T. COM. LYON, 25 mai 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 1263
T. COM. LYON, 25 mai 2005 : RG n° 2004/01680
(sur appel CA Lyon (3e ch. civ. section B), 14 décembre 2006 : RG n° 05/03945)
Extrait : « Attendu que les deux contrats, de services d'une part, de location financière d'autre part, sont intimement liés dans leur mise en œuvre, leur conclusion et leur exécution, et qu'ils ne peuvent dès lors être dissociés ; que notamment compte tenu de l'identité du matériel objet des deux contrats et surtout du caractère unique de la rétribution d'une part du contrat de services souscrit par la société FONTEX (nettoyage et entretien extérieur des matériels et fourniture des doses de boissons chaudes, bonbonnes d'eau) et d'autre part la mise à disposition du matériel dont s'agit, il y a lieu de considérer qu'une éventuelle résolution du contrat de fourniture de distributeur de boissons et de celui connexe de son approvisionnement aurait nécessairement une incidence sur l'exécution du contrat de location afférent au matériel, l'un des contrats ne pouvant être exécuté sans l'autre ; que les deux contrats sont indivisibles en dépit de l'affirmation contraire contenue aux dits contrats ».
TRIBUNAL DE COMMERCE DE LYON
JUGEMENT DU 25 MAI 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2004J01680. Le Tribunal a été saisi de la présente affaire par assignation en date du 9 juin 2004.
La cause a été entendue à l'audience du 12 janvier 2005 à laquelle siégeaient : - Monsieur Samuel AVEDIGUIAN, Président, - Monsieur Jacques-Olivier THIBAUT, Juge, - Monsieur Hubert POULAIN, Juge,
assistés de : - Madame VINAI, Greffier,
après quoi les Juges sus-nommés en ont délibéré pour rendre ce jour la présente décision :
ENTRE :
- Société KBC LEASE FRANCE anciennement SOCREA LOCATION SA
[adresse], DEMANDEUR - représenté(e) par Maître Michel MOREAU - Toque N° 458 - [adresse]
ET :
- Société MATÉRIAUX SERVICES MERCUROLAIS SARL
[adresse], DÉFENDEUR - représenté(e) par Maître Valérie LIOTARD - [adresse]
[minute page 2]
LE TRIBUNAL, composé de Monsieur AVEDIGUIAN, présidant l'audience, de Monsieur THIBAUT et de Monsieur POULAIN, en ayant délibéré, après que les parties en aient débattu dans les conditions prévues au calendrier de procédure convenu entre elles et le Tribunal, il est rendu le jugement suivant.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
I - EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :
LES FAITS
La société MATÉRIAUX SERVICES DU MERCUROLAIS a souscrit le 21 juin 2001 suivant acte sous seing privé un contrat de location auprès de la société FONTEX aux droits de laquelle vient la société KBC LEASE FRANCE.
Ce contrat porte sur du matériel de distribution de boissons, pour une durée de quatre ans moyennant 48 mensualités de 1.500,00 € HT.
La société MATÉRIAUX SERVICES DU MERCUROLAIS a signé un procès verbal de livraison et de conformité le 28 juin 2001 ; ce matériel prévu à chacun des contrats étant livré, installé et mis en service.
La société MATÉRIAUX SERVICES DU MERCUROLAIS a interrompu le paiement après trois mensualités en février 2003.
Une mise en demeure pour défaut de paiement a été adressée à la société MATÉRIAUX SERVICES DU MERCUROLAIS le 25 mars 2003.
LA PROCÉDURE
Par acte d'huissier régulièrement signifié le 29 avril 2004, la société KBC LEASE FRANCE, intervenant aux droits de la société FONTEX, a assigné la société MATÉRIAUX SERVICES DU MERCUROLAIS afin d'entendre le tribunal :
* CONDAMNER La société MATÉRIAUX SERVICES DU MERCUROLAIS à lui payer les sommes suivantes :
- 1.595,34 € TTC, au titre du paiement de 10 loyers impayés du 10 juin 2002 au 10 mars 2003,
- 159,53 € TTC au titre des intérêts de retard sur les loyers impayés,
- 4.307,43 € équivalent à 27 loyers à échoir du 10 avril 2003 au 10 juin 2005 à titre de clause pénale pour rupture du contrat,
- 360,15 € à titre d'intérêts de droit à compter de la date de mise en demeure recommandée du 10 juin 2002,
- 1.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
* RESTITUER sous astreinte de 155 € par jour de retard, le matériel loué,
Dans ses conclusions, la société MATÉRIAUX SERVICES DU MERCUROLAIS demande au Tribunal de :
A titre principal
* CONSTATER la rupture du contrat d'entretien conclu avec la société FONTEX du fait du redressement judiciaire prononcé à l'égard de cette dernière,
* et en conséquence DIRE et JUGER que la résiliation du contrat de maintenance conclu avec la société FONTEX entraîne la résiliation du contrat de location conclu avec la société KBC LEASE FRANCE,
[minute page 3] A titre subsidiaire
* PRONONCER la nullité du contrat conclu le 1er juin 2001,
* et en conséquence DÉBOUTER la société KBC LEASE FRANCE de l'intégralité de ses demandes
* CONDAMNER la société KBC LEASE FRANCE à lui verser une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
* CONDAMNER la société KBC LEASE à tous les dépens.
LES MOYENS DES PARTIES
A l'appui de ses prétentions, la société KBC LEASE FRANCE, demandeur, expose que la société MATÉRIAUX SERVICES DU MERCUROLAIS a signé d'une part un contrat de prestation avec la société FONTEX relatif à la fourniture de prestations et à l'entretien du matériel, et d'autre part un contrat de location de matériel avec la société FONTEX, lequel contrat a été cédé à la société KBC LEASE FRANCE,
Que ces deux contrats sont totalement indépendants l'un de l'autre puisque le locataire peut en cas de défaillance du prestataire, s'adresser à tout autre prestataire pour obtenir les consommables qu'il désire,
Que le contrat de location s'impose aux parties par application de l'article 1134 du Code civil, que ce contrat précise dans son article 5 que le locataire accepte par avance la cession dudit contrat,
Que le locataire n'ignorait pas que la société KBC LEASE était cessionnaire du contrat de location du matériel puisqu'il a reçu de celle-ci un échéancier valant facturation, qu'il a toujours payé les loyers à la société KBC LEASE FRANCE. Elle ajoute que la cession du contrat est tout à fait régulière et que le locataire ne peut prétendre qu'il a été victime d'une erreur rendant nul le contrat,
Qu'en effet c'est en toute connaissance de cause que le contrat de location a été signé et qu'ont été acceptées les clauses qui y sont contenues.
En ce qui la concerne la société MATÉRIAUX SERVICES DU MERCUROLAIS, défendeur, soutient :
A titre principal, sur l'indivisibilité des contrats :
Sur le principe de l'indivisibilité
Qu'en application des dispositions de l'article 1218 du Code civil, l'obligation est indivisible quoique la chose ou le fait qui en est l'objet soit divisible par sa nature, si le rapport sous lequel elle est considérée dans l'obligation ne la rend pas susceptible d'exécution,
Que l'interdépendance ou d'indivisibilité entre deux contrats peut résulter soit de la volonté exprimée ou tacite des parties, soit de l'économie même des contrats notamment de l'interdépendance économique existant entre eux,
Que nonobstant l'article 5 du contrat qui stipule que le contrat de location et le contrat de maintenance sont indépendants, cette clause est en contradiction avec l'économie générale du contrat,
Qu'il doit être souligné que le contrat de maintenance et le contrat de location ont été signés le même jour, pour une durée identique, par l'intermédiaire du même représentant et sur le même imprimé,
Que dès lors il doit être retenu qu'un seul et même contrat a été signé et non deux comme le prétend la société KBC LEASE FRANCE.
Sur les conséquences de l'indivisibilité
Que la résiliation du contrat de maintenance étant acquise du fait du redressement judiciaire puis de la liquidation judiciaire de la société FONTEX, il s'en suit une résiliation du contrat de location qui correspondant à la date à laquelle la société FONTEX a cessé d'exécuter ses obligations contractuelles,
Qu'en conséquence la société MATÉRIAUX SERVICES DU MERCUROLAIS est bien fondée à solliciter le débouté de la société KBC LEASE FRANCE et à demander sa condamnation à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du NCPC.
A titre subsidiaire, sur la nullité du contrat pour vice du consentement
La société MATÉRIAUX SERVICES DU MERCUROLAIS expose que dans l'hypothèse où le tribunal estimerait que le contrat d'entretien et le contrat de location ne sont pas indivisibles, elle soulève la nullité du contrat de location pour vice du consentement,
Qu'elle a en effet légitimement pu penser qu'elle s'engageait dans le cadre d'une relation bipartite avec la société FONTEX,
Qu'elle a été victime d'une erreur sur la nature du contrat dans la mesure où le matériel était fourni, installé, mis en service par la société FONTEX à laquelle elle le louait.
[minute page 4] Que la nullité du contrat de location conduit à remettre les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la signature du contrat litigieux et qu'il convient en conséquence de débouter le société KBC LEASE FRANCE de l'intégralité de ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
II – DISCUSSION :
Attendu que les deux contrats, de services d'une part, de location financière d'autre part, sont intimement liés dans leur mise en œuvre, leur conclusion et leur exécution, et qu'ils ne peuvent dès lors être dissociés ; que notamment compte tenu de l'identité du matériel objet des deux contrats et surtout du caractère unique de la rétribution d'une part du contrat de services souscrit par la société FONTEX (nettoyage et entretien extérieur des matériels et fourniture des doses de boissons chaudes, bonbonnes d'eau) et d'autre part la mise à disposition du matériel dont s'agit, il y a lieu de considérer qu'une éventuelle résolution du contrat de fourniture de distributeur de boissons et de celui connexe de son approvisionnement aurait nécessairement une incidence sur l'exécution du contrat de location afférent au matériel, l'un des contrats ne pouvant être exécuté sans l'autre ; que les deux contrats sont indivisibles en dépit de l'affirmation contraire contenue aux dits contrats ;
Attendu que la société FONTEX ayant fait l'objet d'un redressement judiciaire puis d'une liquidation judiciaire, aucune prestation n'a plus été réalisée par la société FONTEX qui a cessé d'exécuter ses obligations contractuelles et qu'il s'en suit une résiliation du contrat de prestation de services aux torts de la société FONTEX ;
Attendu qu'en conséquence le Tribunal déboutera la société KBC LEASE de ses demandes fondées sur une résiliation du contrat de location aux torts de la société MATÉRIAUX SERVICES DU MERCUROLAIS ;
Attendu que les contrats étant résiliés, le Tribunal ordonnera la restitution des matériels objet du contrat de location par la société MATÉRIAUX SERVICES DU MERCUROLAIS et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard qui commencera à courir 15 jours après la signification du présent jugement ;
Attendu que compte tenu de ce qui précède, le Tribunal déboutera la société KBC LEASE FRANCE du surplus de ses demandes ;
Attendu que la Tribunal allouera à la société MATÉRIAUX SERVICES DU MERCUROLAIS une somme de 1000,00 € en application de l'article 700 NCPC ;
Attendu que les dépens sont à la charge de la partie qui succombe ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LE TRIBUNAL, STATUANT PUBLIQUEMENT PAR DÉCISION CONTRADICTOIRE ET EN PREMIER RESSORT :
CONSTATE la résiliation du contrat de location entre la société KBC LEASE FRANCE et la société MATÉRIAUX SERVICES DU MERCUROLAIS,
ORDONNE la restitution du matériel par la société MATÉRIAUX SERVICES DU MERCUROLAIS sous astreinte de 50,00 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification du présent jugement,
DÉBOUTE la société KBC LEASE FRANCE du surplus de ses demandes,
CONDAMNE la société KBC LEASE FRANCE à payer au titre de l'article 700 du NCPC la somme de 1.000,00 € à la société MATÉRIAUX SERVICES DU MERCUROLAIS
REJETTE comme non fondées tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties CONDAMNE la société KBC LEASE FRANCE aux entiers dépens
Les dépens visés à l'article 701 du NCPC étant liquidés à la somme de 84,33 euros
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Commerce de LYON, le 25 mai 2005
[minute page 5] Ainsi jugé et prononcé.
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Pour le Président Le Greffier
Monsieur THIBAUT un juge en ayant délibéré Monsieur CARON