CA LYON (3e ch. A), 21 décembre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10614
CA LYON (3e ch. A), 21 décembre 2023 : RG n° 20/03939
Publication : Judilibre
Extrait : « Toutefois, en vertu de l'article L. 221-3 du même code, ces dispositions sont applicables aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
Or, la société LM ne prétend aucunement remplir les conditions énoncées par ce texte, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner si les dispositions de l'article 221-10 ont été respectées. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TROISIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 21 DÉCEMBRE 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/03939.N° Portalis DBVX-V-B7E-NB6S. Décision du Tribunal de Commerce de Saint-Etienne du 2 juin 2020 : RG n° 2019j505.
APPELANTE :
SARL LM
au capital de XXX €, inscrite au R.C.S. de Dijon sous le numéro YYY, prise en son établissement secondaire à l'enseigne « [5] » représentée par sa gérante en exercice domiciliée de droit audit siège, [Adresse 1], [Localité 2], Représentée par Maître Didier SARDIN de la SCP SARDIN ET THELLYERE (ST AVOCATS), avocat au barreau de LYON, toque : 586
INTIMÉE :
SAS LOCAM
au capital de XXX €, immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous le numéro B ZZZ, agissant poursuites et diligences par son dirigeant domiciliée es qualité audit siège [Adresse 3], [Localité 4], Représentée par Maître Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE
Date de clôture de l'instruction : 4 mai 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 octobre 2023
Date de mise à disposition : 21 décembre 2023
Audience présidée par Viviane LE GALL, magistrate rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.
Composition de la Cour lors du délibéré : - Patricia GONZALEZ, présidente - Aurore JULLIEN, conseillère - Viviane LE GALL, conseillère
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 4 septembre 2018, la SARL LM a conclu avec la SAS Location Automobiles Matériels (Locam) un contrat de location portant sur un serveur informatique et un PC fournis par la société France Conseils Bureautique, moyennant le règlement de soixante-trois loyers mensuels de 144 euros TTC. Le 14 septembre 2018, un procès-verbal de livraison et de conformité a été signé.
Par lettre recommandée du 14 octobre 2018, la société LM a indiqué à la société France Conseils Bureautique résilier les contrats conclus. Puis, par lettre recommandée du 2 novembre 2018, elle a indiqué à la société Locam que le contrat de location n'a pas été signé par sa gérante.
Par courrier recommandé du 28 décembre 2018 délivré le 29 décembre 2019, la société Locam a mis en demeure la société LM de régler les échéances impayées sous peine de déchéance et de l'exigibilité de toutes sommes dues au titre du contrat.
Cette mise en demeure étant demeurée sans effet, par acte du 13 février 2019, la société Locam a assigné la société LM devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne afin d'obtenir le paiement de la somme principale de 10.100,64 euros.
Par jugement contradictoire du 2 juin 2020, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :
- dit irrecevable le moyen fondé sur les griefs faits à l'encontre de la société France Conseils Bureautique,
- dit infondée la demande de la société LM tendant au rejet des demandes de la société Locam,
- condamné la société LM à verser à la société Locam la somme de 9.183,40 euros, correspondant aux 4 échéances échues et aux 59 échéances à échoir, ainsi qu'à la clause pénale révisée, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 décembre 2018,
- condamné la société LM à payer la somme de 100 euros à la société Locam au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens sont à la charge de la société LM,
- rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement,
- débouté la société Locam du surplus de ses demandes.
La société LM a interjeté appel par acte du 22 juillet 2020.
[*]
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 20 avril 2021 fondées sur les articles 1112-1, 1132, 1186, 1602 et 1603 du code civil et les articles L. 221-10 et L. 221-3 du code de la consommation, la société LM demande à la cour de :
- réformer la décision entreprise et statuant à nouveau,
- débouter la société Locam de toutes ses demandes,
- condamner la société Locam à lui payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel et de première instance,
subsidiairement,
- lui allouer un délai de deux ans pour s'acquitter de sa dette.
[*]
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 16 avril 2021 fondées sur les articles 1103 et 1231-2 du code civil et les articles 4 et 14 du code de procédure civile, la société Locam demande à la cour de :
- dire non fondé l'appel de la société LM,
- la débouter de toutes ses demandes,
- confirmer le jugement sauf en ce qu'il la réduit à l'euro symbolique la clause pénale de 10 %,
- lui allouer à ce titre la somme complémentaire de 918,24 euros avec intérêts au taux légal et autres accessoires de droit à compter de la mise en demeure du 29 décembre 2018,
- condamner la société LM à lui régler une nouvelle indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner en tous les dépens d'instance et d'appel.
[*]
La procédure a été clôturée par ordonnance du 4 mai 2021, les débats étant fixés au 25 octobre 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La société LM fait valoir que :
- le contrat est inexistant en ce qu'il n'est pas signé par la gérante qui est la seule à pouvoir engager la société ; la signature apposée sur le contrat est celle du fils de la gérante qui n'avait pas pouvoir d'engager la société, de sorte que le contrat est nul ;
- le contrat est irrégulier : le matériel livré ne correspond pas à celui figurant sur le bon de commande, ce qui entraîne soit la nullité du contrat pour défaut de livraison, soit sa caducité pour disparition d'un élément essentiel du contrat, ce qui en toute hypothèse est le cas du contrat Locam du fait de la nullité du contrat de fourniture ; elle a tenté de restituer le matériel à la société Locam qui l'a refusé ;
- le contrat est nul comme ne respectant pas les dispositions de l'article L. 221-10 du code de la consommation, faute de prévoir un délai de rétractation et un formulaire à cette fin ;
- le contrat ne respecte pas les dispositions de l'article 1128 du code civil et notamment l'exigence d'un contenu licite et certain ;
- l'article 1132 du même code précise que l'erreur de droit ou de fait est une cause de nullité du contrat ; celui-ci ne précise pas qui est en réalité le cocontractant, ne propose pas de délai de réflexion ;
- le contrat est nul ou à tout le moins n'a jamais pu se former en raison des vices affectant sa formation.
Subsidiairement, la société LM soutient que les factures de la société Locam ne respectent pas le contrat en ce que celui-ci ne prévoit pas de loyer intercalaire. Elle sollicite un délai de deux ans pour s'acquitter de sa dette.
La société Locam fait valoir que :
- la société LM ne conteste pas avoir passé commande du bien loué à son fournisseur la société France conseil bureautique ; elle reconnaît que la gérante a donné pouvoir à son fils et ne conteste pas que la gérante a ratifié le procès-verbal de livraison attestant de la délivrance conforme du matériel ;
- aucun contrat de vente n'est intervenu entre la société France conseil bureautique et la société LM de sorte que les articles 1602 et 1603 du code civil sont inapplicables ;
- le fournisseur n'est pas dans la cause de sorte qu'aucune annulation ou résolution ne peut être prononcée sur un quelconque fondement, ces griefs étant irrecevables en application de l'article 14 du code de procédure civile ;
- la société LM n'a jamais restitué le matériel ;
- le loyer intercalaire est prévu à l'article 4 des conditions générales du contrat ;
- il convient de faire droit à sa demande formée au titre de la clause pénale et de réformer le jugement sur ce point.
Sur ce,
L'examen du contrat de location conclu entre la société LM et la société Locam révèle que, dans la section « Acceptation de la location' », les rubriques suivantes sont ainsi renseignées :
Nom - Prénom : I. X.
Qualité du signataire : Gérante
Puis, au-dessus de l'inscription manuscrite « lu et approuvé » se trouvent apposés le timbre humide de la société LM et une signature. Cette même signature est également apposée sur le procès-verbal de livraison et de conformité.
Il résulte de l'examen comparé de cette signature avec celle de Mme X. apposée sur les lettres recommandées qu'elle a adressées par la suite au fournisseur et à la société Locam, que la signature portée sur le contrat de location et sur le PV de livraison n'est pas celle de la gérante.
Toutefois, dans ses écritures, la société LM admet que Mme X. avait donné pouvoir à son fils pour « recevoir un appareil EDF », ce qui, au vu de la main courante déposée le 5 octobre 2018 par la gérante de la société LM, telle que relatée dans le jugement critiqué, correspond au démarchage opéré par la société France Conseil Bureautique. Il en résulte que le contrat de location ne saurait être annulé pour défaut de pouvoir de son signataire.
Quant au défaut de livraison conforme, la société LM, qui vise les articles 1602 et 1603 du code civil relatifs à la vente, n'a pas attrait en la cause la société France Conseil Bureautique, de sorte que le moyen tiré de la nullité du contrat de fourniture pour défaut de livraison conforme ou de sa caducité pour disparition d'un élément essentiel du contrat ne saurait être examiné, conformément à l'article 14 du code de procédure civile. La caducité par voie de conséquence du contrat de location financière doit donc être écartée, comme l'a retenu le tribunal.
S'agissant de l'application des dispositions du code de la consommation, la société LM invoque l'article L. 221-10, lequel dispose :
« Le professionnel ne peut recevoir aucun paiement ou aucune contrepartie, sous quelque forme que ce soit, de la part du consommateur avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat hors établissement.
Toutefois, ne sont pas soumis aux dispositions du premier alinéa :
1° La souscription à domicile d'un abonnement à une publication quotidienne et assimilée, au sens de l'article 39 bis du code général des impôts ;
2° Les contrats à exécution successive, conclus dans les conditions prévues au présent chapitre et proposés par un organisme agréé ou relevant d'une décision de l'autorité administrative, ayant pour objet la fourniture de services mentionnés à l'article L. 7231-1 du code du travail ;
3° Les contrats conclus au cours de réunions organisées par le vendeur à son domicile ou au domicile d'un consommateur ayant préalablement et expressément accepté que cette opération se déroule à son domicile ;
4° Les contrats ayant pour objet des travaux d'entretien ou de réparation à réaliser en urgence au domicile du consommateur et expressément sollicités par lui, dans la limite des pièces de rechange et travaux strictement nécessaires pour répondre à l'urgence.
Pour les contrats mentionnés aux 1° et 2°, le consommateur dispose d'un droit de résiliation du contrat à tout moment et sans préavis, frais ou indemnité et d'un droit au remboursement, dans un délai de quinze jours, des sommes versées au prorata de la durée du contrat restant à courir. »
Toutefois, en vertu de l'article L. 221-3 du même code, ces dispositions sont applicables aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
Or, la société LM ne prétend aucunement remplir les conditions énoncées par ce texte, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner si les dispositions de l'article 221-10 ont été respectées.
La société LM invoque aussi l'article 1128 du code civil pour soutenir, sans le démontrer ni l'expliciter, que le contrat ne respecte pas l'exigence d'un contenu licite et certain. Or, le contrat consiste en la location, par le bailleur Locam, d'un matériel désigné au contrat et fourni par la société France Conseil Bureautique. Ce moyen sera donc écarté.
La société LM invoque encore l'article 1132 du code civil pour soutenir l'erreur sur une qualité essentielle du contrat, à savoir le cocontractant. Or, le contrat de location mentionne clairement que le bailleur est la société Locam et s'agissant du contrat de fourniture (vente conclue entre les sociétés Locam et France Conseil Bureautique), il ne peut être remis en cause en l'absence de la société France Conseil Bureautique qui n'est pas partie à la procédure, conformément à l'article 14 du code de procédure civile.
La demande de nullité du contrat conclu avec la société France Conseil Bureautique en raison des vices affectant ne saurait donc être prononcée, de sorte que la nullité par voie de conséquence du contrat de location, invoquée par la société LM, ne peut prospérer.
Sur la demande en paiement de la société Locam et les délais de paiement :
La société LM n'a réglé aucun loyer à la société Locam. Comme l'a exactement jugé le tribunal, par des motifs que la cour adopte :
- la clause pénale apparaît manifestement excessive et sera réduite à la somme d'un euro ;
- la société LM est condamnée à payer à la société Locam la somme de 9.183,40 euros au titre des échéances échues impayées et celles à échoir dues en application de l'article 12 du contrat, outre la somme d'un euro au titre de la clause pénale et les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 décembre 2018.
Compte tenu de la date à laquelle le contrat a été résilié et la société LM mise en demeure de payer les sommes dues, soit le 28 décembre 2018, celle-ci a déjà disposé de larges délais de paiement. Il n'y a donc pas lieu de faire droit à sa demande à ce titre.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La société LM succombant à l'instance, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. En application de l'article 700 du code de procédure civile, sa demande formée à ce titre sera rejetée et elle sera condamnée à payer à la société Locam la somme de 800 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Rejette la demande de délais de paiement formée par la société LM ;
Condamne la société LM aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la société LM à payer à la société Locam la somme de huit cents euros (800 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE