TJ PARIS, 11 janvier 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10662
TJ PARIS, 11 janvier 2024 : RG n° inconnu
Publication : Judilibre ; JurisData n° 2024-000051
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS
JUGEMENT DU 11 JANVIER 2024
RÉSUMÉ JURIS-DATA
S’il entre désormais assurément dans les pouvoirs du juge de l’exécution de dire abusive une clause de déchéance du terme telle que celle figurant au contrat litigieux, les arrêts rendus par la Cour de cassation en février et en mars 2023 ne permettent pas de déterminer si le juge de l’exécution doit statuer ainsi dans le dispositif de son jugement lorsque le titre fondant les poursuites est une décision judiciaire équivalente à un jugement contradictoire, en l'espèce une ordonnance d'injonction de payer, ni surtout, dans l’affirmative, quelles conséquences doivent en être tirées.
En effet, les dispositions de l’article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution interdisent au juge de l’exécution de modifier le dispositif d’un tel titre, d’en suspendre l’exécution comme de délivrer un nouveau titre, ce qui implique, en l’état de la jurisprudence de la Cour de cassation, l’interdiction de mettre à néant ce titre, ce qui est ici demandé et aurait pour conséquence de priver rétroactivement de fondement juridique les actes interruptifs de prescription l’ayant suivi, ou de le considérer comme ne permettant l’exécution forcée que pour une somme inférieure à celle qui y figure, ce qui est également demandé, ou encore de rejuger l’affaire au fond pour lui donner une autre solution, ce à quoi tend la demande de cantonnement aux seules échéances impayées du crédit formulée à titre reconventionnel.
La question se pose donc de savoir s’il entre désormais dans les pouvoirs du juge de l’exécution qui déclarerait abusive la clause de déchéance du terme du contrat de consommation ayant donné lieu à la décision de justice fondant les poursuites d’annuler ce titre exécutoire, ou bien de constater qu’il est privé de fondement juridique, spécialement lorsque l’exigibilité de la créance était la condition de la saisine du juge du fond. A la suite de perte de fondement juridique de la déchéance du terme prononcée par le prêteur, conséquence de la disparition de l’ordre juridique de la clause l’ayant permise, le contrat pourrait reprendre son cours, ou inversement se trouver éteint par l’arrivée de son terme. La décision du juge de l’exécution aura donc une incidence sur la recevabilité d’une nouvelle demande en paiement du professionnel, soumise à une prescription biennale, qu’elle soit portée devant lui ou fasse l’objet d’une nouvelle action devant le juge du fond. Si la décision du juge de l’exécution ne devait pas remettre en cause l’existence même du titre exécutoire, la question se pose de savoir si ce juge pourra le modifier à partir des prétentions formulées devant lui par le professionnel, soit en ne le déclarant exécutoire que pour partie, auquel cas le professionnel se verrait, dans l’exécution du titre initial, opposer l’autorité de la chose jugée par le juge de l’exécution, soit en statuant au fond sur une demande en paiement, ce à quoi appellent ici les conclusions du créancier.
Ces questions sont nouvelles, dès lors qu’elles procèdent de l’application des arrêts de la Cour de justice de l’Union du 17 mai 2022 et des arrêts rendus par la Cour de cassation les 8 février et 22 mars 2023. Elles ont vocation à se poser dans de très nombreux litiges, eu égard à la formulation usuelle des clauses de déchéance contenues dans les contrats de consommation antérieurement à ces arrêts et au nombre d'ordonnances portant injonction de payer et de jugements rendus sans examen du caractère abusif de ces clauses.
Il convient en conséquence de solliciter l'avis de la Cour de cassation et de surseoir à statuer jusqu'à la réception de cet avis.