CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA LYON (3e ch. A), 11 janvier 2024

Nature : Décision
Titre : CA LYON (3e ch. A), 11 janvier 2024
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 3e ch.
Demande : 19/08581
Date : 11/01/2024
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 13/12/2019
Référence bibliographique : 6151 (1171 C. civ., application dans le temps)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 10652

CA LYON (3e ch. A), 11 janvier 2024 : RG n° 19/08581

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Le contrat de location, que la société Locam produit en original, désigne les biens objets de la location comme étant un pack led et un régulateur varamétrique, et le procès-verbal de livraison et de conformité du 22 juillet 2015 précise la marque et le numéro de série du régulateur. L'association Agape Anjou ne peut donc valablement prétendre que le matériel n'est pas identifié.

Par ailleurs, il résulte de l'article 13 du contrat de location que la société Locam pouvait se prévaloir d'une résiliation « automatique et de plein droit » du contrat en cas de fusion, scission de l'entreprise ou modification de la personne des associés ou de ses dirigeants, de sorte que la résiliation n'apparaît pas résulter de la mauvaise foi du bailleur. […]

L'article 13 du contrat de location prévoit qu'en cas de résiliation, le locataire est redevable des loyers impayés majorés d'une clause pénale de 10 %, ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à échoir majorés d'une clause pénale de 10 %.

L'association Agape Anjou demande qu'en application de l'article 1171 du code civil, cette clause soit jugée abusive en ce qu'elle prévoit le paiement des loyers restant à échoir. Cependant, comme l'a exactement jugé le tribunal, ce texte n'est pas applicable au présent contrat, lequel a été signé le 22 juillet 2015 soit antérieurement à l'entrée en vigueur, le 1er octobre 2016, de l'ordonnance n° 2016-313 du 10 février 2016 instaurant l'article 1171 du code civil relatif aux clauses abusives. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

TROISIÈME CHAMBRE A

ARRÊT DU 11 JANVIER 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/08581. N° Portalis DBVX-V-B7D-MX4X. Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ÉTIENNE du 12 novembre 2019 : RG : 2018j00094.

 

APPELANTE :

SAS LOCAM

au capital de XXX €, immatriculée au RCS de SAINT-ÉTIENNE sous le numéro B XXX, agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié es qualité audit siège [Adresse 2], [Localité 4], Représentée par Maître Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE

 

INTIMÉE :

L'Association AGAPE ANJOU

association régie par la loi de 1901, déclarée à la Préfecture du Maine et Loire le [date] sous le numéro [Numéro identifiant 7], Agissant en lieu et place de la Société DAK MIN L'ENTRECOTE, au capital de YYY €, immatriculée au RCS d'ANGERS sous le numéro ZZZ, dont le siège social est situé [Adresse 1]représentée par ses gérants, domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 3], [Localité 5], Représentée par Maître Jeannie MONGOUACHON de la SELARL MONGOUACHON AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 1485, postulant et par Maître Corentine TOURRES de la société BOCHAMP AARPI, avocat au barreau de PARIS, substituée et plaidant par Maître GUY-VIENOT, avocat au barreau de PARIS

 

Date de clôture de l'instruction : 8 mars 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 9 novembre 2023

Date de mise à disposition : 11 janvier 2024

Audience tenue par Aurore JULLIEN, présidente, et Viviane LE GALL, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière. A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré : - Patricia GONZALEZ, présidente - Aurore JULLIEN, conseillère- - Viviane LE GALL, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Aurore JULLIEN, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 12 juillet 2015, la SARL Dak Min L'entrecôte a conclu avec la SAS Location Automobiles Matériels (Locam) un contrat de location portant sur un pack Led et un régulateur varamétrique fourni par la SARL Assistance Leblanc moyennant le règlement de 60 loyers mensuels de 330 euros TTC (275 euros HT). Le 29 juillet 2015, un procès-verbal de livraison et de conformité a été signé.

Par courrier recommandé du 7 novembre 2017, la société Locam a mis en demeure la société Dak Min L'Entrecôte de régler les échéances impayées sous peine de déchéance et de l'exigibilité de toutes sommes dues au titre du contrat.

Par courrier recommandé du 29 novembre 2017, la société Dak Min L'Entrecôte a indiqué à la société Locam n'avoir jamais reçu les factures d'octobre et de novembre ainsi que l'autorisation de prélèvement que son cabinet comptable avait sollicité.

Par acte du 14 décembre 2017, la société Locam a assigné la société Dak Min L'Entrecôte devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne afin d'obtenir notamment la somme principale de 13.068 euros au titre de 4 loyers échus impayés (échéances du 20 août 2017 au 20 novembre 2017) et 32 loyers à échoir (échéances du 20 décembre 2017 au 20 juillet 2020) outre indemnités et clauses pénales.

Le 24 octobre 2018, la société Dak Min l'Entrecôte a été dissoute suite à la réunion de toutes les parts en une seule main et son patrimoine a été transmis à l'association Agape Anjou, son associée unique.

Par jugement contradictoire du 12 novembre 2019, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :

- s'est déclaré compétent,

- dit que la société Locam est bien fondée à solliciter le règlement de la somme de 362 euros au titre des échéances échues impayées, y incluse la clause pénale de 10 %,

- débouté l'association Agape Anjou, venant aux droits de la société Dak Min L'Entrecôte, de sa demande tendant à ce que la clause prévoyant le paiement des échéances à échoir soit déclarée abusive,

- constaté que l'indemnité de résiliation constitue une clause pénale susceptible de réduction au même titre que la clause pénale de 10 % stricto sensu,

- réduit le montant de l'indemnité de résiliation s'analysant comme une clause pénale et de la clause pénale stricto sensu à la somme totale de 990 euros,

- condamné l'association Agape Anjou, venant aux droits de la société Dak Min L'Entrecôte, à verser à la société Locam la somme de 1.352 euros, y incluse les clauses pénales, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2017,

- débouté l'association Agape Anjou, venant aux droits de la société Dak Min L'Entrecôte de sa demande de délais,

- condamné l'association Agape Anjou, venant aux droits de la société Dak Min L'Entrecôte à payer la somme de 250 euros à la société Locam au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens sont à la charge de l'association Agape Anjou, venant aux droits de la société Dak Min L'Entrecôte,

- rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La société Locam a interjeté appel par acte du 13 décembre 2019.

[*]

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 18 septembre 2020 fondées sur les articles 1134 et suivants, 1149, 1152 et 1244-1 anciens du code civil, la société Locam demande à la cour de :

- dire bien fondé son appel,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a réduit à 990 euros les indemnités contractuelles de résiliation et la clause pénale de 10%,

- condamner l'association Agape Anjou déclarant venir au droit de la société Dak Min l'Entrecôte à lui régler à ce titre la somme complémentaire de 11.716 euros (avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 9 novembre 2017),

- débouter l'association Agape Anjou de toutes ses demandes,

- la condamner à lui régler une nouvelle indemnité de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'association Agape Anjou venant aux droits de la société Dak Min en tous les dépens d'instance et d'appel.

[*]

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 8 janvier 2021 fondées sur les articles 42, 46 et 48 du code de procédure civile et les articles 1171 et 1152 ancien du code civil, l'association Agape Anjou, agissant en lieu et place de la société Dak Min L'Entrecôte, demande à la cour de :

à titre principal et in limine litis,

- constater l'incompétence territoriale du tribunal de commerce de Saint-Etienne au profit du tribunal de commerce d'Angers,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

à titre subsidiaire,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- juger que la société Locam est mal fondée à solliciter le règlement des loyers de septembre, octobre et novembre 2017 d'un montant de 990,00 euros qui ont d'ores et déjà été réglés par elle,

- juger abusive la clause correspondant au montant des loyers restant à échoir,

en conséquence,

- débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre infiniment subsidiaire,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

en conséquence,

- juger que la société Locam est mal fondée à solliciter le règlement des loyers de septembre, octobre et novembre 2017 d'un montant de 990,00 euros qui ont d'ores et déjà été réglés par elle,

- débouter la société Locam de sa demande de paiement des quatre loyers échus d'un montant de 1.320,00 euros,

- diminuer le montant de l'indemnité de résiliation correspondant aux loyers restant à échoir et de la clause pénale stricto sensu et la fixer à la somme de 990,00 euros correspondant aux loyers impayés,

en tout état de cause,

- condamner la société Locam à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Locam aux entiers dépens.

[*]

La procédure a été clôturée par ordonnance du 8 mars 2021, les débats étant fixés au 9 novembre 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'exception d'incompétence :

L'association Agape Anjou fait valoir que :

- elle ne dispose d'aucun exemplaire du contrat de location ; le tribunal de commerce s'est contenté de reprendre l'argumentation de la société Locam qui invoque une clause attributive de compétence totalement illisible ;

- en l'absence de clause attributive de compétence, la juridiction compétente est le tribunal de commerce d'Angers.

La société Locam fait valoir qu'elle produit le contrat en original sur lequel est parfaitement lisible l'article 17, lequel constitue la clause attributive de compétence.

Sur ce,

La société Locam produit le contrat de location en original, lequel comporte sur la première page, en haut à droite, indiquée de façon claire et apparente, la mention suivante : « Article 18 : Attribution de compétence - droit applicable ». Cette clause, parfaitement lisible et compréhensible, énonce que tout litige relatif au présent contrat sera de la compétence des tribunaux du siège social du bailleur sauf application du code de la consommation.

Au même niveau sur la gauche de cette première page se trouve mentionnée l'identité du bailleur, comprenant l'indication de son siège social à [Localité 6].

Il en résulte que la clause attributive de compétence, valable entre commerçants selon les dispositions de l'article 48 du code de procédure civile, est applicable. Il convient donc de confirmer le jugement en ce que le tribunal de commerce de Saint-Étienne s'est déclaré compétent.

 

Sur la demande en paiement :

La société Locam fait valoir que :

- le contrat de location et le procès-verbal de livraison comportent la description du matériel loué, et vingt-quatre loyers ont été payés sans contestation ni réserve quant à l'objet du contrat ou sa délivrance ;

- la clause pénale n'est pas manifestement excessive dès lors qu'elle a acquitté la totalité du prix du matériel auprès du fournisseur, elle a ainsi mobilisé un capital qui avait vocation à s'amortir sur la durée contractuelle ; le locataire a ruiné l'économie de la convention en interrompant le paiement ; le matériel ne lui a pas été restitué et offre peu de valeur de reprise alors que seuls 24 loyers ont été payés sur le 60 prévus ;

- la clause pénale de 10 % correspond aux coûts administratifs et de gestion engendrés par la défaillance du locataire ;

- l'association Agape Anjou a déjà bénéficié de très larges délais de paiement et ne justifie pas de sa situation financière au soutien de sa demande.

L'association Agape Anjou fait valoir que :

- elle ne dispose pas de l'original du contrat et la société Locam ne l'a jamais produit ;

- le matériel faisant l'objet de la location n'est pas identifié ;

- malgré ses demandes tendant à faire prélever les échéances sur le compte de l'association après dissolution de la société Dak Min L'Entrecôte, la société Locam ne lui a jamais transmis cette demande d'autorisation de prélèvement, caractérisant la mauvaise foi de celle-ci ;

- elle a réglé les loyers de septembre à novembre 2017 par un chèque qui a été encaissé par la société Locam ;

- l'indemnité de résiliation a la nature d'une clause pénale en ce qu'elle a pour unique but de contourner le défaut d'exigibilité des créances ; elle doit être jugée abusive et, en conséquence, réputée non écrite par application de l'article 1171 du code civil ;

- subsidiairement, l'indemnité de résiliation est manifestement excessive et son montant sera ramené à de plus justes proportions ;

- elle sollicite des délais de paiement qui ne sauraient excéder vingt-quatre mois.

Sur ce,

Le contrat de location, que la société Locam produit en original, désigne les biens objets de la location comme étant un pack led et un régulateur varamétrique, et le procès-verbal de livraison et de conformité du 22 juillet 2015 précise la marque et le numéro de série du régulateur. L'association Agape Anjou ne peut donc valablement prétendre que le matériel n'est pas identifié.

Par ailleurs, il résulte de l'article 13 du contrat de location que la société Locam pouvait se prévaloir d'une résiliation « automatique et de plein droit » du contrat en cas de fusion, scission de l'entreprise ou modification de la personne des associés ou de ses dirigeants, de sorte que la résiliation n'apparaît pas résulter de la mauvaise foi du bailleur.

S'agissant des sommes dues, il résulte du décompte actualisé établi par la société Locam, que le paiement de la somme de 990 euros par l'association Agape Anjou a été pris en compte, comme l'a retenu le tribunal.

L'article 13 du contrat de location prévoit qu'en cas de résiliation, le locataire est redevable des loyers impayés majorés d'une clause pénale de 10 %, ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à échoir majorés d'une clause pénale de 10 %.

L'association Agape Anjou demande qu'en application de l'article 1171 du code civil, cette clause soit jugée abusive en ce qu'elle prévoit le paiement des loyers restant à échoir. Cependant, comme l'a exactement jugé le tribunal, ce texte n'est pas applicable au présent contrat, lequel a été signé le 22 juillet 2015 soit antérieurement à l'entrée en vigueur, le 1er octobre 2016, de l'ordonnance n° 2016-313 du 10 février 2016 instaurant l'article 1171 du code civil relatif aux clauses abusives. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Toutefois, la somme égale à la totalité des loyers restant à échoir, qui constitue l'indemnité de résiliation, présente un caractère à la fois indemnitaire, puisqu'elle constitue une évaluation forfaitaire du dommage subi par la société Locam à la suite de la résiliation du contrat, et un caractère comminatoire, son montant élevé ayant pour but de contraindre la société locataire à exécuter le contrat jusqu'à son terme, de sorte qu'elle constitue une clause pénale et non une clause de dédit. Elle est ainsi susceptible de modération si elle est manifestement excessive au regard du préjudice subi par la société Locam.

C'est par de justes motifs que la cour adopte, que le tribunal a retenu que l'association Agape Anjou avait vainement réclamé à la société Locam le formulaire d'autorisation de prélèvement, que l'arrêt des prélèvements n'était donc pas de son fait, et que la société Locam était à l'origine du préjudice qu'elle invoquait pour l'application de la clause pénale, de sorte que l'indemnité de résiliation et la clause pénale devaient être réduites à la somme de 990 euros. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il condamne la société Agape Anjou à payer à la société Locam la somme totale de 1.352 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2017.

Quant à la demande de délais de paiement, l'association Agape Anjou a déjà bénéficié de larges délais compte tenu de la durée de la procédure en appel.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La société Loccam succombant à l'instance d'appel, elle sera condamnée aux dépens d'appel. En équité, chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société Location Automobiles Matériels aux dépens d'appel ;

Dit que chaque partie conserve la charge de ses propres frais irrépétibles au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE                             LA PRÉSIDENTE