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T. COM. CAEN (2e ch. 1re sect.), 6 juillet 2005

Nature : Décision
Titre : T. COM. CAEN (2e ch. 1re sect.), 6 juillet 2005
Pays : France
Juridiction : Caen (TCom)
Demande : 2002/4195
Date : 6/07/2005
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 5/08/2002
Décision antérieure : CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 8 novembre 2007
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1342

T. COM. CAEN (2e ch. 1re sect.), 6 juillet 2005 : RG n° 2002/4195 et n° 2003/1370

(sur appel CA Caen (1re ch. sect. civ. et com.), 8 novembre 2007 : RG n° 05/02821)

 

TRIBUNAL DE COMMERCE DE CAEN

DEUXIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION

JUGEMENT DU 6 JUILLET 2005

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 2002/4195.

DEMANDEURS :

Compagnie GAN ASSURANCES IARD SA,

[adresse],

SARL TSF - Transports SENS FABOS,

[adresse],

M. X.

[adresse],

Représentés par Maître COHEN, avocat à Paris, et pour avocat postulant Maître DELAUNEY, avocat à Caen,

DÉFENDEURS :

Société AGRIAL,

[adresse], représentée par Maître CREANCE, avocat à Caen,

Société LOGISCO,

[adresse], représentée par Maître MORICE, avocat à Caen,

 

R.G. n° 2003/1370

DEMANDEUR :

Société LOGISCO,

[adresse],  représentée par Maître MORICE, avocat à Caen,

DÉFENDEUR :

Société d'Assurances GROUPAMA TRANSPORT,

[adresse], représentée par Maître BRUNEAU de la SALLE, avocat à Caen,

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Jean-Paul DUPUIS, Président Monsieur Francis DAVID, Juge, Monsieur Alain-Pierre VAUTIER, Juge, assistés lors des débats par Madame Eliane LEROY, Commis-Greffier,

A l'audience publique du 11 mai 2005, ont été entendus les conseils des parties,

JUGEMENT PRONONCÉ A L'AUDIENCE PUBLIQUE DU SIX JUILLET DEUX MIL CINQ, par : Monsieur Jean-Paul DUPUIS, Président, Assisté de Madame Eliane LEROY, Commis-Greffier,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Suivant acte en date du 5 août 2002, la Compagnie GAN ASSURANCES IARD, la société TSF et Monsieur X. ont fait assigner les sociétés AGRIAL et LOGISCO à comparaître devant ce Tribunal à l'audience du 9 octobre 2002 afin, vu les dispositions de la LOTI et celles du contrat type général prévu par décret du 6 avril 1999, faire application de la Loi Sécurité et Modernisation du 1er février 1995, faire application des dispositions des articles 1382 à 1384 du Code Civil, faire application des articles L. 132-4 à L.132-6 du Code de Commerce, de déclarer la société AGRIAL et LOGISCO responsables des préjudices corporels et matériels subis du fait du renversement de l'ensemble routier le 9 août 2001, dire et juger les demandeurs recevables et biens fondés en leurs demandes, en conséquence, condamner les sociétés AGRIAL et LOGISCO in solidum ou l'une à défaut de l'autre à payer :

- à la société TSF la somme de 9.834,87 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 9 août 2001 et jusqu'au jour du complet paiement et une indemnité de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du NCPC,

- à la Compagnie GAN la somme de 31.577,01 euros majorée des intérêts aux taux légal à compter du 9 août 2001,

- à Monsieur X. une provision de 2.000 euros,

- désigner un expert,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- condamner les défenderesses aux dépens ;

 

Suivant acte en date du 26 février 2003, la société LOGISCO a fait assigner la société d'assurances GROUPAMA TRANSPORT à comparaître devant ce Tribunal à l'audience du 26 mars 2003 afin, sous toutes réserves de la recevabilité des demandes présentées à titre principal par la Compagnie GAN ASSURANCES IARD, la société TSF et Monsieur X., de dire et juger que la société GROUPAMA TRANSPORT devra garantir la société LOGISCO des conséquences du sinistre pour lequel elle est régulièrement assurée et ce, à hauteur de toute condamnation en principal, intérêts, frais et dépens de l'instance qui pourrait éventuellement intervenir à son encontre, condamner enfin la société GROUPAMA TRANSPORT au paiement d'une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens résultant de sa mise en cause sur la procédure ;

Les affaires mises au rôle ont été appelée respectivement le 9 octobre 2002 et le 26 mars 2002, puis renvoyées successivement à celle du 11 mai 2005, où elles ont été mises en délibéré pour le jugement être rendu à l'audience de ce jour ;

Les affaires étant liées, il convient de joindre les deux instances et de statuer par un seul et même jugement ;

Ce jour, 6 juillet 2005, le Tribunal, vidant son délibéré a rendu le jugement ci-après ;

 

EXPOSÉ DES FAITS

Dans le cadre très général de la collecte des céréales, la société AGRIAL a confié, le 7 août 2001, à la société d'affrètement LOGISCO, le soin d'organiser le transport de déchets de céréales à enlever au départ de Pontorson dans la Manche à destination d'AGRI-POITOU à Avanton en Vendée.

[minute page 3] Le 7 août, la société LOGISCO a envoyé par fax à la Sarl Transports SERIS FABOS, désignée sous le sigle TSF, un contrat de sous-traitance pour 25 tonnes de céréales sur le quel il était précisé :

« PARTICULARITES »

« Collecte céréales »

« Attention charger des déchets de céréales très urgent ».

C'est dans ces conditions que la société TSF a établi une lettre de voiture pour 24,86 tonnes de déchets de maïs. La marchandise transportée ayant été refusée par le destinataire pour défaut de conformité, l'affréteur a donné l'ordre au transporteur de vider le camion à la déchetterie du Val Vert du Clain à Saint Georges.

Lors du déchargement, tracteur et remorque se sont renversés, blessant Monsieur X. le chauffeur et rendant le véhicule hors d'usage.

Par assignation du 5 août 2002, la compagnie GAN assurances, subrogée dans les droits de la société TSF, a fait assigner les sociétés AGRIAL et LOGISCO pour obtenir qu'elles soient rendues responsables des préjudices corporels et matériels, subis tant par le transporteur que son assureur.

Puis, par assignation du 26 février 2003, la société LOGISCO a demandé à son assureur, la société GROUPAMA Transports, de la garantir des conséquences du sinistre.

 

PRÉTENTIONS DE LA SOCIÉTÉ TSF ET  DE LA COMPAGNIE GAN ASSURANCES

La société TSF, représentée par la Compagnie GAN Assurances prétend qu'en application de l'article 7 du décret du 6 avril 1999, le déchargement s'effectue sous la seule responsabilité du propriétaire de la marchandise, le transporteur n'intervenant en aucune façon dans les opérations de chargement ou de déchargement.

Le demandeur soutient que la société AGRIAL, qui connaissait la nature de la marchandise constituée de déchets de maïs gorgés d'eau, devait prévenir le destinataire pour qu'il mette en œuvre un matériel approprié pour le déchargement d'un produit, à l'état défectueux, qui s'est révélé compact lors du déchargement.

La Compagnie GAN demande au Tribunal de retenir la responsabilité d'AGRIAL propriétaire de la marchandise, ou à défaut celle de l'affréteur, la société LOGISCO, qui a demandé au transporteur d'acheminer la marchandise jusqu'à la déchetterie, et de les condamner à la dédommager des préjudices subis.

 

PRÉTENTIONS DE LA SOCIÉTÉ AGRIAL

La société AGRIAL, propriétaire de la marchandise, soutient que l'exécution matérielle et la responsabilité du déchargement de la marchandise incombent au transporteur, lorsque son véhicule comporte des équipements spéciaux mis en œuvre pendant les opérations de déchargement.

Pour la société AGRIAL, l'accident est dû à une erreur de manipulation, commise lors du déchargement, plutôt qu'à une prétendue humidité trop importante, dont la charge de la preuve incombe au demandeur, d'un produit constitué de déchets de maïs que le [minute page 4] préposé de la société TSF présent lors du chargement, a accepté de transporter sans formuler de quelconque réserve.

La société AGRIAL demande au Tribunal de débouter les demandeurs de l'intégralité de leurs demandes et de les condamner solidairement au paiement de la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du NCPC.

 

PRÉTENTIONS DE LA SOCIÉTÉ LOGISCO

La société LOGISCO, à titre principal, donne adjonction aux prétentions de la société AGRIAL, son donneur d'ordre, et à titre subsidiaire demande à être garantie par la société GROUPAMA son assureur en dépit d'une déclaration tardive de sinistre, déclaration qu'elle n'était pas tenue de faire dans la mesure où il n'a pas été constaté d'avarie pour la marchandise transportée.

La société LOGISCO demande la condamnation des demandeurs à lui verser une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du NCPC.

 

PRÉTENTIONS DE GROUPAMA ASSUREUR DE LA SOCIÉTÉ LOGISCO

La compagnie GROUPAMA TRANSPORT demande au Tribunal de déclarer sans objet l'appel en garantie dirigé à son encontre par la Compagnie GAIN, la société TSF et Monsieur X.

La compagnie GROUPAMA TRANSPORT soutient que sa cliente, la société LOGISCO affréteur du véhicule, est garante uniquement de l'arrivée de la marchandise dans le délai fixé par la lettre de voiture et que la responsabilité de sa cliente, limitée aux dommages causés à la marchandise, ne peut être recherchée en raison des dommages causés au véhicule ou à des tiers.

La Compagnie GROUPAMA TRANSPORT demande, en conséquence, la condamnation de la société GAN Assurances au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du NCPC.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION DU TRIBUNAL :

SUR LA RESPONSABILITÉ DES INTERVENANTS :

Attendu que, les dispositions du contrat type applicable aux transports publics de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat spécifique sont ainsi rédigées :

Article 3. Informations et documents à fournir au transporteur :

3.1. - Le donneur d'ordre fournit au transporteur ... dans le cadre des dispositions des articles ... de la loi du … les indications suivantes :

- la nature de la marchandise, le poids brut…

- la spécificité de la marchandise quand cette dernière requiert des dispositions particulières (marchandises dangereuses, denrées périssables, etc.)

3.2. - En outre le donneur d'ordre informe le transporteur des particularités non apparentes de la marchandise et de toutes les données susceptibles d'avoir une incidence sur la bonne exécution du contrat de transport.

[minute page 5] Article 5. Matériel de transport

Le transporteur effectue le transport à l'aide d'un matériel adapté aux marchandises à transporter

Article 7. Chargement, arrimage, déchargement

Les opérations de chargement, de calage d'arrimage d'une part, de déchargement d'autre part, incombent, respectivement au donneur d'ordre ou au destinataire, sauf pour les envois inférieurs à trois tonnes.

La responsabilité des dommages matériels survenus au cours des opérations pèse sur celui qui les exécute.

Le transporteur met en œuvre dans tous les cas les moyens techniques de transfert propres au véhicule. Il est responsable des dommages résultant de leur fait.

 

SUR L'INFORMATION DU TRANSPORTEUR  (article 3 du contrat type) :

Attendu que, dans le contrat de sous-traitance l'affréteur a précisé que, si le transport se faisait au mois d'août dans le cadre de la collecte des céréales, la marchandise transportée était des « déchets de céréales » réputés comme étant des « produits sensibles ou craignant l'humidité » ;

Attendu que la lettre de voiture, émargée par l'expéditeur et le conducteur du véhicule, porte sous la rubrique nature de la marchandise « DÉCHETS MAÏS » ;

Attendu que tant le transporteur que le chauffeur du véhicule étaient parfaitement informés de la nature même de la marchandise et qu'il importe peu que le produit chargé au mois d'août, au moment où le collecteur se préoccupe de nettoyer et libérer ses silos, soit issu de blé ou de maïs ;

 

SUR LE DÉCHARGEMENT DE LA MARCHANDISE  (article 7 du contrat type) :

Attendu que le transport de tels produits, provenant du nettoyage des silos à céréales, est une opération courante et que les bennes céréalières, qui se vident par l'arrière sont adaptées au transport de ce type de marchandises : céréales, déchets de céréales ou issues de céréales ;

Attendu qu'au moment de la levée de la benne, le centre de gravité du chargement décrit un arc de cercle autour du pivot de la benne ce qui a pour effet de charger l'essieu arrière de la remorque, d'augmenter la hauteur du centre de gravité au-dessus du sol et de diminuer la stabilité de l'ensemble constitué du tracteur et de sa remorque ;

Attendu que l'angle du talus d'éboulement de pulvérulents, grains ou déchets de grains, varie en fonction de l'humidité du produit, de sa densité et de son tassement, ce qui, pour des produits humides ou compactés par le transport, peut rendre nécessaire une levée importante de la benne pour entraîner l'éboulement du produit ;

Attendu que le transporteur ne produit aucune analyse de la teneur en eau de la marchandise, déversée à même le sol, qui justifierait son allégation de déchets de maïs gorgés d'eau, alors que leur chargement s'est effectué sans difficulté apparente, et que le temps écoulé depuis la récolte du maïs permet d'estimer que l'humidité, sans doute élevée des déchets chargés, se situait néanmoins à l'intérieur des normes admissibles ;

[minute page 6] Attendu que l'opération de déchargement ne nécessite aucune intervention manuelle mais fait appel uniquement à la mise en œuvre des moyens techniques de transfert propres au véhicule, dont la manœuvre se fait par le truchement de leviers situés dans la cabine même du tracteur ;

Attendu que le chauffeur du véhicule, seul habilité à effectuer cette manœuvre, devait prendre toutes dispositions utiles, et s'assurer, tant de l'horizontalité du sol que de sa résistance, quand il a placé son véhicule au point de déchargement ;

Attendu que la société TSF est seule responsable des dommages survenus au cours de la mise en œuvre des moyens techniques de transfert propres au véhicule ;

 

ARTICLE 700 DU NCPC :

Attendu que les sociétés AGRIAL, LOGISCO et GROUPAMA TRANSPORT ont, chacune en ce qui la concerne, dû exposer pour se défendre des frais non compris dans les dépens et qu'il est équitable d'allouer à chacune d'elle une somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du NCPC ;

 

DÉPENS :

Attendu qu'il convient de mettre la charge des dépens à la Compagnie GAN qui succombe ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort ;

Joignant les deux instances et statuant par un seul et même jugement,

Donne acte à Monsieur X. de son désistement d'instance à l'encontre des sociétés AGRIAL et LOGISCO ;

Déboute la société TSF et la Compagnie GAN de l'ensemble de leurs demandes

Condamne la société TSF et la Compagnie GAN solidairement à verser, au titre de l'article 700 du NCPC, une somme de 1.200 euros à chacune des sociétés défenderesses, à savoir la société AGRIAL, la société LOGISCO, et la compagnie GROUPAMA TRANSPORT;

Condamne la Compagnie GAN au paiement des entiers dépens ;

Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.

Le Greffier,                  Le Président,

Eliane LEROY Jean-Paul DUPUIS