TI BOBIGNY, 7 novembre 2006
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1364
TI BOBIGNY, 7 novembre 2006 : RG n° 11-06-000387 ; jugement n° 1177
(sur appel CA Paris (6e ch. B), 26 juin 2008 : RG n° 07/00822 ; arrêt n° 262)
Extrait : « Ils font valoir qu'après la signature du contrat, Monsieur A. s'est aperçu que le bail, régi par l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, était plutôt calqué sur le modèle d'un bail commercial, ce qui contrariait fortement ce que les parties avaient convenu, que la bailleresse s'est donc engagée à faire parvenir aux parties une convention conforme à l'accord initial, mais qu'elle n'a cependant pas modifié les mentions essentielles du bail. […] A titre liminaire, il convient de préciser qu'en vertu de l'article 1134 du Code civil, le contrat de bail versé aux débats, signé par Monsieur A., fait la loi des parties. Les défendeurs ne sauraient donc en contester certaines de ses clauses, au motif prétendu qu'elles seraient contraires à un engagement verbal conclu antérieurement entre les parties. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE BOBIGNY
JUGEMENT DU 7 NOVEMBRE 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-06-000387. Minute n° 1177. A l'audience publique du Tribunal d'Instance de Bobigny, tenue le 7 novembre 2006 ; Sous la Présidence de M. VANZO Alain, Juge d'Instance, assisté de Mme ROMEU Laure, Greffier ; Après débats à l'audience du 3 octobre 2006, le jugement suivant a été rendu ;
ENTRE :
DEMANDEUR(S) :
SCI 171 AVENUE X.
[adresse], représenté(e) par SCP CLOIX & MENDES-GIL, avocat du barreau de Paris
ET :
DÉFENDEUR(S) :
Monsieur A.
[adresse], représenté(e) par Maître TSIKA-KAYA Jean Rigobert, avocat du barreau de Seine Saint Denis
Madame A. née B.
[adresse], représenté(e) par Maître TSIKA-KAYA Jean Rigobert, avocat du barreau de Seine Saint Denis
Monsieur C.
[adresse], représenté(e) par Maître TSIKA-KAYA Jean Rigobert, avocat du barreau de Seine Saint Denis
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant acte sous seing privé du 26 février 2003, la SCI 171 avenue X. a donné à bail à Monsieur A., pour une durée de six années, un local à usage professionnel sis 171, avenue X. à [ville D.], moyennant un loyer annuel hors charges et hors TVA de 6.408 Euros, payable trimestriellement.
Par conventions du même jour, Madame B. et Monsieur C. se sont portés cautions solidaires du paiement, notamment, des loyers et charges dus par le locataire, des indemnités d'occupation éventuelles, ainsi que des « pénalités, des intérêts, de la clause pénale, de toutes indemnités en cas de rupture de bail, des éventuels frais de procédure et de dépens ».
Par lettre recommandée datée du 21 décembre 2005, Monsieur A. a donné congé à la bailleresse pour le 30 juin 2006.
Suivant acte d'huissier du 31 mars 2006, la SCI 171 avenue X. a fait assigner Monsieur A., Madame B. et Monsieur C. devant ce tribunal.
A l'audience, elle sollicite la condamnation solidaire des défendeurs, sous exécution provisoire, au paiement d'une somme de 5.752,03 Euros, représentant un arriéré de loyers et charges arrêté au 3ème trimestre 2006 inclus, outre une indemnité de 2.000 Euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle demande également au tribunal :
- de dire que les sommes dues seront majorées de 10 % et assorties des intérêts au taux conventionnel de 15 % l'an à compter de leur date d'exigibilité, en vertu de l'article 7 du contrat de location ;
* d'ordonner la capitalisation de ces intérêts à compter de l'assignation ;
* de constater l'acquisition de la clause pénale stipulée au bail l'autorisant à conserver le dépôt de garantie.
Les défendeurs concluent au rejet de ces demandes et, reconventionnellement, sollicitent la condamnation de la SCI 171 avenue X. au paiement des sommes suivantes :
* 1.166,65 Euros, au titre d'un indu de TVA ;
* 1.464,49 Euros, au titre de « majorations forfaitaires » également indues ;
* 1.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Ils font valoir qu'après la signature du contrat, Monsieur A. s'est aperçu que le bail, régi par l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, était plutôt calqué sur le modèle d'un bail commercial, ce qui contrariait fortement ce que les parties avaient convenu, que la bailleresse s'est donc engagée à faire parvenir aux parties une convention conforme à l'accord initial, mais qu'elle n'a cependant pas modifié les mentions essentielles du bail.
Ils ajoutent qu'elle a ainsi perçu la TVA sur le loyer, ce qui n'avait pas été convenu initialement, puis a remplacé cette taxation par une « majoration forfaitaire », qui n'est pas [minute page 3] davantage justifiée au regard des dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986.
Ils prétendent par ailleurs que le locataire a libéré le local et a tenté à maintes reprises de remettre les clefs et d'effectuer l'état des lieux de sortie, mais que, se heurtant aux manœuvres dilatoires de la propriétaire, il a dû lui adresser lesdites clefs par lettre recommandée. Ils précisent qu'il ne se trouve plus dans les lieux que quelques cartons.
La SCI 171 avenue X. réplique qu'a l'exception de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, les dispositions du Code civil ont vocation à s'appliquer à un bail professionnel et que les parties peuvent soumettre leur convention à un statut particulier ; que le bail a été en l'espèce librement négocié, que ses termes sont clairs et précis et que, s'il fut question entre les parties de quelques modifications, ce fin antérieurement à sa conclusion.
Elle ajoute que l'article 14 du bail prévoit la prise en charge de la TVA par le preneur mais qu'il a par la suite été convenu, à la demande de Monsieur A., du remplacement de cette taxation par le paiement de la taxe additionnelle.
Elle soutient par ailleurs que le locataire ne s'est jamais rendu disponible pour restituer les locaux dans les conditions prévues par l'article 28 du bail. Elle précise à cet égard qu'un rendez-vous a été fixé pour le 26 septembre 2006, mais qu'il a été reporté au 3 octobre 2006, Monsieur A. ayant sollicité un délai supplémentaire pour déménager tout le mobilier. Elle précise que le fait d'adresser les clés par courrier recommandé n'équivaut pas à la restitution des locaux, d'autant que le preneur n'a pas vidé les lieux.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A titre liminaire, il convient de préciser qu'en vertu de l'article 1134 du Code civil, le contrat de bail versé aux débats, signé par Monsieur A., fait la loi des parties.
Les défendeurs ne sauraient donc en contester certaines de ses clauses, au motif prétendu qu'elles seraient contraires à un engagement verbal conclu antérieurement entre les parties.
Sur la demande en paiement d'un arriéré locatif :
Par suite du congé délivré par Monsieur A., le bail s'est trouvé résilié le 30 juin 2006, à l'expiration du délai de préavis de six mois prévu par l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 et par l'article 28 du contrat.
Après la résiliation du bail, le preneur demeure redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux, laquelle est matérialisée par la restitution des clés au propriétaire et l'enlèvement complet des meubles.
Or, le 26 septembre 2006, Monsieur A. a signé un projet d'état des lieux de sortie comportant la mention suivante : « état des lieux reporté au 3 octobre 2006 dans la matinée, le déménagement n'a pas été fait complètement ». Il a de plus reconnu à l'audience du 3 octobre 2006 que des cartons lui appartenant se trouvaient encore dans le local.
En conséquence, la propriétaire est en droit d'exiger le règlement d'indemnités d'occupation (qui seront fixées au montant du loyer et des charges courants) au moins jusqu'au 30 septembre 2006.
[minute page 4] Au soutien de sa demande, la SCI 171 avenue X. produit un décompte locatif, aux termes duquel la somme due trimestriellement par le locataire se décompose en un loyer hors taxes, une provision sur charges, une « taxe additionnelle » et des frais de correspondance.
Si l'obligation de paiement du loyer et de la provision sur charges ne sont pas contestables, il n'en est pas de même de la « taxe additionnelle » : d'une part, en effet, la bailleresse ne fournit aucune explication sur cette taxe ; d'autre part, à supposer qu'il s'agisse de la contribution annuelle prévue par l'article 234 nonies du Code général des impôts, elle ne peut en réclamer le remboursement à Monsieur A., puisque l'article 14 du contrat stipule que le bailleur ayant opté pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, par préférence à la contribution annuelle sur les revenus locatifs, le preneur s'engage à en rembourser le montant au bailleur, et que la demanderesse ne démontre pas l'exactitude de son affirmation, selon laquelle les parties auraient convenu de substituer le paiement de l'une à l'autre durant le cours du bail.
De même, elle ne saurait exiger des frais de correspondance, qui ne sont pas contractuels.
Par ailleurs, la bailleresse réclame le remboursement des taxes foncières des années 2004 et 2005, mais ne justifie pas de sa créance par la production des avis d'imposition correspondants, ainsi qu'un « rappel de révision de loyer » de 576,33 Euros, sans la moindre explication sur son mode de calcul.
Elle sollicite également un « complément DG » et une « majoration forfaitaire », sur lesquels elle ne s'explique pas davantage et dont le tribunal ne sait de quoi il s'agit (étant rappelé qu'elle demande par ailleurs que la dette soit majorée forfaitairement de 10 % des sommes dues, en application de l'article 7 du contrat).
En conséquence, Monsieur A. doit être déclaré redevable des seuls loyers et charges réclamés qui, compte tenu de l'indexation conventionnelle, s'élèvent aux sommes suivantes :
* 1.762,20 Euros pour chacun des trois premiers trimestres de l'année 2005 ;
* 1.915,83 Euros pour le 4ème trimestre de l'année 2005 et les trois premiers trimestres de l'année 2006,
soit 12.949,92 Euros au total.
Il convient de déduire de cette somme les versements perçus par la bailleresse depuis mai 2005, d'un montant total de 10.750,40 Euros, étant précisé que les débiteurs ne justifient d'aucun autre règlement.
Aussi les défendeurs seront-ils condamnés solidairement au paiement d'une somme de 2.199,52 Euros en principal.
Conformément à l'article 7 du contrat de location, selon lequel tout loyer non payé à échéance produira, par application de l'article 1155 du Code civil, intérêt au taux de 15 % l'an à compter de la date d'exigibilité, indépendamment de toute demande en justice ou mise en demeure, cette somme sera assortie des intérêts au taux de 15 % l'an à compter de la date d'exigibilité de chaque trimestrialité,
[minute page 5] En vertu de l'article 1154 du Code civil, les intérêts échus à compter de l'assignation seront eux-mêmes productifs d'intérêts au taux de 15 % l'an s'ils sont dus au moins pour une année entière.
Sur les demandes formées au titre des clauses pénales :
Les demandes de la SCI 171 avenue X. tendant à « dire que les sommes dues seront majorées de 10 % » et à « constater l'acquisition de la clause pénale » doivent être requalifiées en demandes de condamnation à paiement.
D'une part, l'article 7 du bail prévoit qu'en cas de non-paiement à échéance du loyer dû par les preneurs ou de toute autre somme due en vertu du bail et qui n'aurait pas été réglée dans les délais requis, le bailleur percevra de plein droit une majoration forfaitaire de 10 % du loyer échu et impayé.
La SCI propriétaire est donc fondée à obtenir de ce chef la condamnation des défendeurs au paiement d'une somme de 219,95 Euros.
D'autre part, l'article 11 stipule que le dépôt de garantie sera acquis de plein droit au bailleur, en cas notamment d'infraction régulièrement constatée aux conditions du bail.
Eu égard aux stipulations de l'article 7, qui prévoient la majoration de 10 % de toute somme due au bailleur et la perception d'intérêts à un taux très supérieur au taux légal, cette peine apparaît manifestement excessive et doit donc être réduite à 1 Euro, en application de l'article 1152 du Code civil.
Sur les demandes reconventionnelles :
Aux termes de l'article 1235 du Code civil, tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition, étant précisé qu'il appartient au demandeur en restitution des sommes qu'il prétend avoir indûment payées de prouver le caractère indu du paiement.
Monsieur A. invoque l'existence de deux indus : l'un de TVA et l'autre de « majorations forfaitaires ».
Or, de première part, le contrat autorisait la bailleresse à récupérer sur son locataire la TVA qu'elle devait acquitter auprès de l'administration fiscale.
Monsieur A. n'est donc pas fondé à obtenir la répétition des sommes qu'il a versées à ce titre, étant précisé qu'il n'établit pas, ni même n'allègue, avoir payé à sa bailleresse plus que ce dont elle était elle-même redevable.
De seconde part, Monsieur A. justifie, par la production de quittances, avoir réglé les « majorations forfaitaires » suivantes : 179,40 Euros pour la période du 1er janvier au 31 mars 2004, puis 180,37 Euros pour les 2ème 3ème et 4ème trimestres de l'année 2004, les autres sommes dont les défendeurs réclament le remboursement n'étant mentionnées que sur des [minute page 6] avis d'échéance, de sorte que leur paiement n'est pas prouvé.
La bailleresse n'a pas jugé utile de fournir une quelconque explication sur ces « majorations forfaitaires ». Le tribunal constatant qu'elles sont égales à 10 % du montant des loyers et charges trimestriels et que Monsieur A. s'est acquitté parallèlement de la « taxe additionnelle », il en déduit qu'il ne s'agit pas d'une taxe qui se serait substituée à la TVA, comme l'affirment les défendeurs, mais de la majoration forfaitaire prévue par l'article 7 du contrat de location.
Or, il ressort des lettres de mise en demeure versées aux débats, dont les termes ne sont pas contestés, que le locataire réglait déjà ses loyers et charges avec retard en 2004, de sorte que la bailleresse était en droit de majorer sa dette locative comme elle l'a fait.
Monsieur A., Madame B. et Monsieur C. seront donc déboutés de leurs demandes reconventionnelles.
Sur les demandes accessoires :
Le caractère incontestable de la dette locative commande le prononcé de l'exécution provisoire, afin de prévenir toute manœuvre dilatoire.
Parties perdantes, les défendeurs doivent être déboutés de leur demande pour frais irrépétibles et condamnés aux dépens, étant précisé que la demande de distraction formée par le conseil de la SCI 171 avenue X. ne saurait prospérer, dès lors que l'article 699 du nouveau Code de procédure civile réserve le bénéfice de la distraction des dépens aux matières où le ministère d'avocat est obligatoire, ce qui n'est pas le cas devant le tribunal d'instance.
Pour obtenir un titre, la SCI 171 avenue X. a dû engager des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge. Aussi les défendeurs devront-t-ils lui régler une indemnité de 700 Euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
- condamne solidairement Monsieur A., Madame B. et Monsieur C. à payer à la SCI 171 avenue X. les sommes suivantes
* 2.199,52 Euros, avec intérêts au taux de 15 % l'an à compter de la date d'exigibilité de chaque trimestrialité ;
* 219,95 Euros ;
* 1 Euro ;
- [minute page 7] dit que les intérêts échus depuis la délivrance de l'assignation sur la somme de 2.199,52 Euros et dus au moins pour une année entière seront eux-mêmes productifs d'intérêts au taux de 15 % l'an ;
- condamne Monsieur A., Madame B. et Monsieur C. à payer à la SCI 171 avenue X. une indemnité de 700 Euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;
- déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- condamne Monsieur A., Madame B. et Monsieur C. aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT