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CA GRENOBLE (ch. com.), 16 novembre 2023

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (ch. com.), 16 novembre 2023
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), ch. com.
Demande : 22/01934
Date : 16/11/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 17/05/2022
Référence bibliographique : 6390 (obligation essentielle, assurance exploitation)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10610

CA GRENOBLE (ch. com.), 16 novembre 2023 : RG n° 22/01934

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « 41. Sur la clause d'exclusion de garantie, le tribunal de commerce a rappelé les dispositions des articles 1170 et 1171 du code civil, celles de l'article L113-1 du code des assurances, et il a retenu que l'assureur ne saurait prétendre que la clause d'exclusion est claire et ne nécessite aucune interprétation. Il a indiqué que le contrat d'assurance liant les parties est un contrat d'adhésion dont le seul rédacteur est la société Axa France Iard, et qu'il doit donc s'interpréter en faveur de l'assuré. Le tribunal a dit que le terme « épidémie » n'est pas défini au contrat et qu'il recoupe des notions diverses, de même que les termes « fermeture » et « autorité administrative », que l'assureur produit un grand nombre de documents pour étayer sa position, ce qui démontre que la clause n'est pas rédigée de façon claire et précise, que dès lors elle ne peut être comprise par l'assuré qui doit pourtant connaître l'étendue de la garantie souscrite, laquelle ne doit pas être illusoire. Le tribunal en a déduit que du fait de son imprécision, cette clause d'exclusion ne permet pas de circonscrire le risque garanti et qu'elle ne permet pas non plus à l'assuré de connaître exactement l'étendue de sa garantie, de sorte qu'elle n'est pas formelle et qu'elle exclut l'essentiel des conséquences du sinistre, ce qui vide la garantie de sa substance.

42. La cour relève, concernant l'extension de la garantie des pertes d'exploitation, qu'elle concerne les conséquences d'une fermeture administrative provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque la décision a été prise par une autorité administrative compétente, extérieure à l'assuré, décision de fermeture consécutive à une maladie contagieuse, à un meurtre, à un suicide, une épidémie ou une intoxication. Il en résulte, ainsi que tranché par la Cour de Cassation, que ce se sont les conséquences de la mesure de fermeture administrative qui sont couvertes, et non les faits, précisés au contrat, ayant entraîné cette fermeture.

43. La cour constate en conséquence que peu importe la discussion concernant le terme « épidémie », dont la survenue seule ne donne pas lieu à application de l'extension de la garantie. En outre, les termes visés dans cette clause d'extension sont clairs, sans ambiguïté, et n'ont pas à être interprétés. La validité d'un contrat s'appréciant à la date de sa conclusion, la proposition d'un avenant ultérieur est sans incidence. »

2/ « 46. Les termes employés permettent ainsi à l'assuré de comprendre, lors de la souscription de la garantie, qu'elle ne s'appliquera pas en cas de survenue d'une épidémie d'ampleur, entraînant des mesures de fermeture administrative frappant tout un département, et que cette garantie ne couvre que les conséquences d'un fait visé au contrat concernant le seul établissement assuré. Ainsi que développé par l'appelante, cette exclusion ne vide pas le contrat de sa substance, puisque seule la conséquence de la fermeture administrative est couverte dès lors qu'elle est restreinte à l'assuré. Cette garantie n'a rien d'illusoire en raison des différentes causes prévues pouvant entraîner la fermeture administrative du seul établissement assuré.

47. Le contrat permet ainsi de constater que l'intention des parties n'a pas été de garantir les conséquences d'une fermeture administrative généralisée, mais seulement les risques inhérents à l'activité de l'assuré.

48. La clause d'exclusion étant ainsi conforme aux dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances, il en résulte qu'aucune garantie n'est due par l'assureur. En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a : - jugé que la garantie perte d'exploitation de la société Axa France Iard du fait de la fermeture administrative en raison d'une épidémie est due à la société Cyms ; - constaté que la clause d'exclusion de garantie visée par la société Axa France Iard est nulle ; - fait droit à la demande d'expertise judiciaire ; […] »

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/01934. N° Portalis DBVM-V-B7G-LLXN. Appel d'une décision (RG n° 2020J384) rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE, en date du 22 avril 2022, suivant déclaration d'appel du 17 mai 2022

 

APPELANTE :

SA AXA FRANCE IARD

immatriculée sous le numéro XXX au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre, agissant poursuite et diligences de son Président-Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 1], [Localité 5], représentée par Maître Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Maître Alexandre KAPHAN, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

SAS CYMS

au capital de YYY € immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de GRENOBLE sous le numéro ZZZ, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 4], [Localité 2], représentée par Maître Franck BENHAMOU de la SCP VBA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre, M. Lionel BRUNO, Conseiller, Mme Raphaele FAIVRE, Conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 15 septembre 2023, M. BRUNO, Conseiller, qui a fait rapport assisté de Anne Burel, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions et Maître KAPHAN en sa plaidoirie, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

1. La société Cyms exploite un restaurant sur le site du Fort de la Bastille dans l'agglomération grenobloise. Elle a conclu auprès de la société Axa France Iard un contrat d'assurance multirisque professionnelle. Cette police est composée des conditions générales Axa référencées n° 690200 Q, et des conditions particulières référencées n°10410451804.

2. Suite à l'arrêté du 14 mars 2020 pris par le ministre des solidarités et de la santé et complété par un arrêté du 15 mars, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid 19, la société Cyms a été contrainte de mettre en arrêt son activité.

3. Le 12 juin 2020, le cabinet d'expertise comptable Adquo a établi une analyse de la situation financière de la société Cyms constatant des pertes d'exploitation.

4. Le 29 septembre 2020, la compagnie Axa a proposé un avenant au contrat multirisque professionnelle intitulé « votre contrat évolue », modifiant et complétant les clauses et conditions du contrat d'assurance souscrit, avenant à signer avant le 16 novembre 2020, sous peine de résiliation du contrat d'assurance à son échéance.

5. Le 8 octobre 2020, par lettre recommandée avec accusé de réception, la société Cyms a mis en demeure la compagnie Axa d'indemniser les pertes d'exploitation au titre de la police d'assurance souscrite. Ce courrier a été renvoyé le 6 novembre 2020.

6. Le 16 octobre 2020, la société Cyms a été contrainte de fermer son établissement à nouveau pour raisons sanitaires.

7. La compagnie Axa refusant de prendre en charge la perte d'exploitation résultant de ces différentes fermetures, la société Cyms l'a assignée devant le tribunal de commerce de Grenoble le 18 novembre 2020.

8. Par jugement du 22 avril 2022, le tribunal de commerce a :

- accepté les pièces et les dossiers de plaidoirie déposés lors de l'audience du 30 avril 2021 ;

- jugé que la garantie perte d'exploitation de la société Axa France Iard du fait de la fermeture administrative en raison d'une épidémie est due à la société Cyms ;

- constaté que la clause d'exclusion de garantie visée par la société Axa France Iard est nulle ;

- fait droit à la demande d'expertise judiciaire ;

- nommé comme expert judiciaire monsieur Z., domicilié au cabinet Safigfec, [Adresse 3] à [Localité 6], avec pour mission de :

- évaluer la perte de marge subie par la société Cyms pour les périodes de fermeture de son établissement imposées par les autorités, en fonction de la définition donnée par les conditions générales d'assurance ;

- se faire communiquer tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission ;

- fixer comme suit le montant des pertes d'exploitation subies par la société Cyms pendant les périodes de fermeture dont elle a fait l'objet :

* prendre en considération le chiffre d'affaires réalisé durant les différentes fermetures ordonnées par les autorités (du 15 mars 2020 au 15 juin 2020 puis à partir du 16 octobre 2020) ;

* calculer le chiffre d'affaires qui aurait été réalisé en l'absence de fermetures ;

* calculer la perte de chiffre d'affaires par soustraction du chiffre d'affaires réalisé à celui qui aurait été réalisé en l'absence de fermeture ;

* déterminer le taux de marge brute ;

* appliquer ce taux à la perte de chiffres d'affaires ;

- fixé à 4.000 euros le montant de la provision à consigner par la société Axa France Iard avant le 22 mai 2022 au greffe de ce tribunal, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile ;

- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera considéré que la désignation de l'expert sera caduque par application des dispositions de l'article 271 du code de procédure civile ;

- dit que lors de sa première réunion laquelle devra se dérouler dans un délai maximum de 2 mois à compter de la consignation de la provision, l'expert devra, après débat contradictoire avec les parties, soumettre au juge chargé du dossier ce qu'il aura retenu pour ce qui concerne la méthodologie qu'il compte mettre en œuvre, le calendrier détaillé de ses investigations, d'où il découlera la date de dépôt de son rapport et le montant prévisible de ses honoraires, de ses frais et débours, lequel juge rendra, s'il y a lieu, une ordonnance complémentaire fixant le montant de la provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile, et s'il y a lieu, accordera une prorogation du délai pour le dépôt du dossier ;

- dit que lors de cette première réunion, l'expert fixera un délai pour les appels éventuels en intervention forcée de toutes les parties dans la cause ;

- dit que si les parties ne parviennent pas à composition entre elles, et sauf contrariété avec le paragraphe précédent, le rapport de l'expert devra être déposé au greffe de ce tribunal, dans le délai de 6 mois à compter de la consignation de la provision fixée ci-dessus ;

- sursis à statuer sur le montant définitif de l'indemnisation pour perte d'exploitation dans l'attente du rapport de l'expert ;

- débouté la société Cyms de sa demande de voir condamner la société Axa France Iard à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil ;

- condamné la société Axa France Iard au versement de la somme de 6.000 euros au profit de la société Cyms à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs autres demandes, fins et conclusions ;

- débouté la société Axa France Iard de sa demande d'écarter l'exécution provisoire ;

- condamné la société Axa France Iard aux dépens, liquidés à la somme indiquée au bas de la première page de la décision.

9. La société Axa France Iard a interjeté appel de cette décision le 17 mai 2022, en ce qu'elle a :

- jugé que la garantie perte d'exploitation de la société Axa France Iard du fait de la fermeture administrative en raison d'une épidémie est due à la société Cyms ;

- constaté que la clause d'exclusion de garantie visée par la société Axa France Iard est nulle ;

- fait droit à la demande d'expertise judiciaire ;

- nommé comme expert judiciaire monsieur Z., domicilié au cabinet Safigfec, [Adresse 3] à [Localité 6], avec pour mission de :

* évaluer la perte de marge subie par la société Cyms pour les périodes de fermeture de son établissement imposées par les autorités, en fonction de la définition donnée par les conditions générales d'assurance ;

* se faire communiquer tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission ;

* fixer comme suit le montant des pertes d'exploitation subies par la société Cyms pendant les périodes de fermeture dont elle a fait l'objet :

* prendre en considération le chiffre d'affaires réalisé durant les différentes fermetures ordonnées par les autorités (du 15 mars 2020 au 15 juin 2020 puis à partir du 16 octobre 2020),

* calculer le chiffre d'affaires qui aurait été réalisé en l'absence de fermetures,

* calculer la perte de chiffre d'affaires par soustraction du chiffre d'affaires réalisé à celui qui aurait été réalisé en l'absence de fermeture,

* déterminer le taux de marge brute,

* appliquer ce taux à la perte de chiffres d'affaires ;

- fixé à 4.000 euros le montant de la provision à consigner par la société Axa France Iard avant le 22 mai 2022 au greffe de ce tribunal, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile ;

- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera considéré que la désignation de l'expert sera caduque par application des dispositions de l'article 271 du code de procédure civile ;

- dit que lors de sa première réunion, laquelle devra se dérouler dans un délai maximum de 2 mois à compter de la consignation de la provision, l'expert devra, après débat contradictoire avec les parties, soumettre au juge chargé du dossier ce qu'il aura retenu pour ce qui concerne la méthodologie qu'il compte mettre en œuvre, le calendrier détaillé de ses investigations, d'où il découlera la date de dépôt de son rapport et le montant prévisible de ses honoraires, de ses frais et débours, lequel juge rendra, s'il y a lieu, une ordonnance complémentaire fixant le montant de la provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile, et s'il y a lieu, accordera une prorogation du délai pour le dépôt du dossier ;

- dit que lors de cette première réunion, l'expert fixera un délai pour les appels éventuels en intervention forcée de toutes les parties dans la cause ;

- dit que si les parties ne parviennent pas à composition entre elles, et sauf contrariété avec le paragraphe précédent, le rapport de l'expert devra être déposé au greffe de ce tribunal, dans le délai de 6 mois à compter de consignation de la provision fixée ci-dessus ;

- sursis à statuer sur le montant définitif de l'indemnisation pour perte d'exploitation dans l'attente du rapport de l'expert ;

- débouté la société Cyms de sa demande de voir condamner la société Axa France Iard à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil ;

- condamné la société Axa France Iard au versement de la somme de 6.000 euros au profit de la société Cyms à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs autres demandes, fins et conclusions ;

- débouté la société Axa France Iard de sa demande d'écarter l'exécution provisoire ;

- condamné la société Axa France Iard aux dépens, liquidés à la somme indiquée au bas de la 1ère page de la décision.

L'instruction de cette procédure a été clôturée le 6 juillet 2023.

 

Prétentions et moyens de la société Axa France Iard :

10. Selon ses conclusions remises le 10 mai 2023, elle demande à la cour, au visa des articles 1103, 1170, 1171 et 1188 et suivants du code civil, des articles L.113-1 et L. 121-1 du code des assurances de la déclarer recevable et bien-fondé en son appel, et y faisant droit, à titre principal:

- d'infirmer le jugement déféré conformément à sa déclaration d'appel ;

- de le confirmer en ce qu'il n'a alloué aucune provision à l'assurée ;

- de l'infirmer en ce qu'il a débouté la concluante de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion ;

- statuant à nouveau, de juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce ;

- de juger que la clause d'exclusion litigieuse est formelle ;

- de juger que la clause d'exclusion est limitée, qu'elle ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle de la concluante de sa substance ;

- de juger que l'article 1171 du code civil n'est pas applicable et qu'en tout état de cause, que la clause d'exclusion objet du présent litige ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment de l'assurée ;

- en conséquence, de déclarer applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie ;

- d'annuler la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de commerce de Grenoble.

11. L'appelante demande, à titre subsidiaire :

- de fixer la mission de l'expert désigné par le tribunal comme suit :

* se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'assurée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années ;

* entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties, le calendrier possible de la suite de ses opérations ;

* examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur les périodes d'indemnisation consécutives aux fermetures de l'établissement et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés ;

* donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires - charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées ;

* donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assurée ;

*donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 29 octobre 2020.

12. La compagnie Axa demande en tout état de cause :

- de débouter l'intimée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- de la condamner à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

La compagnie Axa France Iard expose :

13. - que les conditions particulières ont prévu une extension de la garantie des pertes d'exploitation en présence d'une fermeture administrative, la période d'indemnisation étant limitée à trois mois et à 298.530 euros, moyennant une franchise de trois jours ouvrés ;

14. - que cette extension est ainsi rédigée : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même,

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication. ['] » ;

15. - que cette extension de garantie est assortie de la clause d'exclusion suivante : « SONT EXCLUES :

- LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE » ;

16. - que par quatre arrêts du 1er décembre 2022, la Cour de Cassation a rendu une décision de principe concernant la validité de cette clause d'exclusion, reconnaissant son caractère limité et l'absence d'une garantie qui ne serait que dérisoire ; qu'elle a confirmé sa position par arrêt du 19 janvier 2023 ;

17. - que la Cour de Cassation a reconnu que la clause d'exclusion était formelle au motif que « la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme «épidémie» était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait»; qu'elle a jugé que cette clause d'exclusion « n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance» ou, autrement dit, qu'elle ne laissait pas « subsister qu'une garantie dérisoire » ;

18. - que la Cour a en effet considéré que cette clause laisse dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée aux autres causes, de sorte que son caractère limité doit également s'apprécier par rapport à l'ensemble des causes susceptibles d'engendrer une fermeture administrative et au regard d'une fermeture administrative survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, c'est à dire au regard de mesures de fermeture administrative individuelles ;

19. - qu'en l'espèce, la clause d'exclusion est claire et n'a pas à être interprétée, écartant la garantie lorsque la fermeture administrative affecte concomitamment, dans le même département, un autre établissement pour une cause identique, quelle que soit sa nature et son activité ; qu'elle permet à l'assuré de comprendre, lors de la conclusion du contrat, que la garantie ne s'applique pas en cas de fermeture commune à plusieurs établissements dans le cadre d'une pandémie, alors qu'elle s'appliquera en cas de fermeture individuelle, notamment en cas d'une épidémie d'origine alimentaire concernant l'établissement de l'assuré.

20. - qu'il ne peut être fait grief à la concluante de ne pas avoir défini le terme d'épidémie, la prétendue ambiguïté de ce terme étant sans incidence sur le caractère formelle de l'exclusion selon la Cour de Cassation, puisque se sont les conséquences de la fermeture administrative qui sont garanties, et non l'épidémie ;

21. - que les trois critères d'application de la clause d'exclusion sont précis et compréhensibles, s'agissant du critère du nombre (plus d'un établissement fermé pour une cause identique), du critère territorial (dans le département) et de la cause de la fermeture (une cause identique) ;

22. - que la proposition d'avenant adressée par la concluante ne remet pas en cause la clarté de la clause d'exclusion, et ne constitue pas un aveu de son inopposabilité ; qu'elle résulte du fait que la crise sanitaire a entraîné une reconsidération des risques alors que les réasssureurs ont indiqué ne plus vouloir couvrir à l'avenir le risque épidémique ; qu'aucune conclusion ne peut ainsi en être retirée sur le présent litige ;

23. - que l'exclusion ne vide pas le contrat de sa substance, puisque ce n'est pas l'épidémie qui est couverte, mais la fermeture administrative ; que dès lors que l'exclusion est formelle et limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, elle est nécessairement conforme à l'article 1170 du code civil ; qu'en l'espèce, la garantie reste due si les évènements susceptibles d'entraîner une fermeture administrative sont limités à un seul établissement, ainsi dans le cas d'une infection alimentaire; qu'une épidémie n'est pas nécessairement généralisée à l'ensemble d'un territoire départemental ou national, alors que l'article L. 3131-1 du code de la santé publique prévoit que les mesures prises à l'occasion d'une menace sanitaire grave doivent être proportionnées ;

24. - que si la charge de la preuve des conditions d'application de l'exclusion pèse sur l'assureur, c'est à l'assuré de prouver que la clause d'exclusion n'est pas valide ;

25. - que le seul constat de la possibilité d'une fermeture individuelle, même à supposer qu'elle soit improbable, ne vide pas la garantie en totalité de sa substance, dès lors qu'un risque aléatoire assurable subsiste ; qu'en l'espèce, un risque sanitaire pour un restaurateur est plus que probable ;

26. - que la garantie s'applique à une épidémie dont le foyer se trouve à l'extérieur du département dans lequel se trouve l'établissement faisant l'objet de la fermeture administrative, ainsi en l'espèce dans le cadre de fermetures isolées liées à des clusters apparus dans certains départements ;

27. - que la commune intention des parties n'a pas été de couvrir les conséquences d'une fermeture généralisée, mais de garantir les risques inhérents à l'activité de restauration ; qu'une mesure de fermeture administrative généralisée constitue un préjudice anormal et spécial, qui ne relève pas d'une garantie individuelle de droit privé ; que les assureurs ne peuvent assumer la charge de garantir l'ensemble des décisions prises par les autorités publiques dans le cadre de la crise sanitaire, sauf à ce que cela constitue une rupture d'égalité devant les charges publiques ;

28. - subsidiairement, que l'assurée a manifestement surévalué son préjudice ; que le calcul des pertes d'exploitation doit être effectué dans le respect du contrat d'assurance, en tenant compte des facteurs externes, alors qu'il n'a pas été tenu compte des écritures comptables et des résultats des exercices antérieurs, des charges variables non supportées durant les fermetures, des aides perçues de l'État.

 

Prétentions et moyens de la société Cyms :

29. Selon ses conclusions remises le 21 février 2023, elle demande à la cour, au visa des articles 1103, 1170, 1190 et 1231-1 du code civil, des articles L. 113-1 et L. 113-5 du code des assurances, de l'article L. 133-2 du code de la consommation, de confirmer le jugement déféré ce qu'il a :

- jugé que la garantie perte d'exploitation de la société Axa France Iard du fait de la fermeture administrative en raison d'une épidémie est due ;

- constaté que la clause d'exclusion de garantie visée par la société Axa France Iard est nulle ;

- fait droit à la demande d'expertise judiciaire ;

- nommé comme expert judiciaire monsieur Z., domicilié au cabinet Safigfec, [Adresse 3] à [Localité 6], avec pour mission de :

* évaluer la perte de marge subie par la société Cyms pour les périodes de fermeture de son établissement imposées par les autorités, en fonction de la définition donnée par les conditions générales d'assurance,

* se faire communiquer tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

* fixer comme suit le montant des pertes d'exploitation subies par la société Cyms pendant les périodes de fermeture dont elle a fait l'objet :

* prendre en considération le chiffre d'affaires réalisé durant les différentes fermetures ordonnées par les autorités (du 15 mars 2020 au 15 juin 2020 puis à partir du 16 octobre 2020) ;

* calculer le chiffre d'affaires qui aurait été réalisé en l'absence de fermeture,

* calculer la perte de chiffre d'affaires par soustraction du chiffre d'affaires réalisé à celui qui aurait été réalisé en l'absence de fermeture,

* déterminer le taux de marge brute,

* appliquer ce taux à la perte de chiffres d'affaires ;

- fixé à 4.000 euros le montant de la provision à consigner par la société Axa France Iard avant le 22 mai 2022 au greffe de ce tribunal, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile ;

- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera considéré que la désignation de l'expert sera caduque par application des dispositions de l'article 271 du code de procédure civile ;

- dit que lors de sa première réunion laquelle devra se dérouler dans un délai maximum de 2 mois à compter de la consignation de la provision, l'expert devra, après débat contradictoire avec les parties, soumettre au juge chargé du dossier ce qu'il aura retenu pour ce qui concerne la méthodologie qu'il compte mettre en œuvre, le calendrier détaillé de ses investigations, d'où il découlera la date de dépôt de son rapport et le montant prévisible de ses honoraires, de ses frais et débours, lequel juge rendra, s'il y a lieu, une ordonnance complémentaire fixant le montant de la provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile, et s'il y a lieu accordera une prorogation du délai pour le dépôt du dossier ;

- dit que lors de cette première réunion, l'expert fixera un délai pour les appels éventuels en intervention forcée de toutes les parties dans la cause ;

- dit que si les parties ne parviennent pas à composition entre elles, et sauf contrariété avec le paragraphe précédent, le rapport de l'expert devra être déposé au greffe de ce tribunal, dans le délai de 6 mois à compter de consignation de la provision fixée ci-dessus ;

- sursis à statuer sur le montant définitif de l'indemnisation pour perte d'exploitation dans l'attente du rapport de l'expert ;

- condamné la société Axa France Iard au versement de la somme de 6.000 euros au profit de la société Cyms au titre de l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société Axa France Iard de sa demande d'écarter l'exécution provisoire ;

- condamné la société Axa France Iard aux dépens, liquidés à la somme indiquée au bas de la 1ère page de la décision.

30. L'intimée demande d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de voir condamner la société Axa France Iard à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil.

31. Elle demande de confirmer ce jugement en ce qu'il a débouté Axa France Iard de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion, et sollicite de la cour, statuant à nouveau :

- de débouter la société Axa France Iard de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- de condamner la société Axa France Iard à payer à la concluante la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

L'intimée soutient :

32. - concernant les conditions d'application de la garantie perte d'exploitation, que la décision de fermeture a été prise par l'autorité administrative au niveau national, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une initiative de la concluante ; que cette fermeture résulte bien d'une épidémie ; qu'ainsi, les conditions de la garantie sont remplies ;

33. - s'agissant de la clause d'exclusion, qu'une clause vidant la garantie de sa substance est non écrite, puisque l'obligation de l'assureur est d'indemniser le risque garanti, selon l'article L. 113-1 du code des assurances, alors que toute clause d'exclusion doit être formelle et limitée ;

34. - que la clause litigieuse n'est pas formelle puisqu'elle nécessite une interprétation, les termes « épidémie », « fermeture » ou « autorité administrative » n'étant pas définis ; qu'une épidémie a un caractère général ce qui suppose que d'autres établissements puissent être touchés par la maladie ; que l'appelante a ainsi révisé sa clause d'exclusion par un avenant du 29 septembre 2020 ajoutant la définition du terme «'épidémie'» dans les conditions générales et modifiant la garantie perte d'exploitation suite à fermeture administrative dans les conditions particulières, proposant ainsi une interprétation de la clause d'exclusion après sinistre ; que par application des articles 1190 du code civil et L. 133-2 du code de la consommation, la clause d'exclusion ambiguë doit ainsi s'interpréter en faveur de la concluante ;

35. - que cette clause n'est pas limitée conformément à l'article L113-1 du code des assurances, puisqu'elle vise tout autre établissement quelle que soit sa nature et son activité, faisant l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique, sur un territoire particulièrement vaste ; que cela aboutit à ne pas garantir l'assurée contre les pertes subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour cause d'épidémie Covid 19 ; que la garantie est ainsi illusoire en cas d'épidémie, constituant par définition une extension incontrôlable d'une maladie infectieuse touchant un grand nombre de personnes et que la clause d'exclusion vide ainsi l'obligation de l'assureur de sa substance au sens de l'article 1170 du code civil ;

36. - s'agissant du montant des pertes devant être indemnisées, qu'elles ont été évaluées par le cabinet d'expertise Auditial ;

37. - que la résistance de l'appelante est abusive d'autant plus que consciente de l'imprécision et de l'ambiguïté de la garantie, elle a proposé un avenant, alors que la concluante pensait légitimement être couverte, ce qui justifie l'allocation de dommages et intérêts.

* * * * *

38. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

39. Selon le tribunal de commerce, l'obligation essentielle de l'assureur est d'indemniser son assuré des pertes d'exploitation subies suite à une fermeture administrative en raison d'une épidémie. En l'espèce, l'arrêté ministériel du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid 19 a enjoint la fermeture des commerces non essentiels et vise directement les restaurants et débits de boissons en leur interdisant d'accueillir le public jusqu'au 11 avril 2020. Par la suite, les décrets du 16 octobre 2020 et du 29 octobre 2020 ont prescrit les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid 19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Ainsi, la société Cyms ayant été contrainte de fermer son établissement en raison d'une décision administrative prise par une autorité compétente, la première condition prévue par le contrat est remplie.

40. Le tribunal a ensuite constaté qu'à la barre, les parties se sont opposées sur les définitions des termes épidémie ou pandémie. Il a indiqué qu'il importe de déterminer si la seconde condition est remplie, dans le sens de savoir si la décision de fermeture est la conséquence d'une épidémie. Le tribunal a analysé différentes définitions proposées par plusieurs dictionnaires, et en a retiré que la pandémie est une épidémie étendue à toute la population d'un continent voire au monde entier, que l'utilisation du terme épidémie inclut celui de pandémie quel que soit le qualificatif donné à la situation sanitaire actuelle, le contrat utilisant le terme épidémie, les deux termes sont inclus. Il a fait grief à l'assureur de ne pas avoir défini clairement et contractuellement le terme d'épidémie, et de ne pas produire aux débats un seul cas où sa garantie a été amenée à jouer en cas d'épidémie. Le tribunal en a déduit que la seconde condition contractuelle est ainsi remplie, la décision de fermeture étant la conséquence d'une épidémie.

41. Sur la clause d'exclusion de garantie, le tribunal de commerce a rappelé les dispositions des articles 1170 et 1171 du code civil, celles de l'article L113-1 du code des assurances, et il a retenu que l'assureur ne saurait prétendre que la clause d'exclusion est claire et ne nécessite aucune interprétation. Il a indiqué que le contrat d'assurance liant les parties est un contrat d'adhésion dont le seul rédacteur est la société Axa France Iard, et qu'il doit donc s'interpréter en faveur de l'assuré. Le tribunal a dit que le terme « épidémie » n'est pas défini au contrat et qu'il recoupe des notions diverses, de même que les termes « fermeture » et « autorité administrative », que l'assureur produit un grand nombre de documents pour étayer sa position, ce qui démontre que la clause n'est pas rédigée de façon claire et précise, que dès lors elle ne peut être comprise par l'assuré qui doit pourtant connaître l'étendue de la garantie souscrite, laquelle ne doit pas être illusoire. Le tribunal en a déduit que du fait de son imprécision, cette clause d'exclusion ne permet pas de circonscrire le risque garanti et qu'elle ne permet pas non plus à l'assuré de connaître exactement l'étendue de sa garantie, de sorte qu'elle n'est pas formelle et qu'elle exclut l'essentiel des conséquences du sinistre, ce qui vide la garantie de sa substance.

42. La cour relève, concernant l'extension de la garantie des pertes d'exploitation, qu'elle concerne les conséquences d'une fermeture administrative provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque la décision a été prise par une autorité administrative compétente, extérieure à l'assuré, décision de fermeture consécutive à une maladie contagieuse, à un meurtre, à un suicide, une épidémie ou une intoxication. Il en résulte, ainsi que tranché par la Cour de Cassation, que ce se sont les conséquences de la mesure de fermeture administrative qui sont couvertes, et non les faits, précisés au contrat, ayant entraîné cette fermeture.

43. La cour constate en conséquence que peu importe la discussion concernant le terme « épidémie », dont la survenue seule ne donne pas lieu à application de l'extension de la garantie. En outre, les termes visés dans cette clause d'extension sont clairs, sans ambiguïté, et n'ont pas à être interprétés. La validité d'un contrat s'appréciant à la date de sa conclusion, la proposition d'un avenant ultérieur est sans incidence.

44. S'agissant de la clause d'exclusion de la garantie des pertes d'exploitation, le contrat a mentionné, de façon claire et apparente, que sont exclues les pertes d'exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.

45. La cour constate également que les termes employés sont clairs et sans ambiguïté, en raison de leur caractère commun et intelligible pour n'importe quel assuré, et que cette clause n'a pas être interprétée. Seules les conséquences de la fermeture administrative étant assurées, cette clause d'exclusion est formelle même si le terme «épidémie'» n'a pas été défini dans l'extension. L'exclusion ne vide pas l'obligation de l'assureur de sa substance, puisque l'obligation d'indemnisation perdure s'il n'établit pas qu'un autre établissement, dans le département, a également fait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour la même cause. Comme soutenu par l'appelante, le début de l'épidémie de la Covid 19 a été localisé à des clusters, et la garantie restera due en cas de fermeture administrative ne concernant que l'assuré en cas d'intoxication alimentaire contaminant l'ensemble de sa clientèle, mais limitée à son seul établissement.

46. Les termes employés permettent ainsi à l'assuré de comprendre, lors de la souscription de la garantie, qu'elle ne s'appliquera pas en cas de survenue d'une épidémie d'ampleur, entraînant des mesures de fermeture administrative frappant tout un département, et que cette garantie ne couvre que les conséquences d'un fait visé au contrat concernant le seul établissement assuré. Ainsi que développé par l'appelante, cette exclusion ne vide pas le contrat de sa substance, puisque seule la conséquence de la fermeture administrative est couverte dès lors qu'elle est restreinte à l'assuré. Cette garantie n'a rien d'illusoire en raison des différentes causes prévues pouvant entraîner la fermeture administrative du seul établissement assuré.

47. Le contrat permet ainsi de constater que l'intention des parties n'a pas été de garantir les conséquences d'une fermeture administrative généralisée, mais seulement les risques inhérents à l'activité de l'assuré.

48. La clause d'exclusion étant ainsi conforme aux dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances, il en résulte qu'aucune garantie n'est due par l'assureur. En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a :

- jugé que la garantie perte d'exploitation de la société Axa France Iard du fait de la fermeture administrative en raison d'une épidémie est due à la société Cyms ;

- constaté que la clause d'exclusion de garantie visée par la société Axa France Iard est nulle ;

- fait droit à la demande d'expertise judiciaire ;

- nommé comme expert judiciaire monsieur Z., domicilié au cabinet Safigfec, [Adresse 3] à [Localité 6], avec pour mission de :

* évaluer la perte de marge subie par la société Cyms pour les périodes de fermeture de son établissement imposées par les autorités, en fonction de la définition donnée par les conditions générales d'assurance ;

* se faire communiquer tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission ;

* fixer comme suit le montant des pertes d'exploitation subies par la société Cyms pendant les périodes de fermeture dont elle a fait

l'objet :

* prendre en considération le chiffre d'affaires réalisé durant les différentes fermetures ordonnées par les autorités (du 15 mars 2020 au 15 juin 2020 puis à partir du 16 octobre 2020),

* calculer le chiffre d'affaires qui aurait été réalisé en l'absence de fermetures,

* calculer la perte de chiffre d'affaires par soustraction du chiffre d'affaires réalisé à celui qui aurait été réalisé en l'absence de fermeture,

* déterminer le taux de marge brute,

* appliquer ce taux à la perte de chiffres d'affaires ;

- fixé à 4.000 euros le montant de la provision à consigner par la société Axa France Iard avant le 22 mai 2022 au greffe de ce tribunal, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile ;

- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera considéré que la désignation de l'expert sera caduque par application des dispositions de l'article 271 du code de procédure civile ;

- dit que lors de sa première réunion, laquelle devra se dérouler dans un délai maximum de 2 mois à compter de la consignation de la provision, l'expert devra, après débat contradictoire avec les parties, soumettre au juge chargé du dossier ce qu'il aura retenu pour ce qui concerne la méthodologie qu'il compte mettre en œuvre, le calendrier détaillé de ses investigations, d'où il découlera la date de dépôt de son rapport et le montant prévisible de ses honoraires, de ses frais et débours, lequel juge rendra, s'il y a lieu, une ordonnance complémentaire fixant le montant de la provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile, et s'il y a lieu, accordera une prorogation du délai pour le dépôt du dossier ;

- dit que lors de cette première réunion, l'expert fixera un délai pour les appels éventuels en intervention forcée de toutes les parties dans la cause ;

- dit que si les parties ne parviennent pas à composition entre elles, et sauf contrariété avec le paragraphe précédent, le rapport de l'expert devra être déposé au greffe de ce tribunal, dans le délai de 6 mois à compter de consignation de la provision fixée ci-dessus ;

- sursis à statuer sur le montant définitif de l'indemnisation pour perte d'exploitation dans l'attente du rapport de l'expert ;

- condamné la société Axa France Iard au versement de la somme de 6.000 euros au profit de la société Cyms à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Axa France Iard aux dépens, liquidés à la somme indiquée au bas de la 1ère page de la décision.

49. L'extension de la garantie des pertes d'exploitation n'étant pas applicable en l'espèce, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Cyms de sa demande de dommages et intérêts. La preuve d'une résistance abusive n'est pas rapportée en raison des termes du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'annuler l'expertise ordonnée par le tribunal de commerce, en raison de l'infirmation du jugement entrepris concernant l'exclusion de la garantie et l'organisation de cette mesure d'instruction.

50. Statuant à nouveau, la cour déboutera ainsi la société Cyms de l'ensemble de ses demandes. Succombant devant cet appel, cette société sera condamnée à payer à la compagnie Axa France Iard la somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles 1103, 1170, 1171 et 1188 et suivants du code civil, les articles L.113-1 et L.121-1 du code des assurances ;

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- jugé que la garantie perte d'exploitation de la société Axa France Iard du fait de la fermeture administrative en raison d'une épidémie est due à la société Cyms ;

- constaté que la clause d'exclusion de garantie visée par la société Axa France Iard est nulle ;

- fait droit à la demande d'expertise judiciaire ;

- nommé comme expert judiciaire monsieur Z., domicilié au cabinet Safigfec, [Adresse 3] à [Localité 6], avec pour mission de:

* évaluer la perte de marge subie par la société Cyms pour les périodes de fermeture de son établissement imposées par les autorités, en fonction de la définition donnée par les conditions générales d'assurance ;

* se faire communiquer tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission ;

* fixer comme suit le montant des pertes d'exploitation subies par la société Cyms pendant les périodes de fermeture dont elle a fait l'objet :

* prendre en considération le chiffre d'affaires réalisé durant les différentes fermetures ordonnées par les autorités (du 15 mars 2020 au 15 juin 2020 puis à partir du 16 octobre 2020),

* calculer le chiffre d'affaires qui aurait été réalisé en l'absence de fermetures,

* calculer la perte de chiffre d'affaires par soustraction du chiffre d'affaires réalisé à celui qui aurait été réalisé en l'absence de fermeture,

* déterminer le taux de marge brute,

* appliquer ce taux à la perte de chiffres d'affaires ;

- fixé à 4.000 euros le montant de la provision à consigner par la société Axa France Iard avant le 22 mai 2022 au greffe de ce tribunal, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile ;

- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera considéré que la désignation de l'expert sera caduque par application des dispositions de l'article 271 du code de procédure civile ;

- dit que lors de sa première réunion, laquelle devra se dérouler dans un délai maximum de 2 mois à compter de la consignation de la provision, l'expert devra, après débat contradictoire avec les parties, soumettre au juge chargé du dossier ce qu'il aura retenu pour ce qui concerne la méthodologie qu'il compte mettre en œuvre, le calendrier détaillé de ses investigations, d'où il découlera la date de dépôt de son rapport et le montant prévisible de ses honoraires, de ses frais et débours, lequel juge rendra, s'il y a lieu, une ordonnance complémentaire fixant le montant de la provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile, et s'il y a lieu, accordera une prorogation du délai pour le dépôt du dossier ;

- dit que lors de cette première réunion, l'expert fixera un délai pour les appels éventuels en intervention forcée de toutes les parties dans la cause ;

- dit que si les parties ne parviennent pas à composition entre elles, et sauf contrariété avec le paragraphe précédent, le rapport de l'expert devra être déposé au greffe de ce tribunal, dans le délai de 6 mois à compter de consignation de la provision fixée ci-dessus ;

- sursis à statuer sur le montant définitif de l'indemnisation pour perte d'exploitation dans l'attente du rapport de l'expert ;

- condamné la société Axa France Iard au versement de la somme de 6.000 euros au profit de la société Cyms à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Axa France Iard aux dépens, liquidés à la somme indiquée au bas de la 1ère page de la décision.

Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour ;

statuant à nouveau ;

Déboute la société Cyms de ses demandes dirigées contre la compagnie Axa France Iard ;

y ajoutant ;

Condamne la société Cyms à payer à la compagnie Axa France Iard la somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Cyms aux dépens de première instance et d'appel ;

Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière                                                 La Présidente