CA AIX-EN-PROVENCE (9e ch. C), 23 octobre 2007
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1251
CA AIX-EN-PROVENCE (9e ch. C), 23 octobre 2007 : RG n° 06/13629 ; arrêt n° 2007/613
Publication : Juris-Data n° 352433
Extrait : « Or, la clause de non concurrence insérée au contrat est limitée dans le temps à « 24 mois qui suivront son départ effectif de la SA H3S » et dans l'espace puisque l'interdiction d'exercer sur l'ensemble du territoire concerne uniquement la commercialisation et la distribution de journaux gratuits. L'article 10 dispose ainsi la salariée ne pourra exercer une activité concurrentielle « sous toutes formes ou plus généralement de faire concurrence au groupe H3S – MAG’IMMO, dans le domaine thématique gratuit ». Ainsi, la clause prévue dans le contrat de Mme. X. ne peut être considérée comme abusive ou contraire à la liberté du travail, dans la mesure où la salariée pourra exercer une activité conforme à sa formation et son expérience professionnelle notamment dans le domaine thématique payant. En revanche, c'est à bon droit que la salariée soulève l'insuffisance de la contrepartie financière qui lui a été versée durant l'exécution de son contrat de travail, contrepartie fixée à 170 euros par mois, soit un montant total s'élevant à 1.700,00 euros (montant versé du 21 janvier au 8 octobre 2004). En effet, compte tenu de la durée et de l'étendue géographique de la clause, la somme versée à la salariée est disproportionnée. Partant, le montant dérisoire versé à la salariée équivaut à une absence de contrepartie financière de la clause de non concurrence. Dès lors il convient à ce titre d'allouer à la salariée la somme de 4.080 € à titre d'indemnité ».
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
NEUVIÈME CHAMBRE SECTION C
ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 06/13629. Arrêt n° 2007/613. Arrêt au fond.
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE en date du 20 juin 2006, enregistré au répertoire général sous le n° 05/2035.
APPELANTE :
Société H 3S GROUP
demeurant [adresse], représentée par Maître Laurent-Attilio SCIACQUA, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
INTIMÉE :
Mademoiselle X.,
Demeurant [adresse], représentée par Maître Jean-Marc CAPARROS-MATABON, avocat au barreau de MARSEILLE
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 18 septembre 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Françoise ISSENJOU, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame Patricia DEROUBAIX, Président, Madame Françoise ISSENJOU, Conseiller, Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller.
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2007.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE. Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2007. Signé par Madame Patricia DEROUBAIX, Président et Madame Florence ALLEMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Mine X. a été embauchée par la société H3S en qualité d'assistante communication par contrat à durée indéterminée du 21 janvier 2004 au 8 octobre 2004, date à laquelle elle va être licenciée pour insuffisance professionnelle.
Par pli recommandé posté le 20 juillet 2007, la société H3S a relevé appel du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Marseille le 20 juin 2006, qui l'a condamnée à verser à Mme X. les sommes suivantes :
- 3.000,00 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2.720,00 euros au titre de complément de rémunération afférente à la clause de non concurrence,
- 500,00 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Devant la Cour, la société H3S sollicite la réformation de la décision en toutes ses dispositions en arguant du fait que le licenciement de Mme X. est justifié par une cause réelle et sérieuse, et chiffre à 1.500,00 euros ses frais irrépétibles.
Mme X. conclut à la confirmation de la décision entreprise qui a considéré le licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais sollicite l'augmentation du quantum des dommages et intérêts alloués, qu'elle souhaite voir porter aux sommes de :
- 10.000,00 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 4.080,00 euros au titre du paiement de l'indemnité de la clause de non concurrence,
- 1.200,00 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- Sur la clause de non concurrence :
La salariée fait valoir que la clause de non concurrence insérée dans son contrat est abusive et irrégulière dans la mesure où elle est trop étendue dans le temps (« 24 mois ») et dans l'espace (« sur le plan territorial »). Elle considère compte tenu de sa qualification (« assistante communication ») et de ses fonctions que la clause porte atteinte à la liberté de travail.
De son côté, la société soutient que la clause de non concurrence prévue à l'article 10 du contrat de travail de Mme X. est valable dans la mesure où elle comporte une limitation dans le temps et dans l'espace ; l'intérêt légitime de l'entreprise n'étant pas contesté par la salariée.
Or, la clause de non concurrence insérée au contrat est limitée dans le temps à « 24 mois qui suivront son départ effectif de la SA H3S » et dans l'espace puisque l'interdiction d'exercer sur l'ensemble du territoire concerne uniquement la commercialisation et la distribution de journaux gratuits. L'article 10 dispose ainsi la salariée ne pourra exercer une activité concurrentielle « sous toutes formes ou plus généralement de faire concurrence au groupe H3S – MAG’IMMO, dans le domaine thématique gratuit ».
Ainsi, la clause prévue dans le contrat de Mme. X. ne peut être considérée comme abusive ou contraire à la liberté du travail, dans la mesure où la salariée pourra exercer une activité conforme à sa formation et son expérience professionnelle notamment dans le domaine thématique payant.
En revanche, c'est à bon droit que la salariée soulève l'insuffisance de la contrepartie financière qui lui a été versée durant l'exécution de son contrat de travail, contrepartie fixée à 170 euros par mois, soit un montant total s'élevant à 1.700,00 euros (montant versé du 21 janvier au 8 octobre 2004).
[minute page 4] En effet, compte tenu de la durée et de l'étendue géographique de la clause, la somme versée à la salariée est disproportionnée. Partant, le montant dérisoire versé à la salariée équivaut à une absence de contrepartie financière de la clause de non concurrence.
Dès lors il convient à ce titre d'allouer à la salariée la somme de 4.080 € à titre d'indemnité
- Sur le licenciement pour insuffisance professionnelle :
Mme X. a été licenciée pour insuffisance professionnelle par lettre recommandée en date du 8 octobre 2004, laquelle évoque les griefs suivants
- des « lacunes importantes dans la maîtrise d'Excel »,
- des « faiblesses rédactionnelles évidentes (fautes d'orthographe quasi systématiques) »,
- une « extrême lenteur dans l'exécution des tâches confiées »,
- un « manque d'organisation, de rigueur et de réactivité ».
La salariée conteste l'ensemble des griefs qui lui sont reprochés et fait valoir qu'en huit mois d'activité son employeur ne s'est jamais plaint qu'une quelconque insuffisance professionnelle. Elle en déduit que l'ensemble des griefs n'ont aucun fondement et ont été fabriqués par l'employeur pour se débarrasser d'elle.
Mais, l'employeur produit à l'appui de ses prétentions deux attestations circonstanciées de salariés de la société, lesquelles viennent attester du fait que Mme X. rencontrait des difficultés dans l'exercice de ses fonctions.
Mme Y., responsable marketing-communication, atteste : « A ce manque d'adéquation avec les nouvelles exigences du service s'ajoutaient des lacunes préjudiciables à l'avancée de nos projets : manque de maîtrise du logiciel de bureautique Excel, faiblesses rédactionnelles... . J'ai constaté le manque d'adéquation de [prénom] X. au poste d'assistante de communication. J'ai mesuré un décalage important entre les objectifs fixés (en temps et en qualité) et leur réalisation par Melle X. ». Elle poursuit en évoquant : « le manque d'organisation, de rigueur et de réactivité » de la salariée.
Mme Z., chargée de communication, atteste : « [prénom] X. était très étourdie, son travail devait être sans arrêt contrôlé, jamais ou presque un document a été validé de façon intégrale malgré des briefes très précis de la part de notre responsable directe autant avec A. que Y. En effet, elle faisait de nombreuses fautes de frappe et d'orthographe ; ses erreurs à répétition ont engendré de nombreuses tensions au sein du service. A plusieurs reprises, j'ai entendu notre responsable l'alerter de plus en plus fermement sur son manque d'initiative, sa lenteur d'exécution des lâches et ses difficultés de compréhension ».
Par ailleurs, la société verse aux débats des travaux accomplis par Mme X. sur lesquelles figurent des fautes d'orthographe, des erreurs et des imprécisions. Sur l'un des documents fournis, la salariée écrit « ACCEUIL » au lieu de « ACCUEIL ».
La société produit également des mails échangés entre Mme Y. et différentes personnes travaillant dans les autres services de la société, lesquelles font ressortir la lenteur de la salariée dans l'exécution des tâches qui lui été confiées.
Partant, compte tenu de l'ensemble des éléments versés aux débats par l'employeur, la Cour considère que les quatre griefs invoqués par la société H3S sont fondés de sorte que le licenciement prononcé repose sur une cause réelle et sérieuse.
Aucune considération ne justifie de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 5] PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et par arrêt prononcé par mise à disposition au greffe,
Reçoit l'appel,
Confirme la décision déférée en ce qu'elle a admis le principe d'un complément de rémunération au titre de la clause de non concurrence,
La réforme en ses autres dispositions,
Et statuant de nouveau,
Condamne la société H 3S GROUP à payer à Mme X. la somme de 4.080 € au titre de l'indemnisation de la clause de non concurrence,
Dit que le licenciement de Mme X. est justifié par une cause réelle et sérieuse,
Déboute Mme X. de ses demandes à ce titre,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Laisse à la charge de chaque partie les dépens qu'elle aura exposés sans qu'il soit nécessaire de faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT