicable en raison de la date de sa conclusion), sur appel de TJ Lons-le-Saunier, 15 décembre 2021 : RG n° 20/00551 ; Dnd.
Comp. pour un rejet de l’argument fondé sur le caractère réductible de la clause pénale : hormis les loyers échus et impayés, qui sont la contrepartie de la mise à disposition du matériel, les autres sommes prévues, telles que les loyers restant à échoir au jour de la résiliation augmentés du montant de l'option d'achat et d’une majoration de 10 %, s’analysent en clause pénale et sont toutes soumises au pouvoir modérateur du juge, de sorte qu'elles ne peuvent être considérées comme créant un déséquilibre significatif au détriment du crédit-preneur. CA Besançon (1re ch. civ. com.), 7 février 2023 : RG n° 21/00988 ; Cerclab n° 10082 (chirurgien-dentiste concluant trois contrats de crédit-bail sur du matériel médical), confirmant TJ Lons-le-Saunier, 21 avril 2021 : RG n° 20/00190 ; Dnd.
Rappr. sur l’appréciation du caractère excessif : le moyen tiré de l'importance du capital social du bailleur financier est inopérant pour apprécier le caractère excessif de l’indemnité de résiliation, dès lors qu'il ne s'agit pas d'apprécier les besoins du créancier, mais le préjudice que la résiliation anticipée du contrat litigieux lui a causé ; en revanche, la restitution de l'outillage et la faculté subséquente de le donner de nouveau à bail, doivent être prises en considération pour apprécier la réalité du préjudice subi. CA Douai (ch. 2 sect. 2), 15 juin 2023 : RG n° 22/01631 ; Cerclab n° 10325 (crédit-bail d’outillage utilisé dans la réparation automobile ; arrêt estimant que le marché de la réparation automobile permettait au bailleur de relouer l'outillage à un professionnel dans un délai raisonnable), sur appel de T. com. Valenciennes (juge com.), 15 mars 2022 : RG n° 2022000683 ; Dnd.
Option d’achat. Refus d’appliquer un taux négatif pour l’option d’achat. CA Versailles (13e ch.), 26 janvier 2021 : RG n° 19/05110 ; Cerclab n° 8771 (crédit-bail immobilier ; N.B. texte inapplicable à un contrat conclu antérieurement), sur appel de T. com. Nanterre, 29 mai 2019 : RG n° 2018F01903 ; Dnd.
Restitution et possibilité de proposer un acheteur. Pour une décision examinant la clause sur plusieurs fondements : ne saurait être qualifiée d'abusive au sens de l’art. 1171, la clause imposant au locataire de restituer le véhicule qui n'est que la conséquence de la résiliation du contrat et n'est pas de nature à empêcher le locataire de présenter une offre d'achat du véhicule par un tiers, d'autant qu'en l'espèce, la société locataire n'a pas restitué celui-ci immédiatement. CA Paris (pôle 5 ch. 10), 9 octobre 2023 : RG n° 21/15485 ; Cerclab n° 10461 (crédit-bail de véhicule ; pour un enchaînement complexe : 1/ exclusion du droit de la consommation pour un commerçant ; 2/ admission d’une application conventionnelle ; 3/ principe de l’estoppel s’opposant à ce que le bailleur, qui a invoqué l’art. D 312-18 C. consom. en première instance pour fonder sa demande d’indemnité de résiliation puisse contester en appel l’applicabilité de ce texte ; 4/ « en tout état de cause », admission de l’applicabilité de l’art. 1171 C. civ. dont « il est admis désormais que le contrat de location financière relève de ces dispositions »), sur appel de T. com. Paris, 5 juillet 2021 : RG n° 2019064678 ; Dnd. § Aux termes de l’art. D. 312-18 C. consom., la valeur vénale à prendre en compte est bien la valeur obtenue par le bailleur par la vente du véhicule ; si effectivement, le contrat n'indique pas la possibilité pour le locataire de présenter un acquéreur dans un délai de trente jours à compter de la résiliation du contrat et ne l'informe pas de la possibilité d'évaluation à dire d'expert, ces omissions sont de nature à avoir privé le locataire de la possibilité de présenter une offre d'achat d'un tiers à une valeur supérieure à celle résultant de la vente du véhicule par le bailleur ou de voir retenue une valeur supérieure à celle de la vente de nature à influer sur le montant de l'indemnité de résiliation. Même arrêt (compte tenu de la valeur du véhicule, somme largement supérieure à la valeur de vente du véhicule et du fait que la société locataire n'a pas été informée de la possibilité de produire une offre d'achat d'un tiers ou de faire évaluer le véhicule à dire d'expert, l'indemnité de résiliation est manifestement excessive).