CA LYON (3e ch. civ.), 18 novembre 2004
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1131
CA LYON (3e ch. civ.), 18 novembre 2004 : RG n° 03/04358
Extrait : « Attendu que la société LOCAM soutient qu'en vertu des clauses de son contrat, le locataire ne peut lui opposer les difficultés qu'il a rencontrées avec le fournisseur dès lors que le contrat de location et celui de prestation de services sont indépendants juridiquement ; Mais attendu, au contraire, qu'il est constant que la société ANIL a été démarchée par un préposé de la société FRANCE COPY qui lui a fait signer à la fois le contrat de prestation maintenance entretien avec cette société et le contrat de location avec la société LOCAM ; que la société LOCAM a perçu, en même temps que ses loyers, le montant de la prestation de maintenance pour le compte de la société FRANCE COPY ainsi qu'il ressort de l'article 10 de son contrat ; que la prestation promise par le fournisseur du matériel et dont le prix était encaissé par le bailleur formait avec le contrat de louage un tout indivisible, nonobstant les stipulations portées à cet égard dans les conditions générales de location ; Que cette indivisibilité résulte notamment du montant du loyer convenu, lequel incluait le prix de la prestation de service accessoire, sans toutefois que son coût soit identifié ;Que le locataire s'était engagé en considération de cette prestation nécessaire à l'utilisation de l'appareil loué ».
COUR D’APPEL DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 03/04358. Nature du recours : Appel.
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de SAINT-ÉTIENNE du 3 juin 2003 - N° rôle : 2001/858
APPELANTE :
SARL ANIL
[adresse], représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour, assistée de Maître Bernard CABRIT, avocat au barreau de NEUILLY SUR MARNE
INTIMÉE :
SA LOCAM
[adresse], représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour, assistée de Maître TROMBETTA, avocat au barreau de SAINT ETIENNE
Instruction clôturée le 1er octobre 2004. Audience publique du 14 octobre 2004. [minute page 2]
DÉBATS en audience publique du 14 octobre 2004, tenue par Madame MARTIN, Président, chargé de faire rapport, sans opposition des Avocats dûment avisés, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré,
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : Madame MARTIN, Président Monsieur SIMON Conseiller, Madame MIRET, Conseiller,
GREFFIER : la Cour était assistée de Mademoiselle BASTIDE, Greffier, lors des débats et du prononcé de l'arrêt,
ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé à l'audience publique du 18 novembre 2004, par Madame MARTIN, Président, qui a signé la minute avec Mademoiselle BASTIDE, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par jugement du 3 juin 2003, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a condamné la société ANIL à payer à la société LOCAM une somme de 5.816,30 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
La société ANIL a relevé appel du jugement.
Au terme de ses conclusions n° 4, elle demande à la Cour de réformer le jugement,
- à titre principal, de dire que la société LOCAM n'a pas qualité pour lui réclamer le paiement des loyers correspondant au matériel litigieux, dire nul le contrat dont se prévaut la société LOCAM et la débouter de toutes ses demandes, condamner la société LOCAM à lui rembourser le montant du loyer du mois de septembre 2000, soit 693,68 euros, puisqu'il est constant que la société FRANCE COPY est en liquidation judiciaire depuis le 7 septembre 2000,
- [minute page 3] à titre subsidiaire, de prononcer la résolution judiciaire du contrat et de débouter la société LOCAM en la condamnant au paiement de la même somme de 693,68 euros,
- à titre très subsidiaire, de constater que les demandes de la société LOCAM en paiement « d'indemnités » et notamment le paiement des 49 loyers à échoir constituent des clauses pénales, dire et juger que ces clauses pénales sont manifestement excessives compte tenu de la liquidation judiciaire du cocontractant et de l'investissement des plus limité de la société LOCAM, réduire en conséquence dans les plus fortes proportions les demandes en paiement formées par la société LOCAM,
- à titre infiniment subsidiaire, de constater que le montant unique du loyer comprend d'une part la location du matériel et d'autre part là maintenance du matériel, dire et juger que la location et la maintenance correspondent chacune à 50 % du montant total du loyer, débouter la société LOCAM de ses demandes,
- en toute hypothèse, de dire et juger que la société LOCAM a engagé sa responsabilité contractuelle, condamner la société LOCAM à lui payer la somme de 6.500 euros à titre de dommages intérêts ou, pour le moins, un montant équivalent à la condamnation éventuellement prononcée au profit de la société LOCAM de sorte qu'après compensation elle ne reste plus rien devoir à la demanderesse, condamner la société LOCAM, sous astreinte, à récupérer à ses frais au domicile de la société ANIL le matériel objet du litige,
- condamner la société LOCAM à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et la même somme en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .
Par conclusions n° 3 déposées au greffe le 12 juillet 2004, la société LOCAM conclut à la confirmation du jugement et, y ajoutant, demande que soit ordonnée la capitalisation des intérêts et que l'appelante soit condamnée à lui payer une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
En réponse à l'argumentation de son adversaire, elle soutient qu'elle justifie de sa qualité à agir, qu'il n'existe aucun motif de nullité de la convention, que le fait que la société ANIL ne peut plus bénéficier de la maintenance et de la fourniture des consommables à raison de la liquidation judiciaire du fournisseur FRANCE COPY ne saurait conduire à la résolution judiciaire du contrat, qu'outre l'indépendance juridique affirmée par le contrat entre le contrat de location et le contrat de prestation, la défaillance de la société FRANCE COPY eût été sans influence si la société ANIL avait accepté le repreneur, qu'à supposer que la Cour prononce la résolution judiciaire, la société ANIL serait en toute hypothèse redevable de la somme de 4.135,25 euros en application de l'article 13 du contrat.
La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.
[minute page 4]
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS ET DÉCISION :
Sur la qualité à agir de la société LOCAM :
Attendu que la société LOCAM verse aux débats la facture de la société FRANCE COPY afférente au matériel pour un montant de 27.125,45 Francs TTC ;
Attendu que la pièce 8 produite par l'intimée établit que celle-ci a réglé le prix de la manière suivante :
- Chèque d'un montant de 9.646,45 Francs en date du 14 février 2000
- rachat d'un autre dossier 192887 pour 17.479 Francs TTC soit une somme totale de 27.125,45 Francs ;
Que le chèque de 9.646,45 Francs peut être rattaché avec certitude au règlement de la facture de la photocopieuse fournie à la société ANIL puisque le numéro du chèque 0146863 est imprimé sur la lettre de transmission résumant le décompte énoncé ci-dessus;
Attendu qu'ainsi, la société LOCAM apporte bien la preuve de sa qualité à agir ;
Sur la nullité du contrat pour défaut de cause :
Attendu que la liquidation judiciaire de la société FRANCE COPY le 7 septembre 2000 n'est pas de nature à priver le contrat de location de cause dans la mesure où cet événement n'a pas privé la société ANIL de la jouissance du matériel et où le contrat de location a prévu une possibilité de substitution d'une autre entreprise pour la réalisation des prestations de maintenance ; que le contrat est donc valable ;
Sur la demande de résolution du contrat :
Attendu que la société FRANCE COPY a fourni, le 28 janvier 2000, à la société ANIL une photocopieuse qui a fait l'objet le même jour d'un contrat de location de 63 mois moyennant un loyer mensuel de 580 Francs HT ; que la société FRANCE COPY a signé le même jour avec la société ANIL un contrat intitulé Coût par copie-Copie Service mettant à sa charge certaines obligations et notamment la fourniture gratuite du toner et du papier, la prise en charge de tous les frais de fonctionnement, le service après-vente à titre gracieux, sur la base d'un volume mensuel de 2.000 copies au coût unitaire de 0,29 centimes, le contrat étant établi pour une durée de 63 mois et facturé chaque mois 580 Francs [minute page 5] HT ;
Attendu que la société LOCAM soutient qu'en vertu des clauses de son contrat, le locataire ne peut lui opposer les difficultés qu'il a rencontrées avec le fournisseur dès lors que le contrat de location et celui de prestation de services sont indépendants juridiquement ;
Mais attendu, au contraire, qu'il est constant que la société ANIL a été démarchée par un préposé de la société FRANCE COPY qui lui a fait signer à la fois le contrat de prestation maintenance entretien avec cette société et le contrat de location avec la société LOCAM ; que la société LOCAM a perçu, en même temps que ses loyers, le montant de la prestation de maintenance pour le compte de la société FRANCE COPY ainsi qu'il ressort de l'article 10 de son contrat ; que la prestation promise par le fournisseur du matériel et dont le prix était encaissé par le bailleur formait avec le contrat de louage un tout indivisible, nonobstant les stipulations portées à cet égard dans les conditions générales de location ;
Que cette indivisibilité résulte notamment du montant du loyer convenu, lequel incluait le prix de la prestation de service accessoire, sans toutefois que son coût soit identifié ;
Que le locataire s'était engagé en considération de cette prestation nécessaire à l'utilisation de l'appareil loué ;
Que le contrat de prestation de service a pris fin le 7 septembre 2000 date d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société FRANCE COPY, la présence du liquidateur de la société FRANCE COPY aux présents débats n'étant pas nécessaire pour constater une telle situation ;
Que la société LOCAM ne peut se prévaloir de ce qu'une société de remplacement s'est présentée auprès de la société ANIL et de ce que cette dernière n'a pas accepté la proposition qui lui a été faite ; qu'en effet, la proposition de la société REPRODIS a été faite à des conditions beaucoup plus onéreuses que celles de la société FRANCE COPY (3.000 copies par mois pour un coût mensuel de 1.056,06 Francs) et qu'il ne peut donc être fait grief à la société ANIL d'avoir refusé la substitution ; qu'en réalité le bailleur n'a pu faire assurer par une autre entreprise et aux mêmes conditions le service assuré par la société FRANCE COPY;
[minute page 6] Attendu que l'inexécution avérée de la prestation de maintenance doit entraîner la résolution du contrat de location ;
Attendu que le prononcé de la résolution du contrat n'emporte pas pour autant le rejet total de la demande de la société LOCAM ;
Attendu, en effet, que l'article 13 du contrat de location stipule que si la résolution du contrat principal intervient en raison d'un vice caché du bien ou toute autre raison non imputable au locataire, la résiliation du contrat de location obligera celui-ci à verser à la société LOCAM à titre d'indemnité, une somme égale au montant de la facture d'origine telle qu'acquittée au fournisseur sans qu'il y ait lieu à déduction des loyers déjà versés ;
Que contrairement à ce que soutient l'appelante, cette clause, qui a pour objet de prémunir le loueur contre le risque financier résultant de la résiliation du contrat de location ensuite de la résolution du contrat principal, ne présente pas de caractère abusif;
Attendu qu'il y a lieu, en conséquence, de condamner la société ANIL au paiement de la somme de 4.135,25 euros représentant le montant de la facture acquittée par la société LOCAM auprès de la société FRANCE COPY ; que les intérêts courront au taux légal sur cette somme à compter de l'assignation et seront capitalisés à compter du 19 septembre 2003 date des conclusions en faisant la demande ;
Sur la demande de la société ANIL en paiement de dommages intérêts :
Attendu que la société ANIL est mal fondée à reprocher à la société LOCAM de l'avoir fait contracter avec la société FRANCE COPY « dont elle ne pouvait ignorer la situation compromise » ; qu'en effet, la société ANIL a choisi elle-même son fournisseur et ne prouve pas qu'il lui a été imposé, qu'elle ne fournit aucune précision sur ce qu'était la situation de la société FRANCE COPY à la date de signature des contrats ;
Attendu qu'en vertu de l'article 10 du contrat de location, le locataire « accepte par avance la substitution d'une autre entreprise pour la réalisation de ces prestations » ; qu'informée de la défaillance du fournisseur, la société LOCAM a proposé la société REPRODIS ; que, cependant, celle-ci ne s'est pas présentée pour continuer la prestation à la charge de la société FRANCE COPY (ceci impliquait, en effet, une intervention aux mêmes conditions) mais a proposé un service représentant un coût mensuel de près du double de celui prévu au contrat ; qu'il apparaît donc que la société LOCAM s'est trouvée dans l'incapacité de faire assurer par une autre entreprise le service de maintenance promis, bien qu'elle ait émis la prétention de percevoir le prix de ce service ;
[minute page 7] Attendu que l'incapacité dans laquelle s'est trouvée la société LOCAM de faire assurer la réalisation des prestations de maintenance à conditions identiques a causé un préjudice à la société ANIL ; que ce préjudice sera réparé par le paiement de 2.000 euros de dommages intérêts ;
Sur les autres demandes :
Attendu que la liquidation judiciaire de la société FRANCE COPY ayant été prononcée le 7 septembre 2000, il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution par la société LOCAM du loyer versé pour le mois de septembre 2000 ;
Attendu que les conditions de restitution du matériel sont fixées par l'article 12 du contrat de location dont il résulte qu'en cas de résiliation le locataire est tenu de restituer le matériel au loueur et de supporter tous les frais occasionnés
Que la demande de la société ANIL tendant à voir condamner la société LOCAM, sous astreinte, à récupérer à ses frais à son domicile le matériel objet du litige n'est pas fondée et doit être rejetée ;
Attendu qu'aucun abus de procédure n'étant caractérisé, les demandes respectives des parties en paiement de dommages intérêts seront rejetées ;
Attendu que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que les dépens seront partagés entre les parties ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la société ANIL tendant à la nullité du contrat de location.
Réformant pour le surplus et statuant à nouveau;
[minute page 8] Condamne la société ANIL à payer à la société LOCAM la somme de 4.135,25 euros outre intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2001.
Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil à compter du 19 septembre 2003.
Condamne la société LOCAM à payer à la société ANIL la somme de 2.000 euros à titre de dommages intérêts.
Ordonne la compensation entre les créances respectives à due concurrence. Rejette toutes les autres demandes des parties.
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront partagés par moitié entre les parties et distraits au profit des avoués de la cause.