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CA DOUAI (ch. 1 sect. 2), 14 mars 2024

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 1 sect. 2), 14 mars 2024
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), ch. 1 sect. 2
Demande : 22/05348
Date : 14/03/2024
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 22/12/2020
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10823

CA DOUAI (ch. 1 sect. 2), 14 mars 2024 : RG n° 22/05348 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Selon l'article L. 218-2 du code de la consommation L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

L'article liminaire du code de la consommation définit le consommateur comme toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. Le professionnel est défini comme toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom et pour le compte d'un autre professionnel ; l'article liminaire du code de la consommation précise qu'est considéré comme non professionnel toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles.

Le texte de l'article L. 218-2 du code de la consommation, réserve aux seuls consommateurs le bénéfice de la prescription biennale de l'action des professionnels pour les biens et les services. (Civ. 3e 28 septembre 2022, n°19-829) à l'exclusion des personnes morales.

L'appelant ne saurait invoquer utilement l'article L. 132-1 du code de la consommation est relatif aux clauses abusives et non à la prescription.

Enfin, à titre surabondant, il sera relevé que les travaux réalisés l'ont été pour la réparation d'un sinistre survenu dans l'immeuble appartenant et géré par la SCI dans le cadre de son objet, les travaux de réparation après sinistre entrent bien dans le champ de l'activité professionnelle de la SCI. La fin de non-recevoir sera rejetée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 14 MARS 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/05348. N° Portalis DBVT-V-B7G-UTEC. Jugement (RG n° 19/00992) rendu le 17 novembre 2020 par le président du tribunal judiciaire de Lille.

 

APPELANTE :

La SCI du [Adresse 3]

prise en la personne de son gérant, ayant son siège social [Adresse 5], [Localité 4], représentée par Maître Hubert Soland, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

 

INTIMÉE :

La SARL Nordeco

prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social [Adresse 1], [Localité 2], représentée par Maître Claire Lecat, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

 

DÉBATS à l'audience publique du 13 novembre 2023, tenue par Catherine Courteille magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Catherine Courteille, présidente de chambre, Valérie Lacam, conseiller, Véronique Galliot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024 après prorogation du délibéré en date du 15 février 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 2 octobre 2023

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

La SCI du [Adresse 3] (« la SCI ») est propriétaire d'un parking sur 2 niveaux situé à Lille, [Adresse 3].

Le premier niveau est en sous-sol et le second, au premier étage, est situé sous des bureaux :

Un incendie, survenu en 2012, a causé d'importants dégâts à ce parking.

La société Nordeco a réalisé les travaux de rénovation et a adressé des factures pour un montant total de 243.553,73 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 novembre 2014, la société Nordeco a mis en demeure la SCI d'avoir à lui payer la somme de 132.147,65 euros exposant que seule la somme de 91.406,08 euros lui avait été réglée.

Par acte d'huissier du 26 février 2016, la société Nordeco a fait citer la SCI devant le tribunal de grande instance de Lille aux fins de la voir condamner à payer la somme de 152.147,65 euros.

Par jugement du 17 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Lille a :

- rejeté la demande de communication de pièces formée par la SCI du [Adresse 3]

- condamné la SCI du [Adresse 3] à verser à la société Nordeco la somme de 76.288,24 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du présent jugement

- ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil

- débouté la société Nordeco du surplus de ses demandes

- rejeté la demande d'expertise judiciaire de la SCI du [Adresse 3]

- condamné la SCI du [Adresse 3] à verser à la société Nordeco la somme de 1.200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté la SCI du [Adresse 3] de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la SCI du [Adresse 3] aux dépens

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de Douai le 22 décembre 2020, la SCI du [Adresse 3] a formé appel de cette décision.

 

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 septembre 2023, la société Nordeco demande à la cour de :

- Réformer totalement la décision dont appel,

- Débouter totalement la société Nordeco de toutes ses demandes, fins et conclusions par application de l'article L. 218-2 du Code de la Consommation.

Subsidiairement,

Pour les motifs qui sont repris ci-dessus,

- Ordonner telle mesure d'expertise qu'il appartiendra avec pour mission de :

- Vérifier la qualité des travaux effectués par la Société Nordeco, au regard notamment des prescriptions émises par BTP Consultants et de dire si les travaux réalisés sont oui ou non conformes aux normes exigibles en, matière de parking accueillant des automobiles avec risques d'incendies.

- Vérifier les factures établies par la Société Nordeco et voir si elles sont conformes au devis.

- Vérifier si les factures ainsi émises correspondent effectivement aux descriptions des travaux compris dans le devis établi par la Société Nordeco.

En l'état,

- Débouter la société Nordeco de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- la condamner au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure Civile ainsi qu'en tous les frais et dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir qu'elle est une société civile et ne peut être considérée comme une professionnelle et que dès lors l'action en paiement de la société Nordeco est prescrite. Elle ajoute à titre subsidiaire, que la société Nordeco a abandonné le chantier et comportaient de nombreuses malfaçons, elle forme une demande d'expertise aux fins de constat des travaux et d'évaluation de son préjudice, elle conteste les factures produites qui sont succinctes et ne justifient pas des travaux réalisés.

[*]

Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2023, la société Nordeco demande à la cour de :

- Dire n'y avoir lieu à application de l'article L. 218-2 du code de la consommation,

Réformant le jugement entrepris,

- Condamner la SCI à payer à la société NORDECO la somme de 132.147,65 euros TTC

augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 décembre 2014

- Ordonner la capitalisation des intérêts dès lors que ceux-ci sont dus pour plus d'une année entière

- Condamner la SCI à payer à la société Nordeco une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

A titre subsidiaire,

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

y ajoutant

- Condamner la SCI à payer à la société Nordeco une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel

Dans tous les cas.

- Débouter la SCI de sa demande d'expertise et de toute autre demande

- Condamner la SCI aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

L'intimée réplique que la SCI exerce une activité professionnelle de gestion immobilière, les travaux ont été réalisés dans le cadre de ses activités, elle ne peut être considérée comme un consommateur au sens de la loi. Sur le fond, elle fait valoir que les factures émises ont été vérifiées, à aucun moment les factures n'ont été contestées, elle ajoute que les difficultés de la SCI sont nées de ce que son assureur lui a appliqué la règle proportionnelle et ne l'a pas remboursée intégralement. Elle fait valoir que de son côté elle a réglé intégralement ses sous-traitant et forme appel incident sur les montants alloués.

À titre subsidiaire, elle sollicite la confirmation du jugement

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 octobre 2023.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement :

Selon l'article L. 218-2 du code de la consommation L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

L'article liminaire du code de la consommation définit le consommateur comme toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. Le professionnel est défini comme toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom et pour le compte d'un autre professionnel ; l'article liminaire du code de la consommation précise qu'est considéré comme non professionnel toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles.

Le texte de l'article L. 218-2 du code de la consommation, réserve aux seuls consommateurs le bénéfice de la prescription biennale de l'action des professionnels pour les biens et les services. (Civ. 3e 28 septembre 2022, n°19-829) à l'exclusion des personnes morales.

L'appelant ne saurait invoquer utilement l'article L. 132-1 du code de la consommation est relatif aux clauses abusives et non à la prescription.

Enfin, à titre surabondant, il sera relevé que les travaux réalisés l'ont été pour la réparation d'un sinistre survenu dans l'immeuble appartenant et géré par la SCI dans le cadre de son objet, les travaux de réparation après sinistre entrent bien dans le champ de l'activité professionnelle de la SCI.

La fin de non-recevoir sera rejetée.

 

Sur les demandes en paiement :

Selon l'article 1315 du code civil, dans sa version applicable à l'espèce, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de sa créance.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Aux termes de l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à l'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel et pour les causes que la loi autorise.

Les parties ne produisent pas le contrat passé pour la réalisation des travaux de réparation des parkings, ni de devis accepté, ni de procès-verbal de réception.

Toutefois toutes deux produisent des projets de devis pour les travaux sur les parkings sinistrés. Elles produisent également le contrat de la société BTP Consultants ainsi qu'un rapport établi par cette société ; la société Nordeco produit le tableau des travaux de reprise établi par l'expert de l'assureur et des factures que lui ont adressé ses sous-traitants, la société SDE, la société Isomur, la société Solendokotte, la société Gauthier, ces éléments justifient de la réalisation des travaux en 2013.

De son côté la SCI, qui soutient un abandon de chantier, ne communique aucune pièce en justifiant, elle verse aux débats un procès-verbal de constat dressé par Maître W., huissier de justice, le 12 février 2015, soit deux années après la fin des travaux ; le constat montre les locaux dégradés, toutefois les dégradations ne sont pas en rapport avec l'incendie, s'agissant de tags, défaut de peinture, aucune précision n'étant donnée sur la localisation des travaux et les photographies, il n'est pas possible d'établir un lien entre les photographies et les travaux réalisés.

En toute hypothèse, le constat montre que le parking est en service et que des véhicules y sont garés ce dont il se déduit que les travaux ont bien été achevés.

Le rapport de la société BTP Consultant, indiquant des travaux de flocage à réaliser est établi en octobre 2013 avant la fin du chantier et n'est pas de nature à justifier l'abandon de chantier, ni même des désordres importants, puisque le parking est en service et qu'en outre la société Nordeco produit les factures de la société Isomur son sous-traitant qui a réalisé les travaux de flocage assurant la protection au feu des planchers béton.

En outre la SCI invoque des malfaçons, mais n'en justifie pas, le procès-verbal de constat ne faisant état que de défauts de mise en peinture dont il n'est pas possible de déterminer s'il est en lien avec les travaux réalisés par la société Nordeco.

La SCI, qui n'a formulé aucune réserve ni réclamation, ne peut valablement invoquer l'exception d'inexécution, pour la même raison la SCI sera déboutée de sa demande d'expertise qui n'est pas justifiée.

La société Nordeco soutient que le total des travaux sur lesquels les parties s'étaient accordées s'élevait une fois réalisé à 243.553,73 euros, elle produit, outre les factures de ses sous-traitants qu'elle a acquittées, 13 factures qu'elle a adressé à la SCI, dont seules quelques unes ont été réglées à hauteur de 91.406,08 euros.

La société Nordeco justifie de l'émission de factures à hauteur de 243.553,73 euros mais de l'encaissement de 91 406,08 euros seulement, sans que la SCI ne conteste cette somme.

La SCI ne justifie pas d'autres règlements qui seraient intervenus, en conséquence le jugement sera infirmé et la SCI sera condamnée au paiement de la somme de 132.147,65 euros TTC.

La société Nordeco justifie de la mise en demeure adressée à la SCI le 03 décembre 2014, il convient de dire que les intérêts au taux légal courront à compter de cette date, il convient de dire que les intérêts échus dus pour au moins une année porteront intérêts.

 

Sur les frais du procès :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La SCI sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation

Statuant à nouveau

Condamne la SCI [Adresse 3] à payer à la société Nordeco la somme de 132.147,65 euros outre intérêts légaux à compter du 4 décembre 2014,

Dit que les intérêts dus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts à compter du 4 décembre 2014 dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

Y ajoutant

Condamne la SCI [Adresse 3] aux dépens d'appel,

Condamne la SCI 64 rue de l'Hôpital Militaire à payer à la société Nordeco la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier                                                    La présidente

Anaïs Millescamps                                       Catherine Courteille