CA PARIS (8e ch. sect. A), 12 septembre 1995
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1289
CA PARIS (8e ch. sect. A), 12 septembre 1995 : RG n° 95/13295
Extrait : « Considérant au vu de ces éléments, et ceux relevés par ailleurs par le premier juge, - notamment le fait que la partie du document contractuel contenant les dispositions relatives à l'assurance n'est pas suivie de la signature de l'emprunteur-assuré -, qu'il est suffisamment établi que la SOFI SOVAC a manqué à son devoir de conseil, d'autant plus impérieux que c'est en sa qualité de professionnel averti qu'elle proposait un contrat d'adhésion à un client, simple consommateur ».
COUR D’APPEL DE PARIS
HUITIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 1995
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 95-13295. Sur appel d’un jugement du Tribunal d’instance de Paris (8e ch.) du 25 août 1993 : n° 1208/93. Date de l’ordonnance de clôture : 13 juin 1995.
PARTIES EN CAUSE :
1°) La société SOFI SOVAC SA
[adresse] agissant en la personne de ses représentants légaux, APPELANTE, Représentée par la SCP GIBOU PIGNOT - GRAPPOTTE BENETREAU Avoué Assistée de Maître Théodore CALOYANNI Avocat
2°) Monsieur X.
[adresse] [N.B. le reste de la décision évoque Madame X. décédée en cours d’instance]
3°) Patricia Y. épouse Z.
[adresse]
4°) Corinne Y.
[adresse],
INTERVENANTS VOLONTAIRES, INTIMÉS, Représentés par Maître PAMART Avoué Assistés de M° RICHARD Avocat D. 169
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats : à l'audience publique du 19 juin 1995, M. ANQUETIL, magistrat chargé du rapport, a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés. Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
GREFFIER : Josiane BARBINI
Lors du délibéré : Président : Madame EVEN - Conseillers : Monsieur REMOND, Monsieur ANQUETIL
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement par empêchement du Président, par Monsieur REMOND, Conseiller le plus ancien, ayant délibéré, lequel a signé la minute avec J. BARBINI, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] RAPPEL DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE :
Par jugement contradictoire rendu le 25 août 1993, le Tribunal d'instance de PARIS 8ème a condamné la société SOFI SOVAC à payer à Mme X. à titre de dommages-intérêts la somme de 30.000 Francs, outre celle de 5.000 Francs en application de l'article 700 du NCPC ;
Le premier juge avait été saisi par Mme X. qui avait assigné la société SOFI SOVAC aux fins de dire que cette société avait manqué à son devoir d'information et de conseil à son égard en lui faisant signer, avec son offre préalable d'ouverture de crédit du 20 octobre 1989, une adhésion à un contrat d'assurance sans lui donner les moyens d'être correctement renseignée sur les garanties qu'était susceptible de lui apporter celui-ci ; elle demandait en réparation du non-remboursement des mensualités du prêt échues pendant sa longue maladie, 30.000 Francs de dommages-intérêts, outre 6.000 Francs en application de l'article 700 du NCPC ;
LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR :
C'est de ce jugement que la société SOFI SOVAC est appelante ; elle soutient qu'il suffit de se reporter à l'offre préalable d'ouverture de crédit pour connaître l'étendue exacte des garanties accordées ; qu'il y est indiqué qu'à la première ouverture de crédit ne sont couverts que les risques décès et invalidité absolue et définitive, et qu'à la seconde ouverture de crédit seulement, la garantie du risque arrêt total de travail est ajoutée ; elle soutient encore que l'emprunteur aurait pu, dans les 30 jours du premier prélèvement de la prime, révoquer l'assurance si elle ne lui convenait pas ; elle conclut qu'elle n'a pas manqué à son devoir de conseil, le contrat de prêt étant parfaitement clair, précis et complet quant à la nature et à l'étendue des garanties ; elle demande l'infirmation du jugement et, considérant sa cocontractante de mauvaise foi, demande le débouté de toutes les demandes de celle-ci ;
Madame X., intimée, soutient que le contrat de prêt, contrat d'adhésion pré-rédigé par un professionnel du crédit qui est proposé à la signature du client sans qu'il ait pu en comprendre la portée véritable, n'est pas clair et ne porte pas en lettres apparentes les mentions restrictives essentielles ; elle soutient que la notice relative à l'assurance lui a été remise tardivement, soit 8 jours après la livraison du véhicule financé ; elle rappelle que le devoir d'information doit être rempli avant la signature du contrat, et non après en vue d'une éventuelle rétractation ; elle évalue son préjudice au montant des 37 mensualités qui auraient dues être prises en charge au titre de l'arrêt de travail par maladie, soit [minute page 4] 36.661,82 Francs, ramenés à 35.000 Francs ; elle rappelle qu'elle a payé intégralement les échéances dues, malgré ses difficultés financières dues à sa maladie et qu'elle est donc de bonne foi ; elle sollicite la confirmation du jugement et demande 15.000 Francs au titre de ses frais irrépétibles ;
En réplique, la SOVAC, appelante, reprend ses moyens précédents et précise que, à supposer une confusion possible dans l'esprit de l'emprunteur à la lecture du contrat de prêt, la notice d'information annexe de la première ouverture de crédit, et elle seule, lui ayant été adressée par la suite, l'étendue exacte des garanties souscrites pour cette première ouverture ne pouvait être méconnue ; elle ajoute qu'elle n'avait pas à indiquer les risques non garantis par l'assurance souscrite ; elle conteste également la demande de l'intimée au titre des frais irrépétibles ;
Après décès de Madame X., ses héritiers intervenants volontaires ont repris la procédure, et demandent que leur soit adjugé l'entier bénéfice des conclusions signifiées au nom de leur auteur ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Considérant que le 20 octobre 1989, Madame X. a passé commande d'un véhicule Citroën et a signé le même jour une offre de crédit émanant de la société SOFI SOVAC lui accordant une ouverture de crédit de 35.000 Francs remboursable en 48 mensualités de 990,86 Francs, auquel était adjoint la souscription à un contrat d'assurance-groupe ; qu'il n'est pas contesté qu'une notice d'information sur l'assurance souscrite lui a été adressée plus tard, et en tout cas après livraison du véhicule ; qu'atteinte d'un cancer, dont elle devait décéder en cours de procédure, elle a été placée en longue maladie à compter du 31 octobre 1990 ; qu'ayant demandé la prise en charge par l'assurance du règlement des mensualités du prêt, la SOFI SOVAC lui a notifié le 16 janvier 1991 que l'assurance ne couvrait que le risque décès et invalidité 3ème catégorie ; qu'elle a donc été dans l'obligation de supporter la charge des échéances du prêt malgré sa longue maladie ;
Considérant que le contrat de prêt indiquant les clauses essentielles du contrat d'assurance, Madame X. ne pouvait se plaindre de l'envoi tardif de la notice d'information relative à l'assurance, qui ne faisait que reprendre les dispositions mentionnées au contrat de prêt ;
que par contre, cette notice lui ayant été adressée après la livraison du véhicule et alors même que le contrat de crédit ne pouvait plus être révoqué, la SOFI SOVAC ne peut prétendre que ce document a pu utilement éclairer l'emprunteur-assuré sur l'étendue exacte des garanties souscrites ;
[minute page 5] Considérant que le contrat de prêt apparaît pour le moins peu clair et de compréhension difficile pour un consommateur, lecteur non averti ;
que l'offre de crédit de la banque, sollicitée par l'emprunteur essentiellement pour le financement de l'achat d'un véhicule, se révèle en réalité l'offre de deux ouvertures successives de crédit, l'octroi de la seconde étant d'ailleurs laissée à la seule appréciation du préteur ;
que la lecture du contrat permet de constater notamment :
- un mélange constant des dispositions concernant la première et la seconde ouverture de crédit,
- pour indiquer les risques couverts, l'utilisation d'abréviations (D, DI, ALD), dont la définition est certes précisée, mais qui aboutissent à rendre plus difficile à un non-initié la compréhension des engagements ;
que la présentation du contrat est compacte, sa typographie en lettres de petit format rendant sa lecture incommode ;
Considérant qu'il convient de relever encore qu'aucune disposition claire ne différencie un premier montant global de prime, spécifique à l'ensemble des risques couverts lors de la première ouverture de crédit (réduits et appelant une prime réduite), et un second propre à l'ensemble des risques couverts lors de la seconde ouverture (plus étendus et justifiant une prime plus élevée) ; que dès lors, la prime réglée avec l'échéance du prêt pouvait être considérée comme la contrepartie de l'ensemble des risques indiqués, quelque soit l'ouverture de crédit considérée ;
Considérant au vu de ces éléments, et ceux relevés par ailleurs par le premier juge, - notamment le fait que la partie du document contractuel contenant les dispositions relatives à l'assurance n'est pas suivie de la signature de l'emprunteur-assuré -, qu'il est suffisamment établi que la SOFI SOVAC a manqué à son devoir de conseil, d'autant plus impérieux que c'est en sa qualité de professionnel averti qu'elle proposait un contrat d'adhésion à un client, simple consommateur ;
Considérant que l'évaluation du préjudice subi par madame X., qui demande une somme légèrement inférieure au montant des indemnités d'assurance qu'elle croyait être en droit de recevoir, n'est pas contesté par l'appelante ; que cette évaluation apparaît raisonnable et bien fondée ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la chargé de Madame X. les frais irrépétibles d'appel, à hauteur de 10.000 Francs ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] PAR CES MOTIFS,
et ceux non contraires du premier juge,
Reçoit en leur intervention volontaire Monsieur X., Madame. Y. et Madame C. Y. en qualité d'héritiers de Madame X.,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Condamne en outre la société SOFI SOVAC à payer à Monsieur X., Madame. Y. et Madame C. Y. es-qualité la somme de 10.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Rejette toutes autres demandes des parties ;
Condamne la société SOFI SOVAC aux dépens d'appel dont le montant pourra être recouvré directement par Me PAMART, avoué, dans les conditions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.