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TJ LYON (ch. 1 cab. 01 A), 7 février 2024

Nature : Décision
Titre : TJ LYON (ch. 1 cab. 01 A), 7 février 2024
Pays : France
Demande : 21/04604
Date : 7/02/2024
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 20/07/2021
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10814

TJ LYON (ch. 1 cab. 01 A), 7 février 2024 : RG n° 21/04604 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « En l’espèce, il résulte des actes de vente que la livraison des lots litigieux devait avoir lieu au plus tard à la fin du quatrième trimestre 2017.

Toutefois, les contrats de vente prévoyaient des causes légitimes de suspension du délai d’achèvement. Les parties aux contrats avaient expressément prévu, pour l’appréciation des évènements constitutifs d’une cause légitime de suspension du délai d’achèvement, de « s’en rapporter dès à présent à un certificat établi par le maître d’œuvre ayant la direction des travaux, sous sa responsabilité, auquel seront joints, le cas échéant, les justificatifs convenus ci-dessus ». Il ne s’agit pas là d’une clause prévoyant une obligation d’information, mais d’une clause relative à la preuve de la cause de suspension du délai d’achèvement. Toutefois, compte-tenu de la personne du maître d’œuvre, qui agit également au nom de la SCI, le tribunal appréciera par lui-même lesdits évènements au regard des pièces produites par les deux parties.

Parmi ces causes figuraient « les intempéries et phénomènes climatiques retenus par le maître d’œuvre et justifiés par les relevés de la station météorologique la plus proche du chantier ». L’attestation du maître d’œuvre fait référence à seize jours d’intempérie de décembre 2017 à août 2018. Il explique avoir pris en considération les arrêts pour intempérie lorsque la vitesse du vent était supérieure à soixante kilomètres par heure (phase gros œuvre), les précipitations supérieures à deux millimètres par jour et la température à 8 heures inférieure à deux degrés. Ces critères apparaissent objectifs et cohérents, car ils permettent d’assurer des conditions de travail satisfaisantes aux ouvriers présents sur le chantier. Ces seize jours d’intempéries, en retenant de tels critères, sont largement justifiés par les relevés météorologiques de la station de [Localité 5]-[Localité 4]. Ces relevés correspondent, selon la SCI, à la station la plus proche du chantier. L’expert judiciaire s’est également basé sur ces relevés, sans indiquer qu’il existait une station météo plus proche du chantier, ce que soutient Madame X., sans apporter d’élément probant en ce sens. Il convient, au regard des pièces fournis, de retenir que le chantier a subi des intempéries pour une durée de seize jours postérieurement à l’acte de vente des immeubles à Madame X.

Par ailleurs, le contrat prévoyait une cause légitime de suspension du délai d’achèvement résultant des « injonctions administratives ou judiciaires de suspendre totalement ou partiellement le chantier ou d’arrêter les travaux, à moins que lesdites injonctions ne soient fondées sur des fautes ou des négligences imputables au vendeur ». Or, le chantier a été arrêté sur décision administrative de l’inspection du travail du 11 août 2017 au 28 novembre 2017, soit cent-dix jours. La SCI produit un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon qui retient la responsabilité de l’Etat en raison de cette décision d’arrêt de chantier, considérée comme injustifiée. Il en résulte que cet arrêt de chantier constitue bien une cause légitime de suspension du délai d’achèvement du chantier.

Ainsi, la SCI CHEMINS DES BALMES est fondée à se prévaloir de causes légitimes d’arrêt de chantier d’une durée totale de cent vingt-six jours.

Le contrat de vente prévoyait, en outre, qu’en cas de survenance de telles causes de suspension légitimes « l’époque prévue pour l’achèvement des travaux serait différée d’un temps égal à deux fois celui pendant lequel l’évènement considéré aurait mis obstacle directement ou par ses répercussions à la poursuite des travaux, majoré d’un mois pour tenir compte de leurs conséquences sur l’organisation générale du chantier. » Cette clause, qui permet de prendre en considération la survenance de la cause légitime de suspension, mais aussi le temps nécessaire à la réorganisation des travaux, ne crée pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et en conséquence ne sera pas réputée non écrite. En effet, la SCI CHEMINS DES BALMES justifie d’ailleurs que l’arrêt de chantier prolongé faisant suite à la décision administrative a bien eu des conséquences en termes de réorganisation de chantier.

La SCI CHEMINS DES BALMES peut donc légitimement se prévaloir d’une suspension de chantier de 282 jours (110 + 16 x 2+30).

Or, l’immeuble, qui devait initialement être livré le 31 décembre 2017, aurait pu être livré le 24 septembre 2018, soit avec 267 jours de retard. Il est à noter que le retard supplémentaire dans la livraison est imputable à Madame X. qui n’avait pas régler les factures d’achèvement des travaux, raison pour laquelle la livraison a finalement été retardée au 11 octobre 2018.

En conséquence, la demande de Madame X. au titre des indemnités de retard prévues au contrat sera rejetée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON

CHAMBRE 1 CAB 01 A

JUGEMENT DU 7 FÉVRIER 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/04604. N° Portalis DB2H-W-B7F-V775.

LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, en son audience de la Chambre 1 cab 01 A du 7 février 2024, le jugement contradictoire suivant, après que l’instruction eût été clôturée le 10 mai 2023,

Après rapport de Joëlle TARRISSE, Juge, et après que la cause eût été débattue à l’audience publique du 06 Décembre 2023, devant :

Président : Lise-Marie MILLIERE, Vice-présidente

Assesseurs : Joëlle TARRISSE, Juge

Assistés de Danièle TIXIER, Greffière présente lors des débats, Julie MAMI, Greffière présente lors du prononcé

et après qu’il en eût été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats, dans l’affaire opposant :

 

DEMANDERESSE :

SCI CHEMIN DES BALMES

dont le siège social est sis [Adresse 2], représentée par Maître Solenne MORIZE, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 2971

 

DÉFENDERESSE :

Madame X.

née le [date] à [Localité 6], demeurant [Adresse 1], représentée par Maître Shanie ELJERRAT, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1387

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par actes notariés en date du 3 août 2017, la société civile immobilière (SCI) CHEMINS DES BALMES a vendu à Madame X. deux lots d’habitation en l’état de futur achèvement, au sein d’un ensemble immobilier nommé « [Adresse 7] », situé [Adresse 3] à [Localité 8] :

- un appartement type 1 et une place de stationnement extérieure au prix de 98.330 euros. Madame X. a payé, le jour de la vente, la somme de 34.415,50 euros correspondant à 35 % du prix de vente. Le solde était payable par tranches successives correspondant à la phase hors d’eau et hors d’air (35 %, soit 34.415,50 euros), à l’achèvement des travaux (25 %, soit 24.572,50 euros) et à la levée contradictoire de réserves (5%, soit 4.916,50 euros) ;

- un appartement type 3 et une place de stationnement en sous-sol au prix de 207.000 euros. Madame X. a payé, le jour de la vente, la somme de 72.450 euros correspondant à 35% du prix de vente. Le solde était payable par tranches successives correspondant à la phase hors d’eau et hors d’air (35 %, soit 72.450 euros), à l’achèvement des travaux (25 %, soit 51.750 euros) et la levée contradictoire de réserves (5 %, soit 10.350 euros).

La livraison était prévue pour la fin du quatrième trimestre 2017, soit au plus tard le 31 décembre 2017.

Le 10 août 2017, le chantier a fait l’objet d’une décision de fermeture administrative de la part de l’inspection du travail, jusqu’au 28 novembre 2017. Le chantier a subi également des arrêts de chantier pour intempéries.

La SCI CHEMIN DES BALMES a successivement informé Madame X. d’un report de livraison à la fin du premier trimestre 2018, puis d’un second report de livraison au 30 août 2018.

La livraison des immeubles prévue le 24 septembre 2018 a été reportée, afin de permettre à Madame X. de payer les factures au titre de l’achèvement des travaux. Les immeubles ont finalement été livrés le 11 octobre 2018, sans que l’acquéreuse ne se soit acquittée de la somme de 24.582,50 euros correspondant à l’achèvement de l’appartement T1, de la somme de 1.006 euros correspondant à la plus-value pour la pause de la cuisine du T1 ainsi que de la somme de 1.236 euros correspondant à la plus-value de la cuisine du T3.

Madame X. a émis diverses réserves et a retenu le paiement de la somme de 4.916 euros correspondant aux réserves non levées.

Le 22 octobre 2018, Madame X. a mis en demeure la SCI CHEMIN DES BALMES de procéder à :

« - une indemnisation au titre des préjudices subis du fait des retards de livraison (pertes locatives et clause pénale contractuelle) ;

- la levée des réserves visées aux deux procès-verbaux du 11 octobre 2018 ;

- la livraison du stationnement en sous-sol (lot 17) à la dimension contractuellement prévue ;

- la réalisation des travaux pour lesquels la SCI CHEMIN DES BALMES s’est engagée le 1er août 2017 (équiper le stationnement en sous-sol lot n° 17 d’une porte de garage basculante et fermer le balcon du lot n° 5 (T1) côté [Adresse 9] par une baie vitrée). »

La SCI CHEMIN DES BALMES a reconnu que la place de parking intérieure n’était pas conforme aux stipulations contractuelles et a proposé à titre d’indemnisation une seconde place de parking à Madame X.

Par courrier en date du 30 juillet 2019, Madame X. a une nouvelle fois mis en demeure la SCI CHEMIN DES BALMES en proposant la compensation des sommes qu’elle restait lui devoir au titre des ventes avec le préjudice qu’elle soutenait avoir subi du fait des retards de livraison.

Par courrier en date du 2 août 2019, la SCI CHEMIN DES BALMES a refusé cette compensation, au motif que le retard de livraison ne lui était pas imputable.

Par acte d’huissier de justice en date du 4 novembre 2019, la SCI CHEMIN DES BALMES a assigné Madame X. devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon aux fins d’obtenir une provision.

Par acte d’huissier de justice en date du 7 novembre 2019, Madame X. a assigné la SCI CHEMIN DES BALMES devant le même juge des référés aux fins d’obtenir également une provision, mais aussi qu’il lui soit fait injonction de procéder aux travaux de levée des réserves, de livrer le stationnement en sous-sol à la dimension contractuellement prévue et équipé d’une porte de garage basculante ainsi que de fermer le balcon du T1 par une baie vitrée. Subsidiairement, Madame X. a sollicité du juge des référés l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire.

Par ordonnance en date du 8 décembre 2020, le juge des référés a débouté la SCI CHEMINS DES BALMES de sa demande de provision. Il a également débouté Madame X. de ses demandes principales et a désigné Monsieur Y. en qualité d’expert aux fins de décrire les réserves existantes, d’établir les responsabilités, d’indiquer les travaux nécessaires pour les résoudre, de donner tout élément permettant d’apprécier les préjudices subis par Madame X. et d’en proposer une évaluation chiffrée, de faire le compte entre les parties.

L’expert a déposé son rapport le 31 mai 2021.

A défaut d’accord entre les parties, la SCI CHEMINS DES BALMES a, par acte d’huissier de justice en date du 20 juillet 2021, assigné Madame X. devant le tribunal judiciaire de Lyon. L’assignation a été enrôlée sous le numéro RG 21/04604.

Madame X. a quant à elle assigné la SCI CHEMINS DES BALMES devant ce même tribunal, par acte d’huissier de justice en date du 25 octobre 2021. L’assignation a été enrôlée sous le numéro RG 21/07037.

Par ordonnance en date du 17 février 2022, le juge de la mise en état a ordonné la jonction desdites procédures

Par ordonnance rendue le 8 décembre 2022, le juge de la mise en état, saisi par conclusions d’incident de la SCI CHEMINS DES BALMES a rejeté sa demande de provision.

[*]

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 5 avril 2023, la SCI CHEMINS DES BALMES sollicite du tribunal de voir :

- CONDAMNER Madame X. à verser la somme de 24.582,50 au titre de la facture d’achèvement concernant l’appartement T1, outre intérêts de retard,

- CONDAMNER Madame X. à verser la somme de 344,16 € à la SCI CHEMIN DES BALMES au titre des intérêts de retard de la somme de 34 415,50 € due au titre de l’appel de fonds hors d’air hors d’eau réglée avec un mois de retard,

- CONDAMNER Madame X. à verser la somme de 1.006 € au titre de la facture de cuisine pour l’appartement T1 outre intérêts de retard,

- CONDAMNER Madame X. à verser la somme de 4.916,50 € au titre des réserves levées contradictoirement le 23 juin 2021, outre intérêts de retard,

- CONDAMNER Madame X. à verser la somme de 1.236 € au titre de la cuisine T2 outre intérêts de retard,

- PRENDRE ACTE de ce qu’elle se reconnaît redevable de la somme de 4.600 € à l’égard de Madame X. au titre du portail du garage,

- ORDONNER la compensation des dettes respectives des parties,

Concernant les demandes de Madame X. :

- JUGER qu’elle justifie de 114 jours de retard légitimes pour cause d’intempérie,

- JUGER qu’elle justifie de 200 jours de retard légitimes du fait de l’arrêt administratif du chantier non imputable à la SCI CHEMIN DES BALMES,

- JUGER en conséquence qu’il n’y a pas lieu à application de la clause indemnitaire en cas de retard de livraison du chantier,

- JUGER PRESCRITES les actions tendant à la reprise de la fissure sur le relevé du balcon côté cour, la réalisation de la loggia du T3, le remplacement du vitrage rayé porte fenêtre accès petite terrasse, la fourniture et la pose d’une porte du garage, ces désordres apparents n’ayant pas été dénoncés dans le délai d’un mois à compter de la livraison,

- JUGER FORCLOSE l’action de Madame X. tendant à se faire indemniser un préjudice lié à la non-levée des réserves « peinture sous face du balcon » et fermeture extérieur T1,

- JUGER également qu’aucun document contractuel ne lui impose la réalisation d’une fermeture extérieure du T1,

- JUGER que Madame X. ne peut se prévaloir d’aucun préjudice de jouissance lié à la réalisation des travaux de reprise,

En conséquence,

- DEBOUTER Madame X. de l’intégralité de ses demandes,

- CONDAMNER Madame X. à lui verser la somme de 10.000 € au titre de sa résistance abusive à paiement qui dure depuis 4 ans,

- CONDAMNER Madame X. à lui verser la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNER Madame X. aux entiers dépens de l’instance.

Pour conclure au rejet des demandes indemnitaires de Madame X. concernant le retard de livraison, la SCI CHEMIN DES BALMES se prévaut des stipulations contractuelles prévoyant des causes légitimes de suspension du délai de livraison.

Elle précise que la clause prévoyant cette suspension n’est pas abusive en ce qu’elle ne crée pas un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations de parties.

Elle ajoute avoir respecté son obligation d’informer les acquéreurs des causes légitimes de retard.

Concernant la suspension administrative du chantier, la SCI CHEMIN DES BALMES souligne que la cour administrative d’appel a, par arrêt en date du 27 janvier 2022, retenu la responsabilité de l’Etat dans l’arrêt administratif litigieux.

Elle ajoute qu’aucune faute ne peut lui être reprochée, puisque son maître d’œuvre a rempli ses obligations administratives et que les personnes qualifiées, dont l’inspection du travail, n’ont émis aucune réserve sur le projet. Elle précise par ailleurs, que les câbles électriques jugés trop proches des ouvriers par l’inspection du travail n’étaient pas nus et que les distances prescrites par l’article R. 4534-108 du code du travail n’étaient pas applicables.

Concernant la cause d’intempérie, elle souscrit à l’évaluation de l’expert pour l’année 2017, mais précise avoir également subi des intempéries en 2018.

Elle en conclu qu’il convient de retenir, conformément aux dispositions contractuelles, un retard légitime de 251 jours.

Elle ajoute que la date de livraison avait été initialement convenue au 24 septembre 2018 et qu’elle a été retardée par la faute de Madame X., qui ne s’était pas acquittée des sommes dues.

Concernant la demande de Madame X. au titre de la perte des loyers, elle relève que le contrat prévoyait une interdiction pour l’acquéreur de consentir un bail sur l’immeuble, sans l’autorisation du vendeur, avant de s’être entièrement libéré de son prix d’acquisition.

Pour conclure au rejet de la demande au titre des crédits remboursés, elle souligne qu’ils n’ont pas été remboursés à perte.

Au soutien de sa demande en paiement, la SCI CHEMIN DES BALMES fait valoir qu’en vertu du contrat signé, Madame X. ne pouvait pas s’opposer au paiement des sommes dues au titre de l’achèvement des travaux et des plus-values concernant les cuisines. Elle ajoute que la somme de 4.916,40 euros est due depuis la levée des réserves le 23 juin 2021.

Elle réfute le fait que la mention de contestations sérieuses à sa demande en paiement dans la décision du juge des référés entraine la suspension des intérêts de retard.

Pour conclure au rejet des demandes relatives aux travaux de levés de réserves, elle souligne qu’une partie de ces réserves ont été levées, qu’une autre partie n’a pas été retenue par l’expert, que d’autres encore n’ont pas été déclarées dans le mois suivant la livraison. Elle souligne à ce titre que Madame X. est forclose concernant les réserves non levées, n’ayant pas agi dans l’année suivant la livraison de l’immeuble.

Pour conclure au débouté concernant le préjudice de jouissance, elle rappelle que Madame X. n’occupe pas les logements litigieux.

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, elle fait valoir que la résistance de Madame X. l’a placée dans une situation très précaire. En effet, elle lui reproche de n’avoir pas même consigné ou séquestré les sommes dues, alors qu’elle a mis en location les appartements et qu’elle use du dispositif PINEL sur la base des prix de vente depuis octobre 2018.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 2 mars 2023, Madame X. demande au tribunal de :

- DIRE ET JUGER qu’elle est recevable à agir en indemnisation et réparation des désordres sur les parties communes à usage privatif ;

- REJETER les conclusions adverses contraires sur ce point ;

- REJETER les forclusions soulevées par la SCI CHEMIN DES BALMES ;

- CONDAMNER la SCI CHEMIN DES BALMES à lui verser, les sommes suivantes :

12 990 € au titre des pertes locatives liées au retard de livraison des lots objets des deux ventes en l’état futur d’achèvement du 3 août 2017, 28.300 € au titre de l’application de la clause pénale contractuelle visée aux actes d’achat, 6.151,54 euros au titre du montant des crédits remboursés à perte et lié au retard de livraison, 8.389,20 euros au titre des travaux de levée des réserves,500 euros au titre de son préjudice de jouissance, 4.600 euros au titre du préjudice subi du fait de son impossibilité d’utiliser le stationnement,

- DIRE et JUGER qu’aucun intérêt de retard ni aucune pénalité contractuelle ne pourra affecter les sommes qui seraient dues par elle à la SCI CHEMIN DES BALMES ;

- ORDONNER la compensation entre les sommes dues par la SCI CHEMIN DES BALMES et celles qui seraient dues par elle ;

- REJETER la demande formée par la SCI CHEMIN DES BALMES au titre de sa prétendue résistance abusive ;

- REJETER toutes demandes et conclusions contraires ;

- CONDAMNER la SCI CHEMIN DES BALMES à lui verser à la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER la SCI CHEMIN DES BALMES aux entiers dépens de la présente instance et de celle de référé comprenant les frais d’expertise judiciaire.

Au soutien de ses demandes indemnitaires, Madame X. fait valoir que les causes invoquées par le constructeur pour repousser la livraison ne constituent pas des causes légitimes de suspension du délai de livraison car elles étaient prévisibles et qu’il n’est pas justifié, concernant les intempéries, qu’elles aient pu retarder la livraison.

En outre, elle expose que le vendeur n’a pas respecté ses obligations en ne joignant à ses courriers d’informations ni le certificat du maître d’œuvre, ni les justificatifs nécessaires. Elle précise que l’attestation du maître d’œuvre n’est pas probante puisqu’elle émane du gérant de la SCI CHEMIN DES BALMES. Elle reproche encore à la SCI CHEMIN DES BALMES de ne pas avoir joint la prétendue décision d’arrêt de travaux. Elle expose que le retard de livraison est en réalité dû aux travaux en sous-sol qui étaient parfaitement prévisibles.

Elle ajoute que la SCI n’a pas non plus joint de justificatifs relatifs aux intempéries et que les relevés météorologiques finalement produits sont trop éloignés du chantier et ne rapportent pas la preuve d’un des quatre critères prévus par la clause.

Par ailleurs, elle soutient que la clause prévoyant une majoration des jours de retard de livraison pour intempérie est abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Concernant le préjudice, elle indique que les achats avaient pour finalité un investissement locatif et qu’elle a donc subi un préjudice lié à la perte locative. Elle précise que la clause prévue en page six du contrat n’empêche pas l’indemnisation des préjudices subis du fait du retard de livraison et qu’elle ne s’applique pas en cas d’exception d’inexécution. Elle ajoute que la SCI CHEMINS DES BALMES a été informée de la mise en location et ne s’est y jamais opposée.

Elle expose encore avoir remboursé une partie de son crédit à perte pendant la période durant laquelle elle remboursait son crédit pour l’acquisition des biens, sans contrepartie.

Elle se prévaut également de la clause pénale prévue au contrat. Elle précise qu’il faut prendre en compte la date de livraison effective du bien, soit le 11 octobre 2018 et non le 24 septembre précédent.

Au soutien de sa demande relative à la levée des réserves, au visa de l’article 1642-1 alinéa 1 du code civil, elle fait valoir que certaines ne sont pas encore levées. Elle relève que certaines réserves ont été signalés au moment de l’introduction de la procédure en référé qui a été initiée dans l’année suivant la livraison. Elle précise avoir la qualité pour agir concernant les réserves relatives aux parties communes à usage privatif.

Pour conclure au rejet des prétentions de la SCI CHEMINS DES BALMES, Madame X. fait valoir que les sommes sollicitées par la SCI n’ont pas été réglées compte tenu des réserves non levées et de la procédure judiciaire diligentée. Elle souligne que le juge des référés a rejeté la demande de règlement du solde du prix de vente et des sommes dues au titre des travaux des cuisines en considérant qu’elle était bien fondée à suspendre le versement du solde du prix. Elle considère que les sommes demandées ne sont toujours pas exigibles en raison des réserves non levées. Elle en conclut qu’aucune pénalité de retard ne peut s’appliquer dans ces conditions. Elle ajoute qu’il ne peut davantage lui être imputé le retard de paiement dû au long délai de procédure pour voir trancher le litige.

Au soutien du rejet des demandes au titre de la résistance abusive, elle expose que cette demande est infondée et injustifiée.

[*]

La clôture de l’instruction est intervenue le 4 mai 2023 par ordonnance du 10 mai 2023.

L’affaire a été examinée à l’audience du 6 décembre 2023 et le jugement a été mis en délibéré au 7 février 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

Sur l’étendue de la saisine :

Les demandes de « constater » et de « donner acte » ne sont pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile, pas plus que les demandes de « dire et juger » lorsqu’elles développent en réalité des moyens. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur ces demandes dont le tribunal n’est pas saisi.

En outre, en vertu de l’article 768 du code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.

 

Sur la demande en paiement de la SCI CHEMIN DES BALMES :

Au titre de la facture d’achèvement

L’article 1103 du code civil dispose que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

Aux termes de l’article 1219 du même code « une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. »

L’article 1220 du code civil dispose qu’une « partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. »

En application de l’article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

En l’espèce, le contrat prévoyait le paiement de la somme de 24.282,50 euros dans le cadre de la vente du T1 à l’achèvement de l’immeuble.

Si, aux termes du contrat de vente, le reliquat du prix, soit la somme de 4.916,50 euros, pouvait être retenu par l’acquéreur tant que les réserves n’étaient pas levées, ce n’était pas le cas de la somme liée à l’achèvement des travaux.

Le retard dans la livraison a entrainé de fait un retard dans l’exigibilité de la somme due au titre de l’achèvement des travaux. Toutefois, au moment où la somme était exigée, l’immeuble était achevé, la somme était donc exigible.

Dès lors, si le retard dans la livraison de l’immeuble pouvait ouvrir droit à des indemnités de retard, Madame X. n’était pas fondée à retenir la somme due au titre de l’achèvement des travaux en anticipation d’une compensation éventuelle de créance.

De même, le rejet des demandes par le juge des référés, motivé par l’existence d’une contestation sérieuse, n’entrainait pas suspension de l’exigibilité de la somme due en vertu du contrat de vente.

En l’absence de mise en demeure de Madame X. antérieure à l’assignation, la SCI CHEMIN DES BALMES ne se prévalant pas des dispositions contractuelles prévoyant des intérêts de retard spécifiques, les intérêts, au taux légal, seront dus à compter de l’assignation.

En conséquence, Madame X. sera condamnée à payer à la SCI CHEMINS DES BALMES la somme de 24.582,50 euros au titre de la facture d’achèvement du T1, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation.

Au titre des intérêts de retard de la somme de 34 415,50 € due au titre de l’appel de fonds hors d’air hors d’eau

En application de l’article 753 du code de procédure civile, le tribunal n'examine les moyens au soutien des prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion de leurs dernières conclusions.

En l’espèce, si l’expert retient, au titre des sommes dues par Madame X. des intérêts de retard de 344,16 euros liés au retard d’un mois dans le paiement de la somme de 34.415,50 euros, en application de la clause contractuelle prévoyant des indemnités de retard de 1%, alors que la SCI CHEMINS DES BALMES produit un tableau d’état des paiements faisant état d’un retard de paiement d’un mois dans ce paiement, force est de constater que dans la discussion de ses dernières conclusions, la SCI demanderesse n’expose pas les moyens de fait et de droit sur lesquels elle appuie cette demande.

Elle n’explique pas non plus pourquoi elle expose cette demande sur ce retard en particulier, alors qu’elle ne formule pas une demande identique au titre du retard dans le paiement de la facture hors d’eau hors d’air concernant le T3, évalué également par l’expert.

Il convient enfin de souligner que la demanderesse se contente de demander des intérêts de retard pour le reste de ses demandes, en particulier pour la somme de 24.582,50 euros toujours due par Madame X., sans se prévaloir de la clause contractuelle prévoyant les intérêts de retard à laquelle fait référence l’expert, ces intérêts constituant dès lors exclusivement les intérêts au taux légal à compter de l’assignation.

En conséquence, la demande de la SCI CHEMINS DES BALMES sera rejetée.

 

Au titre des réserves levées contradictoirement :

En l’espèce, il résulte du contrat de vente du T1 que l’acquéreur pouvait retenir la somme de 4.916,50 euros jusqu’à la levée des réserves contradictoires émises lors de la livraison de l’immeuble.

La SCI CHEMIN DES BALMES produit l’état des lieux contradictoire réalisé lors de la livraison le 11 octobre 2018 faisant apparaitre un certain nombre de réserves.

Suite à sa visite des appartements l’expert judiciaire a noté certains défauts, relevant selon lui de réserves de livraison.

Concernant le T1, il note une fissure sur la jonction du seuil de la porte fenêtre de la terrasse et deux petits éclats à boucher sur les deux portes de placard de la cuisine.

Ces réserves ne font pas parties de celles émises lors de la livraison de l’appartement.

Par ailleurs, Madame X. confirme dans ses écritures que la défenderesse est intervenue, postérieurement à l’expertise, pour changer les portes de placard de la cuisine et refaire le seuil en béton du T1.

Ainsi, toutes les réserves, tant celles retenues par l’expert, que celle présentes dans l’état des lieux contradictoire, ont été levées concernant le T1.

En conséquence, Madame X. sera condamnée à payer à la SCI CHEMIN DES BALMES la somme de 4.916,50 euros au titre de la facture de levée de réserve, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation.

 

Au titre de la facture de cuisine pour l’appartement T1

En l’espèce, la SCI CHEMINS DES BALMES justifie l’accord de Madame X. de faire poser une cuisine pour un montant de 1.006 euros par la production d’un devis signé. Madame X. ne conteste ni l’exigibilité, ni le montant ce cette dette.

En conséquence, Madame X. sera condamnée à payer la SCI CHEMIN DES BALMES la somme de 1.006 euros à ce titre, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation.

 

Au titre de la facture de cuisine pour l’appartement T3

En l’espèce, la SCI justifie de l’accord de Madame X. pour faire poser une cuisine d’une valeur de 1.236 euros par la production d’un devis signé. Madame X. ne conteste ni l’exigibilité, ni le montant de cette dette.

En conséquence, elle sera condamnée à payer la SCI CHEMIN DES BALMES la somme de 1.236 euros à ce titre, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation.

 

Sur les demandes en paiement de Madame X. :

Sur les demandes de dommages et intérêts au titre des préjudices liés au retard dans la livraison :

En application de la clause contractuelle prévoyant des indemnités de retard :

L’article 1103 du code civil dispose que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

En application de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur d’une obligation est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Aux termes de l’article L. 212-1 du code de la consommation « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission des clauses abusives, détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.

Un décret pris dans les mêmes conditions, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.

Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies. »

En l’espèce, il résulte des actes de vente que la livraison des lots litigieux devait avoir lieu au plus tard à la fin du quatrième trimestre 2017.

Toutefois, les contrats de vente prévoyaient des causes légitimes de suspension du délai d’achèvement.

Les parties aux contrats avaient expressément prévu, pour l’appréciation des évènements constitutifs d’une cause légitime de suspension du délai d’achèvement, de « s’en rapporter dès à présent à un certificat établi par le maître d’œuvre ayant la direction des travaux, sous sa responsabilité, auquel seront joints, le cas échéant, les justificatifs convenus ci-dessus ».

Il ne s’agit pas là d’une clause prévoyant une obligation d’information, mais d’une clause relative à la preuve de la cause de suspension du délai d’achèvement.

Toutefois, compte-tenu de la personne du maître d’œuvre, qui agit également au nom de la SCI, le tribunal appréciera par lui-même lesdits évènements au regard des pièces produites par les deux parties.

Parmi ces causes figuraient « les intempéries et phénomènes climatiques retenus par le maître d’œuvre et justifiés par les relevés de la station météorologique la plus proche du chantier ».

L’attestation du maître d’œuvre fait référence à seize jours d’intempérie de décembre 2017 à août 2018. Il explique avoir pris en considération les arrêts pour intempérie lorsque la vitesse du vent était supérieure à soixante kilomètres par heure (phase gros œuvre), les précipitations supérieures à deux millimètres par jour et la température à 8 heures inférieure à deux degrés.

Ces critères apparaissent objectifs et cohérents, car ils permettent d’assurer des conditions de travail satisfaisantes aux ouvriers présents sur le chantier. Ces seize jours d’intempéries, en retenant de tels critères, sont largement justifiés par les relevés météorologiques de la station de [Localité 5]-[Localité 4].

Ces relevés correspondent, selon la SCI, à la station la plus proche du chantier. L’expert judiciaire s’est également basé sur ces relevés, sans indiquer qu’il existait une station météo plus proche du chantier, ce que soutient Madame X., sans apporter d’élément probant en ce sens.

Il convient, au regard des pièces fournis, de retenir que le chantier a subi des intempéries pour une durée de seize jours postérieurement à l’acte de vente des immeubles à Madame X..

Par ailleurs, le contrat prévoyait une cause légitime de suspension du délai d’achèvement résultant des « injonctions administratives ou judiciaires de suspendre totalement ou partiellement le chantier ou d’arrêter les travaux, à moins que lesdites injonctions ne soient fondées sur des fautes ou des négligences imputables au vendeur ».

Or, le chantier a été arrêté sur décision administrative de l’inspection du travail du 11 août 2017 au 28 novembre 2017, soit cent-dix jours.

La SCI produit un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon qui retient la responsabilité de l’Etat en raison de cette décision d’arrêt de chantier, considérée comme injustifiée.

Il en résulte que cet arrêt de chantier constitue bien une cause légitime de suspension du délai d’achèvement du chantier.

Ainsi, la SCI CHEMINS DES BALMES est fondée à se prévaloir de causes légitimes d’arrêt de chantier d’une durée totale de cent vingt-six jours.

Le contrat de vente prévoyait, en outre, qu’en cas de survenance de telles causes de suspension légitimes « l’époque prévue pour l’achèvement des travaux serait différée d’un temps égal à deux fois celui pendant lequel l’évènement considéré aurait mis obstacle directement ou par ses répercussions à la poursuite des travaux, majoré d’un mois pour tenir compte de leurs conséquences sur l’organisation générale du chantier. »

Cette clause, qui permet de prendre en considération la survenance de la cause légitime de suspension, mais aussi le temps nécessaire à la réorganisation des travaux, ne crée pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et en conséquence ne sera pas réputée non écrite. En effet, la SCI CHEMINS DES BALMES justifie d’ailleurs que l’arrêt de chantier prolongé faisant suite à la décision administrative a bien eu des conséquences en termes de réorganisation de chantier.

La SCI CHEMINS DES BALMES peut donc légitimement se prévaloir d’une suspension de chantier de 282 jours (110+16x2+30).

Or, l’immeuble, qui devait initialement être livré le 31 décembre 2017, aurait pu être livré le 24 septembre 2018, soit avec 267 jours de retard. Il est à noter que le retard supplémentaire dans la livraison est imputable à Madame X. qui n’avait pas régler les factures d’achèvement des travaux, raison pour laquelle la livraison a finalement été retardée au 11 octobre 2018.

En conséquence, la demande de Madame X. au titre des indemnités de retard prévues au contrat sera rejetée.

 

En réparation des autres préjudices lié au retard

En application de l’article 1231-3 du code civil, le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive.

En l’espèce, la SCI CHEMIN DES BALMES, en livrant les immeubles dans le délai d’achèvement prévu au contrat, augmenté d’un délai de suspension prévu également au contrat, a respecté ses obligations contractuelles.

Madame X., ne pouvant se prévaloir d’une faute ou d’un retard dans l’exécution de ses obligations par son co-contractant, n’est donc pas fondée à demander la réparation de son préjudice lié au retard dans la livraison.

En conséquence, il y a lieu de rejeter les demandes indemnitaires formulées par Madame X. en lien avec le retard dans la livraison.

 

Sur la demande relative à la levée des réserves :

Il résulte de la combinaison des articles 1648 et 1642-1 du code civil que l’action résultant des vices de construction ou des défauts de conformité apparents doit être intentée par l’acquéreur dans l’année qui suit l’expiration d’un délai d’un mois après la prise en possession par l’acquéreur.

En l’espèce, il a déjà été jugé que les réserves concernant le T1 ont toutes été levées.

Concernant le T3, l’expert judiciaire a noté certains défauts, relevant selon lui de réserves de livraison :

Fissure sur le relevé du balcon côté cour, Plafond du balcon côté cour à reprendre, Loggia non fermée côté rue (soumis à l’accord de la ville) Manquent les joints portes intérieurs, Porte WC à étalonner, Tirette de la bouche VMC à changer, Plan de travail de la cuisine à fixer, Manque la porte du garage au sous-sol.

Or, seules les réserves concernant le plafond du balcon côté cour « à reprendre », l’absence de joints sur les portes intérieurs (5 portes) et le défaut concernant la VMC « tirette de la bouche VMC à changer » (s’agissant des WC), figurent sur l’état des lieux contradictoire établit à la livraison de l’immeuble.

Les autres réserves présentes sur l’état des lieux de sortie seront donc considérées comme levées par la SCI CHEMIN DES BALMES, postérieurement à la livraison.

Madame X. confirme l’intervention de la SCI DES BALMES concernant la VMC du T3, le joint des portes intérieures et le ponçage des portes, ainsi que la fixation des plans de travail. Elle indique cependant que la peinture du plafond du balcon côté cour est toujours à reprendre.

Concernant cette réserve, la SCI CHEMINS DE BALMES justifie être intervenue postérieurement à l’expertise au moyen de la production d’une facture en date du 11 juin 2021, tout en reconnaissant la persistance de défauts esthétiques.

A ce titre, la SCI CHEMINS DES BALMES ne démontre pas qu’une reprise supplémentaire risquerait d’aggraver le problème comme elle le prétend.

La réserve liée au défaut de la peinture est par définition un défaut esthétique, la SCI CHEMINS DES BALMES ne saurait néanmoins être déchargée au motif que la réserve contenue dans le procès-verbal de livraison, non levée à ce jour, n’aurait que des conséquences esthétiques.

En outre, Madame X. a été livrée le 10 octobre 2018 et a intenté une action devant le juge des référés, en vue d’obtenir notamment la levée de cette réserve, le 7 novembre 2019, soit moins d’un an suivant le mois de la livraison. Elle n’est donc pas forclose.

Cette réserve, présente au procès-verbal de réception du 11 octobre 2018, reste donc à lever. Madame X. décharge cependant la SCI CHEMIN DES BALMES de l’obligation d’effectuer la levée de cette réserve en demandant l’allocation d’une somme d’argent afin de faire réaliser les travaux elle-même. Elle produit à ce titre un devis de l’entreprise Perrier duquel il ressort un coût des travaux de peinture de 439 euros hors taxe, soit 526,80 euros toutes taxes comprises.

La SCI CHEMIN DES BALMES sera donc condamnée à payer cette somme à Madame X.

Concernant les autres réserves relevées par l’expert et dont Madame X. sollicite la levée, force et de constater qu’elles n’ont pas été déclarées, ni au moment de la livraison, ni dans le mois suivant celle-ci. Madame X. sera donc déboutée de ses demandes aux titres de celles-ci.

Concernant le remplacement du vitrage rayé de la porte fenêtre d’accès à la petite terrasse et la fermeture extérieure du T1 (brise vue, barrière extérieure), ces défauts n’ont pas été retenus par l’expert comme étant des réserves de livraison et n’apparaissent pas dans le procès-verbal de réception de l’immeuble. Madame X. ne démontre donc pas que ces défauts seraient constitutifs de réserves non levées et sera déboutée de ses demandes à ce titre.

Concernant la réalisation de la loggia du T3 et de la fourniture d’une porte de garage basculante, elle se prévaut d’un engagement unilatéral, antérieur à la vente, de la SCI CHEMIN DES BALMES d’effectuer ces modifications à ses frais.

S’agissant de la porte basculante, il résulte du courrier daté du 1er août 2017 que la SCI CHEMINS DES BALMES s’est engagée à équiper le stationnement en sous-sol d’une telle porte. Toutefois, le stationnement en sous-sol ayant une dimension inférieure à celle prévue contractuellement, Madame X. a écrit, par mail en date du 28 juin 2021, qu’elle ne souhaitait pas voir fermer le garage au motif que cela lui ferait perdre encore huit centimètres de largeur. Ainsi, Madame X. ayant demandé à la SCI CHEMINS DES BALMES de ne pas respecter son engagement unilatéral et de ne pas réaliser les travaux, elle n’est pas fondée à solliciter la condamnation de la SCI à ce titre.

S’agissant de la fermeture du balcon côté [Adresse 9], la SCI CHEMIN DES BALMES s’était engagée à introduire une demande de modification de permis de construire et à réaliser, le cas échéant, la prestation à leurs frais. Elle n’a finalement pas sollicité cette modification du permis de construire. Elle explique que le notaire a refusé de prendre en compte cet engagement unilatéral, nécessitant l’approbation de l’assemblée générale.

L’expert a souligné que la SCI maintenait son engagement de réaliser les travaux à ses frais si Madame X., désormais propriétaire et donc seule en capacité de solliciter une modification du permis de construire, obtenait l’accord de la collectivité locale.

Ainsi, si elle n’a pas respecté son engagement de solliciter une modification du permis de construire, ce qui a privé Madame X. d’une chance d’obtenir la fermeture du balcon à leur frais, force est de constater que la défenderesse ne produit aucune pièce permettant au tribunal d’apprécier les chances d’obtenir l’autorisation d’une telle fermeture. Elle ne justifie notamment pas avoir obtenu, ni même sollicité, l’accord de la copropriété pour cette fermeture, ni un permis de construire modificatif.

Madame X. sollicite donc le paiement de travaux qui sont en l’état impossible à réaliser en l’absence de modification du permis de construire, ni d’autorisation de la copropriété. En conséquence, elle sera également déboutée de cette demande.

En outre, Madame X. sollicite, au titre de la levée des réserves, la fermeture du jardin par un muret d’un mètre, un grillage et une haie végétale. Le plan de masse prévoyait bien la réalisation d’un muret d’un mètre de hauteur, ainsi que la pose d’un grillage et d’une haie végétale entre le jardin privatif de l’appartement T1 et le parking côté cour de l’immeuble. L’expert n’a pas noté d’anomalie concernant cette fermeture et ce muret, ce grillage et cette haie apparaissent sur les photographies prises côté cour par l’expert. Madame X. sera donc également déboutée de cette demande.

Elle sera également déboutée de sa demande de remboursement d’une facture concernant la crédence de la cuisine du T3 qui ne correspond à aucune réserve émise.

En conséquence, il y a lieu de condamner la SCI CHEMIN DES BALMES à payer à Madame X. la somme de 526,80 euros au titre de la levée de la réserve subsistante.

 

Sur le préjudice de jouissance :

Les travaux qui devront être réalisés dans le cadre des réserves non levées constituent uniquement des travaux de peinture sur une partie extérieure du logement.

Madame X. ne justifie ni que la réalisation de ces travaux troublera la jouissance de l’immeuble, ni qu’elle s’est engagée à rembourser une partie du loyer à ses locataires à ce titre.

En conséquence, la demande de Madame X. sera rejetée.

 

Sur la demande au titre du stationnement :

En l’espèce, la SCI CHEMINS DES BALMES n’a jamais contesté que le stationnement en sous-sol a été livré avec des dimensions inférieures à celles contractuellement prévues. Cela résulte tant du procès-verbal de livraison que des constatations de l’expert judiciaire.

La modification étant impossible en raison de contrainte technique, les parties ont convenu que le défaut affectant le stationnement en sous-sol sera indemnisé par l’octroi d’une somme de 4.600 euros au profit de Madame X..

En conséquence, la SCI CHEMINS DES BALMES sera condamnée à lui payer la somme de 4.600 euros à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive formée par la SCI DES BALMES :

L’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équivalente au dol.

En l’espèce, il convient de noter que tant le juge des référés que le juge de la mise en état ont successivement rejeté les demandes des provisions de la SCI CHEMIN DES BALMES, en dépit de l’existence d’une dette certaine concernant le prix de vente de l’immeuble, en raison d’une contestation sérieuse résultant de l’éventuelle existence d’indemnités de retard dues par la SCI CHEMINS DES BALMES.

La SCI CHEMINS DES BALMES, même si elle a pu être mise en difficulté par le non-paiement intégral du prix de vente par Madame X. au moment où la somme était exigible, ne justifie pas que Madame X. a abusé de son droit à se défendre dans le cadre de la présente action. Le retard dans le paiement est d’ailleurs indemnisé par l’octroi d’intérêts de retard.

En conséquence, la demande à ce titre sera rejetée.

 

Sur la compensation des sommes dues entre les parties :

Aux termes de l’article 1347 du code civil « la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes.

Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies. »

En l’espèce, il résulte du présent jugement l’existence de dettes réciproques entre les parties. Madame X. est redevable à l’égard de la SCI CHEMINS DES BALMES d’une somme totale de 31.741 euros (24.582,5 + 4.916.50 + 1.006 + 1.236), outre les intérêts de retard, et la SCI CHEMINS DES BALMES est redevable à l’égard de Madame X. d’une somme totale de 5.126,80 euros (526,80 + 4.600).

En conséquence, il y a lieu d’ordonner la compensation des sommes dues entre les parties.

 

Sur les mesures de fin de jugement :

Sur les dépens :

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En l’espèce, Madame X., partie perdante, sera condamnée aux dépens.

 

Sur les frais irrépétibles :

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat. »

En l’espèce, Madame X., condamnée aux dépens, devra verser à la SCI CHEMINS DES BALMES une somme qu’il est équitable de fixer à 2.000 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe conformément à l’avis donné à l’issue de l’audience des plaidoiries,

CONDAMNE Madame X. à payer à la SCI CHEMIN DES BALMES la somme de 24.582,50 euros au titre de la facture d’achèvement concernant l’appartement T1, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

DEBOUTE la SCI CHEMIN DES BALMES de sa demande de condamnation de Madame X. au titre des intérêts de retard de la somme de 34 415,50 € due au titre de l’appel de fonds hors d’air hors d’eau réglée avec un mois de retard,

CONDAMNE Madame X. à payer à la SCI CHEMINS DES BALMES la somme de 1.006 euros au titre de la facture de cuisine pour l’appartement T1, avec intérêts aux taux légal à compter de l’assignation,

CONDAMNE Madame X. à payer à la SCI CHEMINS DES BALMES la somme de 4.916,50 euros au titre du solde du prix de vente de l’appartement T1 suite à la levée des réserves, avec intérêts aux taux légal à compter de l’assignation,

CONDAMNE Madame X. à payer à la SCI CHEMINS DES BALMES la somme de 1.236 euros au titre de la facture de la cuisine pour l’appartement T3, avec intérêts aux taux légal à compter de l’assignation,

REJETTE la demande d’indemnisation de Madame X. au titre des pertes locatives,

REJETTE la demande d’indemnisation de Madame X. au titre de l’application de la clause pénale contractuelle,

REJETTE la demande d’indemnisation de Madame X. au titre du montant des crédits remboursés,

CONDAMNE la SCI CHEMIN DES BALMES à payer à Madame X. la somme de 526,80 euros au titre des travaux de levée des réserves, concernant la reprise de la peinture du plafond du balcon côté cour,

REJETTE le surplus des demandes de Madame X. au titre des travaux de levée de réserves,

REJETTE la demande d’indemnisation de Madame X. au titre d’un préjudice de jouissance,

CONDAMNE la SCI CHEMINS DES BALMES à payer à Madame X. la somme de 4.600 euros au titre du préjudice subi lié au défaut de conformité du stationnement en sous-sol,

REJETTE la demande de la SCI CHEMIN DES BALMES au titre d’une résistance abusive,

ORDONNE la compensation des différentes sommes dues entre les parties,

CONDAMNE Madame X. aux dépens,

CONDAMNE Madame X. à payer à la SCI CHEMIN DES BALMES la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de Madame X. au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

En foi de quoi, la juge et la greffière ont signé le présent jugement

LA GREFFIERE                                        LA JUGE